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La Féminisation du métier de véterinaire (Edul, 2025) Show/hide cover

Introduction

En 1962, deux cents ans après la création de la première école vétérinaire à Lyon, les femmes représentaient 1,67 % des effectifs vétérinaires (Marquet, 1967) et, en 2023, 59,8 % (Observatoire national démographique de la profession vétérinaire, 2024). La profession vétérinaire est désormais plus féminisée que celles de médecin (51 %) et de dentiste (48 %) [Anguis et al., 2021].

La forte croissance de la part des femmes est corrélée à l’attrait de plus en plus prononcé des filles pour les études vétérinaires depuis 1970 où elles représentaient 15 % des effectifs des trois écoles vétérinaires1. Elles étaient 40 % en 1984, 50 % en 1990 (Hubscher, 1999), et elles constituent actuellement 76 % des quatre écoles vétérinaires2 (Observatoire national démographique de la profession vétérinaire, 2024). Les écoles vétérinaires n’ont jamais été interdites aux femmes. La première vétérinaire a été diplômée à l’école d’Alfort en 1897 ; la seconde en 1934. De 1938 à 1961, seules 26 femmes ont obtenu leur diplôme et, pendant cette période, dix promotions ont été exclusivement masculines (Hubscher, 1999).

La percée régulière et croissante des filles dans les écoles vétérinaires en France est liée à différentes mutations de la société depuis les années 1970 : l’augmentation des bachelières scientifiques leur permettant davantage d’intégrer une classe préparatoire scientifique au concours vétérinaire, l’accroissement des filles poursuivant des études supérieures, le développement de l’activité professionnelle des femmes et les transformations familiales (Fontanini, 2015a). La féminisation des études vétérinaires est liée également à la transformation de l’exercice de la profession : l’apparition de nouvelles technologies médicales, de tranquillisants et de produits anesthésiques rendant la force physique du ou de la vétérinaire superfétatoire (Hubscher, 1999) et la forte croissance du nombre de vétérinaires entre 1970 et 1990 (Rault, 1993) à la suite du développement du phénomène social de l’animal de compagnie3. Cette explosion des vétérinaires pour la médecine canine et féline a permis aux femmes d’envisager plus facilement l’exercice de cette profession, car ce secteur d’activité est estimé comme requérant plutôt des qualités dites féminines telles que la douceur et la compassion (Hubscher, 1999), contrairement à la médecine des animaux de rente4, considérée comme nécessitant de la force et de l’endurance, des qualités jugées comme spécifiquement masculines.

En parallèle, au fil des décennies, le nombre de candidatures masculines a diminué aux concours vétérinaires (Fontanini, 2015a). L’information plus importante des propriétaires d’animaux de compagnie par les médias et la meilleure formation des éleveurs ont effacé « la mystique professionnelle » des vétérinaires, devenant au fur et à mesure du temps des prestataires de service, assurant les soins en échange d’honoraires : « Les praticiens sont devenus des biens de consommation comme les autres et la distance convenue, qui jadis matérialisait le prestige du praticien, s’est considérablement réduite » (Lane et al., 2010, p. 251). À cela s’ajoute le ralentissement de l’évolution des revenus (Hubscher, 1999). Les garçons préfèrent (ont préféré), alors, se diriger vers d’autres formations et professions plus gratifiantes, symboliquement et financièrement, qui se sont développées, comme les technologies de l’information et de la communication, l’informatique, les finances et le management (Encinas-Martin et Cherian, 2023). Le déclin de l’attirance des garçons pour la profession vétérinaire est aussi lié à la baisse progressive de l’identité masculine de la profession depuis les années 1970 avec la diminution des vétérinaires pratiquant auprès des animaux de rente et la modification de leur pratique professionnelle. L’exercice solitaire du vétérinaire est de plus en plus remplacé par celui en clinique avec des associés et associées et des salariés et salariées, impliquant une spécialisation des vétérinaires et des investissements pour les bâtiments et les équipements afin d’optimaliser la rentabilité de la structure. Le ou la vétérinaire a perdu au fil des années une partie de son indépendance et de sa reconnaissance sociale et professionnelle, avec des revenus moindres (Hubscher, 1999).

