À Madagascar, tout peut devenir bleu
En langue malgache, l’adjectif manga désigne aussi bien la couleur bleue que « délicieux » et, au sens figuré, la qualité morale d’être « grand », « admirable » voire « royal » et, par conséquent aussi, « célèbre ». Sont ainsi qualifiés de manga les personnages de référence dans l’Histoire, les individus qui, pour diverses raisons, comptent dans la société ou des objets symbolisant des valeurs respectées mais aussi, plus curieusement, un jour, un zébu ou des citrons.
La traduction en français de cet usage commun donne lieu à des effets curieux qui pourraient passer auprès du lectorat francophone pour des références aux courants poétiques modernes alors qu’à notre sens l’usage de l’adjectif inscrit les textes francophones dans une filiation étroite avec la poésie, au statut patrimonial, et de manière plus générale dans la culture malgache. Cette contribution analyse cette double filiation et l’ambiguïté dans la réception qu’elle génère pour montrer qu’elle n’est qu’un des exemples de l’encodage culturel des littératures francophones. Elle s'appuie sur les textes poétiques écrits en français de Jean-Joseph Rabearivelo, Flavien Ranaivo, Maurice Ramarozaka, Vololona Picard et Esther Nirina et fait référence aux textes en malgache aussi bien historiques (Rabary) que poétiques (les hain-teny et Rado).

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