Nous proposons dans ce chapitre le récit, principalement chronologique, de la démarche même de recherche participative, donc de sa co-construction et de la méthodologie de recueil des données que cette co-construction a produit. Notre double ambition au cœur de ce chapitre est de tenter, d’une part, de montrer à voir notre souci, dans cette co-construction, d’être et de rester à l’écoute des collégiens-commanditaires et, d’autre part, de construire des outils de recueil des données dont Gaëlle, en tant que chercheure, a une connaissance et un usage dans le cadre de ses propres travaux de recherche. La volonté sous-jacente portant cette double ambition est, en fin de compte, de répondre aux exigences — au cœur du Protocole des NC-S — de participation des commanditaires et de rigueur scientifique dans la démarche et le recueil des données (puis leur analyse). Répondre à ces exigences nous permettrait l’obtention de résultats de recherche scientifiquement recevables (et publiables) et donc d’apporter des réponses à la question posée par les commanditaires.
Dans ce présent chapitre, sont successivement présentés : des éléments introductifs aux conditions dans lesquelles nous avons mené la co-construction de la recherche ; les étapes de cette co-construction au cours des années scolaires 2015-2016 et 2016-2017 ; la poursuite, sous une autre forme de collaboration, de la recherche entre 2017 et 2022.
Dans le cadre du programme « Nouveaux commanditaires — sciences », une des conditions essentielles de la co-construction est de travailler ensemble « en vie réelle » (en opposition à des approches participatives à distance, basées sur l’utilisation d’outils numériques). Cela requiert donc de composer avec les contraintes géographiques et temporelles de chacun, ce qui peut se révéler assez compliqué. Dans la présente démarche, les commanditaires sont domiciliés à Montreux-Château et dans les communes environnantes, et ne sont pas autonomes pour se déplacer. Nous avons donc rapidement convenu de nous voir sur les horaires scolaires. Nous avons proposé des ateliers d’une durée d’environ trois heures, durée qui nous semblait nécessaire pour avoir le temps de travailler en profondeur, et de répartir ces ateliers environ tous les deux mois. À la différence d’ateliers courts qui peuvent avoir lieu sur la pause du déjeuner, les ateliers que nous proposions nécessitaient que les élèves s’absentent de leurs cours réguliers. Cependant, les enseignants et la principale de l’établissement ont, sans hésiter, donné leur accord pour cela.
Par ailleurs, le choix de réaliser les ateliers en présentiel à Montreux-Château impliquait également que nous, chercheure et médiatrice, nous rendions sur place. À Montreux-Château, il y a une petite gare qui n’était alors desservie que deux fois par jour. La gare la plus proche se situe à quelques kilomètres, gare à laquelle la principale est venue nous chercher à plusieurs reprises. La chercheure, Gaëlle, est domiciliée à Nancy (deux heures quinze de route ou trois heures à trois heures trente de train avec deux correspondances). Cela signifie un déplacement sur la journée (qui nécessite aussi d’organiser la garde de ses enfants). Quant à la médiatrice, Claire, elle vient soit de Paris (deux heures trente de train environ, avec une correspondance), ou de Bâle (une heure de train avec correspondance). Nous explicitons ici ces éléments pratiques, car ils expliquent à la fois les efforts nécessaires en termes d’organisation et de fatigue, et les imprévus qui peuvent arriver (voir. Infra, « Jongler, entre efforts et plaisir »).
Enfin, les ateliers se sont également déroulés dans le cadre scolaire « matériel », dans la mesure où nous étions pleinement immergés dans l’environnement quotidien des collégiens et de leurs enseignants. Nous nous retrouvions dans des salles de classe, tantôt une salle de cours de langues ou de mathématiques (où il était possible de déplacer les tables pour les mettre en cercle), tantôt la salle de technologie (où les tables étaient fixées au sol). Ces salles étaient équipées de vidéoprojecteur, ce qui nous permettait de projeter quelques documents. Lors des pauses, nous nous rendions dans la cour de récréation, une cour rectangulaire, banale, couverte de bitume, entourée de quelques bancs. La cour est longée sur un côté par le bâtiment des salles de classe (deux étages), sur un autre par la voie ferrée où passe le train que nous prenions pour venir (et où a également été construit un préau supplémentaire pendant la durée de la recherche), sur un troisième par un terrain de sport et un gymnase, et enfin, par les bâtiments administratifs, et l’entrée du collège sur la rue. Lorsque les horaires de train nous faisaient arriver à l’heure du déjeuner, nous étions conviées à partager un repas avec l’équipe pédagogique, dans une salle adjacente à la cantine où déjeunaient les collégiens et les enseignants. Nous avions aussi la possibilité de passer échanger avec les personnes du service administratif. Avant de repartir prendre le train, il arrivait que nous passions en salle des professeurs, où nous croisions d’autres enseignants et le conseiller principal d’éducation. Nous assistions alors à des échanges entre enseignants, la plupart du temps concernant des difficultés organisationnelles (d’emploi du temps, de mise en œuvre de réformes…), ou des difficultés liées à certains élèves. Notre venue ne se limitait donc pas à venir travailler avec les collégiens. Partager ces temps informels autour des ateliers était aussi important pour percevoir, ressentir, le contexte dans lequel s’inscrivait la recherche, le quotidien et les multiples préoccupations et contraintes avec lesquelles composaient les enseignants qui étaient engagés dans notre recherche participative, et la façon dont ils faisaient une place à cette recherche dans l’établissement.
En 2014, comme décrit plus haut, ce sont deux enseignants qui s’engagent dans le projet : Fabienne Etienne, professeure de sciences physiques et chimie, et Olivier Corbont, professeur de technologie. Il a tout de suite été très facile de travailler avec eux : ils n’avaient pas d’idée préconçue sur le projet, étaient ouverts à l’expérimentation et avaient à cœur d’impliquer des élèves curieux et motivés, quels que soient leurs résultats scolaires. C’est donc grâce à eux que s’est constitué le premier groupe de commanditaires. La médiatrice s’est accordée avec eux sur le message à faire passer aux élèves, et ce sont eux qui l’ont diffusé, par écrit et de vive voix. En 2016, Fabienne et Oliver ont été rejoints par Laurent Salvador, professeur d’histoire et de géographie. Ces trois enseignants ont donc permis et soutenu la participation des commanditaires à la recherche et ont été des relais précieux.
Tout d’abord, toujours sur un plan organisationnel, ils ont été nos interlocuteurs, avec la principale, pour choisir les dates qui convenaient, composant avec les multiples contraintes d’emploi du temps et d’autres projets au sein de l’établissement, et pour communiquer ces dates aux commanditaires et à leurs enseignants, avec le concours du personnel administratif. Ce sont eux qui réservaient les salles, s’assuraient de la disponibilité du matériel informatique nécessaire.
Ensuite, pendant les ateliers eux-mêmes, leur présence et leur participation étaient également essentielles. Lorsque l’attention de certains commanditaires se dispersait, d’une petite remarque discrète et bienveillante, ils savaient recadrer l’attention de chacun. Étant dans une relation de confiance avec les élèves, ces petites remarques étaient toujours bien perçues et rapidement suivies par les commanditaires. Connaissant bien les élèves, leur parcours scolaire et parfois personnel, ils savaient également inviter chacun à contribuer avec une expérience personnelle lorsqu’ils en pressentaient la pertinence. Ils savaient aussi interpeller ceux qui étaient parfois en retrait, tout en respectant la timidité de certains. Par leur attitude et leur attention, ils ont grandement facilité notre travail de chercheure et de médiatrice avec les commanditaires : il nous aurait fallu beaucoup plus de temps pour faire connaissance et établir une relation de confiance avec les commanditaires s’ils n’avaient pas été là !
Enfin, ils ont également été à l’initiative de nombreuses productions et d’éléments de communication au sein de l’établissement. À chaque rentrée, ils se sont mobilisés pour inviter de nouveaux élèves à participer (les élèves de classe de troisième de l’année précédente partant au lycée). Au cours du projet, ils ont également produit des petites vidéos avec les commanditaires, résumant l’avancement de la recherche, ce qu’ils avaient appris de l’année passée. Ces vidéos étaient partagées avec les autres élèves et l’équipe pédagogique, mises en ligne sur le site du collège. Ils ont produit quelques affiches, disposées au sein de l’établissement, pour partager l’avancement de la recherche. Toutes ces productions ont contribué à la fois à l’appropriation du projet par les commanditaires, à la continuité de la démarche entre les ateliers où nous venions à Montreux-Château et à ce que l’ensemble de l’établissement ait connaissance du travail en cours.
De notre point de vue, la recherche est une activité qui s’appuie sur un cadre méthodologique rigoureux et précis, mais également une aventure humaine, individuelle et collective. Pour chaque atelier, nous concevions en amont une trame, anticipant le déroulé de la séance, les points importants par lesquels nous voulions passer, les éléments à expliquer, présenter, mettre en discussion, expérimenter, produire. Pour chaque atelier, nous rédigions un compte-rendu, pour garder une trace des contenus et du déroulé de la séance, ce qui avait été produit, ce que nous devions poursuivre lors de la prochaine séance. Un court compte-rendu vidéo était aussi parfois produit par les élèves à la fin de la séance.
Dans ce cadre minimal, beaucoup de place était laissée à l’improvisation. Nous essayions de suivre le fil de réflexion des élèves. Si nous pouvions en effet anticiper les différentes étapes par lesquelles la recherche devait passer, il nous était malaisé de prévoir ce qui serait difficile ou facile pour les commanditaires, ce qui accrocherait leur attention ou leur intérêt ou, au contraire, ce qui les dépasserait ou les laisserait indifférents. Nous avions la chance inestimable de ne pas avoir d’échéance ni d’obligation de production. Nous prenions notre temps. C’était une chance, mais c’était aussi une difficulté : il est en effet difficile de maintenir une motivation quand on ne sait pas où l’on va, quand on n’a pas d’objectif clair. Face à cette difficulté, nous avons tenté de poser des points d’étapes concrets tout au long du chemin, des temps où prendre du recul, reconnaître le chemin parcouru. Nous avons également porté une attention constante au ressenti des commanditaires dans le cadre du projet : étaient-ils découragés ? Impatients ? Enthousiastes ? Fatigués ? Agacés ? Frustrés ? Lorsque nous en ressentions le besoin, nous discutions collectivement de ce que nous ressentions. Nous explicitions ce que la recherche peut susciter comme émotions, comme sensations. C’est ainsi que nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’échanger sur les difficultés rencontrées par chacun, qu’il s’agisse de la difficulté à ne pas savoir où l’on va, à travailler avec des personnes avec qui on ne s’entend pas toujours, à ne pas comprendre, à se tromper, à changer de perspective, à s’ennuyer, etc. Il nous semble qu’expliciter ces différentes étapes a également constitué un apprentissage pour les commanditaires, apprentissage de compétences qui dépassent le cadre de la recherche (voir Infra, notamment « chapitre 4 — Transformations produites par la démarche », point « Chez les collégiens co-chercheurs et les enseignants participant à la recherche »). Ces temps d’échange et d’explicitation ont également été des temps où nous nous sommes davantage rencontrés sur le plan personnel, nous avons partagé qui nous sommes, ce qui nous touche.
Cette dimension humaine de l’aventure scientifique et de cette rencontre entre tous les membres du collectif s’est aussi matérialisée dans les différents temps informels que nous partagions, hors du cadre du travail de recherche à proprement parler : lors de chaque atelier, nous partagions un goûter, où nous pouvions discuter de tout et de rien. Les casquettes d’enseignant, de chercheure, médiatrice ou commanditaire n’avaient plus lieu d’être. Lors des récréations, nous, chercheure et médiatrice, avions souvent aussi des discussions plus personnelles avec les enseignants. Et enfin, nous, médiatrice et chercheure, avons partagé plusieurs trajets en train ou en voiture, l’occasion de faire davantage connaissance, de s’accorder explicitement et implicitement sur la façon de travailler ensemble, de tisser des liens qui dépassent le cadre de la recherche. Cette convivialité a été essentielle pour construire un plaisir à être ensemble qui a soutenu l’engagement de chacun dans la durée, et surmonter les multiples imprévus !
