La démarche de recherche participative présentée dans ce livre porte sur une question formulée par des collégiens, et a été co-construite avec des collégiens, que nous nommerons par la suite « commanditaires » ou « co-chercheurs ». Nous, Gaëlle et Claire, avons donc souhaité leur donner à nouveau la parole en ouverture de l’ouvrage. Nous avons invité à l’automne 2022 celles et ceux avec qui nous étions encore en contact à rédiger un texte qui figurerait au début de ce livre. Trois d’entre eux ont répondu positivement. Voici ces trois textes, présentés par ordre d’ancienneté des collégiens dans la démarche.
J’ai accepté de participer aux « Nouveaux commanditaires — sciences » au sein de mon collège par curiosité en premier lieu. J’ignorais ce qui m’attendait concrètement lorsque j’ai rédigé ma candidature. Celle-ci était remplie de questionnements autour d’un thème pour montrer mon envie d’interroger la société, le monde, la science.
Durant les premières séances, nous avons mis en commun nos interrogations, nous avons participé à différentes activités pour étayer notre regard et notre sens de l’observation. Puis petit à petit, nous nous sommes saisis du projet, nous avons cherché un thème parlant et intéressant pour nous, collégiens. Nous avons questionné notre quotidien et la thématique de l’amitié a retenu notre attention. Ce projet nous appartenait entièrement et nous étions guidés par des professionnelles (Claire et Gaëlle) pour savoir comment nous y prendre et à qui nous adresser.
Faisant partie des premiers élèves, j’ai participé à la naissance du projet et j’ai suivi de loin l’élaboration de celui-ci. Cela peut être frustrant, mais c’est aussi ça la recherche, nous ne sommes que des pierres participant à l’édifice, nous pouvons n’être que de passage. Mais mes mots posés sur ce papier montrent que ma participation n’a pas été oubliée. Je fais partie de ce projet, et il fera toujours un petit peu partie de moi. En tant que collégienne, c’est une chance d’avoir pu participer à ce projet abouti aujourd’hui et qui en fera peut-être naître d’autres.
Au collège, durant l’adolescence, entre les cours et la vie privée, on nous propose rarement de prendre du temps pour simplement se questionner. Mon collège m’a permis de le faire et je n’ai pas eu peur des « pourquoi », des « comment » qui me passaient par la tête. J’ai saisi l’opportunité et cette étape au sein de ma scolarité a participé à ma construction identitaire. Cette expérience m’a confrontée à ma personnalité, à ma timidité, à ma peur de l’avis d’autrui. De nombreux questionnements non verbalisés se bousculaient dans ma tête et se bousculent encore, parce que le ridicule de l’interrogation peut nous restreindre, parce qu’on imagine être seul à se le demander. Participer aux « Nouveaux commanditaires — sciences » m’a permis de comprendre combien il était essentiel d’avoir un esprit ouvert, un regard critique sur tout ce qui nous entoure, de ne pas tout prendre pour acquis.
Si mon expérience à travers ces mots peut donner envie à d’autres établissements scolaires, à d’autres professeurs d’inscrire leurs élèves dans une démarche scientifique, alors notre projet prendra encore plus de valeur.
Un après-midi de cours, la professeure de physique-chimie a fait circuler un papier à l’intention des élèves : une invitation à participer au projet des « Nouveaux commanditaires — sciences ». J’étais alors en classe de cinquième, au collège Camille Claudel de Montreux-Château.
Avant la première rencontre avec le reste du groupe, j’étais partagé entre intrigue et appréhension pour venir découvrir ce projet. Et pour cause, je ne connaissais personnellement aucun des autres élèves qui prenaient part à ce groupe de travail.
Mais très rapidement, le côté ludique de la démarche a brisé la glace entre les élèves, les professeurs du collège et les chercheurs. Au rythme des rencontres, qui étaient remplies d’ateliers de réflexions, de moments informels… le projet s’est construit, mois après mois, année après année.
Finalement, le groupe d’élèves a bien évolué, certains sont partis, d’autres nous ont rejoints. Néanmoins le plaisir partagé était toujours au rendez-vous.
Mais au travers des expériences que nous voulions mener et des réponses que nous cherchions, provenait un sujet qui ne nous était pas si lointain. Nous avions chacun et chacune été guidés par la curiosité de ce qui animait nos quotidiens d’adolescents : nos amitiés au collège. Et finalement, d’où provenaient-elles ?
Avec le recul des années, je me rends compte que le travail n’était pas uniquement du domaine de la recherche, mais aussi de la pédagogie. Claire et Gaëlle avaient chacune une volonté de partager, de transmettre d’égal à égal malgré les années et les diplômes qui nous séparaient. Cette mise au même pied d’égalité dans un projet de si long terme était valorisante pour l’adolescent que j’étais. Savoir que ma parole compte, être le moteur de réflexions, de débats, de décisions ne pouvait qu’offrir confiance en soi.
Ce rôle d’apprenti chercheur était valorisant et m’a offert une fierté personnelle d’abord, mais surtout collective face aux recherches que nous avions initiées ensemble.
J’ai personnellement rejoint l’équipe des « Nouveaux commanditaires — sciences » après que Lubin m’en ait parlé, j’étais alors en quatrième (2016).
Au départ, je m’attendais à prendre part à un atelier de « sciences brutes », à savoir ce qu’évoquerait le mot « science » à n’importe quelle personne, donc des sciences physiques, mathématiques, etc. Du moins c’est comme cela que Lubin m’avait vendu ce projet.
Or dès la première séance, je compris qu’il ne s’agirait pas de ce genre d’atelier. En effet, on parlait ici de sciences sociales.Cependant, et même en étant grand amateur de sciences comme on l’entend dans l’imaginaire collectif, je ne fus à aucun moment déçu de cette nouvelle expérience.
En effet, même si je ne m’attendais pas à des sciences sociales, la démarche scientifique était tout de même présente. Ainsi, tout le groupe d’élèves accompagné de Claire Ribrault et Gaëlle Espinosa a pu se questionner et raisonner sur une question principale qui était « Comment se forment les groupes d’amis ? ».
Toute la démarche derrière cette réflexion scientifique basée sur des expériences plus ou moins concluantes m’a permis de me forger une idée de ce qu’était la recherche. À savoir beaucoup de réflexion de groupe, nécessitant une collaboration étroite entre les membres de l’équipe, mais aussi beaucoup d’erreurs et d’hésitations.
Ce projet m’a aussi ouvert les yeux sur un autre problème que l’on peut rencontrer en tant que chercheur, à savoir le financement. Puisque malheureusement, sans financement, il ne peut pas y avoir de recherche.
Je suis convaincu que cette expérience m’a été et me sera utile pour mon développement personnel. Cela m’a permis de développer un esprit de recherche et de mise en question en plus de m’avoir octroyé un avant-goût de la recherche. En tant que futur rédacteur de thèse cela n’a pu être que bénéfique pour moi et j’en remercie grandement Fabienne Etienne, Olivier Corbont, Claire Ribrault, Gaëlle Espinosa ainsi que tous ceux qui ont fait que ce projet ait pu voir le jour.