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Couverture de Les Amitiés en milieu rural (Gaëlle Espinosa et Claire Ribrault, 2024) Show/hide cover

Parler de ses amitiés, les présenter, les expliquer : analyse thématique de contenu des entretiens et poursuite de l’analyse des arbres d’amitiés

Si l’analyse thématique de contenu des entretiens menés auprès des 42 élèves en classes de sixième et de troisième des collèges de Montreux-Château et de Vaubécourt étudie les six thèmes retenus constitutifs du guide d’entretien co-construit avec les collégiens-commanditaires (la solitude, le fait d’être seul ; les activités extrascolaires ; les centres d’intérêt [pendant le temps libre] ; se vêtir, se coiffer ; les amitiés, leurs maintien et temporalité ; l’image de l’établissement), elle étudie également le rôle des amitiés dans la composante affective et sociale de l’expérience scolaire et, dans une moindre mesure toutefois, dans sa composante intellectuelle et cognitive.
Ainsi, cette cette analyse donne à voir le rôle des relations et des amitiés dans la composante affective et sociale de l’expérience scolaire. Elle révèle en effet ce que l’on aime chez ses amis et les qualités d’une relation amicale (la gentillesse, la présence, l’humour, les moments de folies et délires communs), ce que l’on partage ou non (activités, centres d’intérêt, sujets de conversation), ce qu’apportent les amitiés (soutien, réconfort, gommage du sentiment de solitude). Néanmoins, cette Néanmoins, cette analyse ne donne qu’à entrevoir le rôle des relations et des amitiés dans la composante intellectuelle et cognitive de l’expérience scolaire, les préadolescents et adolescents entretenus dévoilant les moments passés à parler de leur travail scolaire, à s’entraider scolairement (notamment en lien avec les devoirs à effectuer) et le rôle que jouent leurs relations sociales, amicales ou non, dans leur envie d’aller à l’école et d’y persévérer ou non.
Ce chapitre est construit en deux grands points. Le premier s’attache à présenter les éléments issus de l’analyse de quatre des six thèmes, nous permettant d’étudier ce qui se passe autour des amitiés, les lieux et activités où l’on se côtoie, ce que l’on partage, ou non, avec ses amis. Dans ce point est présentée notre analyse des propos tenus par les collégiens entretenus sur les thèmes relatifs à leurs centres d’intérêt (pendant le temps libre), aux activités extrascolaires pratiquées, à leurs façons de se vêtir, de se coiffer et à l’image qu’ils ont élaborée de leur établissement scolaire. Le second point, au cœur de la question posée par les collégiens-commanditaires, s’attache à présenter les éléments issus de l’analyse des deux derniers thèmes, nous permettant d’étudier la façon dont on se lie d’amitié, c’est-à-dire dont les relations amicales se construisent. Dans ce second point, est donc présentée notre analyse des propos tenus par les collégiens entretenus sur les thèmes relatifs à la solitude et au fait d’être seul au collège, au maintien et à la temporalité des amitiés.

Autour des amitiés : où l’on se côtoie, ce que l’on partage, ou non

Quatre thèmes sont ici successivement abordés, les propos tenus sur ces thèmes par les collégiens entretenus, analysés : les centres d’intérêt (pendant le temps libre), les activités extrascolaires pratiquées, les façons de se vêtir et de se coiffer, l’image, élaborée par ces collégiens, de leur établissement scolaire.

Les centres d’intérêt (pendant le temps libre)

Les 42 collégiens entretenus s’expriment sur leurs centres d’intérêt pendant leurs temps libres, survenant dans l’enceinte ou en dehors du collège. C’est en fonction de ces deux lieux que nous choisissons de présenter ici nos analyses de leur discours. Cette présentation permet, en outre, de souligner, dans les activités effectuées à l’extérieur du collège, la particularité de certaines de ces activités, adaptées à l’espace géographique rural du territoire sur lequel vivent ces collégiens.

Au sein du collège

Si c’est au sein de leur établissement scolaire que les collégiens entretenus déclarent voir le plus souvent leurs amis, ce n’est toutefois pas le lieu où ils bénéficient de beaucoup de temps libre, partageant ainsi relativement peu d’activités libres et choisies notamment avec leurs amis. Ainsi, c’est principalement en cour de récréation, mais également, indiquent-ils, en activités proposées par l’établissement (comme l’association sportive [AS] à Montreux-Château) sur la pause méridienne notamment et au centre de documentation et d’information (CDI), que les collégiens entretenus évoquent partager des activités libres, souvent avec leurs amis, dans l’enceinte du collège.

Pendant ces moments, les quelques activités partagées avec leurs amis peuvent être différentes, en fonction du lieu (Montreux-Château versus Vaubécourt), du niveau de scolarisation (classe de sixième versus classe de troisième) et du sexe (filles versus garçons) des collégiens entretenus.

Les garçons, notamment de classe de sixième, semblent plus nombreux à évoquer leur utilisation d’un téléphone portable pour, en cour de récréation1, regarder des jeux, des vidéos, écouter de la musique (Mike et Drôme, deux garçons, en sixième à Montreux-Château), échanger et rigoler autour de ce téléphone et de ce qu’il diffuse : « dans la cour des fois je joue avec [mon téléphone] ou j’le prête à mes copains, mais j’reste à côté pour pas […] qu’ils le cassent […] on joue à des jeux », « on rigole sur les jeux, on s’amuse dessus pis […] on parle beaucoup dessus, sur les jeux » (Mathis, un garçon en sixième à Vaubécourt). En classe de sixième à Vaubécourt, Emma (une fille) indique également jouer : « à des jeux » sur son téléphone en cour de récréation tout en discutant avec ses amies, « même quand on joue sur notre téléphone on parle de tout et de n’importe quoi ». Et c’est cela aussi que précise Gaston (un garçon, en troisième à Vaubécourt) : « on parle beaucoup » (l. 288), « on joue […] à des jeux des p’tits jeux parexemple on installe et le lendemain on les désinstalle c’est des jeux ou on joue ensemble ou alors quelqu’un a une blague et pis hop ». Ainsi, les collégiens entretenus, s’ils sont sur leurs téléphones, soulignent également grandement discuter avec leurs amis, « de tout et de n’importe quoi » comme l’énonce Emma. Le téléphone portable apparaît alors ici comme un élément autour duquel des petits groupes d’amis se retrouvent, jouent, rient, échangent, mais dont les sujets de ces rires et échanges ne sont pas nécessairement ce que le téléphone lui-même diffuse. En outre, trois collégiens entretenus de classe de troisième à Montreux-Château (Niko et Martin, deux garçons ; Théa, une fille) déclarent, pendant leurs temps libres dans l’enceinte du collège, principalement discuter avec leurs amis. Cette activité de discussion est majoritairement énoncée par des collégiens entretenus de classe de troisième.

Les collégiens entretenus de classe de troisième à Montreux-Château déclarent également pratiquer le sport au collège, pendant leurs temps libres, notamment dans le cadre de l’AS : « il y a l’AS donc ça aide beaucoup dans le collège, on est beaucoup entre midi et deux à faire le foot, le handball » (Mimi, une fille) ; « je fais de la gymnastique à l’AS » (Angèle, une fille) ; « je fais du foot » (Martin, un garçon). Seule Shirley (une fille), en classe de sixième à Montreux-Château, évoque également une telle pratique : « je fais de la gymnastique à l’AS ». Les collégiens entretenus scolarisés à Montreux-Châteaux sont ainsi les seuls à déclarer effectuer du sport pendant leurs temps libres dans l’enceinte de l’établissement. Les collégiens scolarisés à Vaubécourt n’en parlent aucunement.

Enfin, en classe de troisième à Montreux-Château, deux collégiens entretenus (un garçon et une fille) évoquent ne rien faire (Théa) ou ne pas faire grand-chose et attendre que « ça sonne » (Niko) pendant leurs temps libres au collège alors qu’une fille dans cet établissement déclare participer à une chorale pendant ces mêmes temps (Angèle). En classe de sixième à Vaubécourt, Loulou (une fille), quant à elle, explique apprécier dessiner et effectuer des origamis quand elle est avec ses amies au CDI.

En dehors du collège

Pendant leurs temps libres, en dehors du collège, les 42 collégiens entretenus indiquent effectuer diverses activités que nous avons regroupées en cinq types ainsi nommés : les activités de loisirs ; les activités sportives ; les activités de loisirs marquées de la ruralité ; les activités culturelles et artistiques ; les activités scolaires. Ces cinq types d’activités sont présentés par ordre décroissant du nombre de collégiens ayant énoncé de telles activités entrant dans chaque type. Par exemple, le premier type d’activités énoncé est celui pour lequel les collégiens sont les plus nombreux à énoncer des activités relevant de ce type d’activités (en l’occurrence, les activités de loisirs), le cinquième et dernier type d’activités énoncé est celui pour lequel les collégiens sont les moins nombreux à énoncer des activités relevant de ce type d’activités (en l’occurrence, les activités scolaires).

Les activités de loisirs

39 des 42 collégiens entretenus (soit 92,85 %) indiquent effectuer des activités de loisirs pendant leurs temps libres en dehors du collège. Il s’agit de 17 des 19 collégiens en classe de ssixième (soit 89,47 %) de notre échantillon et de 22 des 23 collégiens en classe de troisième(soit 95,65 %) de notre échantillon. Seulement quatre collégiens n’énoncent donc pas d’activités que nous aurions ainsi classées en activités de loisirs et qu’ils auraient effectuées pendant leurs temps libres : il s’agit de deux filles (Emma et Lou, en sixième à Vaubécourt) et d’un garçon (Martin, en troisième à Montreux-Château).

Les pratiques numériques

Dans les activités de loisirs, les collégiens entretenus, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou de troisième, filles ou garçons, évoquent leurs pratiques numériques : utiliser un ordinateur, jouer à des jeux vidéo – notamment sur une console —, regarder la télévision, des séries ou des films, écouter de la musique. 28 des 39 collégiens entretenus déclarant effectuer des activités de loisirs pendant leurs temps libres (soit 71,79 %) énoncent de telles pratiques numériques. Ainsi, 13 des 17 collégiens en classe de sixième (soit 76,47 %) indiquant s’adonner à des activités de loisirs citent de telles pratiques : ils sont sept à Montreux-Château et six à Vaubécourt, il s’agit de six filles et de sept garçons. De même, 15 des 22 collégiens en classe de troisième (soit 68,18 %) signifiants s’adonner à des activités de loisirs citent de telles pratiques numériques : ils sont huit à Montreux-Château et sept à Vaubécourt, il s’agit cette fois de huit filles et de sept garçons.

Il est à noter que ces pratiques numériques ne s’accomplissent pas nécessairement en solitaire, mais peuvent être réalisées avec des amis, de la famille. Et ce sont exclusivement six collégiens à Vaubécourt, en classe de sixième (deux garçons) comme de troisième (deux filles et deux garçons), qui l’énoncent. Par exemple, Mathis (un garçon en sixième) indique jouer à des « jeux de stratégie de guerre » en réseau avec des amis, Pierre (un garçon en troisième) le signale également, sans préciser toutefois si ce jeu partagé est effectué en réseau ou en présence. De leur côté, Louise (une fille en troisième) précise aller chez des amis pour jouer, notamment, à une console de jeux (Xbox) et France (une fille en troisième) déclare jouer avec son frère de 16 ans, entre autres, à des jeux vidéo. En outre, parmi ces collégiens à Vaubécourt, si Mathis (un garçon en sixième) raconte regarder des films d’horreur avec ses amis, Marty (un garçon en troisième) indique regarder la télévision, des films, des séries avec sa mère. France (une fille en troisième) le déclare également, précisant : « ma mère et moi on aime bien le fantastique ». Enfin, Pierre (un garçon en troisième) indique écouter de la musique avec des amis.

Enfin, ces pratiques numériques peuvent être effectuées sur téléphone portable. Six collégiens en classe de troisième exclusivement (trois filles et trois garçons, quatre à Montreux-Château et deux à Vaubécourt) indiquent ainsi utiliser leur téléphone pendant leurs temps libres afin, d’une part, d’échanger avec une amie (sur Snapchat pour Théa, une fille à Montreux-Château) ou des amis (Mélanie, une fille à Vaubécourt ; Azog, un garçon à Montreux-Château) et, d’autre part, de lire (Mélanie encore) ou de regarder des vidéos (notamment sur YouTube pour Gaston, un garçon à Vaubécourt).

Jouer, passer du temps avec les amis, la famille

19 des 39 collégiens entretenus déclarant effectuer des activités de loisirs pendant leurs temps libres (soit 48,71 %) énoncent jouer, passer du temps avec leurs amis, leur famille. Les collégiens en classe de troisième sont toutefois plus nombreux que ceux de classe de sixième (16 contre trois) à effectuer une telle déclaration, comme les filles se révèlent plus nombreuses que les garçons (13 contre six) à effectuer cette même déclaration. En effet, seulement trois des 17 collégiens en classe de sixième (soit 17,64 %) indiquant s’adonner à des activités de loisirs précisent jouer avec leurs amis, leurs familles : il s’agit de trois filles à Vaubécourt. De leur côté, 16 des 22 collégiens en classe de troisième (soit 72,72 %) signifiants s’adonner à des activités de loisirs énoncent jouer et passer du temps avec leurs amis, leurs familles : ils sont cinq à Montreux-Château et 11 à Vaubécourt, il s’agit de dix filles et de six garçons.

Notons que si les trois filles de classe de sixième à Vaubécourt évoquent surtout l’idée de jouer — avec des amies à des jeux de société notamment (pour Julie), avec sa petite sœur (pour Léa), en faisant « des karaokés » en famille (pour Loulou) —, les collégiens en classe de troisième, à Montreux-Château et à Vaubécourt, évoquent également l’idée de jouer, mais soulignent aussi celle de simplement passer du temps avec leurs amis, leurs famille, sans nécessairement expliquer les contenus de ces temps passés ensemble. Sur ce point, les 11 collégiens en classe en troisième à Vaubécourt se montrent, par contre, plus bavards et informatifs que ceux à Montreux-Château. Par exemple, des collégiens énoncent les pratiques effectuées avec leurs amis, dans des sphères géographiques plus ou moins étendues :

  • Louise (une fille) déclare aller chez des amis jouer, entre autres, à des jeux de société ;

  • Gaston (un garçon) indique jouer au trampoline avec ses copains ;

  • Louise et Jade (deux filles) ainsi que Gaston encore vont au gymnase de handball pour voir les matchs les week-ends ;

  • Juliette (une fille) déclare aller avec ses amis : « l’été aller dans les piscines […] en hiver aller dans les bowlings […] ou aller dormir chez les […] amis […] les soirées comme ça c’est sympa » ;

  • Marty et Pierre (deux garçons) aiment faire des fêtes avec des amis ;

  • Théo (un garçon) déclare aller à Bar-le-Duc avec des amis et Louise (une fille) aller y faire les magasins, avec deux de ses amies surtout ;

  • Il en est de même pour Jade (une fille) qui n’indique toutefois pas le lieu où elle fait les magasins avec ses amies.

Par exemple encore, des collégiens indiquent les pratiques effectuées avec des membres de leurs familles cette fois :

  • Louise (une fille) déclare passer du temps à l’extérieur avec ses cousins et frères ;

  • France (une fille) apprécie se promener avec sa mère et sa chienne, comme Eva (une fille), avec sa cousine ;

  • France encore aime jouer, notamment au trampoline, ou faire du sport avec son frère de 16 ans ;

  • Juliette (une fille) fait « des sorties, des choses avec [s]a famille », des activités et Pierre (un garçon) suit son père dans ses déplacements en lien avec les compétitions d’autocross qu’il pratique les week-ends ;

  • Enfin, Louis-Marie (un garçon) déclare : « j’peux aider mes parents s’ils ont besoin d’aide […] [pour du bricolage] et pour faire des tâches ménagères », du jardinage.

Les activités et pratiques effectuées avec des amis ou des membres de la famille sont donc très variées, l’essentiel ici semblant davantage, pour ces collégiens entretenus, le temps passé ensemble que les activités et pratiques elles-mêmes.

Les pratiques ludiques ou de détente

11 des 39 collégiens entretenus déclarant effectuer des activités de loisirs pendant leurs temps libres (soit 28,20 %) disent effectuer des pratiques ludiques ou de détente, sans préciser s’ils les réalisent seuls ou non. Les collégiens en classe de troisième semblent néanmoins légèrement plus nombreux que ceux de classe de sixième (sept contre quatre) à faire une telle déclaration, comme les filles apparaissent légèrement plus nombreuses que les garçons (sept contre quatre) à faire cette même déclaration. Ainsi, quatre des 17 collégiens en classe de sixième (soit 23,52 %) indiquant s’adonner à des activités de loisirs précisent effectuer des pratiques ludiques ou de détente : il s’agit d’un garçon à Montreux-Château et de trois filles à Vaubécourt. De leur côté, sept des 22 collégiens en classe de troisième (soit 31,81 %) signifiant s’adonner à des activités de loisirs énoncent effectuer des pratiques ludiques ou de détente : ils sont quatre à Montreux-Château et trois à Vaubécourt, il s’agit de quatre filles et de trois garçons.

Ainsi, du côté des trois collégiens en classe de sixième, Dark (un garçon à Montreux-Château) déclare jouer à des jeux de société, aux Lego, Larousse et Léa (deux filles à Vaubécourt) indiquent faire de la balançoire et Léa, jouer avec ses animaux, trois chats et un chien.

Du côté des sept collégiens en classe de troisième, parmi les trois garçons, à Montreux-Château, Niko déclare jouer et Fireman signale sa passion — « mes passions dans la vie c’est pompier » —, celle-ci constituant nombre de ses activités de loisirs en dehors du collège ; à Vaubécourt, Louis-Marie indique sortir, sans autre précision. Parmi les quatre filles, se baigner dans sa piscine lors des beaux jours est prisé par deux d’entre elles (Théa à Montreux-Château et Eva à Vaubécourt), Harry Potter aime rester chez elle, faire la cuisine et manger — « j’aime bien manger » — et Mélissa apprécie de marcher.

Les pratiques de repos

Enfin, quatre des 39 collégiens entretenus déclarant effectuer des activités de loisirs pendant leurs temps libres (soit 10,25 %) énoncent, de diverses façons, se reposer. Il s’agit exclusivement de filles, deux (Larousse et Léa) sont en classe de sixième à Vaubécourt et deux (Angèle et Théa) sont en classe de troisième à Montreux-Château. Ainsi, pendant leurs temps libres en dehors du collège, si Larousse se « prélasse au soleil » lors des beaux jours, Léa se repose, Angèle dort et Théa ne fait rien.

Les activités sportives

29 des 42 collégiens entretenus (soit 69,04 %) indiquent effectuer des activités sportives pendant leurs temps libres en dehors du collège. Il s’agit de 12 des 19 collégiens en classe de sixième (soit 63,15 %) de notre échantillon et de 17 des 23 collégiens en classe de troisième(soit 73,91 %) de notre échantillon.

Parmi les collégiens en classe de sixième, si les filles et les garçons déclarant réaliser des activités sportives pendant leurs temps libres sont en nombre plutôt équilibré (sept contre cinq), les collégiens à Vaubécourt sont, quant à eux, plus nombreux à le déclarer que ceux à Montreux-Château (dix contre deux). Dans ce dernier lieu, Alex (une fille) indique faire du sport pendant ses temps libres, Drôme (un garçon) précise jouer au football. À Vaubécourt, Iron Man (un garçon) déclare faire du sport, Emma (une fille) indique « j’aime un peu tous les sports en fait […] je suis pas très sportive, mais quand je peux en faire j’en fais ». Les dix collégiens en classe de sixième à Vaubécourt précisent, en outre, faire du vélo (Larousse et Loulou, deux filles, Allan, Iron Man et Luc, trois garçons), du football (Julie, une fille, Allan, Iron Man et Mathis, trois garçons), du handball (Emma et Lou, deux filles, et Allan), de l’athlétisme (Lou, une fille), du ping-pong (Luc) et de l’équitation (Léa, une fille). Par ailleurs, ils indiquent jouer au trampoline (Iron Man et Larousse), faire de la trottinette (Allan, Léa et Luc) et « des rollers » (Loulou, une fille). Ces activités, bien que susceptibles d’être considérées comme de détente, peuvent également se révéler plutôt sportives d’où notre choix de les relever ici. Enfin, notons que trois des dix collégiens en classe de sixième à Vaubécourt déclarant faire du sport pendant leurs temps libres indiquent le faire avec des amis (Iron Man et Allan, deux garçons) ou des membres de leur famille, en l’occurrence un frère ou une sœur (Iron Man et Loulou, une fille).

Concernant les collégiens en classe de troisième déclarant faire du sport pendant leurs temps libres, leur nombre à Montreux-Château et leur nombre à Vaubécourt sont plutôt équilibrés (huit contre neuf), il en va à peu près de même pour le nombre de filles et le nombre de garçons (sept contre dix). Si 13 de ces collégiens, à Montreux-Château et à Vaubécourt, indiquent globalement faire du sport (quatre filles et neuf garçons) pendant leurs temps libres en dehors du collège, eux-mêmes et d’autres collégiens précisent ensuite leurs réponses, faisant ainsi : du football (Bob, Niko, Gaston et Théo, quatre garçons, Princesse et Jade, deux filles) ou « des foots » comme l’énonce Mélissa (une fille), du vélo (Jade et Théa, deux filles, Pierre et Martin, deux garçons) ou VTT (vélo tout terrain ; Bob, un garçon), de la musculation et du demi-fond (Fireman, un garçon), de la trottinette freestyle et du parkour (Azog), « tout ce qui est sport un peu à risque, la moto » (Martin). Enfin, notons que quatre des 17 collégiens en classe de troisième, à Montreux-Château et à Vaubécourt, déclarant faire du sport pendant leurs temps libres indiquent le faire avec des amis (Azog, Bob, Martin et Pierre). Ces quatre collégiens sont exclusivement des garçons. Contrairement aux collégiens en classe de sixième, ceux de classe de troisième ne déclarent donc plus réaliser des activités sportives avec des membres de leur famille.

Les activités de loisirs marquées de la ruralité

Dans l’ensemble des activités de loisirs déclarées effectuées par les collégiens entretenus, nous faisons un constat : celui de la présence d’activités qui, nous semble-t-il, sont dépendantes du territoire, rural, sur lequel vivent ces collégiens.

18 des 42 collégiens entretenus (soit 42,85 %) indiquent en effet effectuer, pendant leurs temps libres en dehors du collège, des activités de loisirs que nous pensons marquées de la ruralité. Ces activités sont évoquées par 12 des 19 collégiens en classe de sixième (soit 63,15 %) de notre échantillon et six des 23 collégiens en classe de troisième(soit 26,08 %) de notre échantillon. Ils sont quatre à Montreux-Château et 14 à Vaubécourt. Il s’agit de dix filles et de huit garçons. Si filles et garçons sont donc en nombres à peu près équilibrés, les collégiens à Vaubécourt sont plus nombreux que ceux à Montreux-Château à énoncer de telles activités, comme ceux de classe de sixième de notre échantillon sont plus nombreux que ceux de classe de troisième.

Les collégiens en classe de sixième à Montreux-Château indiquent notamment :

  • Aller jouer dehors (Dark, un garçon) ;

  • Promener seule son chien, son poney (Shirley, une fille).

Ceux à Vaubécourt signalent, par exemple :

  • Dans son village, sortir (Dark et Iron Man, deux garçons) et rejoindre ses copines pour discuter à un arrêt de bus (Léa, une fille), se promener (Larousse, une fille), jouer (Emma, une fille), s’amuser à faire des jeux, des loups avec ses amis (Mathis, un garçon) ;

  • Aller voir son poney et sa chèvre, apprendre des tours à son poney, faire une balade avec eux (Lulu, une fille) ;

  • Se promener dans les bois (Luc, un garçon), faire des cabanes (Emma, une fille) ;

  • Jouer dans un petit ruisseau et attraper des poissons (Lulu, une fille), pêcher, parfois avec des amis (Allan, un garçon).

De leurs côtés, les collégiens en classe de troisième, à Montreux-Château et à Vaubécourt, énoncent par exemple :

  • Aller courir en forêt (Fireman, un garçon) ;

  • Monter son cheval (Jade, une fille) ;

  • Se promener, aller à la pêche avec ses amis (Mélissa, une fille) ;

  • Construire une cabane (Louise, une fille) ou aller dans une cabane avec des amis pour discuter (Théo, un garçon).

Ces pratiques ci-dessus énoncées nous semblent en effet tout à fait particulières, à la fois adaptées au et relevant du territoire géographique sur lequel vivent les collégiens entretenus.

Enfin, notons que six collégiens en classe de sixième, à Montreux-Château et à Vaubécourt, déclarant effectuer, pendant leurs temps libres, des activités de loisirs marquées de la ruralité indiquent le faire avec des amis (Julie, Léa et Lulu, trois filles, Allan, Dark et Mathis, trois garçons). Ils sont trois à également le souligner parmi les collégiens en classe de troisième, exclusivement à Vaubécourt (Mélissa, une fille, Gaston et Théo, deux garçons).

Les activités culturelles et artistiques

13 des 42 collégiens entretenus (soit 30,95 %) indiquent effectuer, pendant leurs temps libres en dehors du collège, des activités culturelles et artistiques. Ces activités sont mentionnées par sept des 19 collégiens en classe de sixième (soit 36,84 %) de notre échantillon et six des 23 collégiens en classe de troisième(soit 26,08 %) de notre échantillon. Ils sont six à Montreux-Château et sept à Vaubécourt. Il s’agit de 11 filles et de deux garçons. Ces activités sont donc plutôt pratiquées par des filles, qu’elles soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou en classe de troisième.

Il s’agit de :

  • Lire d’abord, pratique énoncée par dix collégiens (neuf filles et un garçon ; six en sixième et quatre en troisième). Larousse (une fille, en sixième à Vaubécourt) indique apprécier les « romans de science-fiction ou [ceux] d’aventure » et Loulou (une fille, en sixième à Vaubécourt) précise lire sur une application sur son téléphone ;

  • Dessiner ensuite, pratique déclarée par cinq collégiennes : quatre sont en classe de sixième (Alex à Montreux-Château, Julie, Loulou et Lulu à Vaubécourt) ; une en classe de troisième à Vaubécourt (Mélanie) ;

  • Pratiquer d’un instrument de musique, le chant encore, pratiques déclarées par des collégiens en classe de troisième exclusivement, à Montreux-Château et à Vaubécourt. Ainsi, Martin (un garçon à Montreux-Château) indique faire de la guitare (rock, metal, hard rock) avec ses amis, Angèle (une fille à Vaubécourt) déclare faire du piano et France (une fille à Vaubécourt) annonce faire du piano et un peu de guitare. De son côté, Angèle (une fille à Montreux-Château) signale chanter ;

  • Faire des origamis enfin (Loulou, en sixième à Vaubécourt).

Les activités scolaires

Enfin, cinq des 42 collégiens entretenus (soit 11,90 %) indiquent effectuer, pendant leurs temps libres en dehors du collège, des activités scolaires : deux sont en classe de sixième (Drôme, un garçon à Montreux-Château, Loulou, une fille à Vaubécourt) ; trois sont en classe de troisième (Théa, une fille à Montreux-Château, France et Marty, une fille et un garçon à Vaubécourt). Pour l’ensemble de ces collégiens, travailler ou faire ses devoirs est ainsi une activité qu’ils effectuent pendant leurs temps libres, Loulou (une fille, en sixième à Vaubécourt) ajoutant également aller au catéchisme.

Conclusion sur le thème « Les centres d’intérêt (pendant les temps libres) » : éléments de résultats

Nous avons analysé les propos des 42 collégiens entretenus sur leurs centres d’intérêt pendant leurs temps libres survenant, d’une part, dans l’enceinte et, d’autre part, en dehors du collège.