La profession vétérinaire est, par conséquent, caractérisée actuellement par une forte féminisation, qui est définie par « la croissance du nombre de femmes dans une activité identifiée comme masculine, au vu de l’hégémonie des personnels masculins en son sein et/ou des “qualités” socialement jugées nécessaires pour l’exercer » (Malochet, 2007, p. 92), et par une inversion quantitative quand « une profession tout entière [est] investie en force par les femmes et désertée par les hommes » (Zaidman, 2007, p. 229).

La France n’est pas une exception puisque la prédominance féminine dans la profession est présente au Royaume-Uni (76 %)5, aux États-Unis (65 %)6, au Canada (64 %)7 et dans tous les pays européens. En 2023, les femmes constituent 65 % des effectifs de la profession dans 30 pays8, avec toutefois de grandes différences entre eux : de 93 % en Finlande à 24 % en Macédoine du Nord. Les femmes sont également plus présentes dans les tranches d’âge les plus jeunes9 : 80 % chez les moins de 30 ans et beaucoup moins chez les plus de 65 ans (23 %).

Actuellement, la majorité des vétérinaires (70,8 %), en France, exerce la médecine et la chirurgie des animaux de compagnie de manière exclusive ou prédominante. L’activité auprès des animaux de rente est déclarée par 16,5 % des vétérinaires et celle auprès des équidés10 par 5,7 %. Peu de vétérinaires ne traitent aucune espèce (7 %)11.

Toutefois, les femmes et les hommes vétérinaires n’exercent globalement pas leur profession dans les mêmes conditions (Observatoire national démographique de la profession vétérinaire, 2023). Tous âges confondus, les femmes exercent plus la médecine auprès des animaux de compagnie (75,8 %), notamment de manière exclusive (59,9 %), que leurs confrères (respectivement 63,9 % et 44,1 %). À l’inverse, ces derniers déclarent davantage une activité « animaux de rente » (26,3 %), exclusive (12,1 %) et mixte (14,2 %), que leurs consœurs (respectivement 9,3 %, 3,7 % et 5,6 %). En revanche, elles pratiquent presque autant la médecine mixte avec prééminence des animaux de compagnie (15,9 %) que leurs confrères (19,8 %), et la médecine équine (3,6 %) et mixte avec une prépondérance des équidés (2,8 %) que les hommes (respectivement 3 % et 1,9 %).

Chez les jeunes vétérinaires, l’examen de l’insertion professionnelle des vétérinaires de la promotion 2021, interrogée au 31 décembre 202212, montre que parmi les diplômés et diplômées, les trois quarts sont des femmes (75,4 %) et un quart des hommes (24,6 %) et qu’ils et elles n’ont pas investi les secteurs d’activité auprès des animaux de compagnie, des animaux de rente et mixtes proportionnellement à leurs parts respectives dans la promotion puisque 82,9 % de femmes exercent de manière exclusive la médecine auprès des animaux de compagnie (vs 17,1 % d’hommes), 49,3 % la médecine exclusive auprès des animaux de rente (vs 50,7 % d’hommes) et 68 % la médecine mixte13, sans précision des espèces et de la prédominance (vs 32 % d’hommes). C’est seulement dans la médecine exclusive auprès des équidés que la part des femmes (77,1 %) est proche de celle des diplômées. Il en est de même pour les hommes (22,9 %). Ainsi, les jeunes vétérinaires femmes et hommes ne font pas les mêmes choix d’exercice de la profession, à l’image de l’ensemble des vétérinaires.