Avec le recul, la démarche a tenu à un équilibre fragile. Entre deux ateliers, pendant deux ou parfois trois mois, il peut se passer beaucoup de choses. Chacun est repris par son quotidien, ses préoccupations, et il est facile d’oublier la démarche de recherche en cours, de la faire passer au second plan. Les métiers d’enseignant et de chercheur sont particulièrement prenants, avec des agendas chargés, des responsabilités multiples, des délais à tenir, etc. En outre, du point de vue des enseignants d’une part, ce projet reste un projet annexe, accessoire, à côté de l’ensemble des objectifs pédagogiques à remplir, du point de vue de la chercheure d’autre part, la recherche participative reste souvent peu valorisée, que ce soit par les collègues ou par l’institution académique, et donc peut facilement passer après les autres travaux de recherche. Outre ces difficultés continues, notre démarche a aussi été ponctuée d’imprévus et de contretemps, témoignant de la fragilité de son équilibre. Par exemple, comme nous l’aborderons parfois dans la suite de ce chapitre, en 2016, l’annulation d’un train empêche Gaëlle de venir à Montreux-Château. Lors de la session suivante, prévue un mois plus tard, une alerte à la bombe dans le collège nous interrompt après trois quarts d’heure de travail, nous nous retrouvons alors tous confinés dans le gymnase, avec quatre cents collégiens effrayés, et un conseiller principal d’éducation qui mobilise des trésors de patience, persuasion et compréhension pour éviter une panique généralisée. Considérant l’effort que cela constitue pour Gaëlle de venir à Montreux-Château, le découragement n’est parfois pas loin. Lors de l’année scolaire 2016-2017, nous travaillons avec une étudiante stagiaire, qui malheureusement ne validera pas son mémoire et son diplôme de master cette année-là. Là encore, beaucoup d’efforts investis qui épuisent petit à petit l’énergie de chacun. En 2019, nous apprenons que la Fondation de France cesse de soutenir les projets « Nouveaux commanditaires — sciences », y compris ceux en cours, pour des raisons internes à la Fondation. Cette même année, nous convenons d’organiser un événement public de présentation des premiers résultats de la recherche. Cet événement sera finalement annulé, pour cause de surcharge de l’équipe pédagogique. L’événement est reporté en avril 2020. Il sera de nouveau annulé, en raison du confinement de la population française en réaction à la pandémie Covid-19.
À chaque fois, il nous a fallu rebondir. En tant que médiatrice, Claire relançait les uns et les autres, pour s’assurer que la prochaine rencontre aurait bien lieu, que tout serait bien prêt, que personne n’annulerait à la dernière minute. Et, à chaque fois, lorsque nous nous retrouvions tous, un petit miracle opérait : commanditaires, enseignants, médiatrice et chercheure, nous avions un vrai plaisir à nous retrouver, un vrai plaisir à s’interroger ensemble, à cheminer ensemble. Nous parlons ici à la place des commanditaires et des enseignants, mais ceux-ci en ont témoigné à plusieurs reprises (voir Infra, notamment « chapitre 4 — Transformations produites par la démarche », point « Chez les collégiens co-chercheurs et les enseignants participant à la recherche »). C’est sans doute ce plaisir qui nous a donné l’énergie et la confiance de persévérer et, chaque fois, de réunir les conditions d’un nouvel atelier : le plaisir d’apprendre les uns des autres, depuis nos différentes positions, d’élèves, d’enseignants, de chercheure, de médiatrice ; le plaisir d’être surpris, d’être déplacé, de voir des étincelles s’allumer dans le regard des uns ou des autres ; le plaisir de sentir que l’on contribue à quelque chose qui nous dépasse, de cheminer ensemble sur des terrains qu’aucun de nous n’a exploré ; le plaisir de relations libres des contraintes institutionnelles, qui dépassent les statuts ou les âges.
À partir de mars 2015 commence véritablement la co-construction. L’enjeu est de construire une démarche de recherche en collaboration avec les collégiens. Comment ? Nous ne le savons pas à l’avance. Nous avancerons à tâtons, pas à pas. Ce qui compte, c’est que les collégiens fassent l’expérience d’une recherche « grandeur nature ». Il ne s’agit pas de réaliser avec eux une recherche qui serait simplifiée ou édulcorée, mais bien de leur faire une place dans une démarche de recherche scientifique, professionnelle (puisque relevant de l’activité professionnelle de Gaëlle), qui répond aux mêmes exigences que celles que se donne Gaëlle au quotidien. Bien entendu, ils ne pourront pas réaliser cette recherche eux-mêmes. Mais il s’agira à la fois de leur donner à « sentir », à faire l’expérience, de cette recherche (y compris avec ses errances et ses frustrations) et d’y accueillir leurs contributions. Nous mènerons ce travail de co-construction en étroite concertation, ajustant, d’une séance à l’autre, la façon de travailler avec les collégiens ainsi que les prochaines étapes.
Après notre première rencontre au collège de Montreux-Château — rencontre informelle et principalement de présentations mutuelles (mars 2015) —, nous proposons aux collégiens de se familiariser avec la littérature scientifique sur la socialisation des adolescents à travers la lecture et l’analyse de courts textes choisis, par Gaëlle, au regard de leur niveau d’écriture accessible et compréhensible pour des collégiens (notamment, deux extraits de Mallet, 1997, p. 111 et 120). Ces courts textes résument des travaux de recherche et les conclusions qui en sont tirées. Gaëlle ne peut participer à cette séance (avril 2015), c’est donc Claire qui accompagne la discussion de ces extraits. Elle guide les collégiens pour qu’ils s’expriment sur ce qu’ils pensent de ces conclusions au regard de leur propre expérience. Ils discutent alors des interprétations proposées par l’auteur, ainsi que les cadres (protocoles de recherche) dans lesquels ces observations et interprétations ont été effectuées. Les collégiens peinent à aller en profondeur dans cette lecture et se lassent assez rapidement, mais elle permet tout de même d’amorcer une réflexion sur les nombreux facteurs qui influencent la socialisation et sur les méthodologies de recherche qui permettent d’enquêter sur ces facteurs. Les collégiens résument leurs commentaires dans une lettre adressée à Gaëlle, dans laquelle ils présentent notamment leurs questions et expriment leur envie de « faire des enquêtes, ou des expériences au collège, pour étudier la psychologie humaine, les interactions entre adolescents, et les groupes dans la cour par exemple » et de « voir la complexité de ces expériences ».
Pour les étapes et séances suivantes, nous décidons donc d’amener les collégiens à œuvrer pour expérimenter la recherche. La méthodologie à mettre en place pour répondre à la question que les collégiens se posent dans le cadre de la recherche (« comment se forment les groupes d’amis au collège, en milieu rural ? ») est ainsi débattue collectivement à partir de mai 2015.
La première idée des collégiens est d’observer la cour de récréation et de décrire les groupes existants. Avec l’aide de Fabienne et Olivier, les deux enseignants investis dans la démarche, nous décidons de réaliser un premier enregistrement vidéo d’une récréation filmée depuis le haut du bâtiment des salles de cours. Cet enregistrement est effectué le 1er juin 2015 au matin, une séance des commanditaires a lieu l’après-midi même. À l’issue de cette séance, et à titre d’exemple, Claire rédige le compte-rendu ci-dessous, décrivant ainsi le travail effectué, cet après-midi-là, avec les collégiens co-chercheurs :
Document 1. Compte-rendu de la séance du 1er juin 2015 — NC-S MC
Compte-rendu de la séance du 1er juin 2015
Nouveaux Commanditaires — Sciences, Montreux-Château
Visualisation du film de la récréation, réalisé par Olivier, le 1er juin au matin.
Discussion du contexte de la prise de vue : cadrage, quelle récréation, sans informer les élèves… Seulement la moitié de la cour est filmée, et le préau n’est pas visible.
Formulation des attentes : que s’attend-on à observer ? Quelles hypothèses formuler ?
Description de la cour, vide, avant la récréation, des espaces autorisés ou non (une limite non matérialisée existe, au fond de la cour, que les élèves ne doivent pas dépasser), bancs…
Visualisation des cinq premières minutes, en silence, prise de notes.
Description qualitative :
Observation de groupes, de taille variable, mixtes et non-mixtes.
Présence de surveillants
Dynamiques : certains cours, marchent, se taquinent (garçons-filles, garçons-garçons).
Place des bancs : sont l’objet de jeux de pouvoir, selon qui peut s’y asseoir et quand…
Émerge très vite une cartographie de la cour proposée par les commanditaires eux-mêmes, spontanément. Différentes cartographies sont proposées, et font l’objet de discussion. L’occupation de la cour est différente par chaque niveau, et en fonction des heures de récréation (zones : 6e – 5e – 4e – troisième — geeks…).
Est alors posée la question du pouvoir : comment se fait-il que certaines personnes aient plus de pouvoir que d’autres puissent prendre un rôle de leader ? D’autant plus que ce pouvoir est le plus souvent implicite (on sait que cette personne a du pouvoir, sans pour autant être capable de définir des signes marqués…).
Visualisation de la fin du film. De nombreuses questions sont posées :
Ce qu’on ne voit pas.
Comment interpréter certains comportements ? S’agit-il de disputes ou de jeux ?
Discussion autour de la description du film : comment décrire, qualitativement et quantitativement, pour comparer à un autre film par exemple ? Analyse à reprendre.
Nombre de groupes, durée, mixité, taille des groupes.
Déplacements.
Type d’activités…
Discussion des observations complémentaires nécessaires :
Une autre récréation, autre moment de la journée. Comparer début et fin d’année.
Autres espaces ? Cantine, couloirs…
Filmer toute la cour, avec plusieurs caméras
Observer dans la cour, en écoutant, prenant des notes ? => discussion sur la place de l’observateur.
Discussion sur la place de l’observateur :
Peut-on observer, écouter dans la cour, sans informer les élèves ? S’agit-il d’une forme d’espionnage ?
Nécessité d’informer les autres élèves de la démarche en cours, sans pour autant rentrer dans le détail de la méthode, qui pourrait biaiser leurs comportements s’ils se sentent observés.
Nécessité de définir ensemble une posture : les objectifs de la recherche, le traitement des informations (anonymisées ou non), pas de jugement, comment cette recherche peut bénéficier à tous les élèves, et comment elle sera partagée.
Méthode : comment observer sans perturber les interactions et en restant respectueux, et garder la mémoire puis trace des observations ?
Questionnement sur la démarche d’ethnographie et le positionnement du chercheur à poursuivre.
Questionnement global retenu pour l’an prochain :
Formation des groupes, comment s’intégrer, quelles réactions face aux moqueries, comment est vécu le passage en 6e sur le plan des comportements intolérants ?
À la suite de l’analyse de cet enregistrement, nous décidons d’effectuer un nouvel enregistrement vidéo de la cour de récréation, lors de la semaine de rentrée, en septembre 2015. Ce choix s’explique notamment par l’idée, émanant des collégiens co-chercheurs, que filmer en début d’année scolaire peut être susceptible de nous informer plus grandement sur la façon dont se constituent les groupes d’amis lors du début d’une nouvelle année scolaire.
Une série d’enregistrements (sept) est donc effectuée lors de la semaine de rentrée 2015, débutant un mardi. Ces enregistrements doivent nous permettre de voir :
De quelle(s) façon(s) les néo-collégiens (les élèves entrant en sixième) s’approprient l’espace de la cour, appropriation en deux temps, les élèves de sixième bénéficiant d’une rentrée anticipée par rapport aux élèves des classes de cinquième, quatrième et troisième ;
De quelle(s) façon(s) les élèves de cinquième, quatrième et troisième s’approprient l’espace de la cour de récréation au fil de la semaine de rentrée et de la rentrée des différentes classes.
