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La Féminisation du métier de véterinaire (Edul, 2025) Show/hide cover

Chapitre 11

Projets de spécialité en cinquième année et d’activité professionnelle après la sortie de l’école : du rêve à la réalité

La troisième année1 était globalement divisée en deux temps de formation. Le premier était constitué de cours théoriques « animaux de compagnie, équidés » et « productions animales/santé publique vétérinaire », accompagnés de travaux dirigés (TD) et de travaux pratiques (TP), et l’autre de rotations pratiques dans les cinq cliniques du Centre hospitalier universitaire vétérinaire de l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT) : clinique des animaux de compagnie, clinique des équidés, clinique des nouveaux animaux de compagnie (NAC) et de la faune sauvage, clinique des ruminants et clinique des élevages avicoles et porcins. Pour la formation en clinique « animaux de compagnie », les étudiants et les étudiantes passaient une semaine dans tous les services tels que l’accueil des patients, l’imagerie, la médecine interne, la chirurgie de convenance, la reproduction, l’anesthésie, la dermatologie, l’ophtalmologie, l’alimentation/nutrition… La formation en clinique « animaux de rente » comportait les hôpitaux de ruminants, les autopsies, l’hygiène des aliments, les visites d’élevage…

Dans ce chapitre, nous examinons les activités projetées par les étudiants et les étudiantes en fin de troisième année et à leur sortie de l’école. Leurs expériences dans les différentes cliniques du Centre hospitalier universitaire vétérinaire de l’ENVT et dans les différents stages facultatifs effectués dans des cliniques privées leur ont permis d’affiner leurs projets professionnels. Nous comparons leurs projets exprimés en première année après leurs stages en milieu rural et ceux indiqués en fin de troisième année pour connaître les évolutions potentielles et les raisons y afférentes. Par ailleurs, nous étudions leurs projets de spécialité pour la cinquième année2 qui permet aux étudiants et étudiantes d’approfondir leurs connaissances dans une de ces dominantes : clinique des animaux de compagnie3, clinique des animaux de production, clinique des équidés/santé publique vétérinaire, recherche/industrie. Enfin, nous examinons les projets, ou l’absence de projets, de poursuite de formation en internat.

Évolution des projets et représentations entre la première et la troisième année de formation

Concernant tout d’abord les projets d’activités à la sortie de l’école, nous relevons quatre profils d’étudiants et d’étudiantes :

  • ceux et celles qui n’ont pas changé de projet entre leur première et leur troisième année de formation ;
  • ceux et celles qui avaient un projet d’activité mixte « animaux de compagnie » et « animaux de rente » sans précision de dominante en première année et qui en ont exprimé une en troisième année ;
  • ceux et celles qui n’avaient pas de projet précis en première année et qui en ont un en troisième année ;
  • ceux et celles qui ont affiné leurs projets de première année ou qui ont complètement changé de projet en troisième année.

Le groupe des étudiants et des étudiantes n’ayant pas changé de projet entre la première et la troisième année est restreint et composé essentiellement de garçons. Leurs projets ont été confirmés par leurs passages aux hôpitaux de bovins ou en clinique « NAC » ou, pour l’un d’entre eux, par son stage de recherche effectué en fin de deuxième année.

Les étudiants souhaitant toujours exercer l’activité mixte avec une prédominance « animaux de rente » étaient motivés par la médecine de population en comparaison à la médecine individuelle, comme le raconte Corentin :

Ce qui est génial dans la bovine, c’est qu’en plus de soigner les animaux, on aide vraiment économiquement et socialement des gens. Ce qui fait que, je trouve, qu’on se sent beaucoup mieux que juste quand on soigne le chien de quelqu’un. J’aime bien l’aspect économique des choses. En bovine, ce qui m’intéresse le plus, c’est une médecine de population, c’est trouver le meilleur moyen, le moins cher possible, pour que l’éleveur et le véto s’y retrouvent, cet aspect « gestion d’entreprise », économique, social. [Corentin]

Ceux et celle ayant maintenu leur objectif d’activité mixte « animaux de compagnie » et « animaux de rente » sans prédominance n’avaient pas tranché, car les deux activités leur plaisaient, comme l’explique Clément : « En canine, ce qui est bien, c’est qu’on peut approfondir les choses, aller jusqu’au bout du diagnostic, mais j’adore aussi parler aux éleveurs, être avec eux, j’ai toujours été dans ce milieu par la ferme de mon grand-père ».

Un seul étudiant souhaitait encore se tourner vers la recherche pour devenir à terme enseignant-chercheur à l’ENVT. Il avait déjà anticipé cette orientation en ayant démarré, en deuxième année, un master 1 à l’université, en parallèle de ses études à l’ENVT, qu’il a validé en troisième année. Au lieu de faire une spécialité à l’école en cinquième année, il projetait de suivre un master 2 « recherche » pour ensuite écrire une thèse universitaire.

Dans le groupe, également réduit, des étudiants et des étudiantes qui avaient mentionné un projet d’activité mixte « animaux de compagnie » et « animaux de production » sans prédominance en première année, tous et toutes se projetaient finalement en troisième année dans une dominante « animaux de production », après avoir comparé les activités dans les hôpitaux bovins et les cliniques « animaux de compagnie ». Les deux principales motivations pour l’activité « animaux de rente » étaient de « sortir de la clinique » en allant dans les élevages, et la relation plus appréciée avec les éleveurs qu’avec les propriétaires des animaux de compagnie, comme en témoigne Maude :

Je trouve que le contact avec les éleveurs est parfois plus facile qu’avec les propriétaires qui sont parfois vraiment très désagréables, c’est un peu difficile de travailler avec eux parfois. Alors qu’avec les éleveurs, ils sont quand même plus conciliants et ils font plus confiance en ce qu’on dit. Et puis ils s’y connaissent un peu plus, alors que les proprios, ils essayent de bien faire, mais du coup ils font plus de bêtises qu’autre chose.

L’approche des animaux apparaissait plus simple avec les éleveurs qu’avec les propriétaires pour Renaud : « En bovine c’est vraiment, en fait, beaucoup plus cru aussi dans les termes. Pareil, au niveau de l’animal, si la vache ne bouge pas, on peut lui foutre un coup sur la croupe, elle ne dira rien. On ne va pas faire ça à un chien bien sûr… Devant le propriétaire ! C’est pour ça que je veux faire plutôt de la bovine ». Pour autant, ces étudiants et ces étudiantes souhaitaient exercer aussi auprès des animaux de compagnie pour diversifier leurs activités, comme l’explique Marie : « Ça me plaît bien de faire les deux. En bovine, j’aime pas faire tout le temps la même chose, et en canine, ça m’intéresse moins mais ça m’intéresse aussi. Moi, j’ai besoin d’être dehors. Et la relation avec les éleveurs n’est pas du tout la même qu’avec les clients en canine. C’est un tout, c’est les animaux, la relation avec les clients qui est différente, et le fait d’être dehors ».

Renaud avait une réflexion prudente pour son avenir : « Je veux faire plutôt de la bovine, mais je refuse de me restreindre à ça parce qu’il faut quand même avoir des connaissances solides en canine parce que je sais que le 100 % bovine, ça n’a pas trop d’avenir. Vaut mieux comme ça avoir de la mixte ».

Ces deux premiers groupes représentent environ un quart de l’ensemble des étudiants et des étudiantes.

La plupart des étudiants et des étudiantes (environ un quart de notre échantillon) qui n’avaient pas de projet précis en première année en avaient un en troisième année, à la suite de leur passage dans les différentes cliniques de l’école. Tous ces projets concernaient l’exercice auprès des animaux de compagnie, en exclusivité ou en activité mixte (NAC ou animaux de rente). L’attrait pour les animaux de compagnie était expliqué par leur intérêt pour une médecine plus poussée qu’auprès des animaux de production, comme le relate Amélie : « On peut faire plus de choses en canine, genre la chirurgie, même si j’aspire pas à faire des grandes chirurgies, mais ça me plaît bien de faire ça, j’aime bien la dermato aussi ». Flora explique également :

On soigne pas toujours les animaux de rente parce que ça coûte trop cher, c’est vrai qu’en canine, ça existe aussi, mais c’est moins souvent, c’est difficile, je pense, de se dire que c’est un animal qu’on pourrait soigner facilement, mais qu’on ne peut pas parce que ça coûte trop d’argent. Ils valent moins chers qu’ils ne coûtent ; ce qui me plaît en canine, c’est la possibilité de pousser les examens beaucoup plus loin, donc ça ressemble plus à de l’humain entre guillemets en canine. On utilise des machines et puis ça évolue tout le temps.

D’autres raisons étaient également avancées : la relation plus appréciée avec les propriétaires, la difficulté physique de la pratique auprès des bovins et le machisme des éleveurs : « En canine, c’est relativement confortable, c’est pas physique comme métier, et en rurale, c’est physique car ce sont des animaux qui pèsent et puis c’est un milieu qui est encore très macho même si ça change beaucoup » (Laëtitia).

Ceux et celles souhaitant se tourner vers une activité mixte expliquent qu’ils et elles désirent pratiquer les deux, car aucune des deux ne les satisferait en exclusivité, à l’image de Johanna : « Je m’intéresse à la bovine, mais pas à 100 %, je voudrais faire de la canine aussi. Les deux en fait ».

Dans ce groupe, deux étudiants n’avaient pas encore un projet précis, car ils recherchaient une activité avec peu de contraintes horaires et un bon salaire, comme l’explique Arthur :

Le salaire, c’est important, car le travail, c’est vraiment énorme en termes d’efforts, donc le but c’est de pouvoir vivre bien, on m’a dit que côté salaire, le mieux c’est de faire véto “porcs et volailles”, mais ça m’intéresse pas, ce qui m’intéresse le plus, c’est l’inspection et être là juste vis-à-vis du personnel d’abattoir, mais ce qui m’embête, c’est de passer le concours parce que ça va encore me mettre la pression.