La majorité des vétérinaires inscrits et inscrites à l’Ordre national des vétérinaires choisissent la profession libérale14 (58,6 %) et les autres exercent en tant que salariés et salariées du secteur libéral (38 %) et privé (3,4 %). Cependant, les modalités d’exercice sont distinctes entre les hommes et les femmes. Ces dernières sont plus souvent salariées du secteur libéral (50,6 %) que leurs confrères (20,1 %) qui choisissent davantage (55,8 %) l’association libérale qu’elles (29,8 %). Pour les autres modalités d’exercice, les parts des femmes et des hommes sont proches pour la collaboration libérale15 (respectivement 8 % et 7,4 %) et pour le libéral individuel (respectivement 8,4 % et 13 %). Par ailleurs, 31 % de femmes sont salariées à temps partiel contre 20 % chez les hommes (Observatoire national démographique de la profession vétérinaire, 2023).

Quelles que soient les modalités d’exercice, les femmes perçoivent des revenus inférieurs à leurs confrères. En exercice libéral, les femmes ont un revenu moyen annuel d’un tiers16 inférieur à celui de leurs confrères (Observatoire national démographique de la profession vétérinaire, 2022). Cet écart de revenus est, à priori, lié au temps de travail des femmes vétérinaires qui est moins élevé que celui de leurs confrères (Lassegue, 2017) et également à leur activité davantage centrée sur les animaux de compagnie. En effet, les vétérinaires « déclarant une activité “animaux de rente” et “mixte animaux de rente” ont un revenu déclaré moyen de 21,9 % supérieur à ceux déclarant une activité “animaux de compagnie” et “mixte animaux de compagnie” » (Observatoire national démographique de la profession vétérinaire, 2022, p. 64).

En tant que salariées du secteur libéral, les femmes perçoivent un salaire annuel inférieur à temps complet (écart d’environ 5 000 €) et à temps partiel (écart d’environ 4 000 €) que leurs confrères salariés. Cette différence est sans doute en lien avec l’activité plus marquée des femmes auprès des animaux de compagnie, comme en exercice libéral (Observatoire national démographique de la profession vétérinaire, 2022).

Ces conditions d’emploi et de revenus pour l’ensemble des vétérinaires sont déjà présentes chez les jeunes17, un an après l’obtention de leur diplôme d’études fondamentales vétérinaires (DEFV)18. Les jeunes femmes travaillent plus souvent à temps partiel (31,9 %) que les jeunes hommes (23,1 %), le temps partiel étant souhaité par 86,6 % de femmes et 88,5 % d’hommes. Les salaires annuels moyens (primes et avantages inclus) sont inférieurs chez les femmes (36 195 €) comparativement aux hommes (39 407 €), sans doute parce qu’elles travaillent plus à temps partiel et auprès des animaux de compagnie, un secteur où, d’après l’enquête sur l’insertion professionnelle du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation StatEA (2018)19, la rémunération est de 10 % de moins que la moyenne. Toutefois, les femmes sont un peu moins nombreuses à être salariées du secteur libéral (88,6 %) que leurs confrères (92,2 %) et un peu plus collaboratrices libérales (11,4 % vs 7,8 % d’hommes).

Par conséquent, l’entrée massive des femmes dans la profession vétérinaire, depuis plus de 30 ans, n’est pas synonyme actuellement d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, étant donné leurs différents modes d’exercice de la profession vétérinaire : espèces traitées, modalités d’exercice et temps de travail. C’est également le cas pour d’autres professions historiquement exercées par des hommes, mais devenues majoritairement occupées par des femmes telles que le professorat (Cacouault-Bitaud, 2001), le barreau (Union des jeunes avocats, 2012), la magistrature (Boigeol, 1999), la pharmacie (Collin, 1995), l’architecture (Lapeyre, 2006), la médecine humaine (Lapeyre et Le Feuvre, 2005) et le corps des commissaires de police (Pruvost, 2008).