Jour 1 | Jour 2 | Jour 3 | Jour 4 | ||
Mardi | Mercredi | Jeudi | Vendredi | ||
Les récréations | Matin | * | * | * | * |
Après-midi | * | - | * | * |
Nous réalisons ensuite une analyse filmique, lente, longue et fastidieuse, de ces enregistrements vidéo jusqu’en mars 2016 : les séances des 28 septembre et 9 novembre 2015 ainsi que celles des 5 janvier et 11 mars 20161 y sont ainsi majoritairement consacrées, en sous-groupes comme en grand groupe lors des mises en commun et débats au sein des séances des commanditaires. Lors de cette analyse, nous encourageons les collégiens à observer et décrire de manière aussi précise et exhaustive que possible les images. Ils prennent alors conscience de l’ampleur d’un travail qui les dépasse. En outre, les collégiens commencent à douter de leur méthodologie qui ne semble pas permettre de répondre à leur question : les groupes d’amis sont en effet déjà formés lorsqu’ils les observent dans la cour de récréation. Comment « remonter » alors au moment même de la constitution des groupes d’amis ? Les collégiens décident qu’il serait donc plus pertinent, en deuxième idée, d’interroger directement les élèves du collège.
Si la séance du 11 mars 2016 débute par la poursuite des analyses filmiques, elle se poursuit par la demande des collégiens co-chercheurs d’être éclairés sur d’autres moyens de collecte de données, et notamment sur la façon d’interroger directement des individus dans le cadre d’une recherche menée en sciences humaines et sociales.
La question de la méthodologie à adopter est ainsi à nouveau posée : questionnaire ou entretien ? Les collégiens en débattent. Au cours de cette phase, Gaëlle explique ce que sont un guide d’entretien semi-directif de recherche et un questionnaire en leur présentant des exemples issus de ses propres travaux. Pour cela, elle se base sur les contenus de deux travaux dirigés, qu’elle dispense en troisième année de licence sciences de l’éducation à l’Université de Lorraine, sur les méthodologies qualitatives et quantitatives de la recherche en sciences humaines et sociales. Il s’agit alors de présenter aux collégiens les grands principes et les grandes lignes de chacun de ces deux outils, d’expliquer le type de données recueillies pour quels types d’analyses.
Les collégiens co-chercheurs expérimentent alors l’un ou l’autre de ces outils. Quatre sous-groupes se forment pour s’atteler à leur élaboration, chacun décidant de travailler plus grandement une série de questions sur un thème choisi, en lien avec les analyses filmiques effectuées précédemment. Ainsi, un sous-groupe travaille sur les élèves en classe de sixième, un autre sur les élèves seuls au collège, un autre encore sur le préau, là où se positionnent les geeks en cour de récréation et, enfin, un dernier groupe travaille sur les vêtements. Nous insistons sur le fait que chaque sous-groupe doit décider du type d’outil qu’il choisit de construire en fonction de ce qu’il cherche à savoir sur le thème choisi. Pour chaque sous-groupe et thème, sont alors rédigées quelques questions, présentées sous la forme soit d’un guide d’entretien (dans un tableau, liste de thèmes, questions cadres et questions de relance), soit d’un questionnaire (liste de questions accompagnées de modalités de réponse proposées et à cocher). Ces premiers outils sont imprimés, en un seul exemplaire pour les guides d’entretien, en plusieurs pour les questionnaires. Les collégiens co-chercheurs s’apprêtant à effectuer des entretiens s’équipent en outre d’un dictaphone pour l’enregistrement sonore de ces entretiens. Tout ceci est élaboré en l’espace de deux heures environ. Au cours de cette phase d’élaboration, nous alertons les collégiens co-chercheurs de la nécessité de définir un échantillon de population auprès de qui effectuer ces passations. Pour l’instant, cette information de l’échantillonnage ne semble pas être véritablement entendue, l’excitation et l’impatience à tester leurs outils tenant alors toute la place.
Un temps de récréation survient ensuite, c’est au cours de ce temps que les collégiens co-chercheurs effectuent la passation de leurs outils auprès d’élèves du collège, récoltant ainsi quelques enregistrements d’entretiens, quelques réponses à leur questionnaire.
S’ensuit alors une session de travail sur la préparation et l’analyse des données. Gaëlle en explique les différentes étapes. Concernant les entretiens, elle décrit le travail d’anonymisation et de transcription des données, la différence entre analyse de discours et analyse de contenu, l’analyse thématique de contenu, la constitution d’une grille d’analyse. Concernant le questionnaire, elle introduit la saisie et l’analyse quantitative des données. Après ces courtes explications, les collégiens analysent d’abord les conditions des passations qu’ils viennent d’effectuer et commencent ensuite à s’interroger sur l’analyse des données qu’ils ont recueillies. Ils tirent de leurs réflexions plusieurs conclusions. La première est que la cour n’est pas le lieu pour ce type de recueil de données, au regard, par exemple, des interventions intempestives des pairs dans les réponses apportées par l’élève interrogé, du fait que les collégiens, qu’ils soient élèves du collège ou co-chercheurs, se révèlent fort mal à l’aise dans les situations de passations d’entretiens ou de questionnaires effectuées devant des pairs curieux. La deuxième conclusion à laquelle les collégiens co-chercheurs arrivent est qu’il leur est difficile d’interroger eux-mêmes, de façon sérieuse et en étant naturels, leurs camarades de collège. Enfin, la troisième conclusion est que l’entretien semble une méthode plus adaptée que le questionnaire pour tenter de répondre à la question qu’ils se posent.
Lors des séances des 28 avril et 21 juin 2016, le travail d’élaboration et de passation des deux outils, de définition d’un échantillonnage ainsi que celui de préparation et d’analyse des données récoltées sont poursuivis. L’enjeu de ces deux séances est, d’une part, de familiariser les collégiens co-chercheurs avec les modalités de récoltes de données en sciences humaines et sociales et, d’autre part, de tendre vers une amélioration maximum des outils élaborés. À titre d’exemple, voici la trame de la séance du 28 avril, dans laquelle on décèle ce double enjeu :
Document 2. Trame pour la séance du jeudi 28 avril 2016 — NC-S MC
Trame pour la séance du jeudi 28 avril 2016 après-midi
Nouveaux Commanditaires — Sciences, Montreux-Château
Focus group avec tous les élèves des NC S [1h max.]
Il s’agira essentiellement d’un moment d’échanges et de discussions avec les élèves afin de savoir :
Où en sont-ils ?
Afin de les amener à répondre de façon fouillée à cette question, trouver des activités ludiques (leur montrer un dessin, leur projeter un extrait de vidéo, leur proposer de réagir à une phrase toute faite, etc.) pour :
Susciter la discussion,
En interroger la réception, et
Observer comment émergent, s’expliquent, se justifient, sont contredites les différentes interprétations collectivement élaborées.
Poursuivons notre travail pour obtenir des réponses… [2 h]
Il est aussi d’obtenir nous-mêmes des réponses à la/aux question/s (« Comment se forment les groupes d’amis au collège ? ») que les élèves se posent, dans un temps plutôt long, en poursuivant et améliorant les méthodologies et outils élaborés les séances passées (questionnaires, guides d’entretien auprès d’élèves).
Reprise de ce travail de construction/réflexion méthodologique et de ces outils (questionnaires, guides d’entretien individuels/collectifs) expérimentés le 11 mars dernier :
Les améliorer encore et créer leurs versions finales,
Redéfinir l’échantillon de population visé,
Réfléchir aux bonnes conditions de passation de ces outils (organisation ?) et les définir.
Ainsi, s’accorder sur certains critères qui définissent une méthodologie (une méthodologie entièrement définie semble trop ambitieuse à ce stade), par exemple :
Entretiens individuels et/ou collectifs et/ou questionnaires,
Échantillon visé,
Environnement, durée de l’entretien,
Axes thématiques,
Comment on communique sur la recherche, quel appel à participation ?
Puis test, entre les collégiens NC-S cette fois, des guides d’entretien : entretiens individuels ou collectifs.
Brièvement, les quatre groupes préparent une méthode, puis la testent respectivement (A interroge B qui interroge C qui interroge D qui interroge A, en deux temps).
Il est aussi possible d’obtenir des réponses immédiates à la/aux question/s (« Comment se forment les groupes d’amis au collège ? ») que les élèves se posent.
Si l’on souhaite être dans l’immédiateté, seule la lecture de travaux de recherches passés, effectués et publiés, pourra nous apporter les réponses scientifiques (au-delà des a priori, préjugés), de façon partielle ou plus globale, aux questions que l’on se pose.
Quelques exemples : Mallet (2015), et trouver des (extraits d’) articles de revues scientifiques, de revues plus grand public, mais articles écrits à partir de travaux scientifiques, de vidéos scientifiques, etc.
Prévoir en fin de séance [15 min.] :
Un temps pour conclure et noter ce qu’il y a à garder de cette séance, pour la prochaine…
Un temps pour revenir également sur ce que nous avons voulu faire aujourd’hui, expliquer donc aux collégiens ce qu’on « leur a fait » : leur faire faire l’expérience de la recherche en Sciences humaines et sociales.
Entre cette séance du 28 avril et celle du 21 juin 2016, Fabienne et Olivier organisent, avec les collégiens co-chercheurs, une passation d’entretiens collectifs, au sein du collège. Cette passation a lieu au début du mois de juin 2016. 27 collégiens sont entretenus par quatre sous-groupes de collégiens co-chercheurs, sous la responsabilité de Fabienne et Olivier.
Le groupe 1 des collégiens co-chercheurs, composé d’un garçon et de deux filles, effectue la passation d’entretiens individuels auprès de collégiens sur le thème des personnes seules ou isolées au collège. Le groupe 2, composé de deux filles et de deux garçons co-chercheurs, effectue la passation de trois entretiens collectifs auprès d’amis (deux binômes non mixtes et un trio de filles) sur le thème des élèves en classe de sixième. Le groupe 3, composée de quatre filles co-chercheures, effectue la passation d’entretiens individuels (un garçon et une fille) et collectifs (trois binômes non mixtes d’amis) sur le thème des styles vestimentaires. Enfin, le groupe 4, composé de quatre garçons co-chercheurs, effectue la passation de deux entretiens collectifs sur la constitution des groupes d’amis entretenus (un groupe de trois filles et un groupe de quatre garçons). L’ensemble de ces entretiens est enregistré et fera l’objet d’une écoute attentive et d’échanges au sein du groupe des collégiens co-chercheurs lors de la séance du 21 juin à venir.
À titre d’exemple, voici deux guides d’entretien que les collégiens co-chercheurs élaborent au cours de la séance du 28 avril, puis utilisent lors des passations d’entretiens du début du mois de juin :
À l’issue de la séance du 21 juin, nous nous accordons sur l’idée que nous parviendrons certainement plus aisément à répondre à la question posée par les collégiens co-chercheurs en élaborant un guide d’entretien abouti et en effectuant sa passation auprès de divers collégiens. L’outil questionnaire est ainsi, petit à petit, mis de côté puis abandonné.
Pendant l’ensemble de cette phase de construction et de passation d’outils de récolte de données, on peut considérer que la recherche a été « simplifiée », dans la mesure, par exemple, où aucun échantillon « réaliste » n’a été constitué. Cependant, nous avons été honnêtes dans le fait que ce travail ne pouvait pas apporter de réponses solides et fiables. En ce sens, les collégiens ont fait l’expérience d’une recherche « réelle », éprouvé les limites de leur travail et la difficulté de cette activité. La recherche prend du temps, est pleine d’imprévus, certaines étapes sont fastidieuses, on alterne entre enthousiasme et découragement. L’ensemble de ces étapes, entre mars 2015 et juin 2016, permet en effet de constater que si les collégiens co-chercheurs sont en mesure de réfléchir à une méthodologie de recherche et de la concevoir, ils ne sont cependant pas en capacité (disponibilité, compétences) de produire un guide d’entretien développé et abouti permettant la récolte de données suffisamment solides pour répondre à l’exigence de rigueur scientifique d’une recherche professionnelle.