Alban raconte également : « Je vais faire un stage sans doute en volaille pour voir comment ça se passe, c’est bien payé, c’est le métier qui m’intéresse parce que c’est de la médecine de population, il n’y a pas de garde le week-end et tout ça… C’est important aussi. Si ça ne me plaît pas, j’ai pas d’autre idée, je me dis que j’ai encore un petit peu de temps ».

Une étudiante n’était pas dans le même cas que les deux étudiants précédents. À la suite des rotations dans les différentes cliniques, elle s’est rendu compte que, finalement, elle n’était pas intéressée par l’exercice de la médecine individuelle ou collective. Elle se demandait ce qui l’intéresserait en définitive.

Deux étudiantes hésitaient encore. L’une d’entre elles était intéressée par presque toutes les activités : « À part les NAC et l’équine, j’envisage tout, que ce soit chiens-chats, bovine, aviaire-porc ; aviaire-porc, ça apporte un confort de vie, pas d’urgence, ça paye bien, c’est pour ça que je parle de confort, je ferais pas ça que pour l’argent, si ça m’intéresse pas plus que ça, j’ai pas envie de passer ma vie à faire un métier que j’aime pas, ce sera pas l’argent qui primera » (Pauline). L’autre étudiante n’arrivait pas à choisir entre la pratique auprès des animaux de compagnie et celle auprès des équidés : « Je sais même pas si je veux faire un peu d’équine et un peu de canine ou que de la canine spécialisée en urgence ou chirurgie ou faire que de l’équine » (Rosa).

Le dernier groupe est le plus important puisqu’il représente presque la moitié de l’ensemble des étudiants et étudiantes. Toutefois, ce groupe n’est pas homogène et peut être divisé en trois sous-groupes.

Le premier est constitué de l’étudiante et de l’étudiant qui souhaitaient se tourner vers la recherche et qui, après leur stage en deuxième année, se sont rendu compte que cette voie ne leur convenait pas. L’étudiante souhaitait finalement se diriger vers une pratique canine, car la bovine ne la tentait pas : « Physiquement, pour moi, c’est dur, et en plus, c’est violent pour la vache, de faire des fouilles par exemple, j’ai peur de lui faire mal, quand on doit lui faire une piqûre, on a des grosses aiguilles, car sa peau est hyper épaisse, donc si on veut planter l’aiguille, il faut pas hésiter, il faut taper fort » (Amandine). L’étudiant désirait se tourner vers une activité mixte « animaux de compagnie » et « animaux de rente ».

Le deuxième sous-groupe rassemble des étudiantes, et surtout des étudiants, qui projetaient une activité mixte « animaux de compagnie » et « animaux de rente » et qui ont abandonné cette idée pour se tourner exclusivement vers la médecine canine et féline : « En première année, j’aimais bien la bovine, mais de plus en plus, je suis tellement passionné par l’imagerie et vu qu’en bovine il y a très peu d’imagerie, du coup, en canine, je me plais, on peut faire plus de diagnostic aussi en canine » (Raphaël).

Le troisième sous-groupe est très hétérogène. Il est constitué essentiellement d’étudiantes. Nous présentons dans le tableau 4 les six types d’activité abandonnés et les quatre nouveaux envisagés pour plus de clarté.

Projets en première année abandonnés

Projets envisagés en troisième année

Faune sauvage

Mixte « animaux de compagnie » et « animaux de rente »

Animaux de compagnie

Mixte « animaux de compagnie » et « NAC »

Mixte « animaux de compagnie » et prédominance « animaux de rente »

Hésitation entre animaux de rente et volailles/porcs

Hésitation entre animaux de rente et équidés

Équidés

Mixte « animaux de compagnie » et « animaux de rente »

Animaux de compagnie

Hésitation entre animaux de compagnie et équidés

Mixte « animaux de rente » et « équidés »

Hésitation entre animaux de compagnie et équidés

Mixte « animaux de compagnie » et « équidés »

Animaux de compagnie et NAC

Mixte « animaux de rente » et prédominance « animaux de compagnie »

Animaux de compagnie et NAC#

Nous relevons tout d’abord que l’activité « faune sauvage » était complètement abandonnée au profit d’une pratique « animaux de compagnie » exclusive ou mixte (« NAC » ou « animaux de rente »). Les étudiantes avaient compris la difficulté à obtenir un emploi de vétérinaire en faune sauvage. Dans leurs nouveaux projets, nous retrouvons deux éléments qui les intéressaient en faune sauvage : « être à l’extérieur » pour l’activité mixte « animaux de compagnie » et « animaux de rente » et les NAC qui « se rapprochent le plus de la faune sauvage » (Mathilde).

Les activités mixtes « animaux de compagnie » et « animaux de rente », « animaux de rente » et « équidés », « animaux de compagnie » et « équidés », et « animaux de rente » et prédominance « animaux de compagnie » ont été remplacées par l’activité « animaux de compagnie » exclusive ou mixte (« NAC » ou « équidés ») ou équine exclusive. Ainsi, l’activité « animaux de rente » a été abandonnée. L’activité « animaux de compagnie » était envisagée, car elle était plus diversifiée que celle auprès des animaux de rente, comme l’explique Anna : « On peut faire de la dermato, de la chirurgie, être généraliste, on est pas trop spécialisé, après, ça se développe de plus en plus, je le sais, mais moi à la base, ce qui m’attire dans le métier de vétérinaire, c’est justement de pouvoir faire un peu de tout. Et puis y’a différentes espèces : le chat, le chien ». L’activité « NAC » a été découverte principalement lors de leurs rotations auprès de ces animaux, et certaines étudiantes ont eu envie de se tourner vers ces derniers, comme le relate Camille : « Je n’étais pas forcément NAC à la base, mais j’ai toujours eu des poules, des cochons d’Inde, des lapins, donc ça m’a toujours intéressée. Puis en rentrant à l’école véto, je suis un peu tombée amoureuse des reptiles. Et c’est pour ça que ça m’intéresse d’en apprendre plus, parce qu’on est un peu novice ».

Une étudiante et un étudiant qui hésitaient à se tourner vers les équidés pratiquaient l’équitation depuis de nombreuses années et appréciaient les chevaux, mais pas les propriétaires de ces derniers qualifiés d’« exigeants et pénibles ». Il et elle ont finalement pensé que les propriétaires des chiens et des chats ou les éleveurs pouvaient aussi être difficiles à supporter et donc qu’il valait mieux se tourner potentiellement vers l’activité qui les attirait le plus.

C’est seulement dans le projet de l’activité mixte « animaux de compagnie » et prédominance « animaux de rente » que l’exercice auprès des « animaux de rente » était potentiellement conservé puisqu’une étudiante hésitait avec les activités « porcs » ou « volailles » : « Je crois qu’il faut choisir porcs ou volailles, je sais pas trop, je me cherche un peu, je voulais pas me spécialiser dans une seule espèce, je voudrais être rurale mais être assez variée » (Alicia). Une autre étudiante ne savait pas si elle préférait exercer auprès des animaux de rente et des équidés ou seulement auprès de ces derniers : « Je préfère la rurale et l’équine, car la relation à ces deux espèces est complètement différente, pour le diagnostic aussi, et la relation avec l’éleveur n’est pas la même avec un proprio de cheval qui est plus comme un animal de compagnie, mais si je fais les deux, ça veut dire que je ferais moins de médecine poussée pour les chevaux… » (Coralie).

Très peu d’étudiants et d’étudiantes souhaitaient se tourner vers une activité équine, car une grande partie des étudiantes et encore plus d’étudiants n’étaient pas attirés par ces animaux et ne se sentaient pas à l’aise avec eux par manque d’expérience auprès des chevaux, notamment à travers la pratique de l’équitation, comme l’explique Maude : « Je ne connais pas du tout le monde des chevaux, donc je suis quand même assez impressionnée par ces animaux-là, je ne sais pas trop comment ils vont réagir, je ne sais pas trop interpréter les signes, du coup je me méfie un peu parce que… je ne sais pas trop s’ils sont énervés, si ça va… et si jamais ils paniquent, je ne sais pas trop comment réagir ».

Qui plus est, d’après les étudiantes et les étudiants, leurs rotations auprès des chevaux ne leur permettaient pas d’apprendre à se familiariser avec eux, car les professeures ne laissaient toucher les chevaux qu’aux étudiants et étudiantes ayant le projet de pratiquer une activité équine, comme le rapporte Johanna :

L’équine, si on n’avait pas été là, ça aurait été pareil. Les profs sont très stressants à dire « si vous ne voulez pas faire d’équine, ne touchez pas, ne faites pas », je suis d’accord qu’il faut sauvegarder les chevaux, que c’est bien qu’ils soient en bonne santé, mais quand même, le but de la rotation d’équine c’est quand même qu’on fasse quelque chose, je pense pas que ce soit une rotation qui donne envie de se lancer là-dedans.

C’est également l’avis de Maxime : « Sans pratiquer, c’est compliqué de savoir si on veut faire de l’équine, parce qu’ils ne nous laissent rien faire, on ne sait pas faire parce qu’ils ne nous laissent pas faire, et vu qu’on ne sait pas faire, on ne peut pas faire ».

À l’inverse, les étudiantes ayant pratiqué l’équitation disaient aimer les chevaux et se sentir bien avec ces derniers. Toutefois, elles ne souhaitaient pas exercer auprès des équidés, car les propriétaires de chevaux étant très exigeants, du fait de la relation affective avec l’animal et/ou du prix élevé de certains chevaux de course, pouvaient, en cas d’erreur médicale, exiger une compensation financière, comme le relate Anna :

Ce qui me plaît pas, c’est le milieu équestre au niveau vétérinaire, parce qu’on va forcément être en contact avec des écuries de courses ou d’obstacles ou avec des animaux qui ont de la valeur, tant que ça se passe bien, tout va bien, par contre le jour où y’a le moindre souci, ça peut partir très vite, si on n’est pas très bien assuré, ça peut vraiment nous retomber dessus, et je suis pas très fan de cette ambiance, ça marche pas mal au bouche-à-oreille et, si on a un gros souci, y’a le problème de l’assurance, déjà de base ça coûte très cher, et en plus derrière, ça sera difficile de retravailler.

