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La Féminisation du métier de véterinaire (Edul, 2025) Show/hide cover

Conclusion

Notre recherche longitudinale auprès de 29 étudiantes et de 19 étudiants vétérinaires de la promotion 2014‑2019 à l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT), pendant leurs cinq années de formation, a permis de mettre en évidence les divers processus qui amènent les femmes et les hommes à avoir des modes d’exercices différents de la profession vétérinaire en examinant la construction et l’évolution de leurs représentations socioprofessionnelles, notamment au regard de leurs choix de spécialité et d’exercice de la profession, en fonction des attendus par rapport à l’exercice de la profession par les femmes et les hommes et des rôles sociaux de ces dernières et de ces derniers dans notre société.

Malgré la forte féminisation de la profession vétérinaire, ces 30 dernières années, celle-ci conserve encore une image prototypique masculine pour certaines modalités d’exercice et spécialisations comme c’est le cas d’autres professions où les femmes sont devenues majoritaires en quelques dizaines d’années. Ceci montre, une fois de plus, qu’il ne suffit pas qu’une profession devienne majoritairement investie par des femmes pour que celles-ci l’exercent comme les hommes.

Les femmes ont été longtemps tenues responsables de la baisse des vétérinaires auprès des animaux de production, contribuant ainsi aux déserts vétérinaires en milieu rural. Or, les jeunes professionnels ont tendance, depuis quelques années, à se tourner de plus en plus vers le soin aux animaux de compagnie et les jeunes professionnelles à choisir l’exercice auprès des animaux de rente même si l’exercice prédominant de ces derniers n’est sans doute pas partagé dans des parts proches entre les femmes et les hommes.

Nous pouvons être optimistes et penser que, comme les femmes vont être de plus en plus nombreuses proportionnellement aux hommes dans les années à venir, car le nombre de vétérinaires masculins spécialisés en animaux de rente quittant la profession est plus élevé que celui des entrants et, à l’inverse, le nombre d’entrantes est supérieur à celui des sortantes, les femmes vétérinaires ne pourront plus être mises à l’écart par les hommes vétérinaires et les éleveurs et éleveuses. Qui plus est, les étudiantes auront plus de modèles de femmes vétérinaires exerçant auprès des gros animaux, ce qui leur permettra de dépasser le stéréotype de leur manque supposé de force et d’endurance physique.

Par ailleurs, des étudiantes et des jeunes femmes vétérinaires ont conscience du sexisme dans les écoles et dans la profession, et des inégalités entre femmes et hommes dans l’exercice de cette dernière. Le Collectif vétérinaire féministe, les associations féministes des quatre écoles et des articles dans la presse professionnelle permettent de faire réfléchir les étudiants et les étudiantes, ainsi que les vétérinaires, femmes et hommes, sur la nécessité d’une pratique vétérinaire plus égalitaire entre les femmes et les hommes, bénéfique pour l’ensemble de la profession.

Les écoles vétérinaires pourraient aussi contribuer à faire évoluer les représentations sociales personnelles et collectives des étudiantes et des étudiants en les faisant réfléchir tout au long de leur formation sur les rôles sociaux imprégnés de stéréotypes attachés aux femmes et aux hommes, pour leur permettre des choix professionnels moins contraints.

En effet, il ne suffit, sans doute, pas de recruter des candidats et des candidates exposant un souhait d’exercer auprès des animaux de rente lors de l’entretien individuel aux concours et/ou provenant de milieux ruraux pour résoudre le problème du manque de vétérinaires auprès des animaux de production. Tant que l’image masculine de la profession, notamment pour l’exercice auprès des animaux de production, sera présente dans les écoles et diffusée via la socialisation des étudiants et des étudiantes entre eux et elles, par les enseignants-chercheurs et les enseignantes-chercheuses et dans les stages en milieu rural, ces candidats et candidates risquent de ne pas persévérer dans leur choix d’exercice auprès des animaux de rente. Notre recherche a justement montré qu’après leur premier stage en milieu rural en première année, un nombre important d’étudiantes et étudiants déclaraient être intéressés par l’exercice auprès des animaux de production et qu’en fin de formation, ce nombre avait fortement diminué au profit de l’exercice auprès des animaux domestiques.

Il serait opportun de mener une recherche sur les choix des étudiantes et des étudiants ayant exposé un projet professionnel orienté vers l’exercice auprès des animaux de rente lors de leur entretien individuel aux concours pour constater si ces dernières et ces derniers, à la fin de leur formation initiale, maintiennent le projet professionnel énoncé à l’entretien de sélection.