Face à ce constat, quels sont les différents processus qui aboutissent encore à ces modes d’exercice différents de la profession vétérinaire par les femmes et les hommes ? Malgré la représentation numérique minoritaire des hommes actuellement, les valeurs mises en avant dans la profession vétérinaire, y compris par les femmes, restent-elles des valeurs traditionnellement masculines ?

Pour répondre à ces questions, nous avons mené une recherche longitudinale sur les étudiants et les étudiantes de la promotion 2014-2019 de l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT) pendant les cinq années de leur formation, en menant des entretiens semi-directifs20 auprès de 29 étudiantes et 19 étudiants (48 au total)21 à trois moments de leur formation : au milieu de leur première année, au début de leur troisième année et à la fin de leur quatrième année22. Pour compléter notre recherche, nous avons mené des entretiens semi-directifs23 auprès de 15 enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses de l’ENVT de différentes disciplines.

Mener une recherche longitudinale auprès d’étudiants et étudiantes vétérinaires tout au long de leurs cinq années de formation permet d’examiner la construction et l’évolution de leurs représentations socioprofessionnelles (Fraysse, 2000). Ces dernières offrent le moyen de percevoir les changements dans l’appréhension d’un métier, ainsi que les facteurs d’attrait ou de rejet d’une pratique professionnelle (Fraysse, 2000). C’est un cadre pertinent pour comprendre la dynamique des étudiantes et des étudiants vis-à-vis d’une filière professionnelle tout au long du cursus. Ce modèle facilite, ainsi, la compréhension des décisions relatives au choix des spécialités et d’exercice de la profession des étudiants et des étudiantes vétérinaires, en fonction des attentes par rapport à l’exercice de la profession par les femmes et les hommes relayées par les enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses, les vétérinaires et éleveurs au cours de leurs stages ainsi que les pairs, et des attendus des rôles sociaux des femmes et des hommes dans notre société.

Notre recherche est basée sur ces interrogations.

  • Les étudiantes et les étudiants s’orientent-ils vers la profession vétérinaire avec les mêmes représentations sociales du métier et les mêmes projets professionnels ?
  • Comment se construisent leurs aspirations et leurs représentations socioprofessionnelles au fur et à mesure de leurs cinq années d’études à l’école vétérinaire, comportant des cours théoriques, des stages obligatoires dans des cliniques privées, et des formations pratiques dans les cliniques de l’ENVT et par leurs pairs ?
    • Pendant les stages, quels sont les messages implicites ou explicites des vétérinaires pour les filles et les garçons sur les différents types d’exercice ? Qu’est-ce qui est attendu comme attitudes, comportements et compétences des filles et des garçons dans les stages et selon l’activité ? Quels sont les messages des éleveurs et éleveuses dans le cadre des stages auprès des animaux de rente ?
    • Quels sont les messages implicites ou explicites des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses pour les filles et les garçons sur les différents types d’exercice ? Quelles sont leurs représentations de la profession ? Quels sont les attitudes, comportements et compétences attendus des filles et des garçons pendant les semaines d’enseignement clinique selon le type de médecine et d’animaux soignés ?
  • Quelles sont les représentations sociales et socioprofessionnelles des étudiants et des étudiantes quant à l’exercice de la profession et quels sont les messages véhiculés entre eux et elles ?
  • Comment les étudiantes et les étudiants se projettent-ils dans leur avenir professionnel et personnel ?

Très peu de recherches sociologiques ont été menées en France sur la profession vétérinaire (Fritsch, 2005 ; Bonnaud et Fortané, 2018 ; 2020 ; Dernat et Siméone, 2014) et sur sa féminisation (Bonnaud et Fortané, 2017 ; Fontanini, 2008 ; 2010 ; 2011 ; 2012a ; 2012b ; 2015c ; 2019 ; 2020 ; Fontanini et Schneider, 2019) contrairement à d’autres pays étrangers, notamment anglo-saxons. Aucune recherche sociologique n’a été conduite sur les étudiantes et les étudiants vétérinaires pour saisir la construction de leurs choix professionnels tout au long des cinq années de leur formation dans les écoles vétérinaires et ainsi comprendre les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes vétérinaires. Ce livre a donc pour vocation de pallier ce manque.

L’ouvrage est organisé en trois parties. La première s’attache à décrire la longue histoire au masculin de la profession vétérinaire, à partir de la création des trois écoles jusqu’à l’entrée de quelques pionnières, pour mettre en évidence les éléments qui ont fondé cette profession comme exclusivement « masculine » et qui ont produit l’évidence de l’hégémonie masculine. La deuxième partie présente les différentes mutations de la profession à partir des années 1970, qui s’articulent avec un processus de féminisation qui a connu de fortes résistances de la part des vétérinaires. Nous faisons également un état des lieux de l’exercice de la profession actuellement en indiquant le profil sociodémographique des vétérinaires, les modes d’exercice différents par les femmes et les hommes et les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes qui permettent de saisir le contexte dans lequel les étudiants et les étudiantes se projettent dans l’exercice de la profession tout au long de leur cursus à l’école. La troisième partie expose les résultats de notre enquête longitudinale, menée par entretiens auprès des étudiantes et des étudiants, à savoir, dans un premier temps, leurs motivations pour devenir vétérinaires avant leur entrée à l’école et, dans un second temps, la construction et l’évolution de leurs choix professionnels en relation avec leurs représentations socioprofessionnelles au fur et à mesure des années de leur formation, notamment à travers leurs stages dans des cliniques privées et leurs semaines d’enseignement clinique à l’école.

Cet ouvrage est destiné aux enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses, aux étudiants et étudiantes vétérinaires et autres et aux lycéens et lycéennes qui envisagent de s’orienter vers les écoles vétérinaires, tant en France qu’internationalement. Il s’adresse également à l’Ordre national des vétérinaires, aux syndicats vétérinaires, aux écoles vétérinaires et, bien sûr, aux vétérinaires !

La promotion enquêtée : homogène et proche de l’ensemble des étudiantes et des étudiants vétérinaires

Les parcours scolaires des 29 étudiantes et 19 étudiants (48 au total) de notre enquête sont caractérisés par l’excellence scolaire. La quasi-totalité de notre échantillon (45 sur 48) est composée de bacheliers et de bachelières scientifiques « à l’heure », voire en avance, titulaires d’une mention « félicitations du jury » (deux filles sur 29 et deux garçons sur 19), « très bien » (11 filles sur 29 et sept garçons sur 19), « bien » (huit filles sur 29 et huit garçons sur 19) ou « assez bien » (cinq filles sur 29 et deux garçons sur 19) au baccalauréat scientifique. Deux étudiantes ont obtenu un baccalauréat « sciences et technologies de l’agronomie et du vivant » (STAV) avec la mention « bien » et une autre un baccalauréat littéraire avec mention « assez bien ».

La grande majorité des filles (22 sur 28)24 et la totalité des garçons ont été sélectionnés sur dossier pour entrer en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) scientifiques « biologie, chimie, physique, sciences de la vie et de la Terre » (BCPST). Deux étudiantes ont intégré une CPGE scientifique « technologie et biologie » (TB) réservée aux meilleurs et meilleures élèves des baccalauréats technologiques « sciences et technologies de laboratoire » (STL) et STAV ; quatre filles ont intégré une année préparatoire spéciale pour technicien supérieur ou technicienne supérieure (ATS) « biologie » ouverte aux excellents et excellentes élèves titulaires d’un diplôme universitaire de technologie (DUT) ou d’un brevet de technicien supérieur ou technicienne supérieure (BTS) du domaine biologique. Une étudiante a suivi une préparation aux concours agronomiques et vétérinaires à l’université au cours de sa licence 2 en biologie, après une sélection sur dossier.

Tous ces étudiants et toutes ces étudiantes vétérinaires ont réussi un concours25 d’entrée très sélectif pour accéder aux écoles vétérinaires. La répartition des étudiantes et des étudiants de notre enquête entre les différentes filières suivies pour préparer les concours est proche de celle de tous les étudiants et toutes les étudiantes dans les quatre écoles nationales vétérinaires, en 2014, qui, pour la majorité, ont suivi une préparation BCPST pour se préparer au concours A26 qui offre le plus de places (436 sur un total de 548 en 2014)27.

Les étudiants et les étudiantes de notre recherche sont assez bien dotés socialement, puisqu’environ la moitié des filles (14 sur 29) et des garçons (11 sur 19) ont un père appartenant aux professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) « cadres et professions intellectuelles supérieures ». Peu d’étudiantes (quatre sur 29) et d’étudiants (trois sur 19) ont un père employé ou agriculteur. Entre ces deux pôles opposés de l’espace social se situent les étudiantes et les étudiants dont le père est membre des PCS « professions intermédiaires » (respectivement sept sur 29 et un sur 19) ou « artisans et artisanes, commerçants et commerçantes et chefs et cheffes d’entreprise » (quatre filles sur 29 et quatre garçons sur 19).

La quasi-totalité (à l’exception de deux filles et de deux garçons) des filles28 et garçons ont une mère exerçant une activité professionnelle. La majorité des mères des filles relèvent des PCS « employés et employées » (10 sur 22) et « cadres et professions intellectuelles supérieures » (neuf sur 22) ; les trois autres font partie des PCS « professions intermédiaires ». Pour les garçons, la moitié (huit sur 17) appartient aux PCS « cadres et professions intellectuelles supérieures » et l’autre moitié est constituée de trois mères employées, de cinq mères « professions intermédiaires » et une « artisans et artisanes, commerçants et commerçantes et chefs et cheffes d’entreprise ». Aucun père ni aucune mère n’exerce la profession vétérinaire. Les étudiants et les étudiantes n’ont donc pas connu la profession vétérinaire au sein de leur famille nucléaire, et cette donnée est constante pour d’autres promotions (Sans et al., 2011).

Un tiers de l’ensemble des étudiants et des étudiantes de notre enquête (15 sur 48) bénéficie d’une bourse sur critères sociaux, ce qui correspond à la moyenne nationale des étudiants et des étudiantes (36,3 %)29. C’est davantage le cas des filles (12 sur 29)30 que celui des garçons (trois sur 19)31. Par conséquent, les étudiantes sont globalement un peu moins bien dotées socialement que les étudiants.

Cet élitisme social des étudiants et des étudiantes vétérinaires n’est pas propre aux écoles vétérinaires puisque « les enfants de cadres supérieurs représentent au moins la moitié des élèves des grandes écoles […] alors qu’ils constituent à peine un quart de l’ensemble des jeunes de leur âge »32. Ce recrutement social élevé des élèves vétérinaires n’est pas récent. Dès 1890, le baccalauréat devient obligatoire pour entrer dans une école vétérinaire, ce qui entraîne la baisse du nombre de candidats d’origine sociale modeste et rurale et la hausse d’élèves de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine. Tout au long du 20e siècle, la sélection devient de plus en plus forte et, dès les années 1960, « le sentiment du niveau d’excellence des écoles vétérinaires, assimilées aux grandes écoles, est largement partagé » (Hubscher, 1999, p. 316), amenant de plus en plus de candidats et de candidates d’origine urbaine et ayant des parents cadres et professions libérales (Hubscher, 1999).

Les deux tiers des étudiants et des étudiantes ont habité en zone urbaine et périurbaine (de la petite ville à l’agglomération parisienne) pendant leur enfance et leur adolescence.

Les caractéristiques sociodémographiques mettent donc en évidence une homogénéité de profils scolaires et sociaux de notre population enquêtée, pareille à celle de l’ensemble des étudiants et des étudiantes des quatre écoles nationales vétérinaires (Sans et al., 2011 ; Halfon, 2024).