À l’issue de l’année scolaire 2015-2016, nous concluons donc, ensemble, que si la méthodologie de recherche pourra être construite avec les collégiens co-chercheurs, le guide d’entretien développé et abouti ainsi que la récolte des données devra l’être par une personne plus expérimentée en recherche, qu’il s’agisse de la chercheure ou d’un étudiant en sciences de l’éducation et de la formation par exemple.
Durant l’année 2016-2017, nous travaillons avec une stagiaire, Audrey Beilhartz, étudiante en sciences de l’éducation et de la formation à l’Université de Lorraine, inscrite en deuxième année de master (M2) « Conduite de projets et développement des territoires » (ProjTer), spécialité « Formation, animation, développement territorial et transfrontalier » (FAD2T). Pour ce stage, comptant bien sûr pour la validation de son master, Audrey perçoit une gratification, rendue possible par le soutien financier de la Fondation de France dont bénéficie l’ensemble de la démarche participative menée à Montreux-Château. Enfin, le mémoire de M2 d’Audrey, dont la soutenance est programmée en juin 2017, portera sur cette démarche et tentera d’apporter les premières réponses, scientifiquement recevables, à la question que se posent les collégiens co-chercheurs.
L’objectif de cette année 2016-2017 est de concevoir ensemble une méthodologie de recherche de recueil de données et de la valider (ou de la faire évoluer) au moyen d’une enquête préliminaire. L’entrée d’Audrey dans la démarche de recherche NC-S est motivée par l’idée de faire découvrir une telle démarche de recherche à une étudiante en sciences de l’éducation et de la formation, mais également d’apporter à Gaëlle une aide au sein de cette démarche.
Dans le cadre de ses travaux de recherche, Gaëlle choisit habituellement d’élaborer une méthodologie pluri-instrumentée utilisant ainsi plusieurs outils de récolte de données, tels que l’observation directe de type ethnographique, l’entretien semi-directif de recherche, le questionnaire, la captation vidéo et audio, le dessin, l’épreuve de type projectif. Ce choix de la pluri-instrumentation a au moins deux explications claires. La première est qu’elle permet le recueil de la voix de l’enfant et de l’adolescent dans ses divers langages. Cela augmente ainsi les chances de recueillir cette voix, car multipliant les chances de toucher au moyen d’expression préféré ou par lequel chaque enfant ou adolescent rencontré se sent le plus à l’aise. Au-delà des apports de chaque instrument utilisé dans le cadre de ses récoltes de données, la seconde explication relève d’une tentative de dépassement des limites de chacun de ces instruments.
Ainsi, s’il a été collectivement décidé que la récolte de données dans le cadre de la démarche de recherche NC-S sera effectuée au moyen d’entretiens semi-directifs de recherche, nous proposons aux collégiens co-chercheurs de créer un outil original, et complémentaire au guide d’entretien, afin d’élaborer une méthodologie doublement instrumentée. Cette proposition a, en outre, pour ambition de poursuivre la modalité participative de la recherche co-construite.
Dès la séance du 3 octobre 2016, première séance de reprise après les vacances d’été, nous poursuivons l’élaboration, avec les collégiens co-chercheurs, de la méthodologie de notre recherche. À titre d’exemple, voici la trame de cette séance :
Document 3. Trame pour la séance du lundi 3 octobre 2016 — NC-S MC
Trame pour la séance du lundi 3 octobre 2016 après-midi
Nouveaux commanditaires — sciences, Montreux-Château
Remise en route [30 min.]
Accueil des nouveaux collégiens au sein des commanditaires.
Retour sur ce qui a été fait jusqu’ici et notamment ce qui s’est passé l’année passée.
Où en sommes-nous restés en juin ?
Le but de ce retour est de, d’une part, présenter notre travail aux nouveaux collégiens au sein des commanditaires et, d’autre part, reprendre contact avec notre démarche pour les collégiens NC-S.
Qu’allons-nous faire pendant cette année scolaire ?
Rappel ici des objectifs de l’année pour enfin obtenir, peut-être, des réponses aux questions que l’on se pose, via notamment l’aide et le travail d’un étudiant de Master qui fera son mémoire sur nos questions
Création d’un guide d’entretien.
Création d’un outil original de recueil de données (dessin, test projectif, autre ?).
Définition de l’échantillon de population à qui nous destinerons ce guide.
Afin d’avancer cette année vers des réponses à nos questions, nous faisons le choix de partir des entretiens effectués le 21 juin dernier par les NC-S et qui portaient sur :
Les « personnes seules ».
Les « styles vestimentaires ».
Avec l’idée que les « personnes seules » traitent en fait de l’amitié et de la façon dont on se fait des ami-e-s et que les « styles vestimentaires » pourraient expliquer cela (l’amitié et de la façon dont on se fait des ami-e-s)
Poursuite de notre démarche de recherche
Dans l’objectif de créer un guide d’entretien définitif
Réécoute, tous ensemble, d’un entretien effectué par les NC-S le 21 juin dernier : pour exemple de ce que nous pouvons en tirer pour créer une version définitive d’un guide d’entretien.
Réécoute, par les NC-S en binôme, des entretiens effectués par les NC-S le 21 juin dernier.
5 entretiens sur le thème « personnes seules ».
8 entretiens sur le thème « styles vestimentaires ».
À la fin de chaque thème, mise en commun/débat/réflexion/décisions pour la suite…
Prévoir en fin de séance [15 min.]
Un temps pour conclure et noter ce qu’il y a à garder de cette séance, pour la prochaine…
Comme décrit ci-dessus, l’année passée, les élèves avaient fait l’expérience de construire des guides d’entretien et questionnaires, et d’effectuer quelques passations dans la cour. Ils en avaient conclu qu’un entretien était un outil plus pertinent pour notre recherche. Suite à cette conclusion, lors de cette séance de reprise, Gaëlle effectue un rappel sur la façon dont on construit un guide d’entretien, approfondit quelques éléments : sa structure (thèmes, questions cadre, questions de relance) ainsi que la façon dont il est utilisé. Nous discutons ensemble les modalités de passation d’un entretien, sa durée, la façon dont le chercheur se présente, la façon dont son attitude peut mettre à l’aise les personnes interrogées ou, au contraire, les intimider, mais aussi dont il peut orienter, biaiser leurs réponses. Les enjeux de confidentialité et d’anonymat sont expliqués. Après cette présentation, les commanditaires travaillent en petits groupes. La mise en commun des guides d’entretien construits par leurs soins aboutit à une proposition de thèmes qui tiennent à cœur aux collégiens co-chercheurs. Ces thèmes sont au nombre de six : la solitude, le style vestimentaire, les activités extrascolaires, les centres d’intérêt, l’histoire de l’individu, les contacts numériques. Ils proposent également une série de questions pour chaque thème.
Lors de la séance suivante du 4 novembre 2016, nous accueillons pour la première fois Audrey, l’étudiante stagiaire, au sein des séances. Après un temps de présentations réciproques, nous reprenons, sous son observation d’abord, avec sa participation ensuite, le travail d’élaboration de la méthodologie de recherche. Audrey s’imprègne ainsi de l’ambiance des séances, de l’état d’avancée des différents guides d’entretien et des différents thèmes qui y sont abordés. Ces thèmes, toujours au nombre de six, se stabilisent même si leurs dénominations, parfois, évoluent, sont complétées : les personnes seules, les vêtements et le style vestimentaire, les activités extrascolaires, les centres d’intérêt, l’histoire et le contexte (classe, école primaire, voisins, parents), les contacts numériques. La poursuite de ce travail d’élaboration de la méthodologie de recherche permet, d’une part, la mise en commun des guides d’entretien pour n’en construire qu’un seul, composé de plusieurs thèmes, satisfaisant l’ensemble des collégiens co-chercheurs (voir Outil 3, Infra) et, d’autre part, de travailler sur la création du second outil.
Au sujet de ce dernier, nous proposons donc aux collégiens co-chercheurs de créer un outil original avec lequel ils auraient aimé, par exemple, être eux-mêmes interrogés sur leurs amitiés. L’ambition de cet outil est de venir compléter les données récoltées au moyen du guide d’entretien co-construit. L’ensemble des collégiens co-chercheurs, de façon étonnamment consensuelle, conçoit ainsi, lors de la séance du 4 novembre, cet outil complémentaire et original de recueil de données : une consigne pour l’élaboration, par les futurs élèves entretenus, d’un dessin de leurs amitiés, un « arbre d’amitiés ». Pressentant peut-être qu’une image vaut mille mots, les collégiens co-chercheurs ont en effet réfléchi à la façon d’amener les personnes interrogées à représenter, par le dessin, leurs relations amicales. Expérimentant d’abord cet outil eux-mêmes, ils ont constaté que les représentations étaient multiples : certains dessinent un réseau (une toile d’araignée), certains un arbre, d’autres simplement des groupes selon des critères de leur choix (lieu, histoire), certains matérialisent les relations entre les différentes personnes, et leur attribuent différentes couleurs selon le sens de ces relations, certains font des portraits, certains se placent dans cette représentation et d’autres non, etc. Après cette brève expérimentation et une discussion avec Gaëlle et l’étudiante, les commanditaires rédigent la consigne suivante pour cet outil : « Dessine un arbre d’amitiés de tes amis ». Ils proposent que leurs pairs le dessinent en introduction de leur entretien, l’arbre d’amitiés servant ainsi d’appui à l’entretien. Cet outil et cette consigne sont donc le fruit de l’imagination des commanditaires (voir Outil 4, Infra).
Enfin, au cours de la séance du 4 novembre, Audrey s’engage, pour la prochaine séance programmée le 17 janvier 2017, à améliorer les outils actuels (donc, un guide d’entretien et une consigne pour un arbre d’amitiés), à les finaliser.
En tant que guidante de mémoire d’Audrey lors de cette année 2016-2017, Gaëlle est amenée à conseiller, guider et relire le travail d’Audrey dans ce cadre. Entre le mois de novembre 2016 et le début du mois de janvier 2017, Audrey s’attèle à un certain nombre de lectures scientifiques sur les socialisation et sociabilité juvéniles, objet au cœur de la démarche de recherche menée à Montreux-Château. Alliant ses lectures aux ébauches de guide d’entretien et de formulation de la consigne pour l’arbre d’amitiés, Audrey élabore un guide d’entretien et une consigne. Après quelques relectures de la part de Gaëlle et quelques corrections effectuées par Audrey, les outils sont élaborés et finalisés au 6 janvier 2017. Ils sont inclus dans le document global ci-dessous comprenant :
Un contrat de communication, introductif à tout entretien de recherche et posant les bases de la rencontre entre le chercheur et la personne entretenue ;
Quelques questions préalables à l’entretien et amenant la consigne de dessiner un arbre d’amitiés ;
Le guide d’entretien composé de six thèmes (Solitude, être seul ; Se vêtir, se coiffer ; Activités extrascolaires : centres d’intérêts ; Temporalité et maintien de l’amitié ; Image de l’établissement) — thèmes contextualisés et justifiés au regard de la littérature scientifique —, de questions cadre et de questions de relance ;
Une ébauche d’échantillonnage, Audrey envisageant de mener les entretiens auprès de groupes d’amis, mixtes et non mixtes, trois en classe de sixième et trois en classe de troisième.
Voici ce document global :
Dans le cadre de mes études (en deuxième année de master sciences de l’éducation), je réalise un travail d’étude et de recherche avec un groupe d’élèves du collège sur la création d’amis au collège.
Je te sollicite pour que tu me parles de ton expérience dans ce domaine. J’aimerais te proposer quelques thèmes et te poser quelques questions pour recueillir ton point de vue sur « comment se fait-on des amis ».
Cet entretien va durer environ une demi-heure, et sera enregistré avec ton accord. Je m’engage à respecter ton anonymat et la confidentialité de tes propos. Si tu le souhaites, tu peux choisir un pseudo que j’utiliserais lors de l’exploitation de mon travail.
À la fin de l’année, je viendrais partager avec vous les résultats de ce travail.
Questions préalables et introductives :
Je te propose que, pour commencer, tu te présentes à moi (âge, classe, goûts divers, collège… Laisser le collégien aborder les sujets de son choix) …
Parle-moi de (présente-moi) tes ami/es…
Consigne :
Nous cherchons à comprendre comment l’on se fait des amis au collège. Pour nous permettre de mieux comprendre ce phénomène, dessine un arbre d’amitiés de tes amis.
Thèmes | Question cadre | Questions de relance |
Solitude/Être seul Il s’agit ici de comprendre par quels mécanismes une personne seule parvient à s’intégrer dans un groupe, de saisir sur quels critères se fait l’intégration et/ou l’identification ou non de l’adolescent à un groupe. Nous tentons ici d’étudier la relation à la solitude dans l’adolescence : quelle est leur vision de la solitude, que celle-ci soit subie, choisie ? Comment est-elle perçue socialement par les pairs, mais aussi par eux-mêmes : considèrent-ils le fait d’être seul comme une honte ? Quel est le poids du regard des autres face à cette solitude ? Les adolescents distinguent-ils le fait d’être seul et de se sentir seul ? La solitude est-elle toujours synonyme d’ennui pour l’adolescent, ou conçoit-il comme important le fait d’avoir du temps pour soi ? | La majorité du temps, au collège tu es plutôt seul ou avec tes amis ? Que penses-tu des gens qui sont seuls parfois au collège ? Penses-tu qu’ils s’ennuient forcément ou que c’est juste dans leur personnalité ? | Que fais-tu lorsque tu es seul(e) ? Trouves-tu le temps long ? Est-ce que tu t’ennuies vite ? Est-ce que tu appelles tes ami(e)s lorsque tu t’ennuies ? |
Se vêtir Il s’agit de savoir si les relations d’amitié exercent une influence sur le style vestimentaire, et si les adolescents les choisissent en fonction de leur propre style et inversement : est-ce que le style vestimentaire influence le « choix » des amis ? David Le Breton (2006) relate en effet l’importance pour le jeune de l’opinion des pairs, du regard de l’autre dans sa construction identitaire. D’après lui, le jeune, dans un souci constant d’imitation, tente de s’approprier le mode de vie vanté par la publicité et par les marques. Nous allons alors tenter de vérifier s’il existe bien une corrélation entre les choix vestimentaires de l’adolescent et ceux de ses pairs. Nous nous attacherons dans un second temps à saisir la nécessité ou non pour l’adolescent d’avoir l’accord de ses parents pour ses choix vestimentaires. Ainsi, nous tenterons de mettre en lumière le poids du joug des parents, comment il peut influencer, directement ou non, les relations entre amis, et comment, par le biais des achats vestimentaires, les parents tentent d’exercer un pouvoir de « sélection » des fréquentations de leur adolescent. | Qui choisit tes vêtements ? Selon quels critères choisis-tu tes vêtements ? (Marque, prix, couleur… ?) Comment choisis-tu tes vêtements le matin pour venir au collège ? Penses-tu t’habiller comme tes ami (e)s ? Avec qui achètes-tu tes vêtements ? Qu’est-ce que pensent tes parents de ta façon de t’habiller ? | En fonction de quoi achètes-tu tes vêtements ? Quels sont tes critères ? Le prix, la marque, s’ils sont confortables et pratiques ? Selon quoi les choisis-tu le matin ? Plutôt selon la météo, l’activité du jour, en fonction des gens avec qui tu vas être ? As-tu déjà eu des réflexions sur ta manière de t’habiller, de la part de tes amis ou de tes parents ? |
Activités extrascolaires Il s’agit ici de savoir si les liens d’amitié ont plutôt tendance à être tissés au sein même de l’école ou en dehors. De là, nous pourrons nous attacher à identifier si les relations d’amitié tissées à la fois au collège et au cours d’activités extérieures sont considérées par le jeune comme plus fortes, plus importantes ou non, ceci afin de saisir l’importance du collège unique comme facteur de liens d’amitié et donc, comme élément déclencheur dans la construction de soi de l’adolescent. En effet, nous partons de l’hypothèse qu’un changement de contexte, un changement de perspective dû à la sortie du contexte scolaire, peut entraîner une appréhension différente de l’autre, et donc engendrer des relations de nature différente entre l’adolescent et ses pairs. Il s’agit également d’avoir en connaissance les pratiques qu’exercent les adolescents en dehors du collège pour se socialiser et se faire intégrer/accepter dans un groupe. Cet axe concerne notamment la prise de risque, l’alcool, la drogue, etc. | Où est-ce que tu vois le plus tes amis de classe ? Lesquels ? Pourquoi ? Qu’est-ce que tu fais comme activités en dehors du collège ? Lesquelles ? Y rencontres-tu des ados de ton âge ? Tu les connaissais déjà avant ? Si oui, penses-tu que tu as une relation plus forte avec eux maintenant que tu les vois en dehors du collège ? Comment tu te fais des amis en dehors du collège ? Qu’est-ce que vous aimez faire ensemble quand vous n’avez pas cours ? | Qu’est-ce que tu fais avec tes amis quand tu n’es pas au collège ? Tes amis font-ils des activités en dehors du collège ? Sortez-vous ensemble le week-end ? Où ? |
Centres d’intérêt Nous tentons ici de tester l’hypothèse selon laquelle les adolescents auraient tendance, instinctivement, à se rapprocher des personnes ayant les mêmes centres d’intérêts, idées, convictions, loisirs, goûts musicaux, activités. Est-ce un des premiers critères dans le processus de socialisation ? Quels sont les facteurs qui vont favoriser l’attraction d’une personne vers un groupe, un individu, plutôt qu’un autre ? | Que fais-tu de ton temps libre en dehors du collège ? Qu’est-ce que tu penses que tes amis aiment bien chez toi ? Qu’est-ce que tu écoutes comme musique ? Qu’est-ce que tu penses de la musique qu’écoutent tes amis ? Qu’est-ce qui d’après toi vous réunit dans ton groupe d’amis ? D’après toi, qu’est-ce qui a fait que vous êtes devenus amis ? | Depuis quand ? Comment les as-tu découvertes ? TV, internet, amis ? Qu’aimes-tu faire en dehors du collège ? Qu’est-ce qui te plaît et que tu ne peux pas faire au collège ? Qu’est-ce que vous avez en commun avec tes amis ? |
Temporalité et maintien de l’amitié Il s’agit ici de cerner comment est perçue la temporalité de l’amitié pour l’adolescent afin de pouvoir introduire l’appréhension de l’importance des réseaux sociaux pour les jeunes ; ceci afin de peut-être les reconsidérer et penser leur intégration au collège, mais également afin d’en saisir les limites et les dangers dans la mesure où le questionnaire révèlerait leur omniprésence et leur caractère fondamental pour les adolescents. | Comment contactes-tu tes amis quand tu n’es pas avec eux ? Pour leur dire quoi ? Sous quelle forme ? (Appels, messages, photos ?) Avec quels amis gardes-tu contact lorsque tu rentres chez toi ? Qu’est-ce que tu penses de Facebook ? | Étiez-vous dans la même classe ? Habitez-vous dans le même village ? Vos parents sont-ils amis ? Est-ce que tu penses qu’il y a moins d’histoires si on est amis depuis longtemps ou ça ne change rien ? Penses-tu qu’il est plus difficile de se faire des amis si l’on n’a pas Facebook/Snapchat… ? |
Image de l’établissement Il s’agit ici de savoir si, comme le relatent Aurore Marcouyeux — Deledalle et Ghlozane Fleury-Bahi, la réputation et le prestige de l’établissement scolaire exercent une influence sur la socialisation des adolescents et leurs dynamiques identitaires et si oui, quel est son poids dans le processus de socialisation des jeunes. | Que penses-tu de ton collège ? Penses-tu que c’est plutôt un bon ou un mauvais collège ? Parle-moi de ton collège ? Qu’est-ce que tu penses de tes professeurs, de l’équipe pédagogique ? Les connais-tu ? | Qu’est-ce qui te fait penser ça ? Qu’est-ce que tes amis/famille pensent de ton collège ? |
Merci pour le temps que tu as consacré à cet entretien. Est-ce qu’il y a quelque chose que tu voudrais dire, préciser avant de terminer l’entretien ? Qu’est-ce que tu souhaiterais ajouter ?
Liste des élèves de classe de sixième :
♀♀ ♀♂ ♂♂
… … …
Liste des élèves de classe de troisième :
♀♀ ♀♂ ♂♂
… … …
Les deux outils finalisés sont au cœur de la séance du 10 janvier 2017. Audrey s’attèle d’abord à leur présentation, justifiant la reformulation des thèmes parfois, dévoilant la littérature scientifique sous-tendant ces reformulations. Nous discutons et échangeons ensuite, avec les commanditaires, des outils, de ce qu’ils sont devenus, de leur accord ou non avec ces outils. Lors de cette séance, nous discutons également de l’échantillon de population à définir pour la passation de ces deux outils dans le cadre du mémoire de M2 d’Audrey. Gaëlle présente ensuite un enregistrement vidéo et audio du pré-test de ces deux outils qu’elle a effectué, en amont de la séance, auprès d’un collégien en classe desixième scolarisé dans un collège de Nancy. De son côté, lors de cette séance du 10 janvier, Audrey teste les outils auprès d’un collégien-commanditaire, s’isolant avec lui le temps de cette passation puis revenant au sein du groupe des commanditaires pour un bilan effectué, à la fois, par l’élève entretenu et par Audrey. Ces pré-tests sont également sujets à discussions et échanges au sein de la séance des commanditaires du 10 janvier dont voici la trame :
Document 4. Trame pour la séance du mardi 10 janvier 2017 — NC-S MC
Trame pour la séance du mardi 10 janvier 2017 après-midi
Nouveaux commanditaires — sciences, Montreux-Château
Présentation des outils
Audrey présente les outils (guide d’entretien et consigne pour l’arbre d’amitiés) dans leurs versions finalisées afin d’expliquer aux collégiens NC-S les modifications, ajouts, compléments apportés aux versions de ces outils du 4 novembre 2016.
Présentation de l’échantillon de population retenu.
Audrey présente l’échantillon de population retenu :
Pourquoi 3 groupes d’élèves de sixième ? Selon quels critères ?
Pourquoi 3 groupes d’élèves de troisième ? Selon quels critères ?
Test de ces outils.
Audrey teste ces deux outils sur un/e élève NC-S, donc un/e élève de troisièmee.
Les autres élèves écoutent et prennent des notes :
Quelles modifications à apporter aux outils selon eux ?
Pourquoi ?
Visionnage d’une vidéo/enregistrement audio testant ces deux outils avec un élève de sixième par Gaëlle.
Les élèves écoutent et prennent des notes :
Quelles modifications à apporter aux outils selon eux ?
Pourquoi ?
Mise en commun.
Discussion et débat entre les élèves NC-S et nous sur ce qui doit être modifié (ou pas) dans les deux outils proposés par Audrey…
Prévoir en fin de séance [10 min.]
Un temps pour conclure et noter ce qu’il y a à garder de cette séance, pour la prochaine…
L’ensemble des discussions et échanges ayant lieu lors de la séance du 10 janvier nous permet de conclure que deux éléments sont certainement encore à travailler dans ces outils : les transitions, entre la consigne de l’arbre d’amitiés et le guide d’entretien d’une part, entre les différents thèmes et questions du guide d’autre part ; l’ordre des thèmes au sein du guide d’entretien.
En outre, lors de cette séance, nous abordons enfin, concrètement et longuement, la question du choix de l’échantillon de population auprès duquel Audrey effectuera, dans le cadre de son mémoire de M2, la passation des deux outils co-construits.
Avec les commanditaires ainsi qu’avec les enseignants impliqués dans la démarche, nous débattons de la définition de l’échantillon de population sur lequel portera le recueil de données effectué par Audrey. Les collégiens co-chercheurs proposent de se concentrer sur les élèves des classes charnières du collège : celles de sixième et de troisième. Ces classes sont en effet ainsi considérées, car elles voient les plus jeunes des élèves se familiariser avec l’institution et les plus anciens se préparer à la quitter, familiarisés alors, et justement, avec cette institution dans laquelle ils viennent de passer majoritairement quatre années. On peut donc penser que les enjeux de socialisation au collège, à l’âge où les élèves peuplent ces deux niveaux de classes, sont divers et différents.
En outre, les collégiens co-chercheurs proposent d’interroger des groupes d’amis. Selon eux, cela permettrait d’avoir plusieurs regards, davantage d’informations en quelque sorte, sur la constitution de relations amicales données. Audrey et Gaëlle approuvent le fait de tester cette idée. Constituer l’échantillonnage implique donc un premier travail avec le personnel de l’établissement, en particulier les assistants d’éducation (AED), à qui il est demandé de noter les groupes d’amis tels qu’ils les observent lors des temps de socialisation des élèves que constituent les temps de récréation, de déjeuner ou d’inter-cours. Les AED transmettent alors un tableau des élèves des classes de sixième et de troisième, indiquant leur classe et les groupes d’amis observés. Ce tableau est discuté lors d’une séance à laquelle participent, comme toujours les enseignants accompagnant le groupe, mais également, cette fois, la principale de l’établissement.
Ce tableau va susciter une réflexion importante pour la suite du projet. Les AED ont surtout noté des groupes d’amis intra-classes, probablement car ils se sont basés sur les listes de classes pour noter les groupes d’amis. La principale de l’établissement remarque alors que les groupes d’amis, tels que notés par les AED, sont principalement des élèves en situation de réussite scolaire, et issus de classes sociales favorisées. Après une première réflexion, les enseignants et la principale expliquent qu’en effet les groupes d’amis d’élèves en difficulté scolaire et/ou perturbateurs, et souvent issus de classes sociales moins favorisées, sont la plupart du temps des groupes « trans-classes », notamment parce que l’équipe pédagogique tend à répartir ces élèves dans différentes classes au moment de la constitution des classes. Les enseignants impliqués dans la démarche ainsi que la principale du collège paraissent se rendre véritablement compte, à ce moment-là, du poids des constitutions de classe, essentiellement effectuées par la principale du collège, sur les configurations, constructions, reconfigurations et reconstructions des amitiés au moment de chaque rentrée scolaire. Il semble en effet que les classes dans lesquelles les élèves sont scolarisés sont le creuset des relations d’amitié entre collégiens, permettant rencontres et temps passé ensemble. Elles sont aussi le creuset de déchirements lorsqu’une brouille survient ou lorsque, d’une année scolaire à une autre, des élèves amis se retrouvent séparés, car distribués dans des classes différentes. En outre, les enseignants et la principale reconnaissent qu’ils jouent un rôle important dans la constitution des classes : elles ne sont pas constituées au hasard, sur la seule base des options choisies par les élèves, mais l’équipe pédagogique choisit de réunir certains élèves ou d’en séparer d’autres, pour construire des dynamiques de classes et limiter les interactions qu’ils jugent défavorables sur un plan pédagogique, ou pour prendre en compte les demandes de certains parents qui souhaitent que leur enfant soit dans la même classe qu’un autre (pour des raisons amicales ou d’organisation entre voisins). Qui plus est, les enseignants s’interrogent sur les éventuels biais introduits alors : les élèves issus de milieux sociaux favorisés sont souvent ceux qui sont en situation de réussite scolaire, ils sont donc rarement intentionnellement séparés de leurs amis en classe, et leurs parents osent généralement demander à la principale que leur enfant soit en présence d’un ou d’une amie dans sa classe. Ces observations et débuts d’analyses très préliminaires suscitent alors un ensemble de questions : les groupes de « bons élèves » seraient-ils stabilisés via la constitution des classes, constitution dont l’équipe pédagogique porte la responsabilité ? Les élèves issus de milieux favorisés auraient-ils des comportements qui favorisent les interactions sociales stables ? Les élèves qui sont en classes avec leurs amis se sentent vraisemblablement bien sur un plan affectif, ce qui peut favoriser leurs résultats : qu’en est-il alors des élèves séparés de leurs amis, sont-ils plus attentifs (comme souhaité par les enseignants) ou, au contraire, sont-ils déstabilisés affectivement, cela fragilisant leurs résultats scolaires ?
Les discussions et échanges soulèvent la nécessité de confirmer cette description des groupes repérés par les AED en termes de résultats scolaires des élèves et des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) de leurs parents. De plus, réfléchir aux questions évoquées ci-dessus apporterait un éclairage sur le rôle possible de l’institution scolaire dans la constitution et la stabilisation des groupes d’amis, et donc sur l’impact possible de la recherche participative en cours au sein de l’établissement : faudrait-il repenser la constitution des classes ?
Cette réflexion, que nous laissons ici en suspens, sera approfondie (à l’issue de la présentation de la recherche préliminaire menée par Audrey dans ce chapitre 3) dans le chapitre 4 « Transformations produites par la démarche » de cet ouvrage, précisément dans le point « Dans l’établissement, lieu d’apprentissage et de socialisation ». Cette réflexion, alors prolongée, débouchera sur une action menée au sein de l’établissement scolaire sur la constitution des classes. En effet, forts de ce constat et de cette prise de conscience, la principale du collège, soutenue par les enseignants notamment impliqués dans la démarche de recherche, décide alors, à partir de la rentrée scolaire 2018, de tenir compte — dans la mesure du possible au regard du choix des langues vivantes et des options des élèves — des liens d’amitié (et d’inimitié) entre élèves pour constituer les classes dans son établissement. Cette initiative étant directement issue de la démarche de recherche NC-S, la principale du collège souhaite y associer les élèves. Pendant quelques mois, ils travailleront avec le conseil de la vie collégienne (CVC) à l’élaboration d’un questionnaire à distribuer en fin d’année scolaire à l’ensemble des élèves des classes de sixième, cinquième et quatrième du collège ainsi qu’à ceux des classes de CM2 des écoles dont les élèves fréquenteront l’établissement à la rentrée suivante.
Lors de la séance du 10 janvier 2017, un dernier élément est abordé : nous présentons aux collégiens co-chercheurs le modèle d’autorisation parentale qu’Audrey devra distribuer aux élèves du collège avec lesquels elle choisira de s’entretenir dans le cadre de son mémoire (voir Infra, « Annexe 1 »).
Au regard des discussions et échanges menés en séance jusqu’alors, nous décidons collectivement que des élèves de classes de sixième et de troisième seront entretenus. Ils le seront de façon individuelle. Ils appartiendront à des groupes d’amis — filles, garçons ou mixtes —, repérés dans l’établissement scolaire par les AED.
C’est ainsi, avec l’ensemble de ces décisions collectives — quant aux outils à légèrement améliorer et les consignes pour le choix des élèves avec lesquels s’entretenir —, que la séance du 10 janvier 2017 s’achève.
Débute alors pour Audrey, durant plusieurs mois, un travail d’étude et de recherche devant aboutir à la réalisation et à la rédaction de son mémoire de M2. Cette réalisation, concernant la partie relative aux données récoltées dans le cadre de son mémoire, devra successivement consister dans le choix final de l’échantillon de population, en la finalisation des outils, au retour temporaire d’Audrey au sein de l’établissement pour leur passation, dans un travail de préparation et d’analyse des données récoltées, en la rédaction du mémoire comprenant notamment cette partie relative aux résultats issue de son analyse des données récoltées. Afin de permettre à Audrey de poursuivre ainsi le travail collectivement engagé, la prochaine séance de rencontre avec les commanditaires est programmée le 29 mai 2017. Lors de cette séance, il est alors prévu qu’Audrey présente l’avancée de son travail et, surtout, de premiers résultats de recherche sur la question que se posent les commanditaires.
Ainsi, à partir du mois de janvier 2017, Audrey s’attèle à ce travail d’étude et de recherche. Elle effectue donc la passation du guide d’entretien et de la consigne de l’arbre d’amitiés auprès d’élèves en classes de sixième et de troisième. Pour chacun de ces deux niveaux, trois groupes — de filles, de garçons ou mixtes — de deux à trois amis constituent l’échantillon de population entretenu par Audrey. Au total, son mémoire, ses analyses et résultats, dans le cadre de son mémoire, reposeront sur 15 entretiens et 15 arbres d’amitié.
La séance des commanditaires programmée le 29 mai 2017 arrive. Elle est l’occasion, pour Audrey, de présenter l’état d’avancée de ses mémoire, travail d’étude et de recherche, analyses des données recueillies et conclusions, Audrey achevant son stage en cette fin d’année scolaire 2016-2017. Les éléments énoncés sont généraux, les arbres d’amitié produits par les 15 élèves entretenus n’ont pas été analysés. Des discussions et échanges avec les commanditaires ont toutefois lieu. De ce moment et des étapes précédentes de la démarche participative de recherche, nous retenons collectivement trois points saillants. Le premier concerne la question de la constitution des classes au sein du collège (nous l’avons déjà mentionné et le développons ci-après dans cet ouvrage). Le deuxième est que les deux outils co-construits peuvent permettre la récolte de données scientifiquement recevables, nous permettant ici de répondre à l’une des exigences du Protocole des NC-S. En effet, premièrement, le pré-test effectué par Gaëlle auprès d’un élève en classe de sixième il y a quelques mois atteste de cette possibilité. Deuxièmement, nous comprenons que les passations des deux outils effectués par Audrey l’ont conduite :
D’une part, dans la réalisation d’entretiens riches d’informations sur l’expérience scolaire et les relations et amitiés des élèves entretenus ;
D’autre part, dans la récolte d’arbres d’amitiés, tels des supports tout à fait intéressants pour décrire et comprendre le réseau amical des élèves interrogés, supports susceptibles par ailleurs de mettre au jour des éléments sur ces expériences et relations qui ne seraient pas nécessairement apparus via la passation du guide d’entretien seul.
Le troisième point saillant est que l’échantillonnage basé sur des groupes d’amis est, tout compte fait, peu satisfaisant. D’abord, il apparait qu’Audrey n’analyse pas les entretiens en prenant en compte cette dimension. Par ailleurs, après une réflexion commune, le collectif s’accorde sur le fait qu’il est difficile d’identifier formellement des groupes d’amis (les contours de ces groupes pouvant parfois être flous) et que cela peut également induire des biais non souhaités (telles que l’exclusion de certains élèves, solitaires, électrons libres, à l’écart). Un tel échantillonnage n’est ainsi pas retenu pour la suite de la recherche.
La séance du 29 mai permet également à Gaëlle de présenter ses intentions de recherche pour l’année 2017-2018 qui suit afin de finaliser la recherche. En effet, à l’issue de cette phase d’enquête préliminaire, tout compte fait éminemment frustrante scientifiquement, Gaëlle souhaite mettre en œuvre une nouvelle récolte de données, au moyen des deux outils co-construits, auprès d’un échantillon plus important d’élèves, afin de permettre d’énoncer enfin des résultats de recherche probants, voire certaines conclusions. Son ambition est alors de mener une quarantaine d’entretiens, dont une moitié au sein du collège de Montreux-Château, l’autre moitié au sein d’un autre collège situé en milieu rural. Elle envisage qu’un de ses collègues, enseignant-chercheur, puisse l’accompagner et l’aider dans cette entreprise. Bien sûr, les commanditaires sont favorables à l’ensemble de ce projet, espérant ainsi avoir un jour réponse à la question qu’ils se posent. L’une des difficultés sera de mener à bien ce projet sans, à présent, moyens matériel, humain ou financier particuliers.
En outre, cette séance du 29 mai est l’occasion de s’atteler, collectivement, à la préparation d’un moment de présentation de l’ensemble de la démarche NC-S au sein du collège, de ses activités et de ses avancées, de ses débuts à aujourd’hui. Cette présentation, programmée le 27 juin 2017, est organisée à l’attention de tous les collégiens co-chercheurs, actuels et passés, ainsi que des collégiens et personnels de l’établissement scolaire. Une cinquantaine de personnes y assistent, dont 19 commanditaires, la principale du collège et Marc Bloch, en tant que représentant de la Fondation de France. Cette manifestation acte également une certaine fin : l’ensemble des collégiens co-chercheurs engagés dans la démarche de recherche en cette fin d’année scolaire 2016-2017, scolarisés alors en classe de troisième, s’apprête à quitter le collège et à entrer au lycée dans différents établissements.
Ainsi, ce départ au lycée des collégiens co-chercheurs et la fin de l’organisation de la démarche NC-S en rencontres régulières vont nous pousser à proposer la passation d’un entretien semi-directif de recherche aux huit commanditaires et aux trois enseignants impliqués alors dans la démarche. Avec leurs accords, ces passations, effectuées par Gaëlle, ont lieu lors des séances des 29 mai et 27 juin 2017. Il s’agit pour nous, curieuses, de recueillir ce que ces collégiens co-chercheurs et enseignants retiennent d’une telle expérience de recherche participative. La présentation de ces acteurs de la démarche ainsi que l’analyse des entretiens font l’objet d’un développement dans le chapitre 4 à suivre (voir. Infra, «Transformations produites par la démarche », point « Chez les collégiens co-chercheurs et les enseignants participant à la recherche »).
À partir de la rentrée scolaire 2017-2018, les commanditaires ont donc quitté le collège. De fait, la co-construction doit changer de forme et consiste alors, d’une part, en une nouvelle récolte de données au moyen des deux outils co-construits et en des rencontres annuelles au collège pour faire état de la poursuite de la recherche et, d’autre part, en une collaboration avec les enseignants et la principale du collège sur la constitution des classes en fin d’année scolaire.
À l’issue de l’enquête préliminaire (effectuée par Audrey dans le cadre de son mémoire de master), nous avons décidé que la nouvelle récolte des données, principale et finale, effectuée au moyen des deux outils co-construits, serait menée exclusivement par Gaëlle, épaulée par Benoit Dejaiffe2, un collègue enseignant-chercheur : ils réaliseront ainsi les entretiens et une analyse préliminaire ; Gaëlle poursuivra, approfondira et finalisera l’analyse ; nous tenterons de discuter les résultats de cette analyse avec les commanditaires lors de rencontres annuelles au collège (voir. Infra). Poursuivre la co-construction aurait en théorie été possible : par exemple, les entretiens auraient pu être réalisés en binôme entre Gaëlle (ou son collègue) et un commanditaire, ou encore organiser des ateliers sur les transcriptions des entretiens pour dégager les pistes d’analyse, ou discuter les interprétations. Cela aurait requis du temps supplémentaire, à la fois de la part des commanditaires et de la part de Gaëlle : pour former des commanditaires à la passation d’entretiens semi-directifs de recherche, ou pour concevoir, animer et prendre part aux ateliers de travail sur les transcriptions. Cependant, il s’avérait impossible de trouver ce temps : il n’était plus possible de se retrouver sur le temps scolaire, concilier les multiples contraintes des uns et des autres n’était pas réaliste.
Gaëlle et son collègue réalisent donc la passation des deux outils co-construits auprès de 19 collégiens, en classes de sixième et de troisième, du collège de Montreux-Château à l’automne 2017 et auprès de 23 collégiens, en classes de sixième et de troisième également, du collège de Vaubécourt situé dans le département de la Meuse au printemps 2018. 42 arbres d’amitié et 42 entretiens sont ainsi récoltés. Les présentations de ces 42 collégiens ainsi que de leurs arbres d’amitiés et contenus des entretiens sont au cœur de la seconde partie de cet ouvrage (voir. Infra, « Les amitiés au collège en milieu rural — résultats de la recherche »).
Le 2 juillet 2018, nous organisons une rencontre entre les commanditaires, les enseignants et Gaëlle, lors de laquelle cette dernière décrit les conditions et la récolte des données effectuée. Elle présente ainsi l’établissement de Vaubécourt (sa situation géographique, les bâtiments), les caractéristiques des élèves entretenus à Montreux-Château et à Vaubécourt ainsi que quelques arbres d’amitiés dessinés par les élèves rencontrés.
Un an plus tard, en juillet 2019, Gaëlle et son collègue ont pu réaliser une analyse préliminaire des entretiens, et rédiger un chapitre d’ouvrage (Dejaiffe et Espinosa, 2021). Nous organisons cette fois avec les commanditaires un temps de discussion sur les pistes d’interprétation dégagées par cette analyse préliminaire. Cette rencontre a lieu à la mairie de Montreux-Château (un mercredi en fin d’après-midi, horaire auquel le collège n’est pas ouvert). Gaëlle est présente à distance, en visioconférence, mais la connexion à Montreux-Château n’étant pas de qualité suffisante, l’échange avec Gaëlle sera malheureusement de courte durée. Sur la base d’un résumé de l’analyse préliminaire des entretiens et des premières interprétations dégagées, rédigé par Claire et Gaëlle, Claire recueille les retours des commanditaires. Dans l’ensemble, ils approuvent les interprétations, parfois les reformulent pour se les approprier, les précisent et complètent au regard de leur propre expérience. Ils soulèvent également quelques questions, qui pourraient faire l’objet d’analyses ultérieures. Le compte-rendu de cet échange est ici présenté ici :
Ci-dessous se trouve un résumé du chapitre écrit par Gaëlle et Benoit, amendé des commentaires et questions des commanditaires.
Titre du chapitre :
Par Gaëlle Espinosa et Benoit Dejaiffe
A paraître au sein de l’ouvrage : « Enseignement et apprentissage en contextes ruraux, montagnards et urbains d’Europe et d’Amérique latine en 2020 ».
Les liens d’amitié sont des liens personnels librement consentis qui s’inscrivent dans des contextes sociaux. A l’adolescence, ces liens d’amitié se mettent en œuvre sur des temps et des espaces circonscrits par les parents.
Question: comment ces cercles sociaux émergent, se développent et se maintiennent dans les espaces ruraux, selon les spécificités géographiques et sociales de ces espaces ?
Description des collèges et des élèves entretenus :
Montreux-Château : 1158 habitants, à 15 km de Belfort, ~390 élèves de 18 communes et cinq écoles primaires, origines sociales hétérogènes ; 19 élèves entretenus de sixième (8) et troisième (11), niveaux scolaires variés.
Vaubécourt : 316 habitants, à 22 km de Bar-Le-Duc, ~180 élèves de 52 communes et 4 écoles primaires, origines sociales hétérogènes ; 23 élèves entretenus de sixième (11) et troisième (12), niveaux scolaires variés.
Méthodologie : celle développée avec les commanditaires, c’est-à-dire le guide d’entretien et l’arbre d’amitiés.
Ci-dessous sont décrites les observations tirées des entretiens, suivies des interprétations de Gaëlle et Benoît, et des commentaires des commanditaires lors de la discussion du 5 juin 2019.
Importance de la longue durée : les « vrais » amis, c’est-à-dire ceux avec lesquels ils ont développé les liens les plus forts, sont ceux qu’ils connaissent et avec lesquels ils partagent leur vie sociale [scolarité/loisirs] depuis longtemps.
Mais la ruralité influence-t-elle la durée des relations ? Les élèves entretenus relatent rarement le fait d’avoir vécu un déménagement. Sédentarité, attachement au territoire.
Commentaires des commanditaires : y a-t-il alors dans les entretiens des exemples d’élèves qui arriveraient d’une région différente et rencontreraient des difficultés d’intégration ? Réponse de Gaëlle : non.
Amis-voisins : Ce sont les amis avec lesquels ils sont scolarisés depuis de nombreuses années et avec lesquels ils partagent quotidiennement des activités.
Interprétation de Gaëlle & Benoit : C’est d’ailleurs peut-être une manière pour les parents de contrôler les fréquentations des enfants et de s’entraider dans la garde des enfants.
Commentaires des commanditaires :
D’accord avec cette interprétation.
Les affinités entrent aussi en jeu, et les arrangements entre parents viennent alors renforcer ces amitiés.
Il est intéressant de constater qu’en milieu rural, les enfants semblent avoir plus de liberté au quotidien en pouvant se déplacer seuls chez les voisins, et ont moins de liberté en tant qu’adolescents pour aller dans des villages voisins, alors qu’en milieu urbain, la situation serait plutôt inversée (moins de liberté pour les enfants, plus de liberté pour les adolescents).
•Amis qu’on ne voit pas : Des amis, dans les faits, qu’ils disent ne plus voir ou très peu.
Interprétation de Gaëlle & Benoit : Ces derniers types d’amis montrent que les élèves ont intégré l’importance de déclarer le fait de disposer d’un réseau social élargi. Le fait d’avoir beaucoup d’amis (réels ou virtuels) semble ainsi constituer une norme juvénile.
Commentaires des commanditaires :
les amis proches seraient, plus qu’une norme, un critère d’identité, un point de repère, une partie de soi à travers le passé partagé.
par les amis « virtuels » ou « lointains » ont aussi un côté rassurant, ils permettent de se dire et de montrer qu’on n’est pas seuls. D’accord avec l’interprétation.
Un petit collège rural est propice aux liens forts.
C’est la taille du collège qui, dans le discours des élèves, favorise aussi le développement de liens agréables avec les adultes de l’établissement. […]
Interprétation de Gaëlle et Benoît : La gestion des groupes de pairs par les élèves et les adultes — les conflits intra-groupe ou inter-groupes — revêt, dans ces petits collèges, un enjeu peut-être plus important qu’ailleurs. En effet, les élèves se côtoyant en dehors du collège, les conflits extérieurs au collège y pénètrent et nuisent au climat de classe et de l’établissement. Mais la cohabitation entre élèves étant obligatoire, les relations se règlent par des mécanismes d’arrangement entre élèves auxquels les adultes de l’établissement peuvent prendre part quand il est nécessaire de rétablir un climat propice au vivre-ensemble et aux apprentissages.
Commentaires des commanditaires : D’accord avec cette interprétation.
L’amitié à l’épreuve du groupe de pairs : Pour les élèves entretenus, les élèves qui sont seuls sont en partie fautifs de leur situation.
Interprétation de Gaëlle et Benoît : Être en groupe au collège constitue donc une norme.
Commentaires des commanditaires : oui, d’accord avec l’interprétation.
le fait d’être seul est souvent mal compris.
il est difficile d’assumer d’être seul : on se met soi-même la pression, on se donne un air affairé quand on est seul…
c’est peut-être une norme aussi, car le groupe est plus fort qu’un individu, un groupe a souvent raison sur un individu.
Une offre scolaire et d’activités limitée : une sociabilité partagée. Les élèves se côtoient en dehors du collège et ont des sujets de discussion autour de leur(s) passion(s) partagée(s).
Un espace public et naturel comme support de solidarité.
[Les adolescents] profitent du caractère champêtre du territoire pour y poursuivre les liens d’amitié qui prennent corps au collège. Ils s’approprient ainsi les espaces publics en stationnant ou en circulant sur la place du village, au stade, en forêt, le long de la rivière.
La pratique des jeux vidéo est également mentionnée, mais en groupe, les uns chez les autres, ou alors, seuls, lorsque les amis ne sont pas disponibles pour ou autorisés à sortir.
Ces types d’activités pratiquées en groupe participent aux renforcements des liens d’amitié et de solidarité. L’environnement champêtre et forestier constitue donc un support des sociabilités, une ressource pour développer des compétences sociales et des connaissances.
Commentaires des commanditaires : oui, cela correspond à notre expérience. Tout cela (les lieux publics, les activités extrascolaires…) permet de renforcer les amitiés. Les réseaux sociaux permettent aussi de renforcer des amitiés existantes, plutôt que de créer de nouvelles amitiés.
• Une solidarité nécessaire, mais contraignante ?
Les amitiés les plus fortes émergent bien avant le collège, mais les élèves entretenus font rarement référence à d’autres groupes d’amis que celui du collège, le groupe d’amis du collège se superposant presque intégralement avec le groupe d’amis du village.
Discussion avec les commanditaires :
Quelle capacité des groupes à intégrer/accueillir des personnes seules ? Cette capacité est-elle différente pour les filles et les garçons ? Avec l’âge ? (sixième versus troisième)
remarque de Simon : c’est surtout les filles qui essayaient de l’intégrer, en tant qu’autiste.
Effets de la mode et des tenues vestimentaires :
il semble que dans les entretiens, les élèves ne mentionnent pas qu’il s’agit d’un élément important. Ce point reste à analyser. Cependant, il semble que les tenues vestimentaires apparaissent dans les dessins des arbres d’amitié — cela reste aussi à analyser. Il est intéressant de noter que les commanditaires ont exprimé cette préoccupation dans le cadre de la réflexion dans un objectif de recherche, alors qu’elle n’est peut-être pas verbalisée dans le cadre d’entretiens.
Suite de l’analyse sur 2019-2020 :
filles versus garçons ?
Élèves de sixième versus élèves de troisième ?
Montreux-Château versus Vaubécourt ?
arbres d’amitiés.
Une présentation plus aboutie des résultats de la recherche à Montreux-Château est programmée en avril 2020. Elle n’aura malheureusement pas lieu, en raison de la pandémie Covid-19 et du premier confinement de la population mis en place au printemps 2020. De multiples mesures de restriction des déplacements et des rassemblements sont en vigueur en 2020 et 2021. Nous perdons presque le contact avec les enseignants et les commanditaires, en tout cas, nous ne réussissons pas à rassembler les conditions pour organiser d’autres réunions de travail ou d’événement de présentation des résultats de la recherche. De 2020 à 2022, Gaëlle reprend donc seule ces analyses, les approfondit et les finalise, d’abord dans le cadre de la rédaction de la note de synthèse de son habilitation à diriger des recherches (HDR ; Espinosa, 2021), puis dans le cadre de ce présent ouvrage.
En parallèle du travail d’enquête décrit ci-dessus (passation des entretiens puis analyse des données recueillies), nous mettons en place, à partir de l’été 2017, une collaboration spécifiquement avec les trois enseignants ayant pris part à la recherche ainsi qu’avec la principale, pour donner suite à la réflexion initiée sur le rôle de l’équipe pédagogique dans la construction des relations amicales des élèves. Une quatrième enseignante (professeure de mathématique, également impliquée dans des expérimentations de pédagogies innovantes par ailleurs) rejoint ce groupe de réflexion.
Lors de l’année scolaire 2017-2018, nous organisons trois réunions avec cette petite équipe. Un premier temps de travail est organisé à l’automne 2017, où nous approfondissons cette réflexion sur la constitution des classes, à partir d’une analyse réflexive des enseignants et de la principale : une fois les critères « objectifs » pris en compte (options disciplinaires, mixité, hétérogénéité de niveaux, contraintes d’emplois du temps…), la constitution des classes laisse en effet une place à des éléments subjectifs ou personnels (relations entre élèves, demandes des familles relatives par exemple à l’organisation de covoiturage, recommandations des enseignants du primaire pour les élèves entrant en sixième, etc.). Les enseignants nuancent aussi la pertinence et la façon de prendre en compte les relations amicales dans la constitution des classes : les demandes des parents sont parfois en contradiction avec les recommandations des écoles primaires, effectuées au collège, pour l’entrée en classe de sixième de leurs élèves ; les enfants changent parfois d’envies, d’amitiés ; il y a un aspect positif à rencontrer de nouvelles personnes. Les enseignants ajoutent qu’il peut y avoir une attention à la socialisation des élèves au sein de l’établissement, même si les amitiés ne sont pas le premier critère pour la composition des classes. Il s’agit aussi d’être attentifs aux attitudes et aux valeurs véhiculées, par exemple d’ouverture, de tolérance, de travail collectif. Différentes possibilités sont envisagées pour prendre en compte les enjeux de socialisation au collège :
décrire, formaliser, communiquer sur la composition des classes, et systématiser les demandes des familles ;
favoriser la construction de relations amicales en début d’année ;
créer, soutenir une dynamique de classes, via des compétences psycho-sociales ;
expérimenter d’autres façons de faire des classes, soit en constituant les classes après quelques semaines de travail en différents groupes, soit en assouplissant la rigidité du cadre « classe » (avec des structures de classes modulables au cours de l’année, mais cela est difficile au regard de contraintes d’espace et d’agenda hebdomadaire).
Un deuxième temps de travail est organisé en janvier 2018. Lors de cette réunion, Gaëlle contextualise le questionnement des enseignants et de la principale. Selon ses recherches bibliographiques, effectuées principalement en sciences de l’éducation et de la formation et en sociologie, il existerait un certain décalage entre la façon dont les élèves tendent à appréhender l’établissement scolaire, à savoir d’abord comme un lieu de socialisation (en d’autres termes, ils tendent à accorder plus d’attention à leur socialisation qu’aux questions d’apprentissage), et les pratiques des établissements et enseignants qui, en général, tendent à se focaliser sur les aspects pédagogiques et didactiques, au détriment quelque peu de la dimension de socialisation. D’après l’équipe enseignante, le collège de Montreux-Château fait exception dans l’attention portée à la socialisation des élèves, notamment grâce à différentes actions de sensibilisation récemment menées au sein du collège avec le conseiller principal d’éducation. Le questionnement des élèves dans le cadre du projet NC-S rencontre donc aisément cette attention. Les enseignants et la principale s’accordent ensuite sur deux approches complémentaires pour prendre en compte la socialisation des élèves : premièrement, préserver les relations existantes pour le bien-être des élèves, notamment en systématisant la prise en compte de ces relations dans la constitution des classes ; deuxièmement, faciliter la création de nouvelles relations, en réorganisant les journées de rentrée. Un troisième et dernier temps de travail est organisé en avril 2018. Il est l’occasion de finaliser les actions initiées pour la rentrée 2018. La description des actions mises en œuvre au sein de l’établissement pour la constitution des classes ainsi que notre analyse de ce nouveau processus de constitution font l’objet d’un développement dans le chapitre 4 à suivre (voir. Infra, « Transformations produites par la démarche », point « Dans l’établissement, lieu d’apprentissage et de socialisation »).
Lors de la rencontre du 2 juillet 2018 avec les commanditaires, les enseignants présentent la façon dont ils ont modifié le processus de constitution des classes et les journées de rentrée, expliquant que cette nouvelle organisation sera expérimentée lors de la rentrée prochaine, en septembre 2018. En novembre 2018, nous discutons avec les enseignants et la principale de cette expérimentation dont ils tirent un bilan positif. En particulier, cette année, après la rentrée, aucune demande de la part des parents n’est exprimée concernant un changement de classe de leur enfant (les années précédentes, quelques demandes étaient toujours formulées). La principale et les enseignants font également part de retours informels exprimés à l’oral par quelques parents d’élèves, approuvant la nouvelle façon de constituer les classes. Enfin, les classes constituées semblent « fonctionner » selon les enseignants, tout du moins pour ce début d’année scolaire.
C’est sur cette dernière action que s’arrête la collaboration entre Gaëlle, les enseignants et la principale du collège. Les échanges qui suivront seront plus sporadiques et principalement dédiés, d’une part, à la circulation de documents de communication sur la démarche NC-S menée au sein du collège de Montreux-Château et, d’autre part, à l’organisation de rencontres annuelles pour présenter l’avancée des analyses des données récoltées par Gaëlle et son collègue Benoit auprès de 42 élèves scolarisés dans les collèges de Montreux-Château et de Vaubécourt.
De la réalisation des entretiens par Gaëlle et Benoît à leur analyse complète, il s’écoule cinq ans. Pendant ces cinq années, comme décrit ci-dessus, la co-construction a été extrêmement réduite. Le défi était de maintenir un lien avec les commanditaires jusqu’à la fin de la recherche, pour leur faire part des résultats.
Maintenir ce lien s’est avéré très difficile, pour de multiples raisons. Tout d’abord, les commanditaires ayant quitté le collège, nous ne pouvions plus communiquer avec eux comme « collectif » en nous appuyant sur l’équipe enseignante. Nous avons donc communiqué avec eux individuellement, personnellement, soit par courrier postal, par courriel ou encore par téléphone. Ensuite, pour les commanditaires, en cinq ans, de nombreux changements de vie interviennent : ils sont partis au lycée, puis pour certains, en études supérieures, ils ont aujourd’hui une vingtaine d’années ; c’est l’âge où l’on quitte souvent le domicile familial, où l’on change parfois de ville, de région, pour les études ou le travail. De ce que nous savons, peu d’entre eux sont encore en contact les uns avec les autres. En ce qui concerne la principale du collège, elle a pris sa retraite à l’été 2019. Afin de maintenir un lien avec l’établissement, nous avons rencontré la nouvelle principale qui a pris sa succession à l’automne 2020. Celle-ci a exprimé une volonté de poursuivre ce qui avait été mis en place, notamment sur la constitution des classes et la journée de rentrée, et accueillir tout événement de communication sur la recherche au sein de l’établissement. Concernant les enseignants, Fabienne, Olivier et Laurent, ils ont fait preuve d’un engagement fort jusqu’en 2019, mais ils ont ensuite progressivement été de moins en moins disponibles : la pandémie Covid-19 et les multiples réaménagements des enseignements et conditions d’enseignement qui ont suivi, la réforme du collège, des changements de postes et de responsabilités, ont conduit à un espacement de nos échanges. Conscientes que ces conditions rendaient difficile de garder le contact avec les commanditaires, comme mentionné ci-avant, nous avions convenu d’organiser un temps de présentation public des résultats de la recherche, d’abord en juin 2019 (même si les résultats n’étaient encore que partiels, préliminaires), puis en avril 2020. Mais, pour des raisons différentes, aucun de ces moments n’a pu avoir lieu.
Les contacts avec l’établissement s’étant tellement distendus après les différentes périodes de confinement, nous n’avons malheureusement pu organiser de présentation publique. Nous avons donc réalisé au printemps 2022 un dépliant résumant la démarche réalisée depuis ses débuts et présentant les résultats obtenus, dépliant qui a été diffusé par l’établissement auprès de l’ensemble des commanditaires, des membres du Conseil d’administration de l’établissement, des instances partenaires (Éducation nationale, Conseil régional), des établissements du Territoire de Belfort et des municipalités de la zone couverte par le collège (voir. Infra, « Annexe 2 »).
Fin 2022, à l’occasion de la rédaction de cet ouvrage, nous invitons les quelques commanditaires avec lesquels nous sommes encore en contact à rédiger une préface, ce que trois d’entre eux acceptent volontiers.
C’est donc au total sur une durée de huit ans que se sera déroulée cette recherche participative. Au fil de ces huit années, au sein de cette recherche et pour lui permettre de continuer à exister, nous avons adapté les modalités de collaboration et de communication. Alors que les analyses de l’ensemble des données recueillies dans le cadre de la démarche NC-S viennent d’être achevées et que des résultats sont alors en mesure d’être présentés (voir. Infra, « Partie 2 — Les amitiés au collège en milieu rural — résultats de la recherche »), cette démarche de recherche participative a également produit de nombreuses transformations au niveau des acteurs engagés (voir. Infra, « Chapitre 4 — Transformations produites par la démarche »). Cela est donc susceptible de montrer, selon nous, que l’expérience de la recherche, avant même que des connaissances soient produites, peut être transformatrice et génératrice de réflexions et d’actions. C’est ce que nous décrivons dans le chapitre suivant.