D’ailleurs, « dans certains cours, les profs nous disent qu’on finit toujours avec un procès au cul » (Raphaël). Ce type d’information ne motivait pas non plus les étudiantes et les étudiants qui n’avaient pas envisagé de se tourner vers la médecine équine.

À la suite de toutes ces évolutions de projets, nous relevons qu’en première année, après leurs stages en milieu rural, environ les deux tiers des étudiants souhaitaient se tourner vers une activité mixte « animaux de rente » avec « animaux de compagnie » ou « équidés » alors qu’en troisième année, c’est le cas d’environ un tiers d’entre eux. La part des étudiantes, quant à elle, est passée d’environ deux cinquièmes à un tiers. Par conséquent, l’attrait pour les animaux de rente a diminué autant chez les étudiants que chez les étudiantes entre la première et la troisième année. Les proportions des étudiantes et des étudiants souhaitant en première année exercer en activité mixte « animaux de compagnie » avec « animaux de rente » et potentiellement « équidés » ou « NAC » ou autres sont relativement stables entre les deux années. En revanche, aucun étudiant ni aucune étudiante n’avait le projet d’exercer en exclusivité auprès des animaux de compagnie en première année, et c’était le cas d’environ un quart des étudiants et de deux cinquièmes des filles en troisième année. En conséquence, la maturation des projets des étudiantes et des étudiants s’est faite en faveur des animaux de compagnie, essentiellement en raison d’un intérêt plus prononcé pour la médecine individuelle permettant des investigations plus poussées grâce à du matériel médical sophistiqué et aux possibilités financières des propriétaires.

Les projets de spécialité en cinquième année sont déclinés en plusieurs options possibles selon les choix d’activité. Celles et ceux qui souhaitaient exercer en activité mixte « animaux de compagnie » et prédominance « animaux de rente » désiraient se tourner vers une spécialisation en animaux de rente. Près de la moitié d’entre eux et elles hésitaient entre les hôpitaux bovins de l’école et les stages tutorés4 dans des cliniques privées, car les deux endroits ont leurs avantages et leurs inconvénients, comme l’explique Adrien :

En clinique privée, on n’est pas là en train de voir des trucs un peu bizarres à l’école, on fait de la vraie clinique de terrain, alors qu’en sortant de l’école, on n’aura jamais fait une césarienne, mais je peux très bien partir dans le Charolais et faire six mois où je fais que de la césarienne toute la journée, et là je sors bête de césarienne, par contre l’avantage de l’école, ils nous forment à la gestion de l’élevage c’est-à-dire la gestion des bâtiments, la gestion un peu de l’éleveur, de ses techniques d’élevage parce qu’en A55, on part avec des profs, ils nous disent « voilà le bâtiment ça serait bien qu’il fasse comme ça, le vent il arrive dans ce sens, donc il faut couvrir le bâtiment de ce côté pour éviter les courants d’air intérieurs ».

Une autre petite moitié d’étudiants et étudiantes avaient décidé de se spécialiser grâce à un stage tutoré dans des cliniques privées pour être formés sur le terrain par un ou une vétérinaire et pouvoir être autonomes dès leur premier emploi. En outre, ils et elles considéraient que la pratique sur les bovins à l’école était trop courte (un mois), car le reste du temps était consacré à des visites d’élevages, à faire des autopsies et d’autres activités diverses alors que le tutorat durait au total 18 semaines. Enfin, selon eux et elles, la formation à l’école était basée essentiellement sur des « cas référés » qui ne correspondaient pas à la pratique courante, comme le relate Renaud :

À l’école, ce sont des cas référés, donc des cas sur lesquels des vétérinaires locaux se sont cassé les dents dessus et ils nous les envoient, donc on va essayer d’investiguer encore plus loin, faire des examens complémentaires, essayer de se creuser la tête là-dessus. C’est très intéressant, mais du coup on voit moins de choses… on voit rarement un vêlage… en plus, on a forcément au-dessus les internes, les chargés de consultation et les profs, ça c’est le côté un petit peu négatif. Le positif du tutorat, c’est que du coup, on est directement immergé dans ce qu’on fera l’année d’après, une fois qu’on sera sorti de l’école, avec des cas beaucoup plus pratiques, avec aussi un discours avec beaucoup plus d’expérience du terrain de la part des vétérinaires.

À l’inverse, un étudiant et une étudiante préféraient suivre leur spécialité à l’école pour bénéficier d’une formation accompagnée des professeurs et professeures, comme en témoigne Caroline : « Je ne suis pas encore prête à sortir du cadre scolaire. Je suis quelqu’un de très scolaire en fait, et qui n’a pas forcément confiance en moi, je pense qu’en A5 on a quand même beaucoup plus de responsabilités, on réfléchit déjà beaucoup tout seul, mais on a toujours le professeur qui vient réfléchir derrière nous ».

Parmi les quelques étudiantes et les quelques étudiants projetant d’exercer en activité mixte « animaux de rente » et « animaux de compagnie » sans prédominance, une étudiante et un étudiant avaient décidé de se tourner vers une spécialité « animaux de compagnie » : « Je pense qu’il est plus facile de commencer par faire de la canine et ensuite d’apprendre des gestes en bovine… car les vétos canins et les propriétaires canins sont plus exigeants, je pense, pour tout ce qui est médecine » (Johanna). Les autres hésitaient encore entre les deux spécialités.

Les étudiantes et les étudiants ayant pour objectif d’exercer en exclusivité la médecine des animaux de compagnie avaient choisi de se spécialiser dans ces derniers. Parmi ceux et celles qui souhaitaient exercer auprès des animaux de compagnie et des NAC, la plupart d’entre eux et elles avaient opté pour une spécialité principale « animaux de compagnie » (d’une durée de cinq mois) complétée par un mois sur les NAC pour avoir une pratique suffisamment longue en médecine canine avec néanmoins des notions en NAC. Les rares étudiants et étudiantes désirant se spécialiser pendant trois mois auprès des animaux de compagnie et trois mois auprès des NAC estimaient qu’ils et elles avaient besoin de ce temps auprès des NAC pour savoir les soigner, comme l’explique Sylvain : « Je pense que je ferai moitié-moitié parce que les lapins, ça ne s’apprend pas du tout comme les chiens et les chats. Je pense que ça sera un plus pour en dehors parce qu’en plus des lapins, il y a de plus en plus de cochons d’Inde et tout ça ».

Enfin, un tiers des étudiantes et des étudiants hésitaient pour leurs spécialités. Ce groupe était composé des étudiants qui n’avaient toujours pas de projet précis d’activité et d’étudiants et d’étudiantes qui n’avaient pas encore tranché entre deux idées, voire plus, d’activité.

Finalement, en prenant seulement en compte les étudiants et les étudiantes qui avaient un souhait précis pour leurs futures spécialités en cinquième année (environ les trois quarts de notre échantillon), nous relevons qu’ils et elles se répartissaient en trois groupes d’environ un tiers d’étudiants et d’étudiantes pour chacun des groupes. Toutefois, la distribution entre les étudiantes et les étudiants ne correspond pas à leurs parts6 dans l’échantillon, sauf pour l’activité exclusive auprès des animaux de compagnie. L’activité mixte « animaux de rente » et « animaux de compagnie » attirait autant de filles que de garçons et, pour l’activité « animaux de compagnie » et « NAC », les étudiantes étaient largement majoritaires.

Environ deux cinquièmes des étudiants et des étudiantes envisageaient d’effectuer un internat7 après la fin de leur cinquième année de formation. La grande majorité d’entre eux et notamment d’entre elles prévoyaient de le faire à l’ENVT dans le domaine des animaux de compagnie qui correspondait à leurs souhaits d’activité professionnelle ultérieure, pour avoir des bases théoriques plus solides et pratiquer davantage auprès des animaux avant de démarrer leur premier emploi. Deux étudiantes souhaitaient faire un internat, mais hésitaient entre les animaux de compagnie et les équidés, car elles étaient motivées par les deux pour leurs futures activités professionnelles sans avoir encore tranché. Une étudiante envisageait de faire un internat équin dans une clinique privée.

Parmi les autres étudiantes et étudiants, plus de la moitié d’entre eux et elles ne voulaient pas s’engager dans un internat. Ils et elles considéraient que leurs études étaient déjà longues8 et qu’un internat n’apportait pas grand-chose de plus que de commencer à travailler dans une clinique en continuant à se former. Certains étudiants et certaines étudiantes doutaient de la valeur de leurs dossiers scolaires pour être admis et admises à concourir9 et n’avaient pas envie de réviser pour le concours qui est sélectif10. La réputation de fatigue des internes, notamment dans le domaine des animaux de compagnie, dissuadait également des étudiants et des étudiantes, comme l’explique Amélie : « Je trouve ça trop dur, ils sont tout le temps en train de travailler, je sais que quand on sera véto, on travaillera aussi, mais en internat, on n’a pas de vie pendant un an, c’est sûr, ça fait beaucoup progresser, mais moi j’ai pas envie de vivre ça ».

Enfin, l’aspect financier rebutait aussi des étudiants et des étudiantes par rapport à un salaire en commençant à travailler. Les étudiants et les étudiantes qui projetaient d’exercer en activité mixte « animaux de compagnie » avec une prédominance en « animaux de rente » estimaient qu’un internat en médecine bovine ne leur serait pas utile.

Tous les autres étudiants et étudiantes n’avaient pas encore décidé s’ils et elles souhaitaient s’engager dans un internat, car ils et elles se demandaient ce que pourrait leur apporter cette année supplémentaire et s’ils et elles auraient la motivation de se former un an de plus, comme le relate Ambre :

Je ne sais pas si j’aurai l’envie de continuer et les moyens financiers de payer un an de plus, les internes sont quand même plutôt exploités, ils sont épuisés, je pense qu’ils apprennent beaucoup de choses. Mais finalement, est-ce qu’ils font en pratique plus de choses que s’ils étaient dans une clinique à l’extérieur, qui les formait… je ne suis pas sûre. Après, je pense que c’est quand même une bonne chose, car c’est une période transitoire ou de consolidation finalement, de ses compétences, et il permet d’être plus rassuré peut-être.