Au sein du collège, bien que ce soit le lieu où les collégiens déclarent voir le plus leurs amis, c’est aussi le lieu où, ayant peu de temps libres, ils profitent peu d’activités libres et choisies. Ces rares temps libres sont vécus en cour de récréation, en activités proposées par l’établissement et au CDI, au cours desquels les collégiens entretenus partagent, bien souvent avec leurs amis, des activités libres, se révélant différentes en fonction de leurs lieu (Montreux-Château versus Vaubécourt) et niveau de scolarisation (classe de sixième versus classe de troisième), de leur sexe (filles versus garçons).

Les garçons, en classe de sixièmenotamment, apparaissent plus nombreux que les filles à évoquer l’utilisation d’un téléphone portable pour, en cour de récréation2, regarder des jeux, des vidéos, écouter de la musique, échanger et rigoler autour de ce téléphone et de ce qu’il diffuse. C’est ainsi autour d’un téléphone portable que des petits groupes d’amis se retrouvent, jouent, rient, échangent, mais dont les sujets de ces rires et échanges ne sont pas nécessairement ce que le téléphone lui-même diffuse. Ce sont majoritairement des collégiens entretenus en classe de troisièmequi énoncent ainsi échanger autour d’un téléphone portable.

Par ailleurs, les collégiens entretenus scolarisés à Montreux-Châteaux sont les seuls à mentionner effectuer du sport pendant leurs temps libres dans l’enceinte de l’établissement. La présence de l’AS dans ce collège est certainement la principale explication de cette différence quant aux pratiques sportives des collégiens entretenus au sein des collèges à Montreux-Château et à Vaubécourt.

En dehors du collège, pendant leurs temps libres, les 42 collégiens entretenus indiquent effectuer diverses activités que nous avons regroupées en cinq types.

Il s’agit d’abord d’activités de loisirs telles que :

  • Des pratiques numériques qui, notons-le, ne sont pas nécessairement réalisées en solitaire, mais qui le sont régulièrement avec des amis ou des membres de la famille, qui peuvent en outre être réalisées sur téléphone portable, exclusivement si le collégien est en classe de troisième ;

  • Jouer, passer du temps avec les amis, la famille, et ce sont, dans notre échantillon de population, davantage les collégiens en classe de troisième ainsi que les filles qui le déclarent ;

  • Des pratiques ludiques ou de détente (non nécessairement avec les amis ou la famille), et les collégiens en classe de troisième comme les filles semblent légèrement plus nombreux à déclarer avoir de telles pratiques ;

  • Des pratiques de repos énoncées exclusivement par quatre filles en classe de troisième.

Il s’agit ensuite d’activités sportives, que les collégiens en classe de sixième à Vaubécourt sont plus nombreux à énoncer que ceux à Montreux-Château. En outre, si des collégiens en classe de sixième déclarent effectuer ces pratiques sportives avec des amis ou des membres de leur famille, les collégiens en classe de troisième ne mentionnent que leurs amis comme individus les accompagnant dans de telles pratiques.

Il s’agit encore d’activités de loisirs marquées de la ruralité, adaptées au et relevant du territoire géographique sur lequel vivent les collégiens entretenus. Les collégiens à Vaubécourt sont plus nombreux que ceux à Montreux-Château à signaler effectuer de telles activités, comme ceux en classe de sixième sont plus nombreux que ceux en classe de troisième. Le territoire sur lequel se situe le collège de Vaubécourt, plus isolé et vaste que celui de Montreux-Château, et le jeune âge des collégiens de classe de sixième, moins autonomes pour tenter d’autres activités, moins autorisés (par les parents) à explorer leur territoire que ceux de classe de troisième, peuvent être des pistes d’interprétation des éléments ici relevés.

Il s’agit enfin d’activités culturelles et artistiques ainsi que d’activités scolaires, les premières se révélant être plutôt pratiquées par des filles, qu’elles soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou en classe de troisième.

Afin de continuer à faire connaissance avec les 42 collégiens rencontrés et à découvrir les lieux et activités qui leur permettent de côtoyer des pairs, abordons à présent, plus précisément, les activités extrascolaires que ces collégiens entretenus déclarent pratiquer.

Les activités extrascolaires

Majoritairement, les collégiens entretenus, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou de troisième, filles ou garçons, déclarent pratiquer une à deux activités extrascolaires (deux collégiens seulement, une fille de sixième à Montreux-Château et un garçon de troisième de Vaubécourt, annoncent en pratiquer trois). Ainsi, 33 des 42 collégiens entretenus le déclarent (soit 78,57 % de l’échantillon) : ils sont 18 à Montreux-Château (soit 94,73 % des 19 collégiens entretenus sur ce territoire) et 15 à Vaubécourt (soit 65,21 % des 23 collégiens entretenus sur ce territoire) ; 15 en classe de sixième (soit 78,94 % des 19 collégiens de sixième entretenus) et 18 en classe de troisième(soit 78,26 % des 23 collégiens de troisième entretenus) ; 17 sont des filles (soit 73,91 % des 23 filles entretenues) et 16 des garçons (soit 88,88 % des 18 garçons entretenus). Ainsi, il est d’ores et déjà intéressant de relever que les collégiens entretenus de Montreux-Château sont bien plus nombreux que ceux de Vaubécourt à pratiquer une ou des activités extrascolaires, comme les garçons sont plus nombreux que les filles à s’adonner à de telles activités. La poursuite de cette analyse devrait permettre de comprendre ces différences.

Les types d’activités extrascolaires annoncées sont variés, mais semblent se différencier en fonction du territoire sur lequel vivent les collégiens entretenus : Montreux-Château et Vaubécourt. Si, à Montreux-Château, les activités extrascolaires annoncées par les collégiens de classe de sixième et de troisième sont sportives (athlétisme, boxe, équitation, escrime, foot, judo, natation, roller, sport de glace, taekwondo, vélo tout terrain [VTT]), culturelles (chant, chorale, dessin, guitare, piano, solfège) ou civiques (jeune sapeur-pompier), ces activités sont exclusivement sportives à Vaubécourt (athlétisme, football, golf, gymnastique, équitation, handball, ping-pong, plongée, tennis, tir à l’arc, vélo et VTT, zumba). Globalement, le nombre d’activités annoncées par l’ensemble des collégiens de classe de sixième et de troisième de Montreux-Château est supérieur à celui annoncé par l’ensemble de ceux de Vaubécourt : à Montreux-Château, les collégiens de classe de sixième annoncent ainsi sept activités sportives et trois culturelles, ceux de classe de troisième, six sportives, cinq culturelles et une civique ; à Vaubécourt, les collégiens de classe de sixième annoncent huit activités sportives, comme ceux de classe de troisième. Les activités extrascolaires semblent donc territorialisées. Également, la question socio-économique pourrait être posée : la diversité des activités extrascolaires déclarées pratiquées par les collégiens de Montreux-Château est-elle liée à une plus grande aisance socio-économique de leurs parents en comparaison de celle des parents des collégiens de Vaubécourt ? Hélas, pour diverses raisons précédemment présentées (voir Supra, « Chapitre 5 — Méthodologie de recherche : échantillonnage, modalités de passation et méthodologies d’analyse », point « Constitution de l’échantillon de population, au sein de deux collèges en milieu rural »), il n’est pas possible ici d’étudier cette caractéristique socio-économique pour tenter d’expliquer ces différences. Une explication, avancée précédemment et liée au territoire, nous semble ici pertinente. Le territoire de Vaubécourt, plus isolé et vaste que celui de Montreux-Château, peut effectivement expliquer, en partie en tout cas, ces différences constatées : dans ce territoire, l’offre des activités extrascolaires proposée, comme le nombre d’enfants et d’adolescents susceptibles de les pratiquer, serait plus restreinte qu’à Montreux-Château. Ce dernier territoire est en effet relativement moins rural et plus proche d’autres villes ou villages proposant des activités potentiellement intéressantes pour ses enfants et adolescents, plus nombreux par ailleurs. En outre, les parents ou proches des enfants et adolescents pourraient plus aisément accepter de les conduire à leurs activités si les distances à parcourir pour cela sont raisonnables (économiquement, professionnellement et temporellement). C’est ainsi que deux filles de classe de troisième de Vaubécourt précisent que si elles ne font pas d’activités extrascolaires aujourd’hui, elles en effectuaient les années précédentes. Par exemple, Juliette ne pratique plus le badminton : « c’était un peu trop loin donc du coup j’ai arrêté, mais c’est vrai que j’aimais bien ». De même, Juliette encore, accompagnée de Louise cette fois, ont arrêté le handball, car les filles, sur le territoire, n’étaient plus assez nombreuses à en faire pour constituer une équipe : « comme y’a plus d’équipe j’ai arrêté » (Louise). De leurs côtés, deux autres filles de classe de troisième de Vaubécourt mentionnent avoir arrêté cette année de pratiquer une activité extrascolaire, mais les raisons invoquées sont plus personnelles que liées au territoire. Jade indique : « j’allais en centre équestre avant à Sommeilles […] [à une quinzaine de kilomètres et de minutes en voiture de Vaubécourt]. Mais j’ai arrêté et j’ai acheté un cheval » qui vit chez son père. Mélanie, quant à elle, pratiquait du tir à l’arc, mais elle a arrêté, car, comme ses parents sont divorcés, elle ne pouvait y aller qu’un samedi sur deux, quand elle n’était pas chez son père. Aucun garçon entretenu, à Montreux-Château comme à Vaubécourt, n’a ainsi mentionné avoir arrêté de pratiquer une ou des activités extrascolaires.

Enfin, et tout compte fait, il semble que les types d’activités extrascolaires pratiquées soient peu genrés concernant les collégiens entretenus. Toutefois, et minoritairement, deux activités sont genrées, voire territorialisées : l’équitation est en effet exclusivement pratiquée par des filles, cinq (trois de sixième et deux de troisième) à Montreux-Château et une seule (de sixième) à Vaubécourt ; le football est exclusivement pratiqué par des garçons (un de sixième et deux de troisième) à Vaubécourt. La question socio-économique aurait pu également ici être posée : la pratique de l’équitation plus représentée à Montreux-Château et celle du football seulement présente à Vaubécourt ont-elles à voir avec le niveau socio-économique des parents des collégiens entretenus ? Mais, comme déjà mentionné (voir Supra), il ne nous est pas possible dans cette analyse d’étudier cette caractéristique socio-économique.

Continuons à faire connaissance avec les 42 collégiens rencontrés et découvrons à présent les façons dont ils déclarent s’habiller et se coiffer, révélant ainsi leurs goûts, leurs habitudes de choix, d’achats, seuls, en famille ou entre amis, et ce que tout cela revêt, éventuellement, comme intérêt et signification pour ces collégiens, ce que cela dévoile notamment des relations entre pairs.

Se vêtir, se coiffer

Sur le thème « Se vêtir, se coiffer », l’ensemble des collégiens entretenus s’expriment. Et ce sont entre les collégiens de classe de sixième et ceux de classe de troisième que les différences se dessinent le plus distinctement. L’analyse à suivre met notamment à jour ces différences. Elle aborde successivement : le choix des vêtements (en magasin, le matin, les critères de choix, la question des marques de vêtements) ; le choix de sa coiffure ; le fait de s’habiller et se coiffer pareillement ou différemment de ses amis ; le fait de recevoir, ou non, des remarques sur la façon dont on est habillé, coiffé.

Le choix des vêtements

En magasins ou le matin, de quelle façon et par qui sont opérés les choix de vêtements achetés et portés par les collégiens entretenus ? Voici les propos tenus en entretien par ces collégiens sur cette question.

Le choix et l’achat des vêtements en magasin

Les collégiens de classe de sixième, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, filles ou garçons, déclarent majoritairement commencer, en magasin, à choisir leurs vêtements : 15 des 19 collégiens entretenus l’énoncent (soit 78,94 % des 19 collégiens de classe de sixième entretenus). Ils effectuent leurs choix sous les conseils ou la validation de la mère principalement, puisque c’est avec elle que ces achats sont majoritairement effectués : 13 des 19 collégiens entretenus le déclarent (soit 69,42 % de ces collégiens de classe de sixième entretenus). Ainsi, à Montreux-Château, seulement Cavalière (une fille) et Drôme (un garçon) déclarent faire le choix de leurs vêtements seuls, les parents payant ensuite. À Vaubécourt, Loulou (une fille) et Allan (un garçon) indiquent effectuer leurs choix de vêtements avec sa mère et son père pour Loulou, avec de la famille pour Allan. Iron Man et Mathis (deux garçons) déclarent, quant à eux, être habillés par leurs mères, Iron Man précisant qu’il n’aime pas choisir.

Les collégiens de classe de troisième, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, filles ou garçons, annoncent massivement effectuer eux-mêmes, en magasin, leurs choix de vêtements : 21 des 23 collégiens entretenus le déclarent (soit 91,30 % de ces collégiens de classe de troisième entretenus). Toutefois, 17 de ces 21 collégiens (soit 80,95 %) annoncent également qu’ils effectuent ces choix à l’écoute des conseils ou de la validation principalement de leur mère, mais également, à Vaubécourt exclusivement, d’une sœur (pour Juliette, une fille), d’amies (pour Louise, une fille), du père (pour Louise, une fille) ou des deux parents (pour Louis-Marie et Marty, deux garçons). Le choix d’écouter les conseils ou avis de leurs mères ou de leurs parents est justifié, par quatre d’entre eux (Harry Potter et Maëlle, deux filles, et Azog et Martin, deux garçons), par le fait que ce soit la mère ou les parents qui paient. Les 21 collégiens déclarant effectuer eux-mêmes leurs choix de vêtements ne sont ainsi que quatre (soit 19,04 %) à affirmer effectuer véritablement seuls ces achats, donc sans les conseils ou la validation de quiconque. Enfin, seuls deux collégiens de classe de troisième entretenus à Montreux-Château (Fireman et Princesse, un garçon et une fille) déclarent que leur mère seule achète leurs vêtements. Si Fireman indique que sa mère connaît sa taille et son style, Princesse précise qu’elle n’aime pas faire les magasins et que sa mère « connait [s]es goûts donc la plupart du temps elle sait quoi [lui] acheter ». Ces deux collégiens semblent satisfaits de cet arrangement avec leur mère, celle-ci répondant, semble-t-il, à la difficulté ou à l’absence de goût de leurs enfants pour ce type d’achats.

Les critères de choix en magasin pour acheter

Les critères de choix des vêtements en magasin sont, tout compte fait, plutôt similaires entre ceux déclarés par les collégiens entretenus de classe de sixième et ceux énoncés par ceux de classe de troisième, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt. Quelques différences apparaissent toutefois, sur certains critères, entre filles et garçons. Ces critères décisifs sont nombreux, chaque collégien pouvant en énoncer plusieurs. Nous les avons regroupés en quatre catégories et les présentons par ordre décroissant du nombre de collégiens entretenus ayant énoncé ces critères.

D’abord et avant tout, il s’agirait d’une affaire de goût : 29 (16 filles et 13 garçons) des 42 collégiens entretenus énoncent un ou des critères dans le choix de leurs vêtements entrant dans cette première catégorie. Ce goût concerne :

  • La ou les couleurs du vêtement ;

  • Le fait que le vêtement soit trouvé « joli » (Alex, une fille, et Mike, un garçon, de sixième à Montreux-Château ; Martin, un garçon, et Angèle, une fille, de classe de troisième à Montreux-Château ; France, une fille de troisième à Vaubécourt) ;

  • Le fait que le vêtement soit considéré de qualité (Lou, une fille, de sixième à Vaubécourt), ou « bien » (Dark et Baptman, deux garçons, de sixième à Montreux-Château), ou qu’il s’agisse de « belles affaires » (Pierre, un garçon de troisième à Vaubécourt) ;

  • Les dessins ou motifs apparents sur le vêtement : si Elsa, une fille, et Drôme, un garçon, de classe de sixième à Montreux-Château, indiquent pouvoir choisir des vêtements avec des dessins, Louis-Marie, un garçon de classe de troisième à Vaubécourt déclare les préférer sans « trop de motifs dessus » ;

  • La marque des vêtements enfin : ainsi, deux garçons de classe de troisième à Vaubécourt abordent cette question des marques comme critère décisif de leurs choix. Si Gaston indique choisir quelques marques dans ces vêtements, Louis-Marie souligne « prendre des vêtements de marque […] qui sont beaux à voir ». Un peu plus loin dans cette analyse, nous revenons sur cette question des marques abordée par plusieurs collégiens entretenus, qu’ils soient filles ou garçons, en classe de sixième ou de troisième, à Montreux-Château ou à Vaubécourt (voir Infra).

Ensuite, il s’agirait d’une affaire de style et de mode : 13 (sept filles et six garçons) des 42 collégiens entretenus énoncent un ou des critères dans le choix de leurs vêtements entrant dans cette deuxième catégorie. Seuls les collégiens entretenus de classe de sixième à Vaubécourt n’énoncent aucun critère susceptible d’être positionné dans cette catégorie. Le style du vêtement choisi est un critère énoncé par six des collégiens entretenus de classe de troisième, qu’ils soient à Montreux-Château (Maëlle et Angèle, deux filles, et Niko et Azog, deux garçons) ou à Vaubécourt (Eva, une fille, et Marty, un garçon). Marty indique ainsi choisir des vêtements « assez décontractés ». Du côté des collégiens de classe de sixième à Montreux-Château, quatre d’entre eux (Cavalière et Shirley, deux filles, et Dark et Baptman, deux garçons) mentionnent choisir des vêtements « à la mode » et deux d’entre eux soulignent l’importance de la coupe des vêtements choisis (Elsa, une fille, et Drôme, un garçon). Enfin, une collégienne de classe de troisième à Vaubécourt (Jade) déclare faire attention à un élément bien précis lors de ses choix vestimentaires : « j’veux pas qu’ça soit vulgaire », sans toutefois ajouter quelques explications.

Enfin, il s’agirait, premièrement, de trouver les vêtements choisis pratiques et adaptés. Ainsi, 12 des 42 collégiens entretenus énoncent un ou des critères dans le choix de leurs vêtements entrant dans cette troisième catégorie. D’une part, ce sont majoritairement les filles qui l’énoncent : elles sont en effet 10 à le faire contre deux garçons. D’autre part, les collégiens de classe de sixième entretenus l’énoncent plus que ceux de classe de troisième : huit contre quatre. Le fait que les vêtements choisis soient pratiques et adaptés en tant que critère de choix semble donc concerner plus les filles que les garçons, et plus les collégiens de classe de sixième que ceux de classe de troisième. Ainsi, la taille du vêtement est indiquée par cinq collégiens à Vaubécourt, de classe de sixième (Allan et Iron Man, deux garçons, et Lou et Loulou, deux filles) comme de classe de troisième (Louise, une fille). Est ensuite énoncé le confort du vêtement par quatre filles à Montreux-Château, deux de classe de sixième (Alex et Shirley) et deux de classe de troisième (Harry Potter et Mimi). Si Harry Potter précise ne pas aimer son ventre et y faire donc attention dans le choix de ces vêtements afin que ces derniers soient tout de même confortables, Mimi indique : « parce qu’au collège tu restes toute la journée ». Enfin, à Vaubécourt, le fait que la collégienne se sente bien dans le vêtement ou qu’elle considère qu’il lui va bien est également mentionné comme critère de choix (Lulu, une fille de sixième et France et Jade, deux filles en troisième).

Enfin, il s’agirait, deuxièmement, d’une affaire de prix : 12 des 42 collégiens entretenus énoncent un ou des critères dans le choix de leurs vêtements entrant dans cette quatrième et dernière catégorie. D’une part, ce sont majoritairement les filles qui l’énoncent : elles sont en effet 10 à le faire contre deux garçons. D’autre part, les collégiens à Vaubécourt le mentionnent plus que ceux à Montreux-Château : huit contre quatre. Enfin, les collégiens de classe de troisième entretenus l’énoncent plus que ceux de classe de sixième : huit contre quatre. Le prix des vêtements comme critère de choix semble donc concerner plus les filles que les garçons, plus ceux de Vaubécourt que de Montreux-Château et plus les collégiens de classe de troisième que ceux de classe de sixième.

Les critères de choix le matin pour s’habiller

Le matin, c’est principalement en fonction de la météo que les collégiens entretenus déclarent choisir leurs vêtements : 21 des 42 collégiens (soit 50 %) entretenus l’annoncent. Ils sont plus nombreux à le déclarer à Vaubécourt qu’à Montreux-Château (14 contre sept), en classe de troisième qu’en classe de sixième (12 contre neuf), s’il s’agit de collégiennes plutôt que de collégiens (12 filles contre neuf garçons). Ensuite, les collégiens entretenus déclarent choisir leurs vêtements le matin pour qu’ils soient, ensemble, coordonnés : 14 des 42 collégiens entretenus l’indiquent. Ils sont plus nombreux à l’énoncer à Vaubécourt qu’à Montreux-Château (11 contre trois), en classe de troisième qu’en classe de sixième (huit contre six), s’il s’agit de collégiennes plutôt que de collégiens (11 filles contre trois garçons). Ensuite encore, mais en nombre plus résiduel, cinq collégiens entretenus soulignent choisir, le matin, leurs vêtements pour s’habiller en fonction de leur humeur et de leurs envies : il s’agit de quatre collégiens (deux filles et deux garçons) de classe de troisième et d’une fille, Lulu, de classe de sixième. Ainsi, si l’humeur de Théa (une fille de troisième à Montreux-Château) est mauvaise, elle déclare, pour s’habiller le matin, « prend[re] des trucs au pif » dans son armoire. De même, si Eva (une fille de troisième à Vaubécourt) « sent » qu’elle est fatiguée, « faut qu’j’mette un truc […] un pull confortable parce que sinon ça va m’énerver dans la journée [rires] ». Cinq autres collégiens entretenus font, quant à eux, attention à l’état des vêtements choisis le matin : « pas trop sales » (Marty, un garçon, de troisième à Vaubécourt), non tachés (Mike, un garçon, et Shirley, une fille, de sixième à Montreux-Château), non troués (Mélissa, une fille, de troisième à Vaubécourt), sans mauvaise odeur (« des habits qui sont pas troués, qui puent pas » indique Fireman, un garçon, de troisième à Montreux-Château). Les raisons évoquées ensuite pour expliquer les choix de vêtements effectués le matin sont énoncées exclusivement par des filles (quatre), majoritairement en classe de troisième, à Montreux-Château ou à Vaubécourt. Seule Lulu, en classe de sixième à Vaubécourt, explique être attentive, le matin, dans ses choix de vêtement, à ce qu’ils ne la serrent pas au ventre « parce qu[ elle a] du bidou ». Ce confort-là apparaît donc ici d’importance pour Lulu. Par ailleurs, l’esthétique des vêtements choisis est évoquée par deux collégiennes en classe de troisième à Montreux-Château : pour Mimi, il s’agit que les vêtements choisis lui aillent « bien » et ne fassent pas « sac » ; pour Princesse, que ce soit « joli ». Jade, en classe de troisième à Vaubécourt, souligne plutôt le fait que les vêtements choisis le matin soient adaptés à l’emploi du temps de la journée : « si je sais par exemple qu’on va aller en sortie, qu’on va marcher […] j’vais pas mettre […] par exemple une jupe ou un truc comme ça ». Enfin, trois filles de classe de troisième à Vaubécourt introduisent, dans leur réflexion sur les choix vestimentaires matinaux, les pairs et leur rôle dans ces choix. Jade déclare ainsi faire « attention à [s]on apparence parce que [elle a] peur […] d’être jugée par les autres » et fait notamment attention à ce que ce qu’elle porte ne fasse pas « vulgaire ». De même, Mélanie souligne qu’elle « essaie toujours de bien [s]'habiller […] parce que y’a une certaine image […] à tenir […] une bonne image ». Seule Juliette prend quelque peu le contre-pied de ces affirmations en déclarant que, selon elle, « pour s’faire des amis maintenant y’a pas besoin d’être bien habillé ou quoi ». Elle n’en dit toutefois pas plus. La thématique des pairs, de leurs regards et jugements, et donc de leur poids, dans les choix vestimentaires matinaux comme en général, est néanmoins ainsi abordée.

La question des marques de vêtement

21 des 42 collégiens entretenus abordent la question des marques de vêtement. Ils sont plus nombreux à le faire à Vaubécourt qu’à Montreux-Château (14 contre sept) d’une part, en classe de troisième qu’en classe de sixième (14 contre sept) d’autre part. Ils se répartissent toutefois de façon équilibrée entre filles et garçons (10 contre 11). Indépendamment du sexe des collégiens entretenus, il semblerait ainsi que ce soit les collégiens qui énoncent le plus le prix comme critère de choix de leurs vêtements (plutôt ceux en classe de troisième, et plutôt ceux à Vaubécourt ; voir supra) qui abordent également la question des marques de vêtement.

Les collégiens entretenus à Vaubécourt, plus nombreux donc que ceux à Montreux-Château à évoquer cette question des marques, sont également plus volubiles, révélant une vraie préoccupation quant à cette question, qu’ils soient en classe de sixième ou en classe de troisième. À Montreux-Château, les collégiens entretenus déclarent en effet, principalement, faire attention « aux marques » de leurs vêtements (par exemple, Mike, un garçon de sixième, ou Azog et Martin, deux garçons, et Maëlle, une fille, de troisième), notamment, pour Azog et Martin, pour les « gros habits » (Martin), c’est-à-dire les grosses pièces, tels que les manteaux. À Vaubécourt, les collégiens entretenus expliquent davantage leurs attirance et goût pour les marques. En classe de sixième, Lou et Léa (deux filles) considèrent que : « ça résiste mieux les marques » (Lou) ; « les marques de vêtement ça change pas grand-chose à part peut-être la qualité » (Léa). Plus grande résistance et meilleure qualité semblent donc ici être allouées aux vêtements de marque. De son côté, Mathis (un garçon) indique s’habiller « habituellement » avec des vêtements de marque : « parce que j’ai les moyens de m’en acheter donc j’en achète ». En outre, il précise : « dans la cour y’a beaucoup de jeunes qui se moquent des jeunes qui sont mal habillés […] Donc j’préfère bien m’habiller comme ça personne se moque de moi ». Les pairs, et leurs moqueries éventuelles en lien avec la façon de se vêtir, apparaissent donc un argument complémentaire avancé par Mathis dans son choix de vêtements de marque. À Vaubécourt encore, mais en classe de troisième cette fois, Pierre (un garçon) indique aimer les « belles affaires » : « j’veux pas avoir un T-shirt pour la marque, mais parce que j’aime bien il est beau ». De leur côté, des collégiens soulignent l’importance de la marque du vêtement pour certaines pièces. Ainsi, Eva (une fille) raconte : « ça dépend pour quel vêtement, mais si j’achète un manteau ben j’veux que ce soit de la marque, si j’achète des chaussures je veux que ce soit de la marque ». Également, Louise, Juliette et Jade (trois filles) déclarent porter une attention particulière aux marques pour leurs chaussures : « par exemple Nike, ou les chaussures comme ça, j’aime bien le style des chaussures » (Louise) ; « c’est pas parce que y’a pas le signe Nike que j’vais pas les acheter, mais c’est vraiment les chaussures de marque qui sont vraiment belles, […] donc ben on les achète pis même si y’a la marque […] voilà on va pas l’enlever » (Juliette). De même, Théo (un garçon) indique ce qu’il apprécie : « en chaussure j’aime bien Nike », « un beau jean Lévi’s avec un beau pull […] LH ». Il ajoute toutefois : « en T-shirt j’m’en fiche un peu, mais j’m’habille un peu partout Kiabi, Célio. Après, j’aime bien un beau pull oui, après ça coûte cher hein », revenant ainsi sur le choix de la marque pour certains vêtements et le prix, important, de ces vêtements ou chaussures de marque. Enfin, à Vaubécourt, une dernière idée apparaît dans les propos des collégiens de classe de troisième entretenus, et déjà mentionnée par ceux de classe de sixième : les pairs et leurs moqueries éventuelles. Ainsi, selon Eva (une fille), porter de la marque pour un manteau ou des chaussures, « ça fait moins [rires] “fin pas cas-soc”, mais [rires] ». Plus sérieux, Louis-Marie (un garçon) explique : « on essaie de s’habiller avec ce qui est de la meilleure qualité, de la bonne marque […] comme ça on peut pas te critiquer sur ton style vestimentaire ». Il poursuit en indiquant qu’il a déjà été témoin de critiques faites à des pairs sur leurs façons de se vêtir au collège : « je l’ai déjà vu, mais je l’ai pas vécu parce que j’ai mis des vêtements de marque toutes mes années collège […] Mais les personnes qui ont pas d’amis qui sont rejetées généralement ils en ont pas [des vêtements de marque] ». Ainsi, pour Louis-Marie, la façon de se vêtir permettrait de se prémunir des moqueries et railleries, voire de mises à l’écart, par les pairs au collège. Et c’est en effet un peu cela qu’évoque différemment, en positif cette fois, Théo (un garçon) pour qui la façon de se vêtir, de se coiffer (voir Infra) serait susceptible de créer une curiosité pour l’autre parfois : « P’t-être y’a des attirances ouais ». Toutefois, Louis-Marie précise qu’en dehors du collège, il fait moins attention aux marques : « parce que c’est en dehors du collège et pis comme c’est tes amis ils vont pas te critiquer ». Quelque chose de particulier se passerait donc dans l’enceinte même du collège, au sein duquel il conviendrait d’adopter une façon particulière de se vêtir, telle une protection vis-à-vis des pairs et de leurs jugements éventuels.

Le choix de sa coiffure

23 des 42 collégiens entretenus s’expriment sur leurs coiffures et cheveux : ceux à Vaubécourt sont plus nombreux à le faire que ceux à Montreux-Château (15 contre huit), les filles sont plus nombreuses à le faire également que les garçons (14 contre neuf), les collégiens en classe de sixième et ceux en classe de troisième sont, par contre, à peu près aussi nombreux à le faire (11 contre 12).

Si l’ensemble des collégiens entretenus s’exprimant sur ce sujet déclarent choisir leur coiffure, ceux de classe de sixième précisent, également et toutefois, que leur mère décide, chez le coiffeur, de cette coiffure. Parmi les collégiens de classe de troisième entretenus, Jade (une fille à Vaubécourt) indique choisir, chez le coiffeur, une coupe de cheveux qui lui aille et Théo (un garçon à Vaubécourt) exprime qu’il aime « bien être bien coiffé ».

En outre, les collégiens entretenus en classe de sixième soulignent surtout l’importance, dans leurs cheveux, de ne pas avoir d’« épis » (Julie, Larousse, Lulu et Loulou, quatre filles, et Allan, Iron Man et Luc, trois garçons, à Vaubécourt), de « plis » (Dark, un garçon, à Montreux-Château) ou de « bosses » (Alex, une fille, à Montreux-Château), Allan précisant que, selon lui, il est important d’être bien coiffé pour ne pas que « les gens se moquent de nous ». Le regard et le poids des pairs sur la coiffure des collégiens entretenus apparaissent ainsi dans cette précision d’Allan. Les « épis » et les « bosses » sont également une préoccupation des collégiens de classe de troisième entretenus : à Montreux-Château, Théa (une fille) y fait ainsi attention, comme Princesse (une fille) qui veille à « toujours avoir les cheveux lisses » ; de même, à Vaubécourt, si France (une fille) fait attention à ne pas avoir « trop de bosses », Louis-Marie (un garçon) se méfie d’« une petite mèche qui rebique » ou de « choses à rattraper ».

Enfin, deux éléments particuliers apparaissent dans les propos de six collégiens de classe de troisième entretenus (quatre filles et deux garçons), deux éléments absents dans ceux des collégiens de classe de sixième : le fait que les cheveux n’aient l’air ni gras ni abîmés. Ainsi, Fireman (un garçon à Vaubécourt) déclare porter une attention particulière à ses cheveux : « mes cheveux je fais attention […] là je suis pas coiffé, mais les cheveux par contre c’est quelque chose que j’y tiens […] parce que je veux pas qu’ils soient gras ». Juliette et Mélissa (deux filles à Vaubécourt) mentionnent cette même dernière idée : « j’regarde juste si mes cheveux [ils] sont pas gras » (Juliette). De leur côté, Eva et Harry Potter (deux filles, la première à Vaubécourt, la seconde à Montreux-Château) précisent leur attachement à ce que leurs cheveux n’aient pas l’air abîmés : Eva déclare surveiller « si mes cheveux [ils] sont pas abimés » et Harry Potter, « je les veux pas abîmés ». De façon quelque peu conclusive à ce point relatif au choix de la coiffure des collégiens entretenus, Marty (un garçon à Vaubécourt) indique à propos de ses cheveux : « j’essaie de pas être trop long […] pendant les grandes vacances j’m’en occupe pas […] [mais] pendant l’année scolaire vu que j’viens tous les jours j’vois des personnes ben j’prends soin d’moi ». Ce collégien mentionne ainsi son souci de prendre soin de lui, et de ses cheveux, surtout lorsqu’il se rend quotidiennement au collège, le regard et le poids du jugement des pairs étant susceptible, encore, d’expliquer sa façon de faire.

Se vêtir et se coiffer pareillement ou différemment de ses amis

L’ensemble des 42 collégiens entretenus s’expriment sur le fait de se vêtir et de se coiffer pareillement ou différemment de leurs amis. Mais ce sont surtout ceux de classe de troisième, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, filles ou garçons, qui développent le plus grandement leurs propos.

Les collégiens en classe de sixième entretenus considèrent majoritairement s’habiller et se coiffer, à quelques petites différences près, comme leurs amis. À Vaubécourt, trois d’entre eux (deux filles et un garçon) pensent même s’habiller et se coiffer comme la plupart des élèves de leur collège, ou en tout cas, dans le même style. À Vaubécourt encore, et toutefois, trois filles estiment que des éléments les différencient de leurs amis dans leur façon de s’habiller et de se coiffer : si Larousse trouve que ses amis s’habillent « plus classe » qu’elle, Loulou et Lulu pensent que chacune de leurs amies ont leurs propres façons de s’habiller et de se coiffer.

Sur le fait de se vêtir et se coiffer pareillement ou différemment de ses amis, les réponses des collégiens de classe de troisième entretenus sont moins majoritaires et unanimes que celles des collégiens de classe de sixième entretenus. Les propos des collégiens plus âgés sont donc plus dichotomiques que ceux des collégiens plus jeunes, dessinant, en réponse à la question posée, deux positions plutôt distinctes : s’habiller et se coiffer pareillement que ses amis contre s’habiller et se coiffer différemment de ses amis. D’un côté, on trouve ainsi les propos de neuf collégiens de classe de troisième (quatre à Montreux-Château et cinq à Vaubécourt, six filles et trois garçons), à l’image de la déclaration de Mimi (une fille à Montreux-Château) : « on s’habille à peu près pareil, on va à peu près tous dans les mêmes magasins, les filles on va chez Jennifer, les gars chez Jules et […] donc tout le monde au final est en jean, pull ». Allant dans ce sens, Eva (une fille à Vaubécourt) indique également : « mêmes styles de chaussures […] d’habits ». D’un autre côté, on trouve les propos de 12 collégiens de classe de troisième (cinq à Montreux-Château et sept à Vaubécourt, six filles et six garçons) considérant ne pas s’habiller comme leurs amis, tel que le déclare Gaston (un garçon à Vaubécourt) : « on est tous habillés différemment » ; ou Angèle (une fille à Montreux-Château), trouvant que ses amis et elle ont « tous un style différent ». De même, concernant la façon de se coiffer, ces collégiens pensent se coiffer différemment de leurs amis : « chacun se coiffe comme il veut quoi […] on a pas tous la même coupe » (Niko, un garçon à Montreux-Château) ; « y’en a qu’ont les cheveux courts, les cheveux longs, les cheveux lisses » (Louise, une fille à Vaubécourt) ; « on s’coiffe comme on peut, en fonction de nos cheveux [rires] » (Mélanie, une fille à Vaubécourt). Enfin, seule Juliette (une fille à Vaubécourt) semble partagée, considérant se coiffer, à quelques petites différences près, comme ses amies, mais ne pas véritablement s’habiller comme elles.

Se faire, ou non, des remarques sur la façon dont on est habillé, coiffé

Excepté quelques courtes remarques de compliments (telles que « ça te va bien », « c’est joli », etc.) provenant d’amis proches, les collégiens entretenus, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou en classe de troisième, filles ou garçons, déclarent ne pas recevoir en général de réflexions sur leur façon de s’habiller ou de se coiffer. Emma (une fille de sixième à Vaubécourt) précise : « on est amies c’est pas le but de se critiquer ».

Néanmoins, 11 collégiens (trois à Montreux-Château et huit à Vaubécourt, trois de sixième et huit de troisième, sept filles et quatre garçons) sur les 42 entretenus indiquent recevoir parfois des critiques.

Ainsi, en classe de sixième à Vaubécourt, trois collégiennes (Léa, Loulou et Lulu) déclarent recevoir ces critiques. Ces dernières, sur leurs façons de s’habiller, émanent d’élèves plus âgées du collège (Léa et Lulu), de son grand frère (Lulu) ou de son père (Loulou).

En classe de troisième, quatre collégiennes et quatre collégiens, à Montreux-Château et à Vaubécourt, mentionnent aussi recevoir ces critiques. Mimi (une fille à Montreux-Château) déclare, notamment à propos de ses cheveux : « il y en a qui me disent “ah bah c’est moche”, mais je m’en fous ». Mimi explique ensuite la problématique concernant ses cheveux qu’elle a, au fil du temps semble-t-il, appris à assumer et à apprécier : « avec mes cheveux frisés c’est pas forcément facile de se faire accepter, enfin il y en a beaucoup qui critiquent enfin même maintenant tout le monde critique, il y en a beaucoup qui critiquent mes cheveux, ils disent “ah, mais c’est quoi ça, c’est pas des cheveux machin” donc petite j’étais complexée je me les attachais tout le temps enfin depuis l’année dernière je les ai jamais attachés parce que c’est mes cheveux, je les lâche et au final je les aime bien frisés, je les laisse lâchés, mais quand il faut je les attache, j’essaie de faire un truc qui sort de l’original parce que mes cheveux je les trouve beaux ». À Vaubécourt, les cinq collégiens de classe de troisième (trois filles et deux garçons) indiquant recevoir parfois des remarques ajoutent toutefois qu’elles ne sont pas méchantes. Ainsi, Eva (une fille) précise : « quand j’suis passée des cheveux lisses aux cheveux frisés les garçons en rigolant ils ont dit “oh t’as oublié d’te coiffer” ! […] Mais […] c’est pas des trucs méchants ». De même, à propos de ces remarques, Théo (un garçon) souligne : « mais c’est pas méchant ».

Conclusion sur le thème « Se vêtir, se coiffer » : éléments de résultats

Entre la classe de sixième et celle de troisième, les collégiens entretenus, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, filles ou garçons, gagnent en autonomie vis-à-vis de la famille, et notamment de la mère, quant à leurs façons et décisions de se vêtir et se coiffer.

Si les collégiens de classe de sixième déclarent majoritairement commencer à choisir leurs vêtements en magasin, ceux de classe de troisième annoncent massivement effectuer eux-mêmes ces choix. Ils déclarent toutefois, et également, recevoir les conseils et la validation de leur mère pour réaliser ces achats puisque c’est d’abord en sa compagnie que les achats sont effectués.

Pour l’ensemble de ces collégiens, les critères sur lesquels reposent leurs choix en magasin sont plutôt similaires : le goût ; le style et la mode ; leurs côtés pratique et adapté ; enfin, leur prix.

Pour leurs choix de vêtements le matin, l’ensemble des collégiens entretenus évoquent les critères suivants : la météo ; le fait que les vêtements soient, ensemble, coordonnés ; l’humeur et les envies matinaux des collégiens ; l’état du vêtement, c’est-à-dire plutôt propre, sans tâche, trou ou mauvaise odeur. En outre, quatre filles (majoritairement de classe de troisième) évoquent d’autres critères de choix le matin tels que le confort, l’esthétique, le caractère adapté du vêtement à l’emploi du temps de la journée. Enfin, ce sont également trois filles (de classe de troisième) qui introduisent, dans leurs réflexion et propos sur leurs choix vestimentaires matinaux, le rôle des pairs dans ces choix.

La question des marques est abordée par la moitié des collégiens entretenus. Les collégiens à Vaubécourt comme ceux de classe de troisième sont plus nombreux à le faire que les collégiens à Montreux-Château (14 contre sept) et ceux de classe de sixième (14 contre sept). Si à Montreux-Châteaux, les collégiens déclarent principalement faire attention « aux marques », à Vaubécourt, ils développent plus grandement leurs propos, expliquant ainsi davantage leurs attirance et goût pour les marques. Ces attirances et goûts sont expliqués par une plus grande résistance et une meilleure qualité des pièces de marque. Et justement, pour des collégiens de classe de troisième à Vaubécourt, certaines de ces pièces sont privilégiées pour leur achat de marque tels que des chaussures, un manteau, un pull. Enfin, à Vaubécourt toujours, que les collégiens entretenus soient en classe de sixième ou de troisième, émerge l’idée que porter des pièces de marque pourrait se prémunir contre les moqueries éventuelles des pairs : au sein même du collège, adopter une façon particulière de se vêtir semblerait alors, selon ces collégiens, fonctionner comme une protection vis-à-vis des pairs et de leurs possibles jugements.

Si l’ensemble des collégiens entretenus déclarent choisir leur coiffure, ceux de classe de sixième précisent néanmoins, et également que c’est leur mère qui prend la décision de cette coiffure chez le coiffeur. Les collégiens entretenus indiquent ensuite ce qui est, pour eux, important dans leurs coiffures et cheveux : ne pas avoir d’« épis », de « plis » ou de « bosses », en somme, être bien coiffé pour ne pas que « les gens se moquent de nous » (Allan, un garçon, en sixième à Vaubécourt). Le poids des jugements éventuels des pairs réapparait ici sur la question de la coiffure et des cheveux. Enfin, dans les propos de six collégiens de classe de troisième entretenus, deux éléments particuliers poignent : l’apparence propre et saine des cheveux c’est-à-dire qu’ils n’aient l’air ni gras ni abîmés.

Deux points enfin ont achevé notre analyse du thème « Se vêtir, se coiffer » : la façon de se vêtir et de se coiffer, pareille ou différente de celle de leurs amis ; les remarques éventuellement reçues sur leur façon de se vêtir et de se coiffer. Si les collégiens de classe de sixième entretenus pensent majoritairement s’habiller et se coiffer, à quelques différences près, comme leurs amis, ceux de classe de troisième le pensent moins, se révélant ainsi moins unanimes. Ces derniers collégiens ébauchent ainsi deux positions plutôt distinctes sur lesquelles leurs avis se distribuent : s’habiller et se coiffer pareillement que ses amis d’une part, s’habiller et se coiffer différemment de ses amis d’autre part. Ces deux positions témoignent vraisemblablement de l’importance voire de la nécessité, pour les enfants et adolescents, d’appartenir à un ou des groupes de pairs et, en fonction de l’avancement dans l’âge, d’y être particularisé (notamment Bonnéry et al., 2012 ; Courtinat-Camps et Prêteur, 2012 ; Dubet, 1994 ; Hernandez et al., 2014 ; Mallet et Brami, 2006). Quant aux remarques possiblement reçues sur leur façon de se vêtir et de se coiffer, les collégiens entretenus, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou en classe de troisième, filles ou garçons, considèrent majoritairement ne pas recevoir en général de réflexions sur leur façon de s’habiller ou de se coiffer, excepté quelques remarques de compliments provenant d’amis proches.

Avant d’entrer dans les collèges respectifs des 42 collégiens rencontrés lors du développement du second point de ce chapitre 7, découvrons à présent ce que ces derniers pensent de l’établissement scolaire dans lequel ils sont scolarisés. Abordons donc la question de l’image que ces collégiens ont élaborée de leur collège, dévoilant ainsi les raisons de leur appréciation de l’établissement, entre situation géographique, architecturale et individus côtoyés en son sein.

L’image de l’établissement

39 des 42 collégiens entretenus (soit 92,45 % d’entre eux) s’expriment sur ce thème. À Montreux-Château comme à Vaubécourt, ceux de classe de troisième se révèlent bien plus loquaces que ceux de classe de sixième.

Si les collégiens de classe de sixième sont majoritairement positifs lorsqu’ils évoquent leur collège (10 d’entre eux, sur les 17 s’exprimant sur la thématique, le sont, soit 58,82 %), ceux de Vaubécourt le sont toutefois plus que ceux de Montreux-Château (sept contre trois). L’image positive que les collégiens de classe de sixième à Vaubécourt expriment à propos de leur collège est liée à sa situation géographique, architecturale et d’aménagement : « c’est dans mon village » précise Allan, un garçon ; « il est basique […] il est bien », « y’a d’la place dans la cour […] y’a plein de bancs y’a une table de ping-pong, moi j’adore le ping-pong donc ça m’arrange » indique Iron Man, un garçon. Lou (une fille) précise en outre y être « attachée ». Julie, Larousse et Léa (trois filles) mentionnent qu’elles « l’aime[nt] bien », Larousse ajoutant avec humour : « Il est gentil [rires] […] Il donne pas trop de devoirs “fin ça dépend ». L’image positive que ces collégiens à Vaubécourt ont de leur collège est également liée aux individus, peu nombreux et connus pour la plupart, qui y sont côtoyés : « c’est un petit collège, mais très bien […] y’a moins de personnes » (Emma, une fille). Ainsi, la taille humaine du collège est un élément participant de l’image positive que ces collégiens ont de leur établissement. Elle semble leur permettre de tisser des relations de qualité et des liens particuliers en son sein, de connaître un nombre relativement important d’individus dans l’établissement, tant parmi les élèves que parmi le personnel enseignant et éducatif : « y’a des profs que j’connais […] parce que mes parents du coup ben sont amis avec » (Léa, une fille) ; « je suis plus à l’aise avec les surveillants qu’avec les professeurs […]. Par exemple [en permanence] on parle des matières que j’arrive pas trop et des fois ils m’expliquent comment mieux réussir des trucs comme ça » (Julie, une fille). Enfin, une collégienne explique son affection pour le collège au regard d’une histoire familiale : « c’est le collège où mes grands-parents, mes parents y étaient » (Léa, une fille), soulignant alors la force d’attachement liée à une inscription dans le temps, dans la durée, à des relations humaines, familiales. Ces idées se retrouvent dans les propos des collégiens de classe de sixième de Montreux-Château. Ils expliquent ainsi que l’image positive qu’ils ont de leur collège est liée au fait que le collège n’est « pas trop grand » (Dark, un garçon) et qu’il « est simple » (Cavalière, une fille). Ces collégiens expliquent également s’y sentir bien et y apprendre « à se débrouiller tout seul » (Alex, une fille), que « le temps de midi » leur permet de « faire plein de choses » en se rendant, par exemple, au CDI, à la Maison des collégiens (Dark). Enfin, ce collégien (Dark) précise que les « profs » y « sont bien ».

Par ailleurs, des collégiens de classe de sixième semblent avoir une image ni positive ni négative de leur collège. Si un seul collégien évoque une telle image à Vaubécourt, ils sont quatre à Montreux-Château : « un collège normal » (Léa, une fille à Montreux-Château), comme tous les autres collèges (Elsa, une fille, et Drôme, un garçon, à Montreux-Château) ; « pour moi c’est un collège comme les autres, c’est pas l’meilleur, c’est pas l’pire c’est […] un collège tout court, j’suis juste là pour l’éducation, j’suis juste là pour apprendre » (Lulu, une fille à Vaubécourt). Ces collégiens paraissent donc ne pas avoir grand-chose à dire sur leur collège ou sur ce thème de l’entretien, ou ne pas avoir construit une image tranchée de leur établissement.

Enfin, seuls deux collégiens de classe de sixième, un garçon (Baptman) à Montreux-Château, une fille (Loulou) à Vaubécourt énoncent une image plutôt négative de leur collège pour deux raisons essentielles : la technologie pour Baptman ; un enseignant peu apprécié, car agressif pour Loulou : « il y a beaucoup de technologie […] moi j’ai pas besoin d’un truc high-tech » (Baptman) ; « y’a un prof qu’est vraiment agressif » (Loulou).

Les collégiens de classe de troisième, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, ont majoritairement une image positive de leur collège : 16 d’entre, sur les 22 s’exprimant sur ce thème (soit 72,72 %), énoncent en effet une telle image. Entre la classe de sixième et celle de troisième, un attachement progressif à leur collège des élèves entretenus semble ainsi opérer : les collégiens entretenus de classe de troisième sont en effet plus nombreux que ceux de classe de sixième à évoquer une image positive de leur collège. Comme les collégiens de classe de sixième, l’image positive que ceux de classe de troisième ont de leur collège est liée à la petite taille de l’établissement qui leur permet de connaître la plupart des individus, élèves et adultes, évoluant dans le collège : « c’est un p’tit collège sympathique » (Gaston, un garçon à Vaubécourt) ; « c’est pas un grand collège, je connais à peu près tout le monde » (Princesse, une fille à Montreux-Château) ; « c’est bien parce que comme ça tout le monde se connait y’a pas de de jugements on s’connait tous » (Louise, une fille à Vaubécourt) ; « vu qu’on n’est pas d’trop on arrive plus facilement à créer des liens » (Mélissa, une fille de Vaubécourt) ; « on est dans un petit collège [dans le]quel on se sent mieux parce que on peut plus parler » (Fireman, un garçon à Montreux-Château) ; « tout le monde se connait, tout le monde s’entend à peu près bien et il y a toujours quelqu’un vers qui on peut aller » (Mimi, une fille à Montreux-Château) ; « [le collège] est bien et les personnes sont gentilles » (Marty, un garçon à Vaubécourt) « Y’a vraiment pas beaucoup d’monde qu’on connait pas leurs prénoms », « ici on peut très vite s’faire des amis » (Juliette, une fille à Vaubécourt). La taille humaine de l’établissement semble ainsi faciliter les échanges et la création de liens. Elle permet également, selon deux collégiennes de Vaubécourt, de prévenir, d’intervenir ou de s’entraider en cas de comportements entre élèves considérés peu convenables, voire harcelants : « j’pense que le fait d’être un p’tit collège comme ça c’est mieux […] ici on fait attention […] par exemple quand y’a un sixième ou une sixième qu’on voit […] qui s’fait pousser ou des trucs comme ça on va aller voir […] dire “ben faites attention !”. […] Quand c’est […] des gros collèges tout l’monde passe » (Jade) ; « j’trouve c’est bien parce qu’on n’est pas trop […] on connait à peu près tout l’monde, on les a tous déjà vus. […] Si […] par exemple […] y’a du harcèlement […] comme ça ben ça se repère très très vite et […] on peut l’étouffer. […] Et résoudre le truc directement » (Mélanie). En outre, les collégiens de classe de troisième entretenus listent ce qu’il leur permet d’élaborer une image positive de leur collège, et c’est massivement autour de la qualité des relations entretenues avec leurs pairs et le personnel enseignant et éducatif au sein du collège que cette liste s’élabore. À Montreux-Château, Mimi (une fille) souligne ainsi la « bonne ambiance » dans son collège. Fireman (un garçon) mentionne également la « très bonne ambiance […] entre élève et élève, et entre adulte et élève si l’élève respecte l’adulte et que l’adulte respecte l’élève » dans ce même collège, ajoutant « on se sent bien avec les professeurs, la principale, le CPE [conseiller principal d’éducation] et les surveillants ». L’ensemble de ces personnels semble ainsi octroyer confiance et autonomie aux collégiens : Maëlle (une fille) souligne apprécier son collège pour la confiance qui leur est accordée, la Maison des collégiens n’étant pas, par exemple, surveillée ; Martin (un garçon) apprécie de même son collège, car beaucoup d’autonomie leur est laissée au sein de l’établissement. À Montreux-Château, l’ensemble de ces personnels est considéré comme « strict et sympa » (Bob, un garçon). De son côté, Mimi (une fille) estime que, dans son collège, « il y a un bon personnel, la directrice elle est gentille, les profs sont sympas, ils sont aussi à l’écoute de nous, on peut aller leur parler même si c’est un problème personnel […] les surveillantes on peut leur parler et notre CPE aussi on peut aller le voir s’il y a un problème ». Cette écoute et la possibilité de « parler de tout » apparaît d’importance dans les propos des collégiens entretenus à Montreux-Château, les surveillants occupant toutefois un rôle et une place de choix dans ces écoutes et possibilités : si Maëlle (une fille) indique ainsi tutoyer les surveillantes, Maëlle et Bob (un garçon) précisent de plus qu’il leur est possible de leur parler de tout. Martin (un garçon) conclut alors : « je pense que j’ai de la chance », car son collège est un « super collège » pour les locaux, les professeurs, tout le personnel, les surveillantes, le CPE, la principale. Toutefois, Azog (un garçon), d’une part, mentionne qu’il est « plus attaché à [s]es amis et à certains profs de ce collège » qu’au collège lui-même et Harry Potter (une fille), d’autre part, indique qu’elle est « plus attachée aux surveillantes, […] très gentilles » qu’au collège, ces deux collégiens soulignant encore l’importance des relations humaines, et la force de l’attachement et des liens, pouvant se tisser au sein d’un établissement scolaire. A Vaubécourt, les propos des collégiens de classe de troisième entretenus sont similaires à ceux ci-dessus présentés et formulés par les collégiens de classe de troisième à Montreux-Château. Toutefois, seule la qualité des relations que les collégiens entretiennent avec leurs professeurs et surveillants est évoquée à Vaubécourt alors que cette qualité de relation est aussi évoquée avec la principale et le CPE du collège à Montreux-Château. Ainsi, à Vaubécourt, France (une fille) « trouve que les profs sont géniaux, [qu’ils] enseignent bien » et Eva (une fille) souligne l’ambiance « convivial[e] » en salle de classe : « on est des p’tites classes […] Donc forcément quand on parle [les professeurs] tolèrent p't’être plus que quand t’es dans un grand collège ». Mélissa (une fille) pense, quant à elle, que « les surveillants les profs sont plus à l’écoute que si on était dans un lycée ou un collège où y’a 600 élèves ». De son côté, Gaston (un garçon) « trouve [que] c’est bien que l’équipe pédagogique connaisse tout l’monde et que tout l’monde se connaisse » : « au niveau des professeurs [ils] s’connaissent alors après par exemple si un jour y’a un problème ou un d’mes copains qui fait une bêtise ou moi tous les profs vont le savoir », cette connaissance mutuelle apparaissant tel un gage, pour Gaston, à la fois de surveillance et de convivialité au sein du collège. Enfin, Marty (un garçon) indique que certains enseignants du collège ne sont pas que cela : « y’a des enseignants qui sont amis avec […] mes parents […] Des fois j’leur parle ». Cette proximité et ces histoires relationnelle (et territoriale) rendent ainsi les relations au sein du collège d’autant plus humaines et conviviales, semble-t-il, que ces relations dépassent le cadre strictement scolaire et vivent également au-delà de l’enceinte de l’établissement, le collège n’étant alors qu’un espace parmi d’autres dans lequel les protagonistes du collège se côtoient sur un même territoire.

Par ailleurs, comme certains collégiens de classe de sixième, quelques collégiens de classe de troisième semblent avoir une image ni positive ni négative de leur collège. Ainsi, alors que deux collégiens à Montreux-Château (Angèle, une fille, et Niko, un garçon) n’ont rien à dire sur leur collège, un collégien à Vaubécourt, Louis-Marie (un garçon), signale simplement : « pour moi c’est un collège comme les autres ». Ces collégiens ne seraient donc pas très inspirés concernant leur établissement ou ce thème de l’entretien, ou n’auraient pas construit une image catégorique de leur collège.

Enfin, seuls deux collégiens de classe de troisième, deux garçons (Pierre et Théo) à Vaubécourt, semblent avoir une image plutôt négative de leur collège pour trois raisons essentielles. Ces raisons sont d’ailleurs sensiblement les mêmes que celles pour lesquelles la majorité des autres collégiens apprécient leur établissement. La première est avancée par Pierre et Théo et est relative à la petite taille du collège. Théo déclare ainsi : « c’est un p’tit village un p’tit collège […] on peut pas sortir rien à faire dans le village quoi […] Si on sort on va chez un copain à la rigueur, mais c’est tout » (Théo). Pierre souligne que ce petit collège est situé dans un espace géographique, rural, lui convenant peu : « après les cours on peut pas sortir dans Vaubécourt ». Il lui préfèrerait une petite ville à ce village : « après les cours à Bar-le-Duc on peut sortir […] j’ai voulu deux fois aller à Bar-le-Duc, mais mes parents ont pas voulu […] là-bas on est plus libres que là » (Pierre). Ainsi, Théo comme Pierre semblent, tout compte fait, peu apprécier que leur collège soit situé dans un village proposant peu d’attractions aux alentours. Les deux raisons suivantes sont énoncées exclusivement par Théo. Il s’agit, d’une part, de se sentir « beaucoup surveillé » et « un peu enfermés quoi » dans le collège et, d’autre part, de considérer que le collège, puisqu’il est de petite taille, propose peu de choix dans les amitiés possibles. Théo déclare ainsi : « Moi j’préfèrerais un gros [collège]. Ouais j’pense ben déjà y’a plus de monde donc plus […] d’affinités. Y’a plus de choix dans les amis quoi […] Par exemple on doit être […] 20 garçons en troisième donc […] C’est vite fait d’faire deux ou trois bandes ». Les propos de ces deux collégiens de classe de troisième sont tout à fait intéressants tant ils reprennent les mêmes raisons invoquées par la majorité de leurs pairs entretenus pour expliquer apprécier leur collège, mais les appréhendent par la négative. Ainsi, être en milieu rural dans un petit collège peut aussi être peu appréciable tant on peut se sentir surveillés, enfermés, face à une offre d’amitiés plutôt limitée et restreinte.

Conclusion sur le thème « L’image de l’établissement » : éléments de résultats

Les collégiens entretenus, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou de troisième, ont donc majoritairement une image positive de leur établissement. Les élèves de classe de troisième sont toutefois, d’une part, plus nombreux que ceux de classe de sixième à le déclarer — comme si le temps passant, l’âge avançant, les élèves s’attachaient plus grandement à leur collège — et, d’autre part, plus prolixes que ceux de classe de sixième dans leurs explications. En outre, les collégiens entretenus de classe de sixième se révèlent plus nombreux à Vaubécourt qu’à Montreux-Château à avoir une telle image positive.

L’image positive que les collégiens de classe de sixième ont construite de leur collège, à Vaubécourt comme à Montreux-Château, est liée à la situation géographique et architecturale de leur établissement ainsi qu’aux individus côtoyés dans celui-ci, en nombre réduit et pour la plupart connus. La taille humaine du collège permet ainsi aux collégiens entretenus d’en avoir une image positive et d’y tisser des relations de qualité avec les élèves comme avec le personnel enseignant et éducatif.

Comme les collégiens entretenus de classe de sixième, ceux de classe de troisième se sont construits une image positive de leur établissement en lien avec sa petite taille, leur offrant ainsi la possibilité de connaître la plupart des élèves et adultes évoluant dans le collège. Les collégiens entretenus de classe de troisième soulignent massivement l’importance qu’ils accordent à la qualité des relations entretenues au sein du collège, avec leurs pairs comme avec le personnel enseignant et éducatif. Cette qualité des relations vécues au sein de l’établissement semble grandement participer à leur élaboration d’une image positive de leur collège. Si ce personnel enseignant et éducatif est constitué des professeurs, surveillants, ou assistants d’éducation, CPE et principale du collège à Montreux-Château, seuls les professeurs et surveillants, ou assistants d’éducation, sont évoqués dans les propos des collégiens de classe de troisième entretenus à Vaubécourt.

Nous achevons ici la présentation des éléments issus de notre analyse de quatre des six thèmes constitutifs du guide d’entretien co-construit, étudiant ce qui se passe autour des amitiés, les lieux et activités où l’on se côtoie, ce que l’on partage, ou non, avec ses amis. Nous avons ainsi présenté notre analyse des propos tenus par les collégiens entretenus sur ces quatre thèmes : leurs centres d’intérêt (pendant le temps libre), les activités extrascolaires pratiquées, les façons de se vêtir, de se coiffer et l’image qu’ils ont élaborée de leur établissement scolaire.

Dans le développement à venir du second point de ce septième chapitre, nous entrons dans le cœur de la réponse à apporter à la question que se posent les collégiens-commanditaires, en présentant notre analyse des propos récoltés auprès des 42 collégiens rencontrés sur les deux thèmes restants du guide d’entretien co-construit.

Se lier, ou la façon dont les relations amicales se construisent

Ce second point étudie la façon dont on se lie d’amitié, c’est-à-dire dont les relations amicales se construisent. Nous présentons ainsi, successivement, notre analyse des propos tenus par les 42 collégiens entretenus sur les thèmes relatifs à la solitude et au fait d’être seul (au collège) d’une part, au maintien et à la temporalité des amitiés d’autre part.

La solitude, le fait d’être seul

Au cours de la co-construction de la démarche de recherche (voir Supra, « Chapitre 3 — Co-construction de la recherche », point « 2016—2017 : Une enquête préliminaire »), ce thème s’est révélé central, et donc important, pour les collégiens-commanditaires : présent dès le début du travail mené sur l’élaboration des outils co-construits, il est toujours resté dans les premiers thèmes à aborder, pour les commanditaires, en entretien. Nous nous sommes donc attachés à effectuer une analyse particulièrement minutieuse des propos tenus par les collégiens entretenus sur ce thème.

Les collégiens entretenus et leur solitude scolaire

À l’unanimité, les 42 collégiens entretenus déclarent, de prime abord, être avec leurs amis dans l’enceinte de leur collège et donc très rarement seuls.

12 d’entre eux (soit 28,57 % des 42 élèves constituant l’échantillon) précisent, ensuite, qu’il peut leur arriver d’être seuls, pour certaines raisons ou à certaines conditions (voir Infra), et trois d’entre eux (soit 7,14 %), un garçon de classe de sixième et deux filles de classe de troisième à Montreux-Château, indiquent avoir été seuls parfois dans le passé (en élémentaire ou au collège), mais plus aujourd’hui. Ces 15 élèves déclarant être parfois seuls, ou l’avoir été, représentent huit filles et sept garçons, ou cinq élèves (deux filles et trois garçons) de classe de sixième et dix élèves (six filles et quatre garçons) de classe de troisième. Ainsi, ces derniers semblent plus souvent avouer cette solitude dans leur collège que ceux de classe de sixième, le nombre d’années, plus important, passées par ces élèves dans l’établissement étant susceptible d’expliquer également une telle déclaration.

Les raisons et conditions de la solitude scolaire des collégiens entretenus

Les raisons et conditions évoquées pour expliquer la solitude scolaire sont diverses. Si ces raisons et conditions semblent être communes aux élèves, qu’ils soient filles ou garçons, scolarisés à Montreux-Château et à Vaubécourt, elles semblent toutefois différer quelque peu entre les élèves de classe de sixième et ceux de classe de troisième. Ainsi, les élèves de classe de sixième tendent à déclarer faire le choix de s’isoler consécutivement à des tensions relationnelles ressenties avec un ami : par exemple, Allan (un garçon de classe de sixième à Vaubécourt) indique que, parfois, il s’isole après s’être énervé contre un ami ; Lulu (une fille de classe de sixième à Vaubécourt) dit choisir de s’isoler quand elle est « triste ou énervée » et elle l’est notamment en lien avec Loulou, une amie possessive. De leur côté, les élèves de classe de troisième semblent plutôt déclarer avoir besoin de s’isoler soit en lien avec des tensions relationnelles ressenties avec des pairs, soit pour les protéger de leurs humeurs et émotions du moment, soit enfin pour d’autres raisons, restant floues dans les entretiens : par exemple, Mélissa (une fille en troisième à Vaubécourt) précise qu’elle peut être « seule quand vraiment j’ai besoin d’être calme […] Quand j’suis énervée [rires] […] des fois ça vient de tout et de rien […] Des fois c’est une p’tite prise de tête » ; Fireman (un garçon de troisième à Montreux-Château) peut parfois être seul, mais « quand j’ai envie d’être seul c’est que je suis énervé donc je veux pas m’énerver contre les personnes que j’aime parce que je veux pas leur faire de mal » ; Louis-Marie (un garçon de troisième à Vaubécourt) indique que « généralement quand je suis tout seul c’est quand je suis pas bien », car il s’est disputé avec un ou des amis (ou avec sa famille).

Apprécier ou non la solitude scolaire

Les élèves déclarant s’isoler apprécient diversement cette solitude. Ceux l’appréciant sont des élèves, filles et garçons, massivement de classe de troisième et soulignent que ce temps d’isolement, non ennuyeux, procure du calme, un apaisement voire un contentement, une protection et permet la réflexion : par exemple, Lulu (une fille de classe de sixième à Vaubécourt) mentionne que « des fois j’aime bien être toute seule dans la cour à un endroit et rien faire […] juste réfléchir et […] rester seule », « j’trouve ça [ce moment] très rapide justement […] j’me mets entre guillemets dans une bulle et plus rien peut passer ». Il en est de même pour Mimi (une fille de troisième à Montreux-Château) qui précise que « des fois ouais je reste seule soit parce que je me sens pas bien ou j’ai besoin d’être seule, donc je reste seule dans mon coin », ajoutant « je suis sur mon téléphone ou après je pense, je réfléchis, je fais trop rien, mais […] ouais je réfléchis ». De son côté, Louis-Marie (un garçon de troisième à Vaubécourt) indique que quand il est seul, il ne s’ennuie pas, car « quand je suis seul généralement j’ai mes raisons donc je préfère rester seul ». Enfin, lorsqu’il arrive à Bob (un garçon de troisième à Montreux-Château) d’être seul (sur le temps de midi, pour se rendre quelque part), il est « un peu content parce qu’ils [ces amis] sont tout le temps en train de parler et il y a pas un moment de silence ».

Seul un élève, Fireman (un garçon de troisième à Montreux-Château), se déclare partagé quant à son appréciation de ses moments d’isolement et de solitude, s’ennuyant dans ces moments, « parce que je suis pas avec mes amis, je rigole pas », mais parfois les recherchant : « Mais d’un côté je veux être seul […] je mets souvent mes écouteurs, j’écoute ma musique puis voilà je reste seul ».

Enfin, les élèves déclarant vivre parfois l’isolement et la solitude sans les apprécier sont aussi bien des garçons que des filles, de classes de sixième et de troisième. La tristesse, l’ennui ou la trahison constituent alors ce qu’ils disent principalement ressentir : par exemple, Julie (une fille de sixième à Vaubécourt) indique qu’elle ressent « de la tristesse », « parce que souvent quand on est toute seule c’est parce qu’ on se dispute ou des trucs comme ça », elle mentionne s’ennuyer également. De même, Jade (une fille de troisième à Vaubécourt) souligne son ennui de se retrouver seule, « de pas savoir quoi faire » ou Mathis (un garçon de troisième à Vaubécourt) indique que c’est alors « bizarre le temps il est plus long », comme Mimi (une fille de troisième à Montreux-Château) qui trouve, en effet, que « ça passe moins vite et ouais c’est ennuyant ». De son côté, Mathis (un garçon de sixième à Vaubécourt) ressent plutôt « d’la trahison », car cela signifierait que « mes amis y me font plus confiance, qu’ils m’aiment plus quoi ».

Des solitudes scolaires passées

Comme mentionné au début de ce point, trois élèves de Montreux-Château (Drôme, un garçon de sixième ; Angèle et Harry Potter, deux filles de troisième) déclarent avoir vécu la solitude et l’isolement dans leur passé scolaire. Drôme indique ainsi avoir souvent été tout seul en récréation en école élémentaire alors qu’il avait une année d’avance, ayant sauté la classe de cours préparatoire (CP). Il se souvient se sentir « un peu fatigué [en sortant de classe] donc j’étais assis sur les bancs […] souvent souvent, mais pas tout le temps ». Angèle, quant à elle, mentionne avoir été seule de l’école élémentaire jusqu’à la classe decinquième, écartée par une fille qui ne l’aimait pas. Puis à son entrée en classe de sixième, cette fille part à Belfort et n’entre donc pas dans son collège dans lequel elle se rapproche d’une nouvelle élève, seule aussi. Enfin, en classe de cinquième, deux ou trois autres filles viennent leur parler : le début de ses amitiés actuelles. Enfin, Harry Potter précise avoir été seule en classe de quatrièmee au collège : « j’ai passé une phase où j’étais toute seule parce que j’ai eu beaucoup de problèmes et je suis vraiment restée toute seule la plupart de l’année dernière et cette année vu que j’ai pu expliquer tout ce qui s’est passé dans ma vie à ma meilleure amie, elle a compris ce qui c’était passé au collège et elle est revenue vers moi, du coup je suis de moins en moins seule, j’essaie d’être avec les autres […] c’est moi qui me suis mise à part ». Les récits de ces trois élèves soulignent la diversité des raisons pour lesquelles ils se sont retrouvés isolés et seuls à des moments, plus ou moins longs, de leur vie scolaire : notamment, saut de classe et fatigue occasionnée par les journées de travail scolaire, difficultés relationnelles à l’école et phénomènes de victimisation3, difficultés personnelles hors l’école rejaillissant sur le comportement et la vie à l’école. Si ce ne sont que des élèves de Montreux-Château qui rapportent ces récits, il est intéressant de noter qu’il s’agit de filles et de garçon, d’élèves de classe de sixième comme de troisième.

Enfin, les élèves de classe de troisième de Montreux-Château, les seuls de l’échantillon à aborder cet élément, ont tendance à trouver qu’il n’y a pas (Niko et Azog, deux garçons ; Harry Potter, une fille) ou qu’il y a peu (Maëlle, Angèle, Princesse et Mimi, quatre filles) d’élèves seuls dans leur collège. Seul Fireman (un garçon) trouve que les élèves seuls au collège sont nombreux. Angèle et Théa (deux filles) considèrent, quant à elles, que ces élèves seuls sont, le plus souvent, de classe de sixième.

La solitude d’autres élèves au collège

Sur la solitude d’élèves dans l’enceinte du collège, quatre sous-thèmes saillants apparaissent dans l’analyse de contenu des propos des collégiens entretenus. Les pages qui suivent présentent, successivement, ces quatre sous-thèmes.

Ce qu’un élève seul au collège doit ressentir

Les collégiens entretenus se mettent à la place de l’élève seul et s’imaginent ce que cet élève ressent alors. Parmi les 42 collégiens entretenus, 16 (soit 38,09 %) considèrent qu’un élève seul au collège doit s’ennuyer. Ces collégiens se répartissent de la sorte : ils sont dix en classe de sixième et six en classe de troisième, neuf sont des filles et six des garçons. Ainsi, pour les collégiens de classe de sixième entretenus, cet élève seul doit nécessairement s’ennuyer. Dix d’entre eux (cinq filles et cinq garçons, soit 52,63 % des 19 collégiens de sixième entretenus) l’indiquent, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, Allan (un garçon de sixième de Vaubécourt) ajoutant en outre « parce qu’avant j’étais seul et je m’ennuyais un peu ». Par ailleurs, trois filles de classe de sixième de Vaubécourt soulignent qu’en fonction des individus, il ne va pas nécessairement de soi que l’élève seul ressente de l’ennui : par exemple, pour Emma, « ça dépend des personnes, mais moi en tout cas je m’ennuie » ; pour Lulu, « ça dépend des personnes/y’en a qui adore être entourés et qu’on parle d’eux, y’en a d’autres qui préfèrent se faire tout petit » ; enfin, pour Loulou, « y’en a souvent qui s’ennuient pas, mais qui sont tout le temps sur leur téléphone ». Les collégiens de classe de troisième entretenus sont six (quatre filles et deux garçons, soit 26,08 % des 23 collégiens de troisième entretenus), de Montreux-Château ou de Vaubécourt, à considérer que l’élève seul doit s’ennuyer, Angèle (une fille de Montreux-Château) précisant même que « ça se voit sur le visage, les expressions du visage ». En outre, trois élèves (filles) de classe de troisième de Vaubécourt soulignent qu’en fonction des individus, l’élève seul ne s’ennuie pas nécessairement : par exemple, pour Louise, « ça dépend des personnes » ; pour Mélissa, « non pas forcément on peut être seul et/j’sais pas moi quand j’étais toute seule j’m’ennuyais pas [rires] », ajoutant « la plupart du temps j’ai déjà vu des personnes seules, mais avec les écouteurs elles écoutent la musique ». Quant à Louis-Marie (un garçon de troisième de Vaubécourt), il préfère s’abstenir de penser qu’un élève seul s’ennuie indiquant qu’il ne sait pas ne leur ayant « jamais vraiment parlé ». Ainsi, face à la question de ce qu’est susceptible de ressentir un élève seul au collège, les collégiens de classe de sixième sont plus nombreux que ceux de classe de troisième à penser qu’un tel élève s’ennuie et les filles de classes de sixième ou de troisième de Vaubécourt (six d’entre elles, soit 42,85 % des 14 filles entretenus à Vaubécourt) sont plus nombreuses que les garçons à émettre les avis les plus partagés quant à l’ennui ressenti : en effet, seul, on ne s’ennuie pas forcément. Enfin, le téléphone portable émerge, susceptible d’accompagner ces moments d’isolement et de solitude.

De son côté, Harry Potter (une fille de troisième de Montreux-Château), se souvenant de sa propre expérience passée d’isolement et de solitude, considère qu’une personne seule au collège ressent : « la tristesse je pense, ça dépend si on est seul parce que les autres nous repoussent ou si on est seul nous-même ou on se sent seul enfin », ajoutant ensuite « moi je me suis mis dans un mur, je voulais plus voir personne et je pense que c’était de la tristesse, mais je pense que si les gens nous repoussent on doit être triste aussi ». Cette élève est la seule à exprimer aussi clairement la tristesse de l’élève seul dans l’enceinte d’un établissement scolaire, son expérience passée et le souvenir de ce qu’elle a alors ressenti sont susceptibles d’expliquer son opinion, sa position.

Ce que les collégiens entretenus ressentent à propos d’un élève seul au collège

De surcroît, il est intéressant de constater que les collégiens de classe de troisième entretenus, exclusivement, s’expriment sur ce que l’isolement et la solitude observés d’autres élèves au collège leur font, à eux-mêmes, ressentir. Ainsi, sept collégiens (quatre filles et trois garçons) de Montreux-Château et quatre collégiennes de Vaubécourt (soit 30,43 % des 23 collégiens de troisième entretenus) déclarent que voir des élèves seuls au collège les attriste, leur fait de la peine ou ne pas aimer « vraiment ça » (Fireman, un garçon de Montreux-Château). Ce sont ainsi plus des filles que des garçons qui déclarent cette tristesse et cette peine ressenties à l’observation et au constat d’un élève seul dans l’enceinte du collège. À Montreux-Château, une élève en situation de handicap (moteur) est celle à laquelle les collégiens entretenus semblent penser lorsqu’ils abordent la question d’un élève seul au collège. À son propos, Bob (un garçon) déclare : « je suis triste pour [elle] parce qu’[elle n’est] pas forcément comme tous les autres ». Mimi (une fille) ajoute : « personne vient lui parler donc ça me fait de la peine ». De même, à Vaubécourt, les collégiens s’exprimant pensent bien souvent à un ou des élèves seuls en particulier : par exemple, France (une fille) précise qu’elle en a « repérées [dans le collège] mais [elles] sont pas nombreu[ses], mais quand j’les vois, ça me fait d’la peine » ; Louise déclare : « j’trouve ça triste qu’elle [une élève de troisième qui se serait disputée avec ses amis] soit toute seule après si nous on a toujours bien voulu […] elle est jamais venue avec nous ». Enfin, comme Harry Potter à Montreux-Château, Mélissa se souvient de ce qu’elle a vécu elle-même en tant qu’élève seule et indique : « Ben ça m’fait bizarre parce que […] j’ai vécu ça donc faut pas les laisser vivre ça ». Ainsi, c’est en pensant à un élève seul en particulier ou en pensant à leurs propres isolement et solitude scolaires passés que ces collégiens de classe de troisième entretenus ressentent tristesse et peine, une forme d’empathie semblant ainsi plus aisément opérer.

Le premier pas… et les suivants : qui doit le(s) faire ?

Face à l’observation et au constat d’élèves seuls au collège, les collégiens entretenus, qu’ils soient en classe de sixième ou de troisième, à Montreux-Château ou à Vaubécourt, s’interrogent sur ce qui pourrait être fait et par qui.

Aller parler aux élèves seuls au collège

Majoritairement, ces collégiens, qui, eux, ne sont pas seuls au collège, pensent qu’ils devraient aller parler aux élèves isolés et seuls, même si, comme le souligne Larousse (une fille de classe de sixième à Vaubécourt), cela peut demander un certain courage : « faudrait prendre son courage à deux mains pis aller [leur] parler ». Ainsi, 23 des 42 collégiens entretenus le déclarent (soit 54,76 %) : ils sont 12 en classe de sixième (soit 62,15 % des 19 collégiens de sixième entretenus) et 11 en classe de troisième(soit 47,82 % des 23 collégiens de troisième entretenus), 15 sont des filles (soit 65,21 % des 23 filles entretenues) et huit des garçons (soit 44,44 % des 18 garçons entretenus). Donc, les collégiens de classe de sixième entretenus sont plus nombreux que ceux de classe de troisième et les filles sont plus nombreuses que les garçons à déclarer devoir aller parler aux élèves seuls au collège. En outre, si le rapport filles-garçons est équilibré à Montreux-Château (trois filles et trois garçons pour les collégiens de sixième et deux filles et deux garçons pour ceux de troisième), il est à l’avantage des filles à Vaubécourt (quatre filles et deux garçons de sixième et six filles et un garçon de troisième) : à Vaubécourt, les filles entretenues sont plus nombreuses que les garçons entretenus à déclarer devoir aller parler aux élèves seuls au collège.

Si les explications données au fait d’aller parler aux élèves seuls au collège ne sont pas véritablement développées par les collégiens de classe de sixième entretenus à Montreux-Châteaux, elles le sont, par contre, plus amplement par les collégiens de classe de sixième à Vaubécourt. Par exemple, Larousse (une fille) considère que « c’est pas cool de les laisser seuls », Lou (une fille) le pense également. Loulou (une fille), quant à elle, déclare : « souvent j’vais les voir pour leur demander s’ils veulent jouer avec nous ou des trucs dans l’genre ». Enfin, Allan (un garçon) explique que, par le passé, il est allé voir un garçon qui, aujourd’hui, fait partie de son groupe d’amis. De son côté, Lulu (une fille) se souvient de son expérience passée pour, pense-t-elle, mieux saisir ce que les élèves seuls doivent ressentir voire attendre des autres élèves : « en début d’année j’avais pas d’amies », « j’aimais bien quand quelqu’un venait me voir pour discuter et tout ça donc du coup […] J’me dis que les autres […] ça doit leur faire du bien de pouvoir parler ».

Concernant les collégiens de classe de troisième entretenus à Montreux-Château, les explications données au fait d’aller parler aux élèves seuls au collège sont relativement courtes : par exemple, Bob (un garçon) indique que « des fois on va les voir avec des amis pour voir ce qu’ils ont, si ça va ou ça va pas » ; ou Fireman (un garçon) déclare que « des fois je me sépare de mes amis deux trois secondes pour aller les voir pour demander pourquoi ils sont seuls ou s’ils veulent pas rester avec nous ». Toutefois, ces tentatives semblent de courte durée et non vouées à devenir des relations plus durables, comme le souligne Théa (une fille) en indiquant que si elle va voir une élève seule de son collège, elle ne reste pas ensuite avec elle, car elle ne la connaît pas. Du côté des collégiens de classe de troisième entretenus à Vaubécourt, les explications données au fait d’aller parler aux élèves seuls au collège sont à la fois plus nombreuses, développées et rejoignent quelque peu les propos tenus par les collégiens de classe de sixième de ce même territoire. Par exemple, Théo et Juliette s’accordent sur le fait qu’il faut « aider » les élèves seuls en, notamment, allant leur parler, toutefois Juliette souligne également : « mais moi […] j’ai mes amis et du coup même si j’peux [leur] parler je sais que c’est difficile maintenant à cette période [en juin, mois de passation de son entretien de recherche] d’intégrer quelqu’un ». De leur côté, France et Eva (deux filles) indiquent que s’il peut leur arriver de parler facilement à des élèves seuls, lorsqu’elles se trouvent à proximité, en permanence ou ailleurs, elles ne deviennent pas forcément amies avec ces élèves seuls, car, notamment, ils « ne se sont pas nécessairement reparlés les jours suivants » (France). Ces propos rejoignent ici ceux tenus par trois collégiens de classe de troisième entretenus à Montreux-Château (Bob, Fireman et Théa) sur leurs tentatives d’aller parler à un élève seul au collège : ces tentatives peuvent se révéler de courte durée et non vouées à se transformer en une relation plus durable. D’une façon quelque peu semblable, Louise et Mélanie précisent que si elles sont déjà allées parler à des élèves seuls au collège, cela n’a pas duré et n’est pas allé plus loin : l’une, Mélanie, dit s’être fait « refouler » et l’autre, Louise, indique que l’élève à qui elle était allée parler avec ses amies, une élève de classe de troisième qui s’était disputée avec ses propres amies, « ne venait pas » ensuite vers elles pour une poursuite éventuelle de relation. Ainsi, pour certains collégiens entretenus de Vaubécourt, qu’ils soient en classes de sixième ou de troisième, on constate que si aller parler avec un élève seul est susceptible de constituer un premier pas, il ne débouche pas nécessairement sur grand-chose ou des pas suivants. Toutefois, comme Allan (un garçon de sixième à Vaubécourt), Eva (une fille de troisième à Vaubécourt) est déjà allée voir une élève qui était seule au collège, devenue ensuite son amie : « elle connaissait personne […] on était en cinquième, et du coup ben on l’a vue, elle avait l’air gentille et tout pis du coup […] on est allée la voir, on était deux, on est allée la voir on lui a parlé, elle était un peu timide forcément […] maintenant elle est tout le temps avec nous ». Et d’ajouter : « elle était bien habillée “fin […] ça joue un peu le physique aussi des fois », « elle dégageait une bonne impression ». Pour Eva et ses amies, l’impression donnée par cette élève seule a joué dans l’envie d’Eva et ses amies d’aller la voir : son air (gentil), son physique et sa façon de s’habiller ont ainsi quelque peu attiré Eva et ses amies (voir Supra, l’analyse du thème « Se vêtir, se coiffer »). Enfin, comme Lulu (une fille de sixième de Vaubécourt), Mélissa (une fille de troisième à Vaubécourt) se souvient de son expérience passée d’élève isolée et seule. Elle explique alors être allée parler à un élève de classe de sixième qu’elle avait repéré comme étant seul et se faisant embêter par d’autres élèves : « je suis allée […] lui expliquer qu’il fasse pas attention parce que vu qu’j’ai vécu ça […] et pis après j’lui ai dit qu’si il avait besoin ben qu’j’s’rai là […] Du coup il était content [rires] », précisant ensuite que « la plupart du temps quand j’vois quelqu’un tout seul j’vais l’voir et pis j’parle avec ». Cette expérience passée semble ainsi avoir développé chez Mélissa une acuité, une sensibilité et une prévenance toutes particulières concernant l’isolement et la solitude d’élèves au collège. En outre, ses quelques années de plus par rapport à cet élève de classe de sixième lui ont éventuellement permis d’oser aller lui parler.

Poursuivant cette idée, il est intéressant de noter que l’âge ou le niveau de classe (voire la classe fréquentée) semblent jouer un certain rôle dans le fait d’oser aller parler à un élève seul au collège. Cet élément est ainsi évoqué par quatre collégiens entretenus à Vaubécourt : un garçon et une fille de classe de sixième ainsi que deux filles de classe de troisième. Ainsi, Iron Man (un garçon de sixième) déclare : « ça dépend. Si c’est un troisième ou un quatrième non, mais si il est dans ma classe ben oui ». De même, Larousse (une fille de sixième), pensant à une élève seule de classe de quatrième, précise : « si elle avait mon âge oui, mais là après elle est grande ». Enfin, Juliette (une fille de troisième) indique : « ben quatrième on parle un peu, mais dès qu’ça touche aux sixième ou cinquième on parle presque pas ». De même, Mélissa (une fille de troisième) relate son expérience avec une élève de classe de sixième de son collège : « par exemple y’a une fille dans mon bus qui apas trop d’copines, mais elle est en sixième […] quand elle vient m’parler j’dis pas non, mais j’peux pas l’aider vraiment [car] elle est pas dans ma classe ». Ainsi, pour quelques collégiens entretenus de Vaubécourt, avoir le même âge ou fréquenter un même niveau de classe, voire la même classe, pourrait faciliter le rapprochement avec un élève isolé et seul. Enfin, pour un élève de classe de sixième de Montreux-Château, le sexe de l’élève seul semble également une caractéristique déterminante de ce dernier pour oser aller lui parler : Dark, un garçon, indique en effet qu’il ira parler à un élève seul si ce dernier est un garçon.

Aux élèves seuls d’aller vers les autres et de s’intégrer

Sur les 42 collégiens entretenus, minoritairement, 11 (trois filles et huit garçons, soit 26,19 %) déclarent qu’un élève seul doit faire l’effort d’aller vers les autres et de s’intégrer. Il s’agit de trois filles et de trois garçons de classe de sixième et de cinq garçons de classe de troisième, scolarisés à Montreux-Château ou à Vaubécourt. Dans cette minorité, la répartition filles-garçons (respectivement, au nombre de trois et de huit) est cette fois à l’avantage des garçons puisque ces derniers sont en effet plus nombreux que les filles à déclarer cette position. Ainsi, selon Alex (une fille de sixième de Montreux-Château), Drôme (un garçon de sixième de Montreux-Château) ou Lou (une fille de sixième de Vaubécourt), un élève seul devrait aller vers les autres pour se faire des amis. Iron Man (un garçon de sixième à Vaubécourt) considère que « c’est pas bien qu’ils [restent] dans un coin, faut qu’ils viennent avec nous ». Azog et Niko (deux garçons de troisième à Montreux-Château) affirment, pour le premier, qu’il n’irait pas parler à un élève seul, car il n’y penserait pas et, pour le second, que c’est à l’élève seul de s’intégrer, précisant que cet élève devrait « essayer de s’intégrer […] en essayant de parler avec les autres […] jouer avec les autres, s’inscrire dans un club de foot ou un club de sport pour parler avec les autres » (Niko). De même, Martin (un garçon de troisième à Montreux-Château) considère que c’est aux élèves seuls d’aller vers les autres pour se faire des amis, lui, par exemple, ayant déjà ses propres amis. Pierre (un garçon de troisième à Vaubécourt) ajoute que les élèves seuls « pourraient aller vers des gens », ajoutant « s’ils voulaient […] ils pourraient j’pense ». Enfin, Lou (une fille de sixième à Vaubécourt) souligne que les élèves seuls au collège « sont toujours dans un coin [...] en train de jouer avec leurs téléphones [...] après, comme ils [le collège et son administration] vont supprimer le téléphone peut-être […] ils vont s’ouvrir à d’autres personnes ». Le téléphone portable réapparaît ici, susceptible cette fois d’entraver, selon Lou, l’ouverture vers autrui et les relations entre pairs. Tout compte fait, des propos tenus par l’ensemble de ces dix collégiens entretenus, une certaine exigence relationnelle à l’égard des élèves seuls au collège semble, ici, être mise en avant.

Les raisons de l’isolement et de la solitude d’élèves au collège

La question des raisons pour lesquelles un élève peut être seul au collège est posée aux collégiens entretenus. 34 s’expriment sur le sujet (soit 80,95 % de l’échantillon) : ils sont 14 à Montreux-Château (soit 73,68 % des 19 collégiens entretenus sur ce territoire) et 20 à Vaubécourt (soit 86,95 % des 23 collégiens entretenus sur ce territoire) ; 13 en classe de sixième (soit 68,42 % des 19 collégiens de sixième entretenus) et 21 en classe de troisième(soit 91,30 % des 23 collégiens de troisième entretenus) ; 20 sont des filles (soit 86,95 % des 23 filles entretenues) et 14 sont des garçons (soit 77,77 % des 18 garçons entretenus). Ainsi, les collégiens entretenus de Vaubécourt, ceux de classe de troisième et les filles sont les plus nombreux à émettre une réponse sur cette question posée. Trois principales raisons émergent des propos des 34 collégiens, ces derniers pouvant, chacun, émettre plusieurs explications.

La mise à l’écart, voire le rejet

15 collégiens entretenus (six de sixième et neuf de troisième, dix filles et cinq garçons) évoquent des raisons en lien avec une mise à l’écart — tel un désintérêt des autres pour l’élève seul ou une dispute entre amis —, voire un rejet à l’origine de tels isolement et solitude. Ainsi, pour France (une fille de troisième à Vaubécourt), un élève peut être seul « juste » parce que « les autres ne vont pas vers » lui, ceci serait alors la simple traduction d’un certain désintérêt des collégiens pour cet élève seul. Princesse (une fille de troisième de Montreux-Château) considère qu’un élève seul est « surtout mis à l’écart ». Trois collégiennes de Vaubécourt, Eva et Louise, en classe de troisième, ainsi que Lulu, une fille en classe de sixième, pensent également à la mésaventure d’une élève de leur collège, en classe de troisième, seule aujourd’hui suite à une dispute vécue avec ses amies : « elles se sont p't’être un peu disputées avec leurs amis ou des trucs comme ça » (Eva) ; « elle avait des amis au départ j’pense que c’est un peu d’sa faute si elle les as plus parce que p't’être qu[elles] se sont disputées et qu’elle [n’]a pas été retourner les voir » (Louise) ; « ses amis […] l’ont chassée d’la bande parce qu’ils étaient énervés ». Les dix autres collégiens entretenus (cinq de sixième et cinq de troisième, cinq filles et cinq garçons) évoquent le rejet lié à des difficultés relationnelles, passagères ou durables : ce rejet est ainsi, pour ces collégiens, l’explication de l’isolement et la solitude d’élèves seuls au collège. Nous verrons toutefois plus loin dans cette analyse les raisons susceptibles d’être à l’origine de ces phénomènes de rejet. Pour exprimer ce rejet, ces dix collégiens utilisent également les verbes ou expressions suivantes : « les autres […] les repoussent » (pour Luc, un garçon de sixième à Vaubécourt), « ne [les] intégrent pas » (pour Maëlle, une fille de troisième à Montreux-Château), « ne [les] acceptent pas » (Angèle, une fille de troisième à Montreux-Château), les élèves seuls ne sont « peut-être » pas aimés (Louis-Marie, un garçon de troisième à Vaubécourt). Enfin, pour Drôme (un garçon de sixième à Montreux-Château) une raison supplémentaire peut expliquer un rejet : des élèves peuvent faire le choix de s’isoler, car ils « se font embêter ». Ce collégien est ainsi le seul à évoquer ici des phénomènes de difficultés relationnelles, voire de harcèlement, pour tenter d’expliquer l’isolement ou la solitude de pairs au collège.

Toutefois, sur les 15 collégiens entretenus s’exprimant sur les raisons de ces isolement et solitude, huit d’entre eux (une collégienne de sixième et sept collégiens de troisième, quatre filles et quatre garçons) développent un peu plus leurs réponses et émettent l’idée que la différence des élèves seuls peut être explicative. Cette différence serait relative à des problèmes physiques ou mentaux, un handicap, la façon de se comporter ou de s’habiller (sur ce point, voir Supra, l’analyse du thème « Se vêtir, se coiffer »), un redoublement. Ainsi, pour trois collégiens (une fille et deux garçons) de classe de troisième à Montreux-Château, des problèmes mentaux ou physiques, un handicap pourraient expliquer le fait qu’un élève soit seul au collège : pour Martin, « ils ont des problèmes physiques ou des problèmes mentaux », Martin pensant à un élève de son collège ayant « des problèmes d’équilibre et en fait il tombe souvent » ; pour Bob, « peut-être parce qu’ils ont des handicaps » ; pour Mimi, « les gens ils jugent sur le physique, ils voient tout de suite le physique, je prends la fille qui est handicapée qui est arrivée l’année dernière en fin d’année, tout le monde l’a regardée super bizarre, je trouvais ça bizarre parce que là elle est dans notre collège et elle est normale et personne vient lui parler », précisant en outre, « ça me fait de la peine ». En outre, deux collégiennes de Vaubécourt, en classe de sixième (Emma) et de troisième (Eva), soulignent que l’étrangeté des comportements de certains élèves peut les amener à se retrouver seuls : Emma évoque ainsi une élève de quatrième de son collège et précise qu’« en fait elle a un comportement assez bizarre donc les gens […] la regardent bizarrement » ; Eva indique que « des fois y’en a elles sont un peu lourdes [rires] », lourdes signifiant « genre par exemple […] on fait une blague et elle arrive et elle se force à rire ». De leur côté, deux collégiens de classe de troisième, une fille à Montreux-Château (Maëlle) et un garçon à Vaubécourt (Louis-Marie), soulignent le fait vestimentaire : pour Maëlle, les élèves seules « ne sont pas habillées comme nous », mais semblent être habillées, entre elles, de la même façon ; pour Louis-Marie, c’est la marque des vêtements qui semble à la base d’éventuelles difficultés relationnelles au collège, il précise ainsi qu’il « essaie de s’habiller avec ce qui est de la meilleure qualité, de la bonne marque […] comme ça on peut pas te critiquer sur ton style vestimentaire », lui demandant de préciser, d’une part, ce qu’est « la bonne marque », il répond « ça dépend de quelle affaire », d’autre part, ce que signifie « une critique sur [son] style vestimentaire », il répond : « je l’ai déjà vu, mais je l’ai pas vécu parce que j’ai mis des vêtements de marque toutes mes années collège […] mais les personnes qui ont pas d’amis qui sont rejetées généralement ils en ont pas ». La façon de s’habiller semble donc, pour ces deux collégiens au moins, relativement importante et susceptible d’influencer les relations entre pairs au collège. Enfin, selon un garçon de classe de troisième à Vaubécourt, Gaston, le redoublement vécu par une élève peut l’isoler, les autres élèves étant susceptibles de se moquer d’elle : « elle a redoublé donc déjà rien que ça […] les gens y ont plus tendance à entre guillemets se moquer […] Parce que si quelqu’un […] qui est en échec entre guillemets […] scolaire […] y’en a […] p't’être cinq dans l’collège […] les trois quarts des gens […] réussissent quand même […] Donc oui y’a quand même qui s’moquent j’pense ». Ainsi, la différence de certains élèves ici mentionnée, relative à des problèmes physiques ou mentaux, un handicap, la façon de se comporter ou de s’habiller, un redoublement, mènerait non seulement ces élèves à se retrouver seuls, mais également à subir des moqueries ou équivalent, susceptibles de relever cette fois de phénomènes de harcèlement.

Par ailleurs, sur les 15 collégiens entretenus s’exprimant sur les raisons de l’isolement et de la solitude de certains élèves au collège, six d’entre eux (deux collégiennes de sixième et quatre collégiens de troisième, cinq filles et un garçon), exclusivement de Vaubécourt, avancent l’idée que l’attitude ou le comportement même de ces élèves est à l’origine de leurs isolement et solitude. Par exemple, pour Lou (une fille de sixième), « certains [élèves,] c’est insupportable de rester avec eux ». Pour Jade (une fille de troisième), « ils se comportent mal avec leurs amis », le comportement pouvant être « agressif ». Pour Mélanie (une fille de troisième), pensant à une élève de classe de quatrièmede son collège : « j’vois une fille […] dans la classe inférieure, […] elle est toujours toute seule […], mais elle […] a pas l’air très gentille ni très commode, [elle ne] sourit [pas] […] elle fait tout l’temps la tête, elle regarde les gens de travers ». Mélissa (une fille de troisième), quant à elle, évoque une élève de classe de sixième de son collège avec qui elle peut échanger lorsqu’elles prennent ensemble le bus : « l’autre fois on était en sport et on était justement avec une classe de sixième et elles parlaient de cette fille-là et moi j’ai dit “mais pourquoi vous l’aimez pas […] ? qu’est-ce qu’elle a fait contre vous ?” [Les élèves de sixième] m’ont répondu “oh elle est pas gentille avec nous, elle nous insulte” […] Donc, même si ça s’trouve c’est pas vrai, c’est à cette personne de s’remettre en question ». Une certaine exigence relationnelle à l’égard des élèves seuls au collège, et relative à leurs attitudes et comportement, se retrouve, à nouveau, être mise en avant, comme ce fut le cas précédemment dans cette analyse à propos du fait que c’est aux élèves seuls de faire l’effort d’aller vers les autres et de s’intégrer (voir Supra). Enfin, un dernier collégien, un garçon de classe de troisième, Marty, évoque un point particulier. Il considère en effet que, au-delà de la façon dont « [les élèves seuls] agissent avec nous si ils sont gentils si ils sont méchants », « leur sexe peut [également] jouer » : « moi je pense que c’est plus les filles » qui se retrouvent seules. Marty n’énonce toutefois pas plus d’explications.

Un élève seul peut vouloir s’intégrer, mais ne pas oser

Sur les 15 collégiens entretenus s’exprimant sur les raisons de l’isolement et de la solitude de certains élèves au collège, 11 d’entre eux (quatre collégiens de sixième et sept de troisième, six filles et cinq garçons) pensent que les élèves seuls peuvent vouloir s’intégrer, mais ne pas oser le faire par timidité, parce qu’ils n’osent pas aller vers les autres et s’ouvrir aux autres, par peur des autres. Ainsi, les quatre collégiens de Vaubécourt entretenus s’expriment de la sorte : Léa et Lou (deux filles) la pensent « timide » (Léa) voire « trop timide » (Lou) ; Léa ajoute que « quand on lui dit par exemple […] “ben viens avec nous” ben elle vient, mais sinon elle viendrait pas “fin elle reste toute seule dans son coin » (Léa) ; Iron Man (un garçon) déclare que, peut-être, elle a « peur de nous […] parce qu’on est plusieurs ». Les sept collégiens de classe de troisième, de Montreux-Château et Vaubécourt, s’expriment de façon équivalente, leurs réponses ont toutefois tendance à être plus développées. Pour Niko et Martin (deux garçons), les élèves seuls sont timides, pour Juliette (une fille), ils sont « très timides », Niko précisant que ces élèves « aimeraient bien s’intégrer, mais [n’] osent pas ». Jade (une fille) pense en effet que certains individus « ont plus de mal à s’ouvrir […] avec les autres […] ont beaucoup plus de mal à s’faire d’amis […] Ils sont plus renfermés sur eux », Martin indiquant même que certains « ont peur des autres et du contact avec les gens ». Cette peur est également énoncée par Mimi (une fille) à propos des nouveaux élèves au collège : « il y a peut-être la personne qui est nouvelle qui reste dans son coin parce qu’elle a peur ou les autres qui disent “ah bah celle-là elle est nouvelle on la connait pas, on va pas aller vers elle” ». En outre, France et Juliette (deux filles), comme Gaston et Fireman (deux garçons), considèrent que le mouvement d’aller vers les autres peut donner envie aux autres de venir vers soi, or les élèves seuls n’effectuent pas ce premier mouvement. Fireman explique : « s’ils vont pas vers les autres, les autres ne vont pas venir vers eux […] moi je suis quelqu’un […] qui va beaucoup vers les autres c’est pour ça que j’ai beaucoup d’amis, mais après je connais des gens qui osent pas aller vers les autres donc qui n’ont pas beaucoup d’amis ». Juliette précise : « c’est forcément à cause d’eux si on vient pas les voir […], mais c’est pas eux qui ont décidé d’être seuls ». Et Mimi déclare : « il y a l’histoire d’être timide ou pas, mais au bout d’un moment faut aussi aller vers les autres ». Se retrouve ici encore une certaine exigence relationnelle à l’égard des élèves seuls, qu’ils soient nouvellement arrivés au collège ou non, cette exigence qui avait été mise en avant précédemment dans cette analyse quant à, d’une part, l’effort que les élèves seuls ont à fournir pour aller vers les autres et s’intégrer et, d’autre part, leurs attitude et comportement susceptibles d’expliquer leur mise à l’écart, voire leur rejet (voir Supra).

Un élève seul peut aimer l’être

Sur les 15 collégiens entretenus s’exprimant sur les raisons de l’isolement et de la solitude de certains élèves au collège, neuf d’entre eux (trois collégiennes de sixième exclusivement à Vaubécourt et six collégiens de troisième, six filles et trois garçons) pensent que les élèves seuls peuvent préférer être seuls et aimer leurs isolement et solitude. Ainsi, à propos d’une élève seule de classe de quatrième de son collège, Emma (une fille de sixième) déclare : « elle cherche pas à être avec eux en fait […] Elle s’en fiche elle, toute seule, elle se sent mieux à mon avis », et d’ajouter « J’connais pas sa vie j’lui parle pas, mais elle est sur son téléphone elle est normale et non elle cherche pas à avoir des autres des amis ». De même, à propos d’élèves seules, Julie et Lulu (deux filles de sixième) précisent : « quand on va les voir elles préfèrent être seules » (Julie) ; « des fois elles font comme moi elles veulent être seules tout simplement pour réfléchir » (Lulu). De même, Martin, Niko et Théa (trois collégiens de troisième à Montreux-Château), comme Pierre (un garçon de troisième à Vaubécourt), considèrent simplement que certains élèves préfèrent être seuls. France et Mélissa (deux filles de troisième de Vaubécourt) précisent en outre : « peut-être justement c’est leur choix, peut-être qu’elles préfèrent être seules […] y’en a je pense qui aiment bien ben pas forcément parler, plutôt rester à écouter de la musique ou faire d’autres choses, mais seules » (France) ; « y’en a beaucoup qui préfèrent rester seuls dans la cour parce qu’ils sont déjà avec plein d’gens pendant les cours » (Mélissa). Ainsi, parfois, selon ces collégiens entretenus, ces isolement et solitude peuvent ne pas être subis ou problématiques, mais seule une rencontre avec ces élèves seuls pourrait permettre de corroborer, ou non, ces propos.

Conclusion sur le thème « La solitude, le fait d’être seul » : éléments de résultats

Si, à l’unanimité, les 42 collégiens entretenus déclarent, d’abord, être avec leurs amis au collège et très rarement seuls, une minorité d’entre eux (12) indiquent, ensuite, qu’il peut leur arriver d’être seuls ou qu’il leur est arrivé, dans le passé, d’être seuls. La première raison évoquée par ces 12 collégiens pour faire le choix de cet isolement est liée à des tensions relationnelles ressenties avec un ami, les collégiens de classe troisième ajoutant notamment une autre raison explicative de ce choix : protéger leurs amis de leurs humeurs et émotions du moment. Les collégiens appréciant alors leur solitude sont massivement en classe de troisième. Ces collégiens, filles et garçons, soulignent que ce temps d’isolement, non ennuyeux, leur procure du calme, un apaisement voire un contentement, une protection et leur permet la réflexion. Les collégiens n’appréciant pas leur solitude sont, eux, en classes de sixième et de troisième. Ils ressentent alors principalement de la tristesse, de l’ennui ou de la trahison.

Pour les collégiens entretenus, un élève seul est susceptible de ressentir de l’ennui. Les collégiens de classe de sixième sont en tout cas plus nombreux à le penser que ceux de classe de troisième. Les filles à Vaubécourt, quant à elles, qu’elles soient de classe de sixième ou de troisième(six d’entre elles, soit 42,85 % des 14 filles entretenues sur ce terrain), sont plus nombreuses que les garçons à émettre des avis partagés quant à cet ennui ressenti : en effet, seul, on ne s’ennuie pas forcément. Enfin, le téléphone portable apparaît dans le discours des collégiens entretenus : il est susceptible d’accompagner ces moments d’isolement et de solitude et, ainsi, de contrecarrer l’ennui éventuel.

Concernant ce que les collégiens entretenus disent ressentir à l’observation et au constat d’un élève seul dans l’enceinte du collège, ce sont plutôt les filles qui déclarent ressentir de la tristesse et de la peine.

Quant à la question de savoir qui doit faire le premier pas et les suivants pour briser ces isolement et solitude, plus de la moitié des collégiens entretenus déclarent qu’ils devraient aller parler aux élèves seuls. Néanmoins, ceux de classe de sixième sont plus nombreux que ceux de classe de troisième et les filles sont plus nombreuses que les garçons à le déclarer. De même, ce sont les collégiens de Vaubécourt, et notamment les filles de ce territoire, qui sont les plus nombreux et nombreuses à le déclarer. Enfin, de façon tout à fait pragmatique, certains collégiens entretenus de Vaubécourt, en classes de sixième ou de troisième, estiment qu’aller parler à un élève seul peut en effet constituer un premier pas, mais n’a pas forcément de suite, ne débouchant pas nécessairement sur des pas suivants. En outre, sur cette question du premier pas et des suivants, d’une part, l’expérience des collégiens (3) ayant indiqué avoir été seuls dans leur passé scolaire semble avoir développé chez eux une sensibilité et une empathie particulières concernant l’isolement et la solitude d’élèves au collège. D’autre part, selon quatre collégiens entretenus de Vaubécourt, l’âge ou le niveau de classe, voire la classe fréquentée, semblent jouer un rôle dans le fait d’oser aller parler à un élève seul. Il serait en effet plus facile d’approcher un tel élève s’il a le même âge que soi. De plus, le fait d’être dans la même classe pourrait encore aider davantage dans la tentative de briser l’isolement et la solitude d’un élève seul. Enfin, toujours sur la question du premier pas et des suivants, une minorité des collégiens entretenus (11) considère que c’est aux élèves seuls d’aller vers les autres et de s’intégrer : la répartition filles-garçons (respectivement, au nombre de trois et de huit) est cette fois à l’avantage des garçons, ces derniers étant plus nombreux que les filles à le déclarer. Le téléphone portable apparaît à nouveau dans le discours des collégiens entretenus, et notamment dans celui de Lou (une fille de sixième à Vaubécourt) : le téléphone est cette fois, selon elle, susceptible d’entraver l’ouverture vers autrui et les relations entre pairs.

Quant aux raisons de l’isolement et de la solitude d’élèves au collège, trois principales émergent des propos des 34 collégiens discourant sur ce sujet :

  • La mise à l’écart, voire le rejet, pouvant toucher, à certains endroits, aux phénomènes de victimisation ou de harcèlement scolaires ;

  • Le fait qu’un élève seul puisse vouloir s’intégrer, mais ne pas oser le faire ;

  • Le fait qu’un élève seul puisse aimer l’être.

Pour finir, de l’ensemble de cette analyse sur le thème « La solitude, le fait d’être seul » au collège, il nous semble pertinent de garder en mémoire l’exigence relationnelle à l’égard des élèves seuls, énoncée par des collégiens entretenus et soulignée à trois reprises précédemment dans cette analyse. Cette exigence concerne, d’une part, l’effort que les élèves seuls ont à fournir pour aller vers les autres et s’intégrer, au-delà du fait qu’ils puissent, par exemple, être timides, avoir peur ou ne pas oser et, d’autre part, leurs attitude et comportement, en tant que raisons éventuelles de leurs isolement et solitude. La poursuite de l’analyse des entretiens et l’étude du dernier thème du guide d’entretien devraient permettre de constater la présence encore, ou non, de cette exigence dans les propos de certains collégiens entretenus.

Abordons donc maintenant la présentation de notre analyse de ce dernier thème, central dans les possibilités de réponse, à la question posée par les collégiens-commanditaires, que cette analyse des propos des 42 collégiens entretenus est susceptible de permettre.

Les amitiés, leurs maintien et temporalité

Le thème « Les amitiés, leurs maintien et temporalité » s’est révélé particulièrement difficile à analyser tant les lieux ou endroits où l’on rencontre ses amis, les raisons pour lesquelles on devient et restent amis, les activités, goûts ou traits de personnalité que l’on partage, ou non, avec ses amis, la façon dont on fait exister et durer ces liens d’amitié sont extrêmement divers et variés. Dans cette analyse, nous avons ainsi tenté de faire émerger des tendances au sujet de ce que les collégiens entretenus ont exprimé et nous ont confié lors des entretiens sur leurs amitiés, leurs maintien et temporalité. C’est essentiellement au prisme des territoires (Montreux-Château et Vaubécourt), de l’âge (sixième et troisième) et du sexe (filles et garçons) que nous avons rédigé cette analyse.

C’est donc la poursuite de l’analyse des entretiens que nous présentons ici. Toutefois, nous convoquons, à certains moments de cette analyse, les arbres d’amitié dessinés par les collégiens entretenus — ainsi que l’analyse que nous en faisons —, tant les dessins peuvent se révéler illustratifs des discours des collégiens quant à leurs amitiés. De même, les explications données par les collégiens quant à la façon dont ils ont construit leurs dessins peuvent se révéler éclairantes de ces derniers et de leurs amitiés.

Notre analyse du thème « Les amitiés, leurs maintien et temporalité » est construite selon un plan progressif composé de cinq titres que nous développons successivement. Ils sont :

  • Les lieux et endroits où l’on se rencontre et fait connaissance ;

  • Les fondements temporels et environnementaux des amitiés ;

  • La façon dont les amitiés s’ébauchent puis se développent ;

  • Les raisons humaines, relationnelles et affectives des amitiés ;

  • Les usages des outils de communication (et des réseaux sociaux) dans les amitiés.

Les lieux et endroits où l’on se rencontre et fait connaissance

Les 42 collégiens entretenus, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou de troisième, filles ou garçons, indiquent les lieux et endroits où ils ont fait la connaissance de leurs amis, dévoilant ainsi trois principaux canaux de socialisations enfantine et juvénile. Ces canaux se révèlent relativement semblables pour l’ensemble de ces collégiens, quelques particularités pointant toutefois pour ceux de Vaubécourt.

Premièrement, les amitiés apparaissent liées à la scolarisation : on devient amis avec des élèves de son collège et de sa classe, avec des élèves de même niveau de classe que soi, mais fréquentant d’autres classes, avec lesquels, d’ailleurs, on a souvent été scolarisés au sein d’une ou de même classes par le passé, au collège ou à l’école primaire (maternelle et élémentaire). En outre, pour les collégiens de Vaubécourt, de classe de sixièmeparticulièrement, les amis sont également ceux côtoyés lors des rencontres sportives organisées entre les écoles élémentaires des quatre villages du secteur et dont les élèves peuplent ensuite le collège de Vaubécourt : par exemple, Allan, Iron Man (deux garçons de sixième) et Lou (une fille de sixième) se souviennent y avoir pratiqué l’athlétisme, Larousse (une fille de sixième), l’athlétisme et le jack ball et d’y avoir rencontré un ou une de leurs amis actuels. Ces rencontres sportives, organisées par les écoles, se révèlent ainsi un lieu, apprécié, de rencontres et de socialisation entre enfants. Par ailleurs, pour les collégiens de Vaubécourt encore, de classes de sixième et de troisième cette fois, les amis sont également ceux d’autres établissements scolaires (collège ou lycée professionnel) avec lesquels on a été scolarisés soit au collège, soit en école primaire. Ces amis, à l’issue de la classe de CM2 n’ont alors pas intégré le même collège qu’eux ou ont quitté le collège en fin de classe de quatrième pour intégrer une autre filière, comme le rapporte, par exemple, Juliette (une fille de troisième à Vaubécourt) à propos de l’un de ses amis, parti vers un lycée professionnel.

Deuxièmement, les amitiés sont liées aux activités pratiquées, au sein ou en dehors du collège. Ainsi, au sein du collège, principalement, les sports pratiqués dans le cadre de l’association sportive (AS) et de l’Union nationale du sport scolaire (UNSS) sont à l’origine de rencontres amicales. Bien qu’une AS et l’UNSS existent au sein du collège de Montreux-Château, et que Mimi (une fille de troisième à Montreux-Château) signale, de façon générale, qu’« il y a l’AS donc ça aide beaucoup dans le collège, on est beaucoup entre midi et deux à faire le foot, le handball », aucun collégien indique avoir rencontré un ami dans ce cadre. Par contre, à Vaubécourt, des collégiens évoquent l’UNSS comme un lieu de rencontre de l’un ou de plusieurs de leurs amis. Ainsi, sur ce territoire, cinq collégiens (trois collégiens de sixième et deux de troisième, deux filles et trois garçons, soit 21,73 % des 23 collégiens à Vaubécourt entretenus) emploient ce sigle pour indiquer ce lieu de rencontre. Également, les activités pratiquées en dehors du collège, soit les activités extrascolaires (voir Supra, notre analyse du thème « Les activités extrascolaires » pratiquées, pour un plus ample développement sur ces activités), sont des lieux de socialisation et de rencontres amicales enfantines et juvéniles. C’est ainsi que, par exemple, huit collégiens (quatre de sixième [un garçon et deux filles] et de troisième [un garçon] à Vaubécourt et quatre de troisième [deux filles et deux garçons] à Montreux-Château, soit 19,04 % des 42 collégiens entretenus), évoquent leur pratique du handball comme lieu de rencontre d’un ou de plusieurs de leurs amis. De même, en exemples encore, Lou (une fille) de classe de sixième à Vaubécourt indique l’athlétisme ; Princesse (une fille) de classe de troisième à Montreux-Château, l’équitation ; Eva (une fille) de classe de troisième à Vaubécourt, le vélo ; Louis-Marie et Théo (deux garçons) de classe de troisième à Vaubécourt, le football ; Marty (un garçon) de classe de troisième à Vaubécourt, la plongée et le golf.

Troisièmement, les amitiés se révèlent liées à l’enfance ou au village dans lequel vivent les collégiens. Ils ont ainsi des amis de longue date, dits parfois « d’enfance » ou « du village », cette dernière dénomination nous semblant marquée par la ruralité des territoires sur lesquels vivent les enfants et adolescents entretenus. Si, majoritairement, les collégiens entretenus, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou de troisième, filles ou garçons, évoquent de tels amis, ce sont exclusivement quatre collégiens (une fille et trois garçons) de classe de troisième à Vaubécourt qui, dans leurs dessins respectifs, les identifient clairement, notamment dans un groupe d’amis particulier. À l’exemple, ci-dessous, des dessins d’Eva, de Gaston ou de Louis-Marie.

Dessin 18. Arbre d’amitiés d’Eva (une fille en classe de troisième à Vaubécourt)4

Dessin 19. Arbre d’amitiés de Gaston (un garçon en classe de troisième à Vaubécourt)

Dessin 20. Arbre d’amitiés de Louis-Marie (un garçon en classe de troisième à Vaubécourt)

Parmi ces amis d’enfance ou du village, pour les collégiens entretenus, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou de troisième, filles ou garçons, peuvent se trouver des enfants de leur âge ou de quelques années de plus ou de moins, issus de divers horizons : des voisins ou voisines, des amis d’amis, des enfants d’amis de leurs parents, des enfants avec lesquels ils ont été gardés lors de leur petite enfance, ou encore, des cousins ou cousines plus ou moins éloignés. Toutefois, précisons encore que tous les amis d’enfance ne sont pas nécessairement des amis du village, se trouvent aussi des enfants d’amis de leurs parents, des enfants avec lesquels ils ont été gardés lors de leur petite enfance ou des cousins ou cousines plus ou moins éloignés vivant dans d’autres villages, d’autres endroits en France, voire d’autres pays. À propos de tels amis d’enfance, rencontrés donc de longue date, Azog (un garçon de troisième à Montreux-Château) déclare : « se connaitre depuis longtemps ça fait des liens plus forts », soulignant ainsi, selon lui, l’existence d’une relation proportionnelle entre la durée des liens d’amitié et la profondeur de ces liens.

Trois principaux canaux de socialisations enfantine et juvénile sont ainsi identifiés : la scolarisation ; les activités pratiquées, au sein du collège et en dehors ; l’enfance et le village. Ces trois canaux nous semblent indicatifs des lieux et endroits où les amitiés sont susceptibles de poindre et de se développer. Ces trois canaux, évolutifs dans le temps, peuvent également voir se construire, se déconstruire et se reconstruire des amitiés, notamment au gré des différentes étapes de la scolarisation des enfants et adolescents (école maternelle, école élémentaire, collège), des différentes activités pratiquées (et susceptibles de changer d’une année sur l’autre ou de quelques années à d’autres) ou des différents évènements faisant partir ou arriver les habitants dans un village (par exemple, déménagements). Néanmoins, la scolarisation et les activités pratiquées semblent être les deux canaux les plus évolutifs des trois, les plaçant ainsi les plus au centre des reconfigurations amicales. C’est ainsi que Gaston (un garçon de troisième à Vaubécourt) explique la façon dont son groupe d’amis a pris de l’importance en nombre lors de son entrée au collège : « à l’origine quand on est arrivés au collège on était cinq […] On était ensemble pis après on s’est rattaché avec des gens du collège qui étaient j’pense plus seuls parce que dans leurs l’école primaire y’avait moins de monde parce que nous on avait pas mal de monde et pis du coup après on finit à dix […] Et pis […] tout le monde s’entend bien et […] même si c’est quelqu’un qui a un copain qui le ramène dans le groupe on s’entend bien ».

Enfin, à la marge de ces trois principaux canaux de socialisations enfantine et juvénile, il existe quelques autres endroits et moments où des collégiennes entretenues, notamment à Vaubécourt, déclarent s’être fait des amis. Les vacances peuvent ainsi être des temps de rencontres : par exemple, Lou (une fille de sixième à Vaubécourt) déclare avoir fait la connaissance d’amies lors d’un séjour en « colonie de vacances de handball faite l’année passée » ; Emma (une fille de sixième à Vaubécourt) indique avoir des amis de vacances, en Vendée, car elle va « toujours depuis sept ans dans le même camping ». Enfin, les aléas de la vie peuvent aussi être l’occasion de quelques rencontres, Louise (une fille de troisièmeà Vaubécourt) déclare ainsi avoir fait la connaissance d’une amie lors d’une hospitalisation récente, d’une durée d’un mois et demi, pour anorexie.

Les fondements temporels et environnementaux des amitiés

Parmi la diversité des raisons invoquées par l’ensemble des 42 collégiens entretenus pour expliquer leurs amitiés, deux d’entre elles émergent liées par une même particularité temporelle, à l’image de la déclaration de Juliette (une fille de troisième à Vaubécourt) : « c’est vraiment […] les moments » passés ensemble qui sont à la base des amitiés, ces moments qui permettent de se rendre compte que l’on s’entend bien et que ce temps passé ensemble est agréable. Ainsi, la scolarisation et le village, deux des trois canaux de socialisations enfantine et juvénile énoncés dans notre point précédent, seraient à l’origine des amitiés, car ils offrent aux enfants et adolescents des temps longs passés ensemble. Princesse (une fille de troisième à Montreux-Château) et Jade (une fille de troisième à Vaubécourt) déclarent ainsi : « c’est parce que on traîne tout le temps ensemble puis au bout d’un moment voilà » (Princesse) ; « [depuis] tout p’tits […] on a été tout le temps ensemble et que les parents s’connaissaient alors […] On passait beaucoup de temps ensemble. On a grandi ensemble, on s’connait par cœur » (Jade). La scolarisation et le village proposeraient donc aux enfants et adolescents des environnements et du temps pour se côtoyer et se rencontrer, se posant ainsi en tant que fondements de leurs amitiés. Pour la suite de notre développement sur les fondements des amitiés des collégiens entretenus, notons que les propos de ceux de classe de troisième étant plus grandement développés que ceux de classe de sixième, nos exemples sont principalement extraits des transcriptions des entretiens des premiers.

La scolarisation

Les collégiens entretenus, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou de troisième, filles ou garçons, évoquent donc leur scolarisation comme un des lieux où leurs amitiés débutent. Être scolarisé dans le même établissement joue ainsi un rôle dans les amitiés, à l’exemple de Mélissa (une fille de troisième à Vaubécourt) qui indique « le fait d’avoir été dans l’école ensemble » comme raison de ses amitiés. Également, le fait que l’établissement soit de petite taille, l’une des caractéristiques des établissements scolaires en milieu rural5, semble un élément d’importance pour les collégiens entretenus. En effet, cette petite taille faciliterait la naissance d’amitiés, car elle permet d’accueillir et de mettre en présence un nombre relativement restreint d’enfants ou d’adolescents susceptibles, en outre, de tous peu ou prou se , comme l’expliquent Mélanie (une fille de troisième à Vaubécourt) ou Mimi (une fille de troisième à Montreux-Château) : « on était dans une petite école donc y’avait qu’une classe par niveau » (Mélanie) ; « on est quand même un petit collège donc tout le monde se connait et il y a des gens à qui je ne parle pas et je connais leurs noms […] et tout le monde se parle donc après c’est facile » (Mimi). En sus, provenir de la même école primaire configurerait la façon dont les amitiés se posent en entrant au collège. Par exemple, Gaston (un garçon de troisième à Vaubécourt) déclare : « à l’origine quand on est arrivés au collège on était cinq [issus de la même école]. On était ensemble pis après on s’est rattaché avec des gens du collège qui étaient j’pense plus seuls parce que dans leurs l’école primaire y’avait moins de monde parce que nous on avait pas mal de monde et pis du coup après on finit à dix […] Et pis […] tout le monde s’entend bien et […] même si c’est quelqu’un qui a un copain qui le ramène dans le groupe on s’entend bien ». Gaston explique ainsi la façon dont son groupe d’amis, composés de cinq élèves en fin d’école primaire et issus de cette école, s’est ensuite élargi lors de son entrée au collège et de son année en classe de sixième : un groupe donc plus large aujourd’hui dont ses membres « s’entend[ent] bien ». Nous reviendrons sur ce dernier point un peu plus loin dans cette analyse.

Néanmoins, être scolarisé dans la même classe jouerait un rôle encore plus important, voire primordial, dans le début de ces amitiés, comme le mentionnent Louise (une fille de troisième à Vaubécourt) et Mimi (une fille de troisième à Montreux-Château) : « certaines [amies] j’étais dans la même classe dès la sixième […] on s’parlait c’est comme ça qu’on est devenues amies » (Louise) ; « ça devient automatique, les gens qui sont dans la même classe, il y a des gens cette année avec qui j’ai jamais parlé, mais vu qu’on est dans la même classe ça nous amène à se parler » (Mimi). Être dans la même classe signifie passer beaucoup de temps ensemble, favorise les échanges entre élèves et, éventuellement, débouche sur des relations d’amitié, comme l’expliquent Martin (un garçon de troisième à Montreux-Château) ou Eva (une fille de troisième à Vaubécourt) : « on [est] tout le temps ensemble et dans la même classe » (Martin) ; « on est tout l’temps ensemble, on se connait beaucoup mieux […] on a plus d’affinités » (Eva). De surcroît, des évènements particuliers, tels qu’une sortie, un séjour voire un voyage scolaire peuvent encore permettre aux élèves de « vraiment » se rapprocher. Enfin, parfois, l’enseignant est même susceptible, sans le savoir ou le vouloir, d’initier une amitié en proposant un accueil particulier à une nouvelle élève, comme ce fut le cas pour Léa (une fille de sixième à Vaubécourt) qui s’exprime sur le début de son amitié avec l’une de ses amies actuelles : « en maternelle j’crois en début de p’tite section, c’était une nouvelle […] Et la maîtresse elle m’a désignée pour que j’l’aide et tout dans l’école […] Depuis on se quitte plus ».

Le village

Le village, c’est-à-dire le lieu d’habitation des collégiens entretenus, apparaît également comme un lieu important explicatif de leurs amitiés. Ainsi, provenir du même village, vivre dans le même village et, pour la plupart de ces élèves, avoir été scolarisé dans la même école du village ou de celui accueillant l’école, indiquent également avoir passé un temps relativement long avec d’autres enfants. Mathis (un garçon de sixième à Vaubécourt) explique : « j’suis beaucoup ami avec ceux qui sont dans mon village donc j’pense que c’est à force d’être dans le même village qu’on devient amis ». En outre, selon Eva (une fille de classe de troisième à Vaubécourt), le fait de vivre la même vie, dans un même village ou dans différents villages, pourrait aussi expliquer ses amitiés : « on a tous à peu près la même vie […] on habite tous loin de la ville ». La ruralité et le mode de vie qu’elle génère rapprocheraient donc et développeraient des amitiés.

Où voit-on le plus ses amis ? Quelles conséquences sur les liens d’amitié ?

Si, de prime abord, les 19 collégiens de classe de sixième entretenus déclarent voir leurs amis surtout au collège, six d’entre eux à Montreux-Château (soit 75 % des huit collégiens de sixième entretenus à Montreux-Château, trois filles et trois garçons) et huit d’entre eux à Vaubécourt (soit 72,72 % des 11 collégiens de sixième entretenus à Vaubécourt, quatre filles et quatre garçons) indiquent voir également leurs amis en dehors du collège, soit parce qu’ils vivent dans le même village, soit parce que leurs parents acceptent, exceptionnellement, de les véhiculer malgré leurs diverses contraintes, notamment professionnelles ou économiques. La majorité des collégiens de classe de sixième, à Montreux-Château et à Vaubécourt, déclarent donc voir leurs amis à la fois au collège et en dehors. Si leurs parents peuvent accepter de les véhiculer, ces collégiens disent se déplacer aussi à pied ou à vélo. Le fait de se voir au collège, mais également en dehors permettrait, selon ces collégiens, une intensification et un développement des liens d’amitié, comme le soulignent Julie ou Léa (deux filles à Vaubécourt) : « après, au collège, il y a beaucoup de conversations » (Julie) ; « on est plus proches » (Léa).

De leur côté, à l’unanimité, les collégiens entretenus de classe de troisième, à Montreux-Château et à Vaubécourt, déclarent voir leurs amis au collège et en dehors, dans leurs villages respectifs le plus souvent ou, plus rarement, à Belfort (la ville la plus proche de Montreux-Château, à 15 kilomètres environ) et à Bar-le-Duc (la ville la plus proche de Vaubécourt, à 22 kilomètres environ). Entre la classe de sixième et celle de troisième, la zone géographique sur laquelle les collégiens entretenus évoluent s’élargit donc. Si des parents peuvent continuer de les véhiculer, ces collégiens disent surtout se déplacer à pied, à vélo ou en bus. De plus, deux garçons (Théo et Pierre) à Vaubécourt déclarent se déplacer en voiture avec un ami de 18 ans, plus âgé, pour Théo ou à motocyclette, en tant que passagers, sur de tels véhicules d’amis pour Pierre. Entre la classe de sixième et celle de troisième, les moyens de transport utilisés par les collégiens entretenus évoluent également, se diversifiant. Cet élément, complété de l’élargissement de la zone géographique sur laquelle évoluent les collégiens entretenus, semblent témoigner de leur autonomie gagnée au cours de la scolarisation au collège constituée en général de quatre années, les collégiens passant ainsi de l’âge de 11-12 ans à celui de 14-15 ans environ. Enfin, à l’instar des déclarations des collégiens de classe de sixième entretenus, ceux de classe de troisième soulignent que le fait de se voir au collège, mais également en dehors permet l’intensification et le développement de leurs liens d’amitié, comme l’affirme notamment Fireman (un garçon à Montreux-Château) : « disons qu’on développe notre amitié ». Selon Harry Potter (une fille à Montreux-Château), faire le choix de se voir en dehors du collège n’est pas anodin, cela implique l’accord pour une plus grande proximité, voire l’envie d’une telle proximité. Elle explique : « si je les vois en dehors c’est qu’ils sont plus proches parce que s’ils me voient en dehors du collège ils me voient dans mon milieu quand je suis chez moi par exemple et je sais pas quand ma meilleure amie vient dormir chez moi, elle me voit en pyjama, des choses dans le genre donc forcément ça veut dire qu’on est plus proche, je ferai pas ça devant n’importe qui […] si on se voit en dehors c’est que la relation est plus proche ». Il en est de même, pour Juliette (une fille à Vaubécourt) : « le fait de s’organiser quelque chose dehors ça montre vraiment que on veut passer du temps avec la personne […] et pis le lendemain […] du coup ça aura resserré quelque chose […] on va être peut-être plus proche de cette personne ». Et Mimi (une fille de Montreux-Château) d’ajouter que faire le choix de se voir à l’extérieur du collège implique aussi que l’on accepte de se montrer sous un autre jour, complétant et enrichissant ainsi la relation : « en dehors on est pas forcément pareils, on parle pas des mêmes choses, on a pas le même esprit, on a peut-être plus d’affinité quand on est dehors, on crée plus de lien […] on se libère plus, on montre plus ce qu’on est et on parle plus librement ». Selon les collégiens de classe de troisième entretenus, se voir en dehors du collège renforce donc les liens et l’amitié (comme l’indiquent aussi notamment Maëlle et Azog, une fille et un garçon à Montreux-Château, ou Jade, une fille à Vaubécourt), augmente la complicité existante entre ses amis et soi (comme le soulignent notamment France, Louise et Mélanie, trois filles de Montreux-Château), en somme, rapproche (comme le déclarent Eva, Gaston, Mélissa ou Théo, deux filles et deux garçons à Vaubécourt) : « Y’a plus de complicité […] on est plus dans un cocon qu’au collège […] le collège y’a trop de monde pour parler des choses par exemple qui sont plus intimes […] alors que quand on est chez une de nos copines tu peux parler de tout et de rien » (Mélanie) ; « ça rapproche un peu quand même […] c’est sûr que j’aurai plus d’affinités avec quelqu’un que j’vois en dehors que si j’le voyais que au collège […] déjà on s’voit plus souvent, j’pense on s’connait plus » (Théo). Ce temps complémentaire passé ensemble, en dehors du collège, offre donc la possibilité de faire plus grandement connaissance avec ses amis : « on est proches parce qu’on se voit plus » (Bob, un garçon de troisième à Montreux-Château) ; « oui on s’connait plus ça nous permet de partager plus de choses ensemble » (Gaston) ; « passer plus de temps avec eux c’est sûr que ça devient plus tes amis » (Marty, un garçon à Vaubécourt).

Enfin, notons que quelques collégiens entretenus, principalement de classe de troisième à Vaubécourt, en lien avec leurs arbres d’amitié dessinés en début d’entretien, énoncent des distinctions relationnelles entre les amis et, notamment, les copains et copines (Jade ou Juliette, deux filles), les « amis moins proches » (Jade, une fille) ou « plus ou moins proches » (Louis-Marie, un garçon), les « vrais amis », les « potes » (Théo, un garçon). Il apparaît ainsi, selon ces collégiens, que si les amis représentent les individus dont on est le plus proche, restreint en nombre, les copains et les potes agrandissent ce groupe et, ainsi, élargissent le cercle des amitiés. Ce qui différencie ces deux groupes (celui des amis et celui élargi) est surtout le fait qu’avec les amis, on peut, d’une part, parler, se confier (sans être jugé ou sans avoir peur de l’être) et, d’autre part, leur faire confiance (les secrets avoués ne seront pas répétés), comme le déclare Théo : les amis sont « ceux [à qui] je peux vraiment dire des choses, faire confiance ».

Dessin 21. Arbre d’amitiés de Jade (une fille en classe de troisième à Vaubécourt)

Dessin 22. Arbre d’amitiés de Louis-Marie (un garçon en classe de troisième à Vaubécourt)

Dessin 23. Arbre d’amitiés de Théo (un garçon en classe de troisième à Vaubécourt)

Et c’est l’amitié que chaque individu du groupe se porte mutuellement qui, selon Fireman (un garçon de troisième à Montreux-Château), permet la formation de ce groupe d’amis : « si on [n’avait] pas de l’amitié pour chacun je [ne] pense pas que le groupe pourrait tenir ».

À présent justement, abordons la façon, c’est-à-dire les processus ou les différentes étapes, les attitudes et comportements éventuellement requis, permettant, selon les collégiens entretenus, de construire des amitiés.

La façon dont les amitiés s’ébauchent puis se développent

Au-delà des fondements temporels et environnementaux des amitiés que représentent la scolarisation et le village, les collégiens entretenus expliquent la façon dont leurs amitiés se sont ébauchées puis développées. Dans leurs explications, les collégiens de classe de troisième à Vaubécourt se révèlent plus loquaces, éclairants et illustratifs que ceux de classe de sixième à Montreux-Château et à Vaubécourt ou que ceux de classe de troisième à Montreux-Château.

Ainsi, 11 collégiens de classe de sixième à Montreux-Château et à Vaubécourt s’expriment à ce sujet. À eux 11, ils parviennent à succinctement décrire un processus permettant de devenir amis : on se rencontre (Dark, un garçon à Montreux-Château), on se parle (notamment Elsa, Cavalière, Drôme, Mike et Shirley, trois filles et deux garçons à Montreux-Château) ou on joue ensemble (Lulu, une fille de Vaubécourt), on commence à se connaître (Drôme, un garçon à Montreux-Château), le « courant passe bien » (Shirley, une fille à Montreux-Château). Mais des conditions d’attitude et de comportement semblent devoir être respectées pour que ce processus puisse se dérouler, comme le mentionnent trois collégiens à Vaubécourt. Pour Julie (une fille), il « faut être gentil puis […] respecter aussi » les autres. Il en est de même pour Mathis (un garçon) : il faut « être gentil […] envers les autres […] pas se moquer si ils sont gros, si ils sont petits […] ou si ils ont une maladie faut pas se moquer d’eux quoi ». Également, mais formulé autrement, Emma (une fille) indique : il ne « faut pas être agressif ni méchant […] faut pas être supérieur aux autres parce que sinon ils sont pas amis avec toi et ils t’aimeront pas ». Enfin, Lou (une fille), reprenant une partie de ce processus, précise l’importance de rester soi pour se faire des amis : « déjà on est comme on est […] on va voir les personnes on leur cause tout ça et pis on leur demande si ils veulent être nos amis […] chacun a ses qualités chacun a ses défauts ». Être donc gentil avec les autres, respectueux des autres, sans méchanceté ni agressivité, proscrire la moquerie seraient ainsi des conditions pour se faire des amis et gagner l’affection de ses pairs pour ces collégiens de classe de sixième.

De leur côté, six collégiens (deux filles et quatre garçons) de classe de troisième à Montreux-Château et à Vaubécourt tentent d’expliquer la façon dont ils se sont fait des amis. Angèle et Azog (une fille et un garçon à Montreux-Château) ainsi que Marty, Pierre et Théo (trois garçons à Vaubécourt) soulignent ainsi le mouvement d’« aller vers les autres » (Angèle) ou « l’un vers l’autre » (Marty) pour se faire des amis ou devenir amis, reprenant quelque peu le processus présenté par les collégiens de classe de sixième entretenus. Azog déclare ainsi : « je suis allé vers, en fait Charlie qui était avec moi en primaire et Nathan, et bah moi j’ai été vers Noé et Charlie vers Emeric et après on s’est rejoint et on a commencé à discuter puis en fait, on s’entendait bien puis du coup nous sommes restés ensemble ». En classe de troisième, la notion de jeu a toutefois disparu : pour faire connaissance, on parle et discute exclusivement (Azog à Montreux-Château ; Pierre, Théo et Juliette à Vaubécourt). Pour Juliette, parler, discuter permet de se rendre compte si « ça accroche bien avec une personne » et, dans ce cas, « on va plus creuser ». Le fait de se côtoyer, d’échanger et de se parler permet de se rencontrer véritablement, de faire plus ample connaissance les uns les autres et, éventuellement, de commencer à saisir des éléments, chez l’autre, susceptibles de nous plaire et de nous convenir pour un début d’amitié. Eva (une fille en troisième à Vaubécourt) explique cela : « On repère vite les personnes […] qui sont plus attirantes à devenir amis pis au final quand on apprend à les connaitre […] on s’rend compte que elles sont super gentilles […] J’pense qu’y’en a beaucoup au collège des gens gentils “fin des personnes comme ça ». On retrouve ici la gentillesse, évoquée précédemment par des collégiens de classe de sixième, comme un des critères susceptibles de donner l’envie de devenir amis avec certains individus. En outre, pour Pierre (à Vaubécourt), comme pour Angèle (à Montreux-Château), parler, discuter permet éventuellement de rigoler et de constater, ou non, si l’on rigole « pour les mêmes choses », si c’est le cas, alors « on […] continu[e] à se parler » (Pierre). Absent des propos des collégiens de sixième entretenus, rigoler occupe donc une certaine place dans les propos de collégiens en classe de troisième concernant le processus par lequel on se fait des amis. Enfin, à l’image des propos de Lou (une fille de sixième à Vaubécourt) précédemment relevés au sujet de l’importance, selon elle, de rester soi pour se faire des amis (voir Supra), Juliette (une fille de troisième à Vaubécourt) le souligne également : « toutes mes amies, même les garçons, [on est] très lâchés, très relax […] on peut s’en moquer du regard des gens […] C’est, parce que si on fait trop attention justement […] l’autre y va s’dire “oh ben elle elle est gnian-gnian” […] C’est vraiment […] comme ça [qu’] on a des affinités parce que quand on montre notre vraie personnalité directement on voit si ça accroche ou pas, qu’une personne qui montre rien […] Ou qui veut trop être parfait ben du coup on sait pas en fait qui elle est […] Et donc du coup ben on s’préoccupe pas forcément d’elle ». Juliette considère alors que la timidité et le fait de ne pas oser montrer qui l’on est vraiment entrave principalement les rencontres avec les autres et l’élaboration de liens d’amitié. Elle développe donc ainsi ses propos : « Si on est timide c’est vraiment un gros frein parce que une personne qui est timide ça donne l’impression qu’elle veut pas nous parler ou qu’elle est froide plus que ça montre que c’est une personne sensible ou quelque chose comme ça, donc vraiment pour moi c’est la pire chose […] pour se faire des amis ». Et de poursuivre : « quand on est timide le problème c’est qu’on n’ose pas […] Donc du coup soit très vite on est inexistant c’est-à-dire qu’on s’fait aucun ami parce qu’on leur parle pas donc on peut pas s’faire [des] amis sans avoir parlé ou alors si on est timide on essaie de parler, on essaie de s’intégrer, mais on n’y arrive pas, parce que y’a toujours quelque chose qui nous retient qui nous dit […] “J’peux pas montrer ça d’ma personnalité ou quoi” ». Ces propos de Juliette, plus développés que ceux de Lou, témoignent pareillement néanmoins de l’importance d’oser être soi et de s’ouvrir aux autres pour se faire des amis. Ces propos rejoignent ceux énoncés par d’autres collégiens entretenus et analysés dans le cadre du thème « La solitude, le fait d’être seul » au collège (voir Supra, notamment notre analyse du point « Les raisons de l’isolement et de la solitude d’élèves seuls au collège »).

En définitive, le sens des propos des collégiens de classe de sixième et ceux de classe de troisième expliquant la façon dont on se fait des amis n’est pas véritablement différent. Deux éléments simplement, constitutifs de processus susceptibles de permettre de se faire des amis, diffèrent cependant : si le jeu est présent chez les collégiens de classe de sixième et a disparu chez ceux de classe de troisième, le fait de rigoler ensemble apparaît chez ces derniers alors qu’il est absent chez les collégiens entretenus de classe de sixième. Ce dernier élément, notamment, laisserait apparaître des affinités particulières liant les amis.

Les raisons humaines, relationnelles et affectives des amitiés

Au-delà des fondements temporels et environnementaux des amitiés et de la façon dont elles s’ébauchent puis se développent, les 42 collégiens entretenus soulèvent les raisons humaines, relationnelles et affectives explicatives de leurs amitiés. Deux éléments semblent ainsi essentiels dans le développement de leurs amitiés : les points communs, ou non, partagés avec leurs amis et, de façon bien moins massivement déclarées toutefois, la qualité des liens d’amitié et l’affection mutuelle.

Les points communs… ou non

Les 42 collégiens entretenus s’expriment sur les points communs, ou non, qu’ils considèrent partager avec leurs amis. Notre regroupement de la variété des propos recueillis fait apparaître quatre groupes d’éléments appréhendables comme ce qui unit les collégiens et leurs amis dans le cadre de leurs relations d’amitié : des centres d’intérêt,goûts et passions communs ; des traits de personnalité communs ; des vies similaires, des visions et valeurs de la vie communes ; mais également, en commun, le fait de s’apprécier malgré les différences. Si les centres d’intérêt, goûts et passions, les traits de personnalité et le fait de s’apprécier malgré les différences sont présents dans les propos des collégiens entretenus, qu’ils soient à Montreux-Château ou à Vaubécourt, en classe de sixième ou de troisième, filles ou garçons, l’impression de vivre des vies similaires et le partage de visions et valeurs de la vie et de ses évènements apparaissent exclusivement dans ceux des collégiens de classe de troisième, à Montreux-Château et à Vaubécourt, filles et garçons. L’âge de ces collégiens, plus avancé que ceux de classe de sixième, nous semble en être la raison principale. Au préalable toutefois, en amont du développement de ces quatre éléments, nous évoquons les réponses inattendues de deux collégiennes de classe de troisième.

Deux réponses inattendues… et implacables

Ne relevant d’aucun de ces quatre éléments, mentionnons les réponses de deux collégiennes de classe de troisième, l’une à Montreux-Château, l’autre à Vaubécourt, à la question de leurs points communs avec leurs amis. Angèle (à Montreux-Château) déclare ainsi : « on a été forcés par nos parents à aller à l’école ». Et Eva (à Vaubécourt) : « nos amis [rires] ». Ces deux réponses, bien qu’inattendues, nous semblent tout à fait pertinentes. D’une part, la scolarisation réapparait ici comme un élément clef d’élaboration des amitiés, ce que nous avons nommé l’un des trois principaux canaux de socialisations enfantine et juvénile (voir Supra). D’autre part, en effet, dans un ensemble ou groupe d’amis, les amis sont communs entre amis. À la fois tautologique et humoristique, la réponse n’en est pas moins vraie et implacable.

Des centres d’intérêt, goûts et passions communs

De prime abord, les collégiens entretenus indiquent, par quelques mots très généraux, avoir en effet des points communs avec leurs amis, à l’exemple de Emma, Lou, Iron Man et Mathis, (deux filles et deux garçons de sixième à Vaubécourt), Jade et Juliette (deux filles de troisième à Vaubécourt) qui déclarent : « on a des trucs en commun » (Mathis), « des choses en commun » (Iron Man, Lou), « les mêmes centres d’intérêt » (Emma, Jade et Juliette), « les mêmes passions on va dire » (Emma). Nos relances permettent aux collégiens entretenus de préciser leurs déclarations et de mentionner que ce qu’ils ont en commun avec leurs amis peut être différent d’un ami à un autre.

Ainsi, la pratique de diverses activités artistiques, culturelles ou de loisirs est énoncée par 16 collégiens entretenus, qu’ils soient en classe de sixième ou de troisième, à Montreux-Château ou à Vaubécourt (soit 38,09 % des 42 collégiens entretenus). Il s’agit de huit filles (soit 33,33 % des 24 filles entretenues) et de huit garçons (soit 44,44 % des 18 garçons entretenus), ou de neuf collégiens de classe de sixième (soit 47,36 % des 19 collégiens de classe de sixième entretenus) et de sept collégiens de classe de troisième(soit 30,43 % des 23 collégiens de classe de troisième entretenus). L’écoute de musique est celle qui est la plus effectuée entre amis : six collégiens entretenus (quatre filles et deux garçons, ou trois collégiens de sixième et trois de troisième) déclarent la pratiquer. Sur ces six collégiens, trois (deux filles et un garçon) énoncent écouter du rap. En sus, Angèle (une fille de troisième à Montreux-Château) mentionne chanter et participer avec ses amis à une chorale. Par ailleurs, jouer ou parler de jeux vidéo est une activité partagée par trois garçons, de classe de sixième et de troisième, et leurs amis. Iron Man (de sixième à Vaubécourt) déclare ainsi jouer avec ses amis, en réseau, à la PlayStation et ajoute : « on aime bien se parler […] des nouvelles mises à jour sur un jeu ». Mathis (de sixième de Vaubécourt) et Niko (de troisième à Montreux-Château) indiquent aimer, « beaucoup » (Mathis) ou « bien » (Niko), les jeux vidéo. Fireman (un garçon de troisième à Montreux-Château), de son côté, déclare partager une activité plutôt civique avec une amie : « les pompiers donc une passion », étant jeune sapeur-pompier et voulant devenir pompier professionnel. Enfin, diverses autres activités de loisirs sont énoncées comme étant partagées entre amis, telles que le visionnage de séries (Loulou, une fille de sixième à Vaubécourt) ou de films (Drôme, un garçon de sixième à Montreux-Château), se déplacer dans des parcs d’attractions (Dark, un garçon de sixième à Montreux-Château), aller à la piscine et bronzer, aller en soirée et danser, se promener dans le village ou dans des « endroits bizarres » comme « une grange abandonnée [rires] » (Eva, une fille de troisième à Vaubécourt) ou « se faire des coiffures […] se mettre du vernis […] Des trucs de filles quoi » (Léa, une fille de sixième à Vaubécourt).

La pratique de sports est citée comme un point commun avec leurs amis par 14 collégiens entretenus, qu’ils soient en classe de sixième ou de troisième, à Montreux-Château ou à Vaubécourt (soit 33,33 % des 42 collégiens entretenus). Il s’agit de cinq filles de classe de sixième exclusivement (soit 20,83 % des 24 filles entretenues) et de neuf garçons de classe de sixième et de troisième (soit 50 % des 18 garçons entretenus). Le sport ne semble donc plus être ce que l’on partage avec ses amis lorsque l’on est une fille en classe de troisième, à Montreux-Château comme à Vaubécourt. À titre d’exemples : le football et sa pratique sont cités par quatre garçons de classe de sixième, à Montreux-Château et à Vaubécourt ; le handball et sa pratique sont énoncés par quatre collégiens entretenus à Vaubécourt, une fille de classe de sixième et trois garçons de classe de sixième et troisième ; l’équitation ou « la passion pour les chevaux » (Léa, une fille de sixième à Vaubécourt) sont citées par trois filles de classe de sixième à Montreux-Château et à Vaubécourt ; enfin, Julie (une fille de sixième à Vaubécourt) explique faire « souvent du vélo » ou courir avec ses amies.

Parler, discuter est annoncé comme un point commun avec leurs amis par huit collégiens entretenus, qu’ils soient en classe de sixième ou de troisième, à Montreux-Château ou à Vaubécourt (soit 19,04 % des 42 collégiens entretenus). Il s’agit de quatre filles (soit 16,66 % des 24 filles entretenues) et de quatre garçons (soit 22,22 % des 18 garçons entretenus), ou de trois collégiens de classe de sixième (soit 15,78 % des 19 collégiens de classe de sixième entretenus) et de cinq collégiens de classe de troisième(soit 21,73 % des 23 collégiens de classe de troisième entretenus). Ce point commun entre amis serait, dans notre échantillon de population, légèrement plus répandu chez les garçons comme chez les élèves de classe de troisième. Parler, discuter entre amis se ferait au sujet « de tout » (Baptman, un garçon, et Shirley, une fille, de sixième à Montreux-Château), de « tout et n’importe quoi » (Emma, une fille de classe de sixième à Vaubécourt) ou « de tout et de rien » (Princesse, une fille de troisième à Montreux-Château). Cette dernière collégienne précise toutefois : « on va se reparler de moments qu’on a passés tous ensemble ». Ou Emma d’ajouter : « on parle […] des gens du collège, du handball de tout ce qu’on a fait pendant les weekends ».

Rigoler, voire délirer, est également cité comme un point commun avec leurs amis par huit collégiens entretenus, qu’ils soient en classe de sixième ou de troisième, à Montreux-Château ou à Vaubécourt (soit 19,04 % des 42 collégiens entretenus). Il s’agit de quatre filles (soit 16,66 % des 24 filles entretenues) et de quatre garçons (soit 22,22 % des 18 garçons entretenus), ou de deux collégiens de classe de sixième (soit 10,52 % des 19 collégiens de classe de sixième entretenus) et de six collégiens de classe de troisième(soit 26,08 % des 23 collégiens de classe de troisième entretenus). Ce point commun entre amis serait, dans notre échantillon de population, légèrement plus répandu chez les garçons comme chez les élèves de classe de troisième. Ces « rigolade[s] » (Léa, une fille de sixième à Vaubécourt) ou « délires » (Azog, un garçon de troisième à Montreux-Château), moments de détente et de relâchement, semblent ainsi être appréciés de certains collégiens et de leurs amis. Larousse (une fille de sixième à Vaubécourt) souligne la particularité des blagues faites : « on fait des blagues nulles, mais on rigole et y’a tout le temps quelqu’un qui sort des blagues et c’est hyper marrant ». Louise et Pierre (une fille et un garçon de troisième à Vaubécourt) mentionnent, quant à eux, le fait de rire « des mêmes choses » avec leurs amis ou certains d’entre eux : avec « certaines personnes […] on rigole pour les mêmes choses ou pis d’autres » (Louise) ; « on rigole souvent […] pour les mêmes choses » (Pierre). Enfin, France (une fille de troisième à Vaubécourt) déclare : « avec Camille on rigole souvent ensemble parce qu’on se connait depuis longtemps et du coup on sait c’qui nous fais rire ». Ces particularités ou éléments énoncés par Larousse d’une part, Louise, Pierre et France d’autre part, peuvent alors être appréhendés comme des indices ainsi donnés par ces collégiens entretenus des proximités, similarités ou profondeurs de l’amitié entre les collégiens entretenus et leurs amis.

Bien s’entendre est énoncé comme un point commun avec leurs amis par six collégiens entretenus, à Montreux-Château ou à Vaubécourt (soit 14,28 % des 42 collégiens entretenus) : une fille de classe de sixième et cinq collégiens (deux filles et trois garçons) de classe de troisième. Au total, il s’agit de trois filles (soit 12,5 % des 24 filles entretenues) et de trois garçons (soit 16,66 % des 18 garçons entretenus). Gaston (un garçon de troisième à Vaubécourt) précise justement ce que signifie bien s’entendre : « quand on fait quelque chose y’a pas de problème y’a pas dispute ou […] de soucis ». Pour ces six collégiens, une bonne entente avec leurs amis apparaît donc importante.

Enfin, ce sont des goûts communs que sept collégiens entretenus (cinq filles et deux garçons, ou quatre collégiens de sixième et trois de troisième) déclarent partager avec leurs amis. Ainsi, deux collégiens de classe de troisième, à Montreux-Château et à Vaubécourt, Bob (un garçon) et France (une fille) évoquent leur goût pour le travail scolaire au collège. Bob considère alors qu’il partage avec ses amis « des connaissances » apprises au collège et dont ils peuvent échanger. France, quant à elle et à propos d’une de ses amies, explique : « on est bonne élève toutes les deux et du coup on peut […] bien parler du travail [scolaire] […] c’est intéressant ». De leurs côtés, deux filles, Julie (de sixième à Vaubécourt) et Maëlle (de troisième à Montreux-Château) disent aimer les mêmes habits (Julie) ou s’habiller pareil (Maëlle) avec leurs amis (voir Supra). Deux collégiens de classe de sixième de Vaubécourt, Allan (un garçon) et Loulou (une fille) déclarent, quant à eux, aimer, avec leurs amis, les mêmes couleurs : « nos couleurs », « le bleu, le noir et pis [avec] certains [amis] le rose » (Allan). Finalement, Larousse (une fille de sixième à Vaubécourt) s’exclame : « Le manger ! La bouffe ! », comme goût qu’elle partage avec ses amis.

Des traits de personnalité communs

Des traits de personnalité communs sont le deuxième élément appréhendable comme unissant les collégiens entretenus et leurs amis dans le cadre de leurs relations d’amitié. Ils sont 11 collégiens entretenus (soit, 26,19 % des 42 collégiens entretenus), à Montreux-Château et à Vaubécourt, à ainsi déclarer partager avec leurs amis un trait relevant de leur caractère ou personnalité. Il s’agit de huit filles (soit 33,33 % des 24 filles entretenues) et trois garçons (soit 16,66 % des 18 garçons entretenus), ou de cinq collégiens de classe de sixième (soit 26,31 % des 19 collégiens de sixième entretenus) et de six de classe de troisième (soit 26,08 % des 23 collégiens de troisième entretenus). Les filles semblent donc, dans notre échantillon de population, convoquer plus souvent que les garçons cet élément du caractère ou de la personnalité comme point commun entre elles et leurs amis. Par exemple, Emma (une fille de sixième à Vaubécourt) considère que ses amies et elle sont « tou[te]s possessives » et font preuve de « maturité », sans explications complémentaires toutefois. Mélissa (une fille de troisième à Vaubécourt) souligne la particularité du caractère de ses amis et du sien : « on est tous […] forts de caractère », précisant « on n’est pas comme les autres à vouloir faire leurs beaux leur machin nous on est comme ça on vient comme on est et c’est tout ». Emma (une fille de troisième à Vaubécourt) énonce sa timidité et celle d’une de ses amies : « elle est un peu timide comme moi [rires] et du coup on s’entend bien aussi ». Toutefois, parmi les 11 collégiens entretenus énonçant partager avec leurs amis un trait relevant de leur caractère ou personnalité, le fait d’avoir le même humour ou sens de l’humour serait le trait le plus souvent partagé. En effet, cinq collégiens (trois filles et deux garçons) déclarent avoir ce trait en commun avec leurs amis. Par exemple, deux collégiens de classe de troisième, Juliette (à Vaubécourt) et Martin (à Montreux-Château) disent partager avec leurs amis « le même sens de l’humour » (Juliette), « le même humour » (Martin). De son côté, Larousse et Léa (deux filles de sixième à Vaubécourt) précisent : « on a tous un humour de merde […] on fait des blagues nulles, mais on rigole et y’a tout le temps quelqu’un qui sort des blagues et c’est hyper marrant » ; « on est folles [rires] […] Tout l’temps rigoler, tout l’temps être là à abuser sur les choses ». Enfin, seul un garçon (Bob), de classe de troisième à Montreux-Château, considère que l’humour partagé avec ses amis relève plutôt d’un esprit de raillerie. Il déclare aussi partager avec ses amis l’esprit de compétition.

Des vies similaires, des visions et valeurs de la vie et de ses évènements communes

Se retrouvent ici, sous cette thématique, exclusivement des propos énoncés par des collégiens de classe de troisième à Montreux-Château et à Vaubécourt. Ainsi, trois collégiens (deux filles et un garçon) à Vaubécourt déclarent penser vivre, avec leurs amis, des vies similaires. Juliette et Louis-Marie, comme éléments communs avec leurs amis, susceptibles aussi semble-t-il de fonder leurs relations d’amitié, déclarent en effet vivre des vies et routines proches : « le fait d’être tous un peu dans le même bateau c’est-à-dire […] l’école […] des vies similaires […] les mêmes peurs, les mêmes joies, des choses comme ça » (Juliette) ; « on a à peu près les même loisirs et activités […] On aime les mêmes choses et on a à peu près la même routine […] [c’est-à-dire] on fait les mêmes choses en dehors du collège » (Louis-Marie).

Par ailleurs, six (trois filles et trois garçons) collégiens à Montreux-Château et à Vaubécourt mentionnent penser partager avec leurs amis des visions et des valeurs de la vie commune. Azog (un garçon à Montreux-Château) évoque surtout le sport, sa pratique, et déclare à propos de ses amis : « on est d’accord sur ce qui est bon et pas bon ». Louise (une fille à Vaubécourt), Pierre (un garçon à Vaubécourt) et Martin (un garçon à Montreux-Château), sur les petits évènements jalonnant la vie ou sur la vie en général, indiquent ce qu’ils pensent avoir en commun avec leurs amis : « La façon d’être ou la façon de voir les choses […] Ben on s’prend pas la tête » (Louise) ; « on a un peu la même vision des choses » (Pierre) ; « on voit la vie du même œil en fait » (Martin). Cette façon, quelque peu semblable, d’agir, d’appréhender la vie et ses évènements permet à Harry Potter (une fille à Montreux-Château) d’obtenir auprès d’une de ses amies des avis ou conseils qu’elles jugent, de prime abord, tout à fait pertinents : « on va agir de la même façon […] donc si j’ai besoin d’avis sur quelque chose je sais qu’elle me donnera le choix que moi j’aurais fait ». Cette façon, quelque peu semblable, d’agir, d’appréhender la vie et ses évènements permet aussi, selon Mélanie (une fille à Vaubécourt), une fine compréhension mutuelle entre ses amies et elle : « des fois quand tu dis quelque chose t’as pas besoin de te répéter ou d’expliquer parce qu’elles comprennent directement […] Par exemple, France va dire quelque chose […] j’comprendrai le sous-entendu ou quelque chose […] alors que d’autres personnes ne verraient pas le sous-entendu et le prendraient au premier degré entre guillemets ».

Ces neuf collégiens de classe de troisième, du fait de leur âge, semblent donc plus à même que ceux de classe de sixième par exemple, à énoncer de tels éléments réflexifs qu’ils partageraient avec leurs amis. Ces éléments relèvent d’appréhensions et de valeurs communes, constitutives d’un socle sur lequel reposerait une certaine façon de penser, d’agir et de vivre.

Mais, en commun, le fait de s’apprécier malgré les différences

Comme le souligne Lulu (une fille de sixième à Vaubécourt) : « mais après on peut être amis même avec des gens qui sont pas du tout comme nous ça change pas c’est si on s’entend bien ». Et effectivement, dix des 42 collégiens entretenus (soit 23,80 % d’entre eux, sept filles et trois garçons, ou trois collégiens de sixième et sept de troisième) soulignent ce point d’importance. Ainsi, ces collégiens énoncent ce qui les différencie de certains de leurs amis. Cela peut être des différences de goûts tels que ne pas écouter le même style de musique (Angèle, une fille de troisième à Montreux-Château) ou ne pas apprécier, comme ses amis, les jeux vidéo, comme l’expriment Luc (un garçon de sixième à Vaubécourt) et Bob (un garçon de troisième à Montreux-Château) : « ils sont plus jeux vidéo […] moi c’est plus dehors » (Luc). Cela peut être également des différences plus générales liées au caractère et à la personnalité : « avec Mathilde [une amie] on a deux caractères qui ne sont pas les mêmes, mais on s’entend bien » (Harry Potter, une fille de troisième à Montreux-Château) ; « on est […] différentes, mais on s’apprécie quand même » (Louise, une fille de troisième à Vaubécourt). France (une fille de troisième à Vaubécourt) considère même que c’est justement parce que ses amies et elle sont différentes qu’elles s’entendent bien. Elle s’explique ainsi : « J’pense que on s’entend bien parce qu’on est toutes différentes […] Lorsqu’on est pareil ben j’pense que y doit y avoir de la concurrence je sais pas, on est toutes différentes, on a toutes un style différent et j’pense que c’est pour ça qu’on s’entend si bien, parce qu’on a toujours quelque chose à prendre de l’autre ». Leurs différences se traduiraient donc en complémentarités à la base de leur entente et de leur amitié selon France.

La qualité des liens d’amitié et l’affection mutuelle

Sur l’ensemble des 42 collégiens entretenus, cinq d’entre eux (trois filles et deux garçons, ou une fille de classe de sixième à Vaubécourt et quatre collégiens de troisième à Montreux-Château et à Vaubécourt) évoquent la qualité de leurs liens d’amitié et l’affection qu’ils portent à leurs amis. Ainsi, Angèle (une fille de troisième à Montreux-Château) parle de la solidarité et de l’entraide existantes entre ses amis et elle. Mélissa (une fille de troisième à Vaubécourt) énonce la complicité liant ses amis et elle : « on est toujours complices on a créé notre bulle et on est ensemble dedans ». Larousse (une fille de sixième à Vaubécourt) et Fireman (un garçon de troisième à Montreux-Château) déclarent, quant à eux, ce qu’ils ressentent pour leurs amis, Larousse soulignant en outre la complicité qu’elle partage avec l’un de ses amis : « je les aime bien et avec Tom par exemple on arrive beaucoup à se comprendre même sans se parler même avec des regards on arrive à se comprendre du coup on se connaît vraiment » (Larousse) ; « je pensais pas rencontrer Eva ou Léa, je pensais pas […] pouvoir tenir autant à une personne » (Fireman). Enfin, Théo (un garçon de troisième à Vaubécourt) énonce la façon dont ses amis et lui se sentent en leur présence mutuelle : « ça va bien […] on est heureux d’être avec l’autre ». La qualité des liens unissant les amis entre eux (notamment solidarité, entraide, complicité) et l’affection que ces collégiens entretenus disent porter à leurs amis relèvent du domaine affectif, c’est-à-dire des émotions et des sentiments. Et le fait d’être ensemble dans de telles relations de qualité participerait, comme l’énonce Théo, à se sentir heureux.

Enfin, au-delà des moments où ils se côtoient, entre le collège et le village d’une part, au cours d’activités pratiquées d’autre part, les collégiens entretenus gardent-ils le contact et de quelle façon ? Quels usages ont-ils ainsi des outils de communication (et des réseaux sociaux) dans leurs amitiés ? C’est ce que nous souhaitons mieux saisir à présent.

Les usages des outils de communication (et des réseaux sociaux) dans les amitiés

Le thème relatif aux amitiés, à leurs maintien et temporalité permet ainsi, et également, la révélation, par les collégiens entretenus, de leurs habitudes quant aux usages des outils de communication (et des réseaux sociaux). Majoritairement, ces 42 collégiens disent posséder un téléphone portable personnel. En effet, 33 d’entre eux déclarent en détenir un (soit 78,57 % de ces collégiens). Toutefois, des disparités dans la possession d’un téléphone personnel existent entre : Montreux-Château et Vaubécourt ; les collégiens en classe de sixième et ceux en classe de troisième ; les filles et les garçons. Ainsi, si 16 collégiens déclarent posséder un téléphone portable à Montreux-Château et 17 à Vaubécourt, cela représente 84,21 % des 19 collégiens entretenus à Montreux-Château, mais 73,91 % des 23 collégiens entretenus à Vaubécourt. En outre, si 21 collégiens de classe de troisième et 12 de classe de sixième à Montreux-Château et à Vaubécourt annoncent détenir un téléphone portable personnel, cela représente 91,30 % des 23 collégiens de classe de troisième entretenus, mais 63,15 % des 19 collégiens de classe de sixième entretenus. Concernant les collégiens entretenus de classe de troisième, si 11 d’entre eux à Montreux-Château et 10 d’entre eux à Vaubécourt annoncent posséder un téléphone portable personnel, cela représente 100 % des collégiens de classe de troisième entretenus à Montreux-Château, mais 83,33 % des 12 collégiens de classe de troisième entretenus à Vaubécourt. Concernant les collégiens entretenus de classe de sixième, la répartition est, par contre, relativement équilibrée entre Montreux-Château et Vaubécourt : si cinqcollégiens entretenus de classe de sixième à Montreux-Château et sept à Vaubécourt disent détenir un téléphone portable personnel, cela représente 62,5 % des huit collégiens de classe de sixième entretenus à Montreux-Château et 63,63 % des 11 de ceux entretenus à Vaubécourt. Enfin, 21 filles déclarent posséder un téléphone portable et 12 garçons, cela représente 87,5 % des 24 filles entretenues et 66,66 % des 18 garçons entretenus.

Au regard de ces données, il apparaît donc que posséder un téléphone portable personnel est, pour les collégiens de notre échantillon de population, plus répandu à Montreux-Château qu’à Vaubécourt, chez les collégiens de classe de troisième que chez ceux de classe de sixième, chez les filles que chez les garçons. Si les raisons, ou pistes d’interprétation, de ces disparités peuvent être diverses, nous choisissons d’en émettre au moins trois. La première serait le facteur socio-économique, susceptible d’expliquer les différences territoriales entre Montreux-Château et Vaubécourt. La deuxième serait relative à l’âge des collégiens : les parents équiperaient en effet leurs enfants en téléphone portable en fonction de leur âge et il apparaît que c’est surtout au cours de la scolarisation au collège que les enfants gagnent la possession d’un tel appareil, éventuellement aussi sous l’insistance de ces derniers. La troisième serait relative au sexe des collégiens : les parents, plus inquiets pour leurs filles, tendraient à les équiper plus précocement que leurs garçons en téléphone portable personnel.

Avec l’âge du collégien, les réseaux sociaux (notamment et surtout Snapchat ou Instagram, moins Messenger de Facebook, Twitter ou Skype) semblent gagner en intérêt et en utilité. Les collégiens de classe de sixième les utilisent ainsi peu voire pas, passant par une tablette, un ordinateur s’ils n’ont pas de téléphone portable, ces tablette et ordinateur pouvant d’ailleurs être familiaux et non personnels. Ceux de classe de troisième les utilisent massivement (sur leur téléphone portable) pour rester en contact avec leurs amis (du collège notamment), échanger sur tout et rien (le collège, les amis, ce que l’on fait, où l’on va, etc.), s’échanger des images et vidéos et, surtout, se donner rendez-vous pour se voir dans le village ou ailleurs. Les élèves de classe de troisième — plus que ceux de classe de sixième, car, certainement, moins détenteurs d’un téléphone portable personnel — déclarent utiliser également leur téléphone portable pour jouer, écouter de la musique ou regarder des vidéos. Par le biais de leur téléphone ou tablette, les collégiens indiquent enfin se contacter après le temps passé au collège pour discuter des devoirs à faire et s’entraider à les faire.

Les devoirs au cœur de la composante intellectuelle et cognitive de l’expérience scolaire

Relativement au maintien et à la temporalité de l’amitié, les collégiens entretenus indiquent notamment se contacter, par le biais de leur téléphone ou tablette, après le temps passé au collège pour discuter des devoirs à faire et s’entraider à les faire. Les élèves de classe de troisième, plus massivement détenteurs d’un téléphone portable, l’indiquent plus que ceux de classe de sixième, plus tributaires du téléphone de leur(s) parent(s) ou d’une tablette familiale. Le travail scolaire et les devoirs ne sont donc pas la première et principale raison pour laquelle les collégiens se mettent en contact après le temps passé au collège, ils en sont cependant une des raisons. En effet, que les élèves soient en classe de sixième ou de troisième, à Montreux-Château ou à Vaubécourt, filles ou garçons, les échanges sont également sur les devoirs, et ce, semble-t-il, d’autant plus si l’élève est en classe de troisième. Iron Man (un garçon en sixième à Vaubécourt) précise : « on aime bien se parler […] des nouvelles mises à jour sur un jeu ou hier j’ai été j’sais pas ou j’ai été au bowling par exemple, […] des devoirs ». Princesse (une fille en troisième à Montreux-Château) indique, quant à elle, parler à ses amis par messages (SMS) — s’ils n’ont pas de réseaux sociaux — ou sur les réseaux sociaux (Snapchat, Instagram, Facebook) — s’ils possèdent un ou des comptes : « sur Instagram on se parle sur un groupe avec des potes […] après on parle par message […] souvent des trucs qu’on a trouvé sur les réseaux sociaux soit on parle un peu de tout et de rien, on parle des trucs qui se sont passés […] [des] devoirs ». Jade (une fille en troisième à Vaubécourt) déclare : « par exemple nous dans notre classe on a fait un groupe sur Snap […] Où y’a tous ceux qui ont Snap de la classe et on va demander par exemple “oh pourquoi y’a ça à faire, pour quand machin” donc oui c’est un moyen aussi de parler du collège […] Avec tout l’monde ». Mélanie (une fille en troisième à Vaubécourt), dans la même classe que Jade, évoque également ce groupe, créé sur Snapchat par un élève de leur classe : « par les réseaux sociaux c’est surtout “tiens, l’exercice là j’ai pas compris est-ce que tu peux m’aider ” […] des trucs comme ça […] sur Snapchat y’a Hugo [rires] c’qui est très étonnant c’est un camarade de classe qui est pas très très fort en cours, il a fait un groupe avec toutes les personnes qui avaient Snapchat dans notre troisième […] Le groupe s’appelle Troisième A et à chaque fois qu’t’as une question, par exemple y’a une sortie et tout ben t’as les élèves qui la posent et pis t’as Hugo qui répond ». Ainsi, par le biais de groupes créés sur les réseaux sociaux, de contacts directs toujours sur ces réseaux sociaux ou par messages et appels téléphoniques, les collégiens restent en contact après le collège afin notamment de s’indiquer ou de s’assurer des devoirs à faire et de s’entraider à les faire, afin également de s’informer des sorties scolaires éventuellement prévues et des conditions de ces sorties. Certains élèves sont plus sollicités que d’autres lors de ces contacts et échanges, il peut s’agir d’élèves réussissant bien au collège — comme l’indique Larousse (une fille en sixième à Vaubécourt) à propos de ses amis qui la « contactent beaucoup pour les devoirs parce qu’ [elle est] la tête de la classe » —, mais pas nécessairement — comme le mentionne Mélanie (une fille de classe de troisième à Vaubécourt) à propos de Hugo, le créateur du groupe Snapchat pour sa classe de troisième. En outre, comme le précise Bob (un garçon en troisième à Montreux-Château), sur son dessin et en entretien, les élèves aidants sont également ceux que l’on connaît depuis longtemps, ces amis vont alors « tout de suite se proposer pour [l’]  aider » s’il est absent en classe, tel Clément, un ami depuis l’école maternelle (« je le vois le plus parce que je vais chez lui de temps en temps pour récupérer les devoirs […] je vais aller chez lui pour lui demander des informations, je l’ai au téléphone ») ou Noémie, une amie depuis la classe de sixième. Sur son dessin représentant son arbre d’amitiés, Bob octroie d’ailleurs à ses deux amis une place toute particulière (située en partie basse de son dessin) au regard de l’aide qu’ils lui apportent sur les devoirs.

Dessin 24. Arbre d’amitiés de Bob (un garçon en classe de troisième à Montreux-Château)

Entre les élèves semblent ainsi s’installer des habitudes : pour les devoirs, ce sont surtout les meilleurs élèves de la classe, les amis de longue date que l’on contacte ou, plus à la marge, ceux ayant pris l’initiative de la création d’un groupe de classe sur un réseau social. Toujours est-il que ces contacts et échanges donnent la possibilité aux collégiens de s’adapter à l’école et à ses exigences. Ces contacts ont certainement quelque chose de rassurant pour les élèves qui y participent, leur permettant, d’une part, de ne pas se sentir isolés à l’issue de la journée passée au collège et, d’autre part, de s’assurer avoir bien compris, ou tout compris, de ce qu’ils avaient à faire pour le lendemain ou les jours à venir. Ces contacts participent à la construction des relations et amitiés entre pairs, permettant aussi la satisfaction du besoin de proximité sociale, elle-même susceptible d’influencer positivement le bien-être psychologique des collégiens. Enfin, ces contacts constituent certainement un soutien social, émotionnel et à l’autonomie pour ces collégiens, participant à leur bien-être subjectif.

Conclusion sur le thème « Les amitiés, leurs maintien et temporalité » : éléments de résultats

Six titres ont successivement constitué notre analyse de ce thème nous permettant d’extraire les idées principales, sur ce thème, émises par les 42 collégiens entretenus à Montreux-Château et à Vaubécourt :

  • Les lieux et endroits où l’on se rencontre et fait connaissance ;

  • Les fondements temporels et environnementaux des amitiés ;

  • La façon dont les amitiés s’ébauchent puis se développent ;

  • Les raisons humaines, relationnelles et affectives des amitiés ;

  • Les usages des outils de communication (et des réseaux sociaux) dans les amitiés ;

  • Les devoirs au cœur de la composante intellectuelle et cognitive de l’expérience scolaire.

Notre poursuite de l’analyse des entretiens s’est néanmoins enrichie également, à certains moments, de la présentation d’arbres d’amitié dessinés par les collégiens entretenus — ainsi que l’analyse que nous en faisons. Ces arbres apparaissent ainsi en tant qu’éléments illustratifs, explicatifs ou complémentaires de certains propos de collégiens.

Concernant les lieux et endroits où l’on se rencontre et fait connaissance, trois principaux canaux de socialisations enfantine et juvénile sont mis au jour : la scolarisation ; les activités pratiquées, au sein du collège et en dehors ; l’enfance et le village.

La scolarisation et le village proposeraient aux enfants et adolescents des environnements et du temps (conséquent) pour se côtoyer et se rencontrer, tels les fondements temporels et environnementaux de leurs amitiés. La scolarisation dans le même établissement (souvent de petite taille en milieu rural) et, surtout, dans la même classe jouerait un rôle très important dans le début des amitiés, être dans la même classe signifiant en effet passer beaucoup de temps ensemble. Le village, ou lieu d’habitation des collégiens entretenus serait également un lieu explicatif de la naissance des amitiés, leur donnant aussi la possibilité de passer du temps ensemble. La ruralité et le mode de vie qu’elle engendre favoriseraient donc la naissance et le développement des amitiés. La majorité des collégiens entretenus de classe de sixième, la totalité de ceux de classe de troisième et leurs amis se côtoieraient à la fois au collège et en dehors, ce temps complémentaire (à la scolarisation) passé ensemble renforcerait les liens et l’amitié, accroitrait leur complicité, rapprocherait encore ces amis. Enfin, entre la classe de sixième et celle de troisième, l’élargissement de la zone géographique sur laquelle évoluent les collégiens entretenus et les moyens de transport qu’ils utilisent pour se déplacer et rejoindre leurs amis se diversifient, témoignant de l’autonomie gagnée au cours des quatre années, en général, que constitue la scolarisation au collège.

Au-delà de ces fondements temporels et environnementaux des amitiés, les collégiens entretenus dévoilent la façon dont leurs amitiés se sont ébauchées puis développées, les collégiens de classe de troisième étant néanmoins plus bavards et éclairants que ceux de classe de sixième. Des processus sont alors dégagés pour commencer à faire connaissance : pour les collégiens de classe de sixième, il s’agit de se rencontrer, de se parler ou de jouer ensemble ; pour ceux de classe de troisième, il s’agit d’aller vers l’autre ou les autres, de parler et discuter, voire de rigoler ensemble. Donc, quant aux processus pour commencer à faire connaissance, avec l’âge, le jeu disparaît et l’idée de rigolade apparaît dans les propos des collégiens entretenus. Toutefois, selon les collégiens entretenus de classe de sixièmecomme ceux de classe de troisième, des conditions d’attitude et de comportement seraient à respecter pour que ces processus puissent se dérouler et que des amitiés puissent naître, telles que l’importance d’oser rester ou être soi, d’oser s’ouvrir aux autres ou la gentillesse que l’on peut manifester à l’égard des autres. Les collégiens de classe de sixième ajoutent également l’importance d’être respectueux des autres, sans méchanceté ni agressivité, et de proscrire la moquerie.

Concernant les raisons humaines, relationnelles et affectives des amitiés, deux éléments apparaissent essentiels dans le développement des amitiés des collégiens entretenus : les points communs, ou non, partagés avec leurs amis et, de façon plus minoritairement déclarée, la qualité des liens d’amitié et l’affection mutuelle. Parmi les points communs, d’abord, les collégiens entretenus déclarent avoir des centres d’intérêt, goûts et passions communs, tels que la pratique d’activités artistiques, culturelles ou de loisirs, la pratique de sports, apprécier, parler et discuter, rigoler voire délirer, partager une bonne entente et avoir des goûts communs (par exemple, le travail scolaire, l’habillement, des couleurs). Ensuite, les collégiens entretenus énoncent partager des traits de personnalité communs avec leurs amis, tel que notamment posséder le même humour. Également, des collégiens de classe de troisième entretenus, à Montreux-Château et à Vaubécourt, énoncent des éléments réflexifs qu’ils partageraient avec leurs amis, tels que les vies qu’ils mènent ou des appréhensions et valeurs communes, constitutifs d’un socle sur lequel reposerait une certaine façon de penser, d’agir et de vivre. Enfin, des collégiens entretenus soulignent le fait d’apprécier leurs amis malgré leurs différences et, éventuellement, malgré l’absence de points communs entre eux. Relativement à la qualité des liens d’amitié et l’affection mutuelle, quelques collégiens entretenus évoquent ce qu’ils vivent avec leurs amis, voire ce qu’ils ressentent pour ou avec leurs amis. Les termes de solidarité, d’entraide, de complicité sont ainsi prononcés pour qualifier la qualité des relations d’amitié entretenues. L’affection que ces collégiens déclarent porter à leurs amis relève de leurs émotions et sentiments.

Enfin, concernant les usages des outils de communication (et des réseaux sociaux) dans les amitiés, nous avons surtout retenu la possession ou non, par les collégiens entretenus, d’un téléphone portable personnel. Et même si la majorité d’entre eux (78,57 %) déclare en détenir un, des disparités existent entre Montreux-Château et Vaubécourt, entre les collégiens de classe de sixième et ceux de classe de troisième, entre les filles et les garçons. En effet, les collégiens de Montreux-Château plus que ceux de Vaubécourt, les collégiens de classe de troisième plus que ceux de classe de sixième ou les filles plus que les garçons en possèdent un. En outre, l’intérêt pour les réseaux sociaux et leur utilisation par les collégiens entretenus accroît avec l’âge. Toutefois, si ces derniers listent diverses activités effectuées sur leurs téléphones portables et sur les réseaux sociaux (comme rester en contact avec leurs amis, parler de tout et de rien, s’échanger des images et vidéos), ils indiquent utiliser surtout leurs téléphones et réseaux pour se donner rendez-vous et se voir dans le village ou ailleurs. Ils indiquent également se contacter après le temps passé au collège pour discuter des devoirs à faire et s’entraider à les faire, touchant ainsi à la composante intellectuelle et cognitive de l’expérience scolaire. Ces contacts et échanges permettent aux collégiens de s’adapter à l’institution et au travail scolaires, à leurs exigences (Ryan et al., 2012). En outre, au-delà de se rassurer, ces contacts et échanges participent à la construction des relations et amitiés entre pairs, permettant la satisfaction du besoin de proximité sociale, de soutien social (Tian et al., 2016 ; Wentzel, 2005), émotionnel et à l’autonomie (notamment Kindermann, 2016) et contribuant au bien-être, tant psychologique (Ryan et al., 2000 ; Véronneau et al., 2005 ; Ryff, 2014) que subjectif (Diener, 1984, 2000 ; Diener et Seligman, 2002 ; Tov et Diener, 2013), de ces collégiens.

Nous terminons ici la présentation des éléments issus de notre analyse thématique de contenu des entretiens, enrichie parfois de la poursuite de notre analyse des arbres d’amitiés réalisés par les 42 collégiens rencontrés. Nous en proposons à présent une conclusion et exposons quelques limites.

Conclusion et limites

Les analyses ainsi menées nous permettent de mieux saisir la façon dont, en milieu rural, les relations et amitiés se configurent et se construisent sur le territoire, au collège. Ces analyses nous permettent également de répondre à la question centrale posée par les collégiens-commanditaires, co-chercheurs, dans le cadre de cette recherche participative : « comment se forment les groupes d’amitié au collège, en milieu rural ? » La lecture des développements de ces analyses et des conclusions intermédiaires s’y rapportant constitue un ensemble de réponses à cette question. Ces développements nous donnent à voir la richesse des réponses obtenues, à chacun des thèmes abordés, de la part de l’ensemble des collégiens entretenus, nous permettant ainsi de toucher aux finesse et complexité des logiques d’action notamment — intégration, stratégie, subjectivation — de l’expérience scolaire (Dubet, 1994), pensées et mises en œuvre par ces collégiens, de façon plus ou moins intentionnelle, consciente. Si l’analyse thématique de contenu des entretiens effectués semble ainsi mettre en exergue des différences dans les discours des collégiens entretenus en fonction de leur collège de scolarisation (Montreux-Châteaux versus Vaubécourt), de leur âge (sixième versus troisième) et de leur sexe (filles versus garçons), elle ne le permet toutefois pas au regard de leur niveau de résultats scolaires (difficulté scolaire6versus réussite scolaire7) et de leur milieu social d’origine (favorisé versus défavorisé).

Des éléments saillants en fonction du lieu de scolarisation des collégiens entretenus, de leur âge et de leur sexe

Pour chacun des six thèmes constitutifs du guide d’entretien co-construit, nous choisissons ici de souligner les éléments forts issus de l’analyse thématique de contenu des entretiens effectués et de mettre en exergue les différences apparaissant dans les discours des collégiens entretenus en fonction de leur lieu de scolarisation (Montreux-Châteaux versus Vaubécourt), de leur âge (sixième versus troisième) et de leur sexe (filles versus garçons).

Témoignant des centres d’intérêt (pendant les temps libres) des collégiens entretenus, les activités libres, déclarées effectuées par ces collégiens au sein de leur établissement scolaire, se révèlent différentes en fonction de leurs lieu (Montreux-Château versus Vaubécourt) et niveau de scolarisation (classe de sixième versus classe de troisième) ainsi que de leur sexe (filles versus garçons). Ainsi, par exemple, les garçons, en classe de sixièmenotamment, sont plus nombreux que les filles, et les collégiens de classe de troisième sont plus nombreux que ceux de classe de sixième, à déclarer utiliser un téléphone portable, en cour de récréation, pour regarder des jeux, des vidéos, écouter de la musique, échanger et rigoler autour de ce téléphone et de ce qu’il émet. En outre, seuls les collégiens entretenus scolarisés à Montreux-Châteaux mentionnent effectuer du sport pendant leurs temps libres dans l’enceinte du collège, la présence de l’AS dans ce dernier pouvant expliquer cette différence quant aux pratiques sportives, sur les temps libres, des collégiens entretenus au sein des collèges à Montreux-Château et à Vaubécourt. En dehors de l’établissement scolaire, les collégiens entretenus déclarent effectuer diverses activités susceptibles d’être regroupées en cinq types : les activités de loisirs ; les activités sportives ; les activités de loisirs marquées de la ruralité ; les activités culturelles et artistiques ; les activités scolaires. Les déclarations des collégiens entretenus quant à leurs pratiques de ces types d’activités peuvent se révéler différentes en fonction de leur lieu de scolarisation (Montreux-Château versus Vaubécourt), de leur niveau de scolarisation (classe de sixième versus classe de troisième) ou de leur sexe (filles versus garçons). Par exemple, les collégiens en classe de sixième à Vaubécourt sont plus nombreux que ceux à Montreux-Château à déclarer effectuer des activités sportives en dehors du collège. De plus, si des collégiens en classe de sixième déclarent effectuer de telles activités avec des amis ou des membres de leur famille, ceux en classe de troisième indiquent être accompagnés exclusivement de leurs amis dans de telles activités. Concernant les activités de loisirs marquées de la ruralité, les collégiens à Vaubécourt sont plus nombreux que ceux à Montreux-Château, comme ceux en classe de sixième sont plus nombreux que ceux en classe de troisième, à déclarer effectuer de telles activités. Le territoire et l’âge des collégiens peuvent être deux pistes explicatives d’un tel constat. En effet, le territoire sur lequel se situe le collège de Vaubécourt, plus isolé et vaste que celui de Montreux-Château, est susceptible d’offrir une plus grande palette d’activités de ce type. En outre, le jeune âge des collégiens en classe de sixième, moins autonomes et autorisés (par leurs parents) que ceux en classe de troisième(ces derniers annoncent, par exemple, passer parfois leurs temps libres dans des villes proches), maintiendrait ces jeunes collégiens dans un espace proche de leurs lieux d’habitation, les amenant à s’adonner, lors de leurs temps libres, à de telles activités de loisirs marquées de la ruralité.

Concernant les activités extrascolaires déclarées pratiquées par les collégiens entretenus, les garçons sont plus nombreux que les filles à indiquer en effectuer. Mais ces activités se révèlent surtout territorialisées. D’une part, les collégiens entretenus de Montreux-Château sont bien plus nombreux que ceux de Vaubécourt à indiquer en pratiquer une ou plusieurs. D’autre part, les types de ces activités annoncées par les collégiens de classe de sixième et de troisième, sont sportives, culturelles ou civique à Montreux-Château, exclusivement sportives à Vaubécourt. Enfin, globalement, le nombre d’activités annoncées par les collégiens de classe de sixième et de troisième de Montreux-Château est supérieur à celui annoncé par ceux de Vaubécourt. Le territoire lui-même peut donc, également ici, être une piste explicative de tels constats. Effectivement, si le territoire de Vaubécourt, plus isolé et vaste que celui de Montreux-Château, est susceptible de proposer une offre restreinte d’activités extrascolaires et d’accueillir un nombre réduit d’enfants et d’adolescents pouvant les pratiquer, le territoire de Montreux-Château, relativement moins rural et plus proche d’autres villes ou villages que celui de Vaubécourt, est quant à lui susceptible de proposer des activités potentiellement intéressantes pour ses enfants et adolescents, plus nombreux par ailleurs.

Concernant la façon de se vêtir et de se coiffer, c’est surtout entre les collégiens entretenus en classe de sixième et ceux en classe de troisième que les différences, dans leurs propos, apparaissent les plus notables. Sur la période du collège, les élèves entretenus s’autonomisent ainsi vis-à-vis de leur famille, et notamment de leur mère, quant à leurs façons et décisions de se vêtir et se coiffer. Lorsque la question des marques de vêtement est abordée en entretien, elle l’est davantage, d’une part, par les collégiens de classe de troisième que par ceux de classe de sixième et, d’autre part, par les collégiens de Vaubécourt que par ceux de Montreux-Château. En outre, à Vaubécourt, que les collégiens soient en classe de sixième ou de troisième, émerge l’idée que porter des pièces de marque permettrait de se prémunir contre d’éventuelles moqueries de pairs sur la façon de s’habiller, témoignant du poids des possibles jugements des pairs sur l’expérience collégienne. Ce poids existe également concernant la coiffure et les cheveux des collégiens entretenus. Enfin, entre la classe de sixième et celle de troisième, les collégiens entretenus deviennent moins unanimes quant à leur façon de se vêtir et se coiffer, pareille ou différente de celle de leurs amis : alors que les collégiens de classe de sixième considèrent majoritairement s’habiller et se coiffer, malgré quelques différences, comme leurs amis, ceux de classe de troisième le considèrent moins. Cet élément nous permet ainsi de penser que, l’âge avançant, les collégiens entretenus considèrent, à la fois, l’importance voire la nécessité de leur appartenance à un ou des groupes de pairs et celles d’y être particularisé.

Concernant l’image de l’établissement que se sont construite les collégiens entretenus, celle-ci se révèle majoritairement positive. Les collégiens de classe de troisième sont néanmoins, d’une part, plus nombreux à le déclarer et, d’autre part, plus loquaces dans leurs explications d’une telle image positive que ceux de classe de sixième. Il semble ainsi que les collégiens développent, avec l’âge et le temps passé dans leur établissement, un certain attachement à l’égard du collège de leur scolarisation. Cette image positive est liée à la situation géographique et architecturale de leur établissement comme aux individus côtoyés dans celui-ci. La petite taille du collège offre ainsi la possibilité aux collégiens de connaître la plupart des élèves et adultes évoluant dans le collège. La qualité des relations vécues en son sein, avec leurs pairs comme avec le personnel enseignant et éducatif, participe également à leur élaboration d’une telle image positive.

Concernant la solitude et le fait d’être seul au collège, les collégiens entretenus déclarent à l’unanimité être avec leurs amis au collège et très rarement seuls. Une minorité d’entre eux (12) indiquent, toutefois, ensuite, qu’il peut, ou a pu, leur arriver d’être seuls. Les collégiens entretenus de classe de sixième sont plus nombreux que ceux de classe de troisièmeà penser que l’ennui est ce qu’un élève seul ressent. Quant à ce que les collégiens entretenus disent ressentir en voyant un élève seul au collège, ce sont plutôt les filles qui déclarent ressentir de la tristesse et de la peine. Mais alors, qui est susceptible de faire le premier pas et les suivants pour briser ces situations d’isolement et de solitude ? Plus de la moitié des collégiens entretenus déclarent que ce sont eux qui devraient faire ce ou ces pas. Les collégiens de Vaubécourt, ceux de classe de sixième et les filles sont toutefois plus nombreux et nombreuses à le déclarer que ceux de Montreux-Château, de classe de troisième et les garçons. Lorsque les raisons de ces isolement et solitude sont envisagées par les collégiens entretenus, trois principales émergent : la mise à l’écart, voire le rejet, touchant alors aux phénomènes de victimisation ou de harcèlement scolaires ; le fait qu’un élève seul puisse vouloir s’intégrer, mais ne pas oser le faire ; le fait qu’un élève seul puisse aimer l’être. Enfin, de notre analyse de ce thème (la solitude et le fait d’être seul au collège), nous soulignons l’exigence relationnelle à l’égard des élèves seuls, exprimée par des collégiens entretenus. Cette exigence porte sur d’une part, l’effort que les élèves seuls devraient fournir pour aller vers les autres et s’intégrer, malgré leur éventuelle timidité, peur ou le fait qu’ils n’oseraient pas et, d’autre part, leurs attitude et comportement, comme raisons possibles de leurs isolement et solitude.

Concernant les maintien et temporalité des amitiés, il apparait que c’est principalement au cours de la scolarisation, des activités pratiquées — au sein du collège et en dehors — et de l’enfance dans le village que l’on rencontre et fait connaissance avec ses amis. La scolarisation et le village semblent tout particulièrement offrir aux enfants et adolescents des environnements et du temps (important, conséquent) pour se rencontrer et se fréquenter, tels les fondements temporels et environnementaux de leurs amitiés. En outre, entre la classe de sixième et celle de troisième, les collégiens entretenus gagnent en autonomie, élargissant ainsi la zone géographique sur laquelle ils évoluent et diversifiant les moyens de transport utilisés pour se déplacer et rejoindre leurs amis. Sur la façon dont leurs amitiés se sont ébauchées puis développées, les collégiens entretenus de classe de troisième se révèlent plus bavards et éclairants que ceux de classe de sixième. Relativement aux processus pour commencer à faire connaissance, il s’agit pour les premiers d’aller vers l’autre ou les autres, de parler et discuter, voire de rigoler ensemble et, pour les seconds, de se rencontrer, de se parler ou de jouer ensemble. L’âge avançant, le jeu disparaît donc et l’idée de rigolade apparaît dans les propos des collégiens entretenus. Selon ces derniers, qu’ils soient en classe de sixième ou de troisième, des conditions d’attitude et de comportement seraient néanmoins à respecter pour que ces processus puissent se dérouler et des amitiés, naître. Les collégiens entretenus soulignent ainsi l’importance d’oser être ou rester soi, d’oser s’ouvrir aux autres ou la gentillesse à manifester à l’égard des autres, ceux de classe de sixième ajoutant en outre l’importance d’être respectueux des autres, sans méchanceté ni agressivité, et de s’interdire la moquerie. Au sujet des raisons humaines, relationnelles et affectives des amitiés, deux éléments apparaissent essentiels dans le développement des amitiés des collégiens entretenus. Le premier est relatif aux points communs partagés avec leurs amis, tels que les centres d’intérêt, goûts et passions, les traits de personnalité et, pour les collégiens de classe de troisième, les vies menées et les appréhensions et valeurs. Néanmoins, les collégiens entretenus soulignent aussi apprécier leurs amis malgré leurs différences et, éventuellement, l’absence de points communs entre eux. Le second élément, de façon bien plus minoritairement déclarée toutefois, est relatif à la qualité des liens d’amitié et l’affection mutuelle : les mots de solidarité, d’entraide, de complicité sont ainsi énoncés ; l’affection déclarée portée à leurs amis touchant à leurs émotions et sentiments. Enfin, en ce qui concerne les usages des outils de communication (et des réseaux sociaux) dans les amitiés, la majorité des collégiens entretenus déclare détenir un téléphone portable personnel. Toutefois, les collégiens le mentionnant sont plus nombreux à Montreux-Château qu’à Vaubécourt, en classe de troisième qu’en classe de sixième, s’ils sont des filles que des garçons. L’âge avançant des collégiens entretenus, leur intérêt pour les réseaux sociaux et leur utilisation augmentent. Au-delà des activités diverses déclarées effectuées sur leurs téléphones portables et sur les réseaux sociaux, les collégiens entretenus précisent utiliser particulièrement leurs téléphones et réseaux pour se donner rendez-vous et se voir dans le village ou ailleurs, mais également pour discuter des devoirs à faire et s’entraider à les faire. Ces contacts et échanges participent ainsi à leur adaptation à l’institution, au travail et aux exigences scolaires, comme à la construction de leurs relations et amitiés.

Nous achevons ici le soulignement des éléments saillants issus de l’analyse thématique des entretiens effectuée et la mise en exergue des différences poignant dans les discours des collégiens entretenus en fonction de leur lieu de scolarisation (Montreux-Châteaux versus Vaubécourt), de leur âge (sixième versus troisième) et de leur sexe (filles versus garçons). Examinons à présent les raisons que nous pensons explicatives d’une absence de résultats probants issue de l’analyse menée au regard du niveau de résultats scolaires (difficulté scolaire versus réussite scolaire) des collégiens entretenus et de leur milieu social d’origine (favorisé versus défavorisé).

Une absence d’éléments en fonction du niveau de résultats scolaires des collégiens entretenus et de leur milieu social d’origine

Sur ce constat, nous avançons quelques hypothèses d’explication. Premièrement, par le biais des désistements, absences et imprévus aux moments des passations, notre échantillon de population entretenu se trouve déséquilibré, comprenant alors un plus grand nombre d’élèves en réussite scolaire que d’élèves en difficulté. Par exemple, dans le collège de Vaubécourt, parmi les élèves de troisième, 9 se trouvent plutôt en réussite scolaire (LSU 3 et 4) et seulement 3 se trouvent plutôt en difficulté scolaire (LSU 1 et 2). Il en va de même en ce qui concerne l’origine sociale des collégiens entretenus : notre échantillon de population se trouve déséquilibré et comprend un plus grand nombre d’élèves issus de milieux sociaux favorisés que d’élèves issus de milieux sociaux défavorisés. Par exemple, dans le collège de Montreux-Château, sur les 19 collégiens entretenus, 15 se révèlent être issus de milieux sociaux favorisés et 4 de milieux sociaux défavorisés. Ainsi, sur le terrain, en fonction de ces désistements, absences et imprévus, si nous avons réussi à conserver un échantillon de population (relativement) équilibré au niveau du sexe (filles versus garçons) et de la classe (sixième versus troisième) des élèves entretenus, cela n’a pas été le cas en ce qui concerne des données sociodémographiques plus