En définitive, à peine un cinquième des étudiants et des étudiantes ont pour projet d’effectuer un internat, majoritairement ciblé sur les animaux de compagnie, après leur cinquième année. Les filles sont un peu plus tentées proportionnellement que les garçons.

Nous avons interrogé les étudiantes et les étudiants sur leurs perceptions de l’exercice de la profession auprès des animaux de production et de compagnie par les femmes et les hommes vétérinaires. Environ la moitié d’entre eux et elles considérait que les vétérinaires et les éleveurs étaient plutôt ouverts à l’exercice des femmes auprès des animaux de rente, car ces derniers n’avaient plus le choix étant donné que peu de vétérinaires désiraient se tourner vers cette activité et que la majorité des jeunes vétérinaires sont des femmes, comme l’explique Anna : « Ils commencent tellement à manquer de vétérinaires, qu’ils sont juste contents que quelqu’un ait envie de prendre la suite, je pense que maintenant ils s’en fichent que ce soit une femme ou un homme, c’est plus qu’il y ait quelqu’un ». D’après Marie, c’est la compétence qui prime : « Qu’on soit un mec ou une fille, et qu’on sort de l’école, et qu’on va dans une exploitation, il faut faire ses preuves. Avec les éleveurs, c’est juste montrer ce qu’on sait ». Certaines filles estimaient néanmoins qu’il fallait trouver des idées pour pallier leur manque de force physique, comme l’explique Alicia : « En rural, forcément au niveau de la force physique, il faut trouver des solutions pour que ça soit moins dur physiquement, j’ai déjà vu des femmes vétérinaires qui étaient toutes petites et toutes fines et qui se débrouillaient, qui trouvaient un ballot de paille pour se mettre à la bonne hauteur, c’est juste qu’il faut trouver des astuces que les gars n’ont pas forcément besoin de trouver ».

D’autres étudiantes considéraient que les femmes n’avaient pas forcément besoin de force car les éleveurs pouvaient les aider : « Dans une intervention, en général, c’est vrai que l’éleveur est toujours là pour aider. Le vétérinaire fait beaucoup de gestes techniques, que n’importe qui peut faire, et la force, l’éleveur l’aura pour nous, si jamais on l’a pas » (Caroline).

Finalement, l’acceptation des femmes par les éleveurs et les vétérinaires apparaît plus liée au fait que ces derniers ne peuvent plus évincer les femmes vétérinaires qu’à leur reconnaissance de leurs compétences. Toutefois, des éleveurs réticents, dans un premier temps, pouvaient changer complètement d’avis à propos des femmes vétérinaires et même les préférer aux hommes lorsque ces dernières leur « prouvaient » leurs compétences, comme le relate Adrien :

Une jeune véto m’a raconté qu’elle était venue chez un éleveur pour un vêlage qui se passait mal et ils étaient tous autour de la vache à tirer dessus comme des bœufs et le mec lui a clairement dit : « c’est toi qui vas sortir le veau, si tu le sors, je me coupe une couille », elle a dit « d’accord » et, du coup, elle a sorti le veau et à une main parce que l’utérus était juste tourné, il était tout penaud et maintenant il adore quand c’est elle qui vient parce qu’il sait qu’elle est efficace.

L’autre moitié des étudiantes et des étudiants était plus sceptique sur l’acceptation des femmes vétérinaires auprès des bovins. Certains et certaines considéraient que beaucoup de vétérinaires et d’éleveurs jugeaient encore les femmes non suffisamment fortes physiquement pour assurer des vêlages par exemple, comme l’explique Christophe : « Les vétérinaires de rural, ils sont quand même machistes. Enfin, ils ont toujours travaillé avec des hommes… pour les éleveurs, il faut vraiment être costaud, pour tourner des veaux, enfin pour toutes les interventions ». Julien raconte également : « En bovine, y a des éleveurs qui disent “moi je veux pas une bonne femme parce que c’est un boulot d’homme” ». Ainsi, selon les étudiantes et les étudiants, les femmes vétérinaires n’étaient pas prises au sérieux dans l’exercice auprès des bovins, notamment lors de leurs premières visites dans les élevages, comme l’indique Corentin :

Je pense que c’est beaucoup plus difficile au début pour une femme d’arriver à s’imposer qu’un homme. Moi je le voyais, en pique, les gens, quand ils me voyaient arriver, ils me prenaient pour un vrai vétérinaire, alors que quand ils voyaient arriver une femme, ils se disaient « c’est une étudiante », donc, il faut peut-être faire plus ses preuves finalement, en tant que femme, en bovine, ils sont plus méfiants, mais c’est vrai qu’au début, ça va coincer.

Qui plus est, certaines étudiantes partageaient le point de vue des vétérinaires et éleveurs sur la présumée faiblesse des femmes. Étant donné la méfiance des éleveurs et des vétérinaires vis-à-vis des femmes vétérinaires, des étudiantes et des étudiants estimaient que les hommes étaient davantage embauchés en exercice rural que les femmes.

De plus, certains étudiants et certaines étudiantes avançaient que les hommes gagnaient plus dès leur première embauche : « On aura plus la confiance d’une partie des agriculteurs qu’une femme » (Théo). Par conséquent, la présumée faiblesse des femmes amène ces dernières à être discriminées lors des embauches et à subir des inégalités de salaires dès leur premier emploi. Nous supposons que la nécessité, pour les femmes vétérinaires, de prouver leurs compétences auprès des éleveurs alors que les hommes sont considérés comme « naturellement » compétents, les potentielles discriminations à l’embauche et les inégalités de salaires dissuadent certaines étudiantes de se tourner vers l’exercice auprès des animaux de rente.

Les étudiantes et les étudiants étaient moins nombreuses et nombreux en troisième année qu’en première année à penser que le manque présumé de force physique des femmes les empêchait d’exercer auprès des bovins. Néanmoins, cette évolution reste relative puisque les femmes vétérinaires doivent encore prouver auprès des éleveurs et des vétérinaires qu’elles sont autant capables que les hommes, car elles ne sont pas considérées d’emblée comme aussi compétentes qu’eux. Qui plus est, les étudiantes et les étudiants avaient conscience de la discrimination « positive » à l’embauche des hommes qui deviennent rares et de leurs revenus plus importants dès leur premier emploi. Ces salaires supérieurs pour les hommes sont, probablement, destinés à les garder dans les cliniques. Nous sommes, sans doute, dans une période de transition car, au fur et à mesure du temps, les anciens vétérinaires et éleveurs habitués à ne travailler qu’avec des hommes vétérinaires en médecine bovine, vont partir en retraite, et seuls resteront des vétérinaires et éleveurs plus jeunes, ayant connu des femmes vétérinaires, qui seront moins dubitatifs quant aux compétences de ces dernières. En outre, s’il y a de plus en plus de femmes vétérinaires en médecine bovine, l’image de la profession en exercice rural se déclinera moins au masculin, ce qui permettra aux étudiantes de moins douter de leurs compétences et d’envisager ainsi plus facilement cette activité. La représentation sociale de la profession a largement évolué depuis 40 ans, passant d’une image masculine avec une majorité d’hommes, même auprès des animaux de compagnie, à une image féminine pour ces derniers.

Pour la pratique de la médecine auprès des animaux de compagnie, tous les étudiants et toutes les étudiantes pensaient qu’il n’y avait aucune différence entre les femmes et les hommes pour l’embauche, les salaires… Quelques étudiantes estimaient que certains et certaines propriétaires faisaient plus confiance aux femmes vétérinaires, car elles sont plus douces avec leurs animaux. On retrouve donc le stéréotype de la douceur présumée des femmes.

Quelques rares étudiantes et étudiants ont cependant remarqué que les femmes étaient moins souvent associées dans les cliniques, même dans celles pour animaux de compagnie, comme l’explique Laëtitia :

En canin, je pensais que c’était vraiment à égalité, je pensais que les hommes et les femmes étaient égaux, dernièrement j’étais au salon de l’agriculture sur le stand des vétérinaires et, en discutant avec eux, c’est encore assez macho, en fait, ils disaient qu’il n’y avait pas de femmes en associées. En fait, vétérinaire, c’est un peu comme tous les autres métiers, les femmes ont des postes moins importants pour l’instant, car les hommes ne prennent pas de femmes associées, ils n’auront bientôt pas le choix car, comme il n’y aura que des femmes, ils devront prendre des associées femmes, je pense que c’est en phase de changement.

François donne une explication à la moindre association des femmes vétérinaires : « C’est peut-être plus difficile de s’associer quand on est une femme parce qu’y’a un moment de sa vie où elle va peut-être avoir des enfants, des congés maternité, y a quand même encore pour l’instant plus de congés maternité que de congés paternité. C’est trois mois où l’association manque d’un de ces associés ».

L’optimisme affiché de Laëtitia est en effet à relativiser puisque nous avons vu, dans la deuxième partie, que les femmes, quel que soit leur âge, sont moins souvent associées que les hommes. Qui plus est, près des trois quarts des femmes de moins de 40 ans sont actuellement salariées. Nous pouvons douter qu’une majorité d’entre elles décide de s’associer dans les années futures même si les hommes sont ou seront davantage ouverts à des associations avec des femmes. La raison est donnée par François… En effet, nous avons montré, dans la deuxième partie, que les femmes vétérinaires aspirent généralement moins à s’associer, car elles donnent la priorité aux responsabilités familiales qui pèsent encore majoritairement sur les femmes. Enfin, une poignée d’étudiantes et d’étudiants ont mentionné des salaires moins importants pour les femmes vétérinaires que pour leurs confrères. C’est effectivement ce que nous avons présenté dans la deuxième partie.

Choix professionnels et personnels des étudiantes et des étudiants pour leur sortie d’école, à la fin de leur quatrième année

Nous étudions la continuation de la construction des choix professionnels des étudiants et des étudiantes grâce à leur stage obligatoire « clinique des animaux de production et inspection en abattoir »11 d’une durée de quatre semaines, leurs rotations pratiques dans les cinq cliniques du Centre hospitalier universitaire vétérinaire de l’ENVT (clinique des animaux de compagnie, clinique des équidés, clinique des NAC et de la faune sauvage, clinique des ruminants et clinique des élevages avicoles et porcins), lors de leur quatrième année et des stages facultatifs dans des cliniques privées. Ces formations pratiques étaient aussi destinées à permettre aux étudiantes et aux étudiants de choisir définitivement leur spécialité en cinquième année. Toutefois, le choix d’une spécialité en cinquième année ne conditionne pas leurs choix d’activité à leur sortie de l’école et ultérieurement puisque le diplôme de vétérinaire est généraliste.

Tous les étudiants et toutes les étudiantes ayant pour projet en troisième année de faire une spécialité « animaux de rente » l’ont maintenu pour leur cinquième année. Ceux et celles qui avaient l’intention de l’accomplir à l’ENVT ou en stages tutorés l’ont confirmée. Parmi ceux et celles qui hésitaient entre l’exécuter à l’école ou en tutorat, tous et toutes ont opté pour ce dernier. Les explications d’Adrien résumaient globalement celles des autres :

Ce qui m’a convaincu de faire un tutorat, c’est vraiment mes deux semaines aux hôpitaux de bovine parce que c’est du nursing, c’est pas de la médecine, le diagnostic est à moitié fait par le véto qui nous l’a envoyé, car il peut pas s’en occuper, car c’est des soins lourds, on fait de l’acharnement thérapeutique, c’est complètement déconnecté de la réalité du terrain. On fait absolument pas d’obstétrique, donc des vêlages, des césariennes, on doit taper des comptes-rendus tout le temps et on se fait déglinguer parce qu’on a oublié la virgule avant le mot, par exemple. Moi j’ai envie d’être quelqu’un de terrain.

Une étudiante désirait se tourner vers un tutorat en troisième année et a finalement choisi de faire sa spécialité à l’école : « J’avais peur de prendre des mauvaises habitudes des vétos qui font pas toujours forcément les choses comme on fait maintenant. J’avais envie de continuer un petit peu dans le côté bien pédagogique, bien théorique avec de bonnes pratiques. Me forger un petit peu mon idée à moi et mes préférences dans la pratique plutôt que prendre les habitudes de quelqu’un d’autre » (Maude).

Finalement, près d’un quart de l’ensemble des étudiantes et des étudiants a choisi la spécialité « animaux de rente ». C’est un peu plus le cas des garçons (un quart d’entre eux) que celui des filles (un cinquième d’entre elles). Plus des trois quarts ont opté pour le tutorat : c’est le choix de tous les étudiants et des trois quarts des étudiantes.

L’Académie vétérinaire de France (AVF) montre que le tutorat permet aux étudiants et étudiantes d’avoir plus d’assurance dans leur pratique, mais ne crée pas de « vocation rurale », car ceux et celles qui sont attirés par cette méthode de formation sont déjà tentés au préalable par une activité auprès des animaux de rente et la vie à la campagne. L’objectif de la création du tutorat pour enrayer la désertification vétérinaire rurale n’est donc pas atteint12.

Toutes les étudiantes et tous les étudiants qui avaient pour projet d’accomplir une spécialité « animaux de compagnie » l’avaient confirmé. Ils et elles envisageaient de l’exercer à l’ENVT sauf une étudiante qui avait choisi de la faire dans une clinique au Québec dans laquelle elle était allée pour son stage de recherche en deuxième année : « J’avais envie de changer, à priori, les profs sont plus pédagogues, on est plus investi dans les cas, on prend le temps de nous expliquer les choses, ça va me permettre de voir le fonctionnement d’une clinique universitaire » (Flora). Un étudiant a choisi de prendre en plus l’option « NAC » d’un mois, car il avait des perspectives d’emploi à sa sortie de l’école dans une clinique qui désirait développer les NAC.

Les rares étudiantes et étudiants ayant envisagé une spécialité moitié « animaux de compagnie » et moitié « NAC » pendant trois mois chacune l’ont maintenue sauf un étudiant qui a choisi de se centrer exclusivement sur les animaux de compagnie, car il s’est rendu compte, pendant sa rotation en animaux de rente à l’école en quatrième année, qu’il voulait finalement exercer auprès de ces derniers et des animaux de compagnie mais que, s’il se sentait assez compétent auprès des bovins, ce n’était pas du tout le cas auprès des chiens et des chats, comme il l’explique : « Je me sentais beaucoup moins perdu en pathologie des bovins en stage, quand il fallait réfléchir sur les cas, les protocoles, enfin, les traitements et tout ça, quand je suis arrivé en canine, je me sentais perdu, j’avais l’impression que je savais rien et je me suis dit qu’il fallait que je prenne la canine, approfondir les choses, solidifier les bases » (Sylvain).

Parmi les quelques étudiants et étudiantes qui avaient projeté une spécialité « animaux de compagnie » avec l’option « NAC » pendant un mois, la moitié d’entre eux et elles ont abandonné cette dernière pour se consacrer exclusivement aux animaux de compagnie : « L’option d’un mois en NAC, il faut le mettre sur le semestre de thèse et du coup, ça raccourcit le temps pour la thèse, si je veux faire des NAC, j’essayerai de travailler ça après » (Maxime). Un autre motif a été mis en avant par Marion :

Dans l’option NAC, on fait aussi de la faune sauvage en parallèle, même si dans la description de la rotation clinique NAC est précisé qu’on n’en fera pas, mais je n’y crois pas, car d’après ce qu’on a vu aux cliniques NAC l’année dernière, au final, les consultations de NAC, il y en a pas tant que ça… Autant apprendre à soigner un furet, un lapin, ça m’intéresse, d’autant plus qu’on sera tous confrontés à un lapin un jour, autant apprendre à traiter un pigeon, ça m’intéresse pas plus que ça.

Parmi les étudiants et les étudiantes qui hésitaient entre deux spécialités ou plus en troisième année, les deux tiers d’entre eux et elles ont choisi finalement les animaux de compagnie, car ils et elles se sont rendu compte, au fil de leurs stages et de leurs rotations, qu’ils et elles souhaitaient exercer ensuite auprès de ces derniers. Une des étudiantes estimait, en outre, que cette activité « ouvre plus de portes car je peux en faire en zone rurale, en zone urbaine, à l’étranger » (Pauline). Une autre étudiante avait projeté d’accomplir sa spécialité à l’école vétérinaire d’Édimbourg, en Écosse : « Ma docteure était partie à Édimbourg, elle m’a dit que c’était génial, que c’était pas du tout le même type d’enseignement, que t’étais beaucoup reconnue en tant qu’étudiante, que t’étais pas le larbin, et je me suis dit que c’est ce que je voulais pas à l’école, elle avait trouvé que, ce qui était vachement bien, c’est qu’ils sont beaucoup plus penchés sur le bien-être animal » (Rosa).

Pour les trois autres étudiantes, chacune avait sa motivation personnelle. L’une d’entre elles a opté pour faire sa spécialité en médecine canine et bovine à l’école vétérinaire de Lyon, car elle ressentait le besoin de prendre confiance en elle dans ces deux exercices. Une autre a choisi la spécialité « animaux de production » en tutorat, car elle souhaitait exercer cette activité de manière prédominante. Enfin, la dernière a décidé de prendre la spécialité équine : « Les stages facultatifs que j’ai faits m’ont permis de confirmer que c’était ce qui me plaisait, les chevaux, c’est vraiment l’espèce qui me convient le mieux, j’ai demandé à Nantes, c’est une école qui est très réputée pour l’équine et qui est pas mal spécialisée, on fait un stage en clinique de deux mois pour justement faire des cas plus compliqués » (Margot).

Parmi les deux étudiants et l’étudiante qui ne savaient pas quelle spécialité choisir en troisième année, l’un a décidé de se diriger vers la spécialité « animaux de compagnie » :

Je me suis rendu compte pendant mon stage que ce que je voulais faire, c’était de la mixte. Faire que l’un ou que l’autre, je pense, ça me fatiguerait assez vite, ça permet aussi de varier l’activité. J’en ai parlé avec des amis qui sont déjà vétos en mixte, qui eux ont fait une A5 bovine, et en fait, ils m’ont conseillé plutôt de faire une A5 canine, car il y a plus de connaissances à avoir en canine qu’en bovine. En bovine, c’est surtout savoir faire des gestes et ça, je l’apprendrai pas à l’école. [Arthur]

L’autre étudiant a opté pour la spécialité « animaux de compagnie et NAC », « parce que j’aime bien les NAC et la faune sauvage, je pense que j’aimerais bien pratiquer ça » (Alban). Jade a fait le même choix de spécialité, mais pour une raison différente : « Je me suis rendu compte que je voulais travailler avec les animaux, mais pas forcément faire vétérinaire, je sais pas trop exactement encore comment je veux travailler avec les animaux, je veux pas faire de la clinique, donc ça va tourner à de la recherche sur les animaux, et du coup, plus dans les animaux faune sauvage. Du coup, les NAC, c’est ce qui se rapprochait le plus ».

Enfin, un étudiant a poursuivi son objectif de faire un master « recherche » en cinquième année au lieu d’une spécialité. Une étudiante a complètement changé d’idée entre la troisième année où elle souhaitait accomplir la spécialité « animaux de compagnie » et la quatrième année où elle a décidé de s’orienter vers les volailles. Elle en explique les raisons :

J’aime finalement l’aspect « animaux d’élevage » parce que je trouve ça utile de travailler là-dedans pour participer à la santé humaine, la bovine, je me sens pas d’en faire parce que je me sens pas capable de faire des vêlages, des césariennes, je trouve ça intéressant, mais j’ai peur de pas réussir à tenir la vache, de pas avoir assez de force, l’aviaire, je me sens plus capable parce c’est plus petit. C’est de la médecine de population, il y a quand même le contact avec les éleveurs, et puis il y a pas de gardes comme en bovine, en aviaire, on est de garde le week-end, mais c’est seulement téléphonique. C’est pas que ça me dérange de travailler, mais c’est cool de pouvoir se dire que le soir, quand on rentre chez soi, c’est fini et si un jour, je veux avoir une vie de famille… [Amélie]

Ainsi, entre la troisième et la quatrième année, plus de la moitié des étudiantes et des étudiants a confirmé son projet de spécialité. L’autre petite moitié a changé d’idée, a précisé ses choix ou a trouvé quelle spécialité faire. Les étudiantes et les étudiants ont mentionné plusieurs expériences et sources d’information qui les ont aidés à finaliser leur choix de spécialité. Les plus citées sont leurs stages obligatoires et facultatifs, leurs semestres dans les cliniques à l’école, les échanges avec des étudiants et des étudiantes des promotions antérieures à la leur et les conversations avec des vétérinaires lors de leurs stages. Il apparaît que, contrairement aux résultats de Sylvain Dernat et Arnaud Siméone (2014), les représentations socioprofessionnelles des étudiantes et des étudiants continuent de se construire entre la troisième et la quatrième année pour près de la moitié d’entre eux et elles.

La répartition des choix de spécialité en cinquième année par les étudiants et les étudiantes se présente ainsi : environ un cinquième a choisi les animaux de compagnie et les NAC (choix d’un ou de trois mois), la moitié a opté pour les animaux de compagnie en exercice exclusif, un cinquième pour les animaux de production, et le reste est ventilé entre la médecine équine, l’aviaire, la spécialité bovine/canine et un master « recherche ». Les choix de spécialité des étudiantes et des étudiants sont proches puisqu’environ la moitié des filles et des garçons a opté pour les animaux de compagnie, environ un cinquième des étudiantes et des étudiants a choisi les animaux de rente et environ un cinquième s’est tourné vers les animaux de compagnie et les NAC. Cette répartition de l’ensemble des étudiantes et étudiants de notre enquête est proche de celle de l’ensemble de la promotion 2014‑201913 ; il en est de même pour la distribution des filles et des garçons selon les spécialités. Les choix de spécialité de notre échantillon sont par conséquent représentatifs de ceux de l’ensemble de la promotion.

Pour les projets d’internat après leur cinquième année, tous les étudiants et presque toutes les étudiantes qui n’envisageaient pas d’en faire un en troisième année n’en avaient pas plus l’intention en quatrième année pour les mêmes raisons que l’année précédente : le manque d’utilité et de « rentabilité », particulièrement en médecine bovine, l’envie d’arrêter les études et de gagner sa vie, la faible rémunération de l’internat et le nombre d’heures de travail des internes. Une étudiante désirait plutôt se tourner vers de la recherche, car elle ne souhaitait pas exercer en clinique :

Je me suis renseignée, on a l’équivalent d’un M2 à la sortie de l’école mais ça dépend des masters, j’ai une copine qui a fait un master « épidémio », et elle est partie un peu dans tous les pays, c’est ce que j’ai envie de faire, donc elle travaillait sur les oiseaux, et sur l’écologie, sur l’épidémiologie des oiseaux, moi ça m’intrigue, j’aime bien, ça m’intéresse ce genre de choses, n’importe quel animal sauvage, ça m’intéresse, d’autant plus les animaux un peu exotiques. [Jade]

Ceux et celles qui projetaient de poursuivre en internat14 « animaux de compagnie » ou « équine » en troisième année persistaient dans leur idée en quatrième année pour approfondir leurs connaissances et leurs compétences avant leur premier emploi. Deux étudiants et une étudiante avaient l’intention ensuite de suivre un résidanat15 pendant trois ans après leur internat.

Parmi les étudiantes et les étudiants qui hésitaient en troisième année, quelques filles avaient finalement renoncé à ce projet en quatrième année pour les mêmes raisons que ceux et celles qui ne voulaient pas suivre d’internat. Un étudiant et deux étudiantes n’avaient pas encore tranché entre un internat privé ou public, un diplôme d’école (DE)16, ou aller sur le marché du travail.

Ainsi, à la fin de la quatrième année, environ un quart des étudiants et des étudiantes envisageait une poursuite d’études : un master « recherche » pour une étudiante, un diplôme d’école pour un garçon et une fille, un internat « animaux de compagnie » pour trois étudiants et cinq étudiantes, dont deux d’entre eux et une d’entre elles souhaitaient poursuivre ensuite en résidanat, un internat « équidés » pour une étudiante et un internat « animaux de rente » pour un étudiant.

Quelques étudiants ont relevé que, les années précédentes, les garçons étaient plus nombreux proportionnellement que les filles à être admis à l’internat en clinique des animaux de compagnie, comme le relate Gauthier : « Pour l’internat, je trouve qu’il y a beaucoup de garçons qui ont été pris parce qu’ils veulent qu’il y en ait, les garçons sont peut-être un peu surévalués par rapport aux filles ». L’examen des résultats des années 2008 à 202017 du concours commun aux écoles vétérinaires françaises d’admission à l’internat en clinique des animaux de compagnie montre qu’entre 2008 et 2017, la part des étudiants admis est toujours d’environ un tiers, quel que soit le nombre total d’admissions des candidats et des candidates. Ainsi, la part des étudiants admis est égale ou supérieure à leur proportion dans les quatre écoles vétérinaires (entre 25 % et 30 % entre 2010 et 2017). Entre 2018 et 2020, la part des étudiants admis représente les deux cinquièmes du total des admis et des admises alors que leur représentation au sein des quatre écoles vétérinaires est en moyenne de 25 % (voir tableau 5).

Année

Nombre total de candidats admis et de candidates admises

Nombre d’étudiants admis

Part des garçons admis

2008

83

25

30 %

2009

67

25

37 %

2010

36

12

33 %

2011

62

19

30 %

2012

70

21

30 %

2013

61

31

51 %

2014

91

30

30 %

2016

102

29

28 %

2017

77

26

33 %

2018

70

30

42 %

2019

70

31

44 %

2020

70

27

38 %

Sources : Listes principales des admis et admises au concours commun aux écoles vétérinaires françaises d’admission à l’internat en clinique des animaux de compagnie de 2008 à 2020, sauf 2015

L’examen du nombre de candidats et de candidates sur ces 12 années montre que, sur huit années, les parts des candidates ont été inférieures à leurs parts globales dans les écoles (75 %) : 62,3 % en 2020 ; 63,4 % en 2019 ; 64,4 % en 2018 ; 65,5 % en 2017 ; 67 % en 2014 ; 50,8 % en 2013 ; 69,3 % en 2012 et 63,8 % en 2010. Pour les autres années, les parts des candidates étaient proches proportionnellement de leurs parts globales dans les écoles, mais jamais supérieures. Les étudiantes sont-elles moins intéressées que les étudiants pour un internat en clinique des animaux de compagnie ? S’autosélectionnent-elles pour ce concours d’internat ? Sont-elles moins encouragées par leurs enseignants et enseignantes à compléter leur formation en poursuivant leurs études une année supplémentaire en internat ?

Par ailleurs, les taux d’admission des filles sont inférieurs à ceux des garçons sur quatre années : en 2019 (écart de 38 points), en 2018 (19 points), en 2011 (10 points) et 2009 (8 points). Nous nous interrogeons sur ces écarts de taux de réussite, notamment en 2019 et 2018.

Les constats de certains étudiants de notre enquête sur les préférences d’enseignants-chercheurs et d’enseignantes-chercheuses pour les groupes de TD avec des garçons peuvent contribuer à l’explication du taux élevé de candidature et d’admission des étudiants : « À l’école, je vois la différence par rapport aux profs, parce que quand il y a des groupes de garçons qui arrivent, ils sont contents parce qu’ils en ont marre de voir que des filles à longueur de journée, les garçons sont plus détendus, il y a moins de prise de tête avec les garçons, les garçons sont aussi stressés mais ils le montrent moins » (Sylvain).

Margot Courtois (2023) montre que les étudiants sont davantage reconnus, écoutés et valorisés par les professeurs et professeures dans les réunions et les rotations, ce qui oblige les étudiantes à faire de multiples efforts pour être reconnues et considérées au même titre que leurs homologues masculins. Enfin, quelques étudiantes de notre enquête racontaient que les enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses avaient connu très rapidement les noms des étudiants de la promotion et qu’à la fin des cinq années de formation, certains et certaines ne connaissaient toujours pas tous les prénoms des filles. Il semble que des enseignants et des enseignantes dans les écoles vétérinaires ont des attitudes différentes envers les garçons et les filles, ce qui amène ces dernières à avoir moins confiance en elles comme l’ont montré diverses études (répertoriées dans Duru‑Bellat, 2004 ; Mosconi, 1994) à propos des enseignants et des enseignantes à l’école primaire et dans l’enseignement secondaire. Une recherche de Daniel Grunspan et al. (2016) a mis en évidence que les enseignants et les enseignantes dans l’enseignement supérieur en biologie encourageaient davantage les étudiants que les étudiantes et interrogeaient plus les garçons que les filles en cours. Qui plus est, les étudiants vétérinaires sont davantage perçus, par les enseignants et les enseignantes, comme des individualités, et les étudiantes vétérinaires comme plus indifférenciées, faisant partie d’une « masse globale » de filles. Ce traitement différent entre les filles et les garçons a aussi été mis en évidence par Marie Duru‑Bellat (2004) à l’école primaire et dans l’enseignement secondaire. Nous pouvons également supposer que les membres du jury pour l’internat répondent à une attente de leurs collègues d’avoir un nombre suffisant d’étudiants dans les internats en clinique des animaux de compagnie.

Nous avons réinterrogé les étudiantes et les étudiants sur leurs perceptions de l’exercice de la profession auprès des animaux de production et de compagnie par les femmes et les hommes vétérinaires, pour examiner si des changements étaient apparus par rapport à la troisième année. La moitié des étudiants continuaient à penser que la pratique auprès des animaux de rente était plus difficile pour les femmes que pour les hommes, car les éleveurs considéraient que les femmes étaient moins compétentes par manque de force physique et, de ce fait, ne leur faisaient pas confiance. Un des étudiants justifiait les considérations des éleveurs en mettant en avant que « la société est comme ça aussi, les postes importants, généralement, c’est les hommes qui les ont et un homme fait plus confiance à un homme » (Arthur). Un autre étudiant pensait que les femmes devaient s’adapter et plus se tourner vers les brebis : « Il faut avoir des plus petits doigts, faut avoir des plus petites mains, c’est plus pratique, parce qu’un vagin de brebis, c’est petit, moi, ma main, elle rentre pas dedans » (François).

Les étudiantes étaient moins nombreuses que l’année précédente à penser en quatrième année que l’exercice auprès des bovins était plus difficile pour les femmes que pour les hommes. Toutefois, elles estimaient, comme leurs homologues masculins, que les femmes étaient moins souvent prises au sérieux par les éleveurs qui les considéraient comme moins compétentes car moins fortes physiquement, et que ces derniers « les attendaient au tournant sur les vêlages difficiles, ça va être un petit peu la démonstration, elle va le sortir ou pas, elle va faire une césarienne parce qu’elle arrivera pas à détordre » (Amandine). Selon Camille, les éleveuses sont plus exigeantes que les éleveurs, car « pour certaines, c’est juste un travail d’hommes, c’est au vétérinaire homme de venir, parce que c’est comme ça et puis voilà, finalement, elles sont pas beaucoup plus ouvertes, les vieilles éleveuses ». On retrouve les considérations négatives des éleveuses ou des femmes d’éleveurs à propos des femmes vétérinaires qui n’acceptent pas que ces dernières puissent être reconnues comme des professionnelles de premier plan alors qu’elles-mêmes sont considérées (ou se considèrent ?) comme jouant un rôle secondaire dans les exploitations (Barral, 2019).

D’après quelques étudiants, le problème des femmes en exercice rural, c’est leur manque de confiance en elles qui est perçu par les éleveurs et « du coup, ça angoisse l’éleveur, et elles se stressent elles-mêmes, et du coup, c’est du stress communicatif » (Corentin). Deux étudiants reconnaissaient, néanmoins, qu’il était difficile pour les femmes d’avoir confiance en elles, car « on leur met des bâtons dans les roues tout le temps, en leur montrant qu’elles ne sont pas aussi valables que les hommes » (Renaud). En effet, il n’est sans doute pas aisé pour les femmes vétérinaires d’avoir confiance en elles dans leur pratique auprès des animaux de rente car elles doivent, d’une part, être convaincues qu’elles peuvent exercer auprès d’eux malgré le discours ambiant que les femmes sont moins fortes et endurantes physiquement que les hommes et, d’autre part, surmonter la moindre confiance de certains éleveurs et vétérinaires en leurs compétences professionnelles.

Des étudiantes et des étudiants considéraient que les femmes en exercice rural, surtout au début de leurs visites dans les élevages, devaient avoir « une grande gueule » (Corentin) et « réussir à s’imposer et à pas s’écraser au début » (Maude). Certaines filles ont également minoré les difficultés des femmes auprès des bovins grâce aux méthodes permettant de pallier les difficultés physiques qu’elles peuvent rencontrer.

Quelques étudiants estimaient qu’à l’inverse, les femmes étaient plus recherchées par les clients et les clientes pour les animaux de compagnie, car elles sont plus douces, ont plus de compassion, plus de sensibilité, plus de patience et plus d’attention que les hommes. Selon Corentin, elles bénéficient d’une meilleure représentation que les hommes :

Il y a toujours l’image de la femme-mère, en canine, il y a beaucoup de propriétaires qui mettent l’aspect relationnel même avant les compétences professionnelles, une véto qui va être attentionnée à leur animal, ou qui va faire les choses doucement, elle sera mieux perçue par le propriétaire qu’une personne qui fera juste son boulot normal sans faire des papouilles au chien pendant trois quarts d’heure. Montrer que tu t’intéresses à l’animal avant même de regarder s’il respire bien, dire qu’il est beau, ça flatte le propriétaire qui pense que c’est le plus beau de toute façon, c’est un bon démarrage de « consult » en général. Les filles sont meilleures que les garçons là-dessus. Elles se lâchent plus et elles le font plus.

Arthur expliquait que les hommes pourraient aussi avoir envie de faire des papouilles aux chiens, mais qu’ils ne le faisaient pas, comme avec leurs propres chiens, par peur d’être jugés et considérés comme trop affectueux. Qui plus est, d’après François, « les filles sont plus compatissantes, elles font globalement plus de ristournes que les garçons face à quelqu’un qui a pas trop de sous ». Une étudiante abondait dans son sens en racontant :

On n’a pas la même approche, en tant qu’homme ou femme, je sais que j’aurais plus tendance, pour un propriétaire qui a pas beaucoup de sous, à essayer de faire un peu passer des actes réduits ou gratuits. Les hommes pensent souvent qu’on a fait tel travail et donc qu’on doit avoir telle rémunération. Le dernier jour d’urgences, des propriétaires nous ont amené une chatte qui arrivait pas à mettre bas, et il aurait fallu lui faire une césarienne et les proprios avaient pas de sous, et ça m’a fait vraiment trop de peine parce que la chatte, on a dû l’euthanasier. [Chloé]

Les propos de ces étudiants et étudiantes renvoient à la socialisation différenciée des filles et des garçons, dès leur plus jeune âge. Les filles sont éduquées à être douces, bienveillantes, empathiques et compatissantes alors que les garçons sont éduqués à se différencier des filles et donc à développer des comportements et des émotions à l’opposé de ces dernières pour ne pas risquer d’y être assimilés.

Quelques étudiants considéraient que les hommes avaient un grand avantage en clinique « animaux de compagnie », car ils étaient plus autoritaires et arrivaient plus à se faire respecter par les clients et les clientes mécontents, ce qui les amenait faire moins des remarques désagréables. D’après François, « comme partout, je pense qu’il y a plus d’avantages d’être un homme qu’une femme ». Il est bien évident que les qualités inculquées aux filles ne jouent pas en leur faveur dans leurs vies professionnelles alors que celles enseignées aux garçons les servent pour asseoir leur domination dans le monde professionnel.

Pour finir, nous avons interrogé les étudiantes et les étudiants sur leurs projets professionnels et personnels à court et moyen termes. Juste après leur sortie de l’école, ceux et celles qui n’envisageaient pas une poursuite d’études (internat, diplôme d’école, master ou thèse universitaire) avaient pour objectif de chercher un emploi dans l’activité qu’ils et elles désiraient. La grande majorité d’entre eux et elles voulaient un poste stable, en contrat à durée indéterminée. Les autres souhaitaient plutôt trouver des remplacements pour découvrir plusieurs fonctionnements de cliniques, plusieurs régions et avoir de multiples expériences avec des clientèles différentes avant de décider où ils et elles souhaiteraient travailler de manière plus durable, notamment pour une association potentielle. Quelques étudiants et étudiantes pensaient que faire des remplacements leur permettrait de travailler plusieurs mois pour pouvoir voyager ensuite un certain temps.

Environ les deux tiers des étudiantes et des étudiants projetaient, après quelques années d’expérience, de s’associer en libéral. Les raisons avancées par ces derniers et ces dernières sont semblables, mais ne sont pas énoncées dans les mêmes proportions par les filles et les garçons. En effet, la totalité de ces derniers a mis en avant son souhait de gagner plus d’argent alors que c’est le cas d’environ la moitié des filles. En revanche, celles-ci ont beaucoup plus mentionné leur souhait d’exercer plus de responsabilités et de pouvoir prendre des décisions sur le fonctionnement des cliniques. L’intérêt plus prononcé des garçons pour des meilleurs revenus est corrélé à leur rôle encore attendu dans la société d’être les piliers financiers essentiels au sein des familles. Néanmoins, nous relevons parmi les étudiantes et les étudiants un projet plus prononcé qu’en première année d’une association en clinique libérale, sans doute parce qu’ils et elles ont découvert les avantages de ce statut dans les cliniques où ils et elles ont fait leurs stages.

Pour leurs projets personnels, environ les trois quarts des étudiants et des étudiantes souhaitaient avoir des enfants dans quelques années. Un peu moins de la moitié des filles désiraient travailler à temps partiel pour pouvoir s’occuper davantage de leurs enfants, comme l’explique Pauline : « Je me suis rendu compte que j’ai pas forcément envie que mon métier soit toute ma vie. Dans les premières années, pourquoi pas, mais très rapidement, je vais avoir envie de fonder une famille, je veux des enfants, j’ai envie de m’éclater dans mon boulot, mais pas que ça empiète trop sur ma vie privée ». Deux garçons avaient aussi l’idée de travailler à temps partiel « pour les voir plus souvent » (Arthur). Nous relevons que ces étudiantes et ces étudiants ne projetaient pas majoritairement un exercice auprès des bovins qui implique souvent des horaires imprévus et des gardes régulières. Certains étudiants projetaient d’emmener les enfants à l’école le matin, sans plus de précision, et quelques-uns pensaient que les enfants préféraient que leur mère s’occupe d’eux, à l’instar d’Adrien : « Je pense que les gamins préfèrent quand c’est leur maman ».

Nous retrouvons le désir de certaines femmes de se rendre disponibles pour leurs enfants en adaptant leur temps de travail et leur investissement dans leur emploi. Elles répondent aux attentes sociétales quant à l’implication des mères dans la prise en charge des enfants, comme les hommes qui sont censés être les piliers financiers des familles (Papuchon, 2017). Ce moindre investissement des femmes dans leur travail débouche sur des inégalités de salaires et de possibilités d’associations dans les cliniques, comme nous l’avons vu dans le chapitre 5.

Épilogue : la cinquième année et les activités professionnelles six mois après la sortie de l’ENVT

La cinquième et dernière année de la formation initiale vétérinaire était partagée en deux temps. Les étudiants et les étudiantes devaient suivre la rotation de leurs spécialités : « animaux de compagnie » ou « animaux de rente » pendant un semestre ; « animaux de compagnie » pendant trois mois et « NAC » pendant trois mois ; ou « animaux de compagnie » pendant un semestre avec l’option « NAC » pendant un mois. Le deuxième semestre était consacré à la préparation de la thèse de doctorat vétérinaire18 permettant d’obtenir le diplôme d’État de docteur ou docteure qui est indispensable pour s’inscrire à l’Ordre des vétérinaires et exercer la profession. La soutenance de la thèse ne pouvait avoir lieu qu’après la validation complète de la cinquième année et devait se faire au plus tard au mois de décembre suivant la fin de la cinquième année.

Comme nous l’avons indiqué dans l’introduction, nous n’avons pas mené d’entretiens avec les étudiantes et les étudiants pendant la cinquième année, car nous ne voulions pas prendre le risque, pour notre analyse longitudinale, de perdre trop d’étudiants et d’étudiantes qui quitteraient l’ENVT pour leur cinquième année afin de suivre leur spécialité ailleurs. C’est la raison pour laquelle nous avons mené les troisièmes entretiens à la fin de la quatrième année. Nous avons néanmoins récolté des données sur les spécialités (ou études) suivies par les étudiants et les étudiantes pendant leur cinquième année et leurs activités, six mois après leur sortie de l’ENVT.

Les demandes des étudiants et des étudiantes pour leur spécialité en cinquième année ont toutes été acceptées. Ainsi, la moitié des étudiantes et des étudiants a suivi la spécialité « animaux de compagnie » à l’ENVT sauf une étudiante dans une école vétérinaire à Montréal (Canada) et une autre dans une école vétérinaire à Édimbourg (Royaume-Uni), environ un cinquième celle des « animaux de compagnie et NAC » (choix d’un ou de trois mois) à l’ENVT, un cinquième celle des « animaux de production » dont huit en stages tutorés et trois à l’ENVT. Les autres spécialités concernaient une étudiante en « volailles » à l’ENVT, une en médecine équine à l’École nationale vétérinaire de Nantes, une en « bovine/canine » à l’École nationale vétérinaire de Lyon, et un étudiant a suivi un master 2 à l’université Paris-Saclay.

Les projets d’internat « animaux de compagnie », « animaux de rente » et équins ont tous été concrétisés et ceux pour des diplômes d’école également. Le projet d’un master 2 a été abandonné et parmi les hésitants et les hésitantes en quatrième année pour s’engager en internat, un seul en a finalement effectué un en clinique privée.

Six mois après leur sortie d’école, les étudiantes et les étudiants avaient tous et toutes trouvé un emploi, en relation avec les spécialités suivies en cinquième année pour la grande majorité, ou poursuivaient leurs études. En effet, les étudiantes et les étudiants ayant suivi une spécialité « animaux de rente » exerçaient dans l’activité « animaux de rente et animaux de compagnie » (avec ou sans prédominance), ceux et celles ayant fait une spécialité « animaux de compagnie » pratiquaient cette activité. Les étudiants et les étudiantes ayant choisi la spécialité « animaux de compagnie et NAC » travaillaient principalement auprès de ces deux espèces (voir tableau 6).

Projets d’activité après le stage rural en première année

Spécialité faite en cinquième année

Activités six mois après la sortie de l’ENVT

Mixte AR + AC avec prédominance AR

Stage tutoré AR

Mixte avec prédominance AR

Mixte canine et bovine à école vétérinaire de Lyon

Mixte AC + AR

Équidés

Internat privé équin

Mixte AC + AR sans prédominance

AC

Mixte AC + AR

Diplôme d’école AC

AC

Internat AC

AC et 1 mois NAC

AC

AR

Mixte avec prédominance AR

Stage tutoré AR

AC + AR

Internat AR

Mixte avec prédominance AR

AC + NAC (3 mois + 3 mois)

Contrat de deux ans dans un centre pour chimpanzés à l’île Maurice

Mixte AC + NAC

AC + NAC (3 mois + 3 mois)

AC

Mixte AC + AR avec prédominance AC

AC + NAC (3 mois + 3 mois)

AC

AC + NAC

AC

Mixte équidés et AR

AC

Internat AC

NAC

AC + NAC (3 mois + 3 mois)

AC

Enseignement et recherche

Master recherche

Thèse universitaire

Stage tutoré AR

AC

AC et 1 mois NAC

Faune sauvage

AR

Stage tutoré AR

AC

AC + AR

AC

Internat AC

Réorientation vers un master

Ne savait pas

AC

AC

Diplôme d’école AC

Internat AC

Volailles

Aviculture

AC + NAC (3 mois + 3 mois)

Diplôme d’école NAC

AC et 1 mois NAC

AC

AC = animaux de compagnie ; AR = animaux de rente ; NAC = nouveaux animaux de compagnie

En comparant les choix d’activité des étudiantes et des étudiants énoncés en première année après leurs stages à dominante « animaux de rente » avec leurs spécialités suivies en cinquième année et les activités de leur premier emploi ou de leur poursuite d’études, nous constatons que les projets mixtes « animaux de compagnie et animaux de rente » avec prédominance de ces derniers ont débouché majoritairement sur ce projet avec ou sans prédominance, les projets mixtes « animaux de compagnie et animaux de rente » sans prédominance ont abouti à un exercice en « animaux de compagnie » ou en mixte « animaux de compagnie et animaux de rente », à part quelques exceptions, les projets « animaux de rente et animaux de compagnie » avec prédominance de ces derniers ont conduit plutôt à l’activité « animaux de compagnie » ou avec les NAC, les projets « faune sauvage » ont débouché sur une activité « animaux de compagnie » ou « animaux de compagnie et animaux de rente » ou une réorientation vers un master « maladies infectieuses ». Les étudiants et étudiantes n’ayant pas de projet précis en première année ont majoritairement choisi les animaux de compagnie.

Finalement, environ la moitié des étudiantes et des étudiants ont choisi pour leur premier emploi ou pour leur poursuite d’études (internat ou diplôme d’école) l’activité « animaux de compagnie », un tiers des garçons et un quart des filles ont opté pour l’activité mixte « animaux de rente et animaux de compagnie » (sans préciser une dominance et en prenant en compte l’internat). Nous avons constaté, au fur et à mesure de la construction des choix d’activité des filles, leur moindre attrait pour les animaux de rente, car certaines étaient convaincues de leur manque de force physique pour exercer auprès des bovins, mais aussi en raison des horaires plus imprévus et plus importants avec les gardes. Dans une société où la prise en charge des enfants reste majoritairement l’apanage des femmes, celles-ci préfèrent s’écarter des activités trop chronophages et/ou avec des horaires de travail souvent peu maîtrisés selon les urgences.

Les autres activités exercées concernaient les NAC avec les animaux de compagnie, les équidés, la faune sauvage, une thèse universitaire et une réorientation, notamment pour les filles. Ainsi, les étudiantes se sont légèrement moins dirigées vers l’activité mixte « animaux de rente et animaux de compagnie » que les garçons, mais davantage vers les NAC et les équidés. Nous relevons que les étudiants, et particulièrement les étudiantes, ayant connu la campagne et donc les animaux de production au cours de leur enfance et/ou de leur adolescence, dans le cadre de leur famille élargie, ont peu opté pour l’activité « animaux de rente et animaux de compagnie ». Par conséquent, la connaissance des animaux de production pendant l’enfance et/ou l’adolescence n’induit pas forcément un choix pour une activité auprès d’eux, contrairement aux conclusions de S. Dernat et A. Siméone (2014). Par ailleurs, les étudiantes ayant intégré l’école vétérinaire par le biais d’une préparation après un brevet de technicien supérieur (BTS) ou un diplôme universitaire de technologie (DUT) [concours C] ne se sont pas particulièrement tournées vers une activité mixte « animaux de compagnie et animaux de rente », contrairement aux constats de Kévin Contart (2023). Il apparaît donc que les expériences à la campagne pendant l’enfance et l’adolescence ou les voies empruntées pour entrer dans les écoles vétérinaires n’ont pas autant d’impact que mentionné dans certains travaux. Il nous semble nécessaire de prendre plutôt en compte le contexte sociétal dans lequel les étudiants et les étudiantes font leurs choix d’activité.

Les choix d’activité des étudiantes et des étudiants ont évolué entre leur première année, avec leurs stages auprès des animaux de rente, et leur premier emploi, grâce à leurs différents stages obligatoires et facultatifs, aux rotations effectuées dans les diverses cliniques de l’ENVT, aux conseils donnés par les vétérinaires et aux échanges avec les autres étudiants et étudiantes des promotions antérieures qui ont été des éléments pour leurs constructions socioprofessionnelles. Les animaux de compagnie ont été les plus retenus, autant par les étudiants que par les étudiantes, pour leur activité professionnelle ou pour leur poursuite d’études, suivis par l’activité mixte « animaux de compagnie et animaux de rente » par un peu plus de garçons que de filles, ces dernières se tournant davantage vers les NAC et les équidés. L’activité « faune sauvage » a été abandonnée par celles qui souhaitaient se tourner vers elle en première année et elle est finalement pratiquée par une étudiante qui se destinait à l’activité mixte « animaux de compagnie et animaux de rente ». Les activités hors clientèle n’ont attiré aucun étudiant ni aucune étudiante et l’aviculture n’a tenté qu’une étudiante. Ces résultats sont proches des travaux de S. Dernat et A. Siméone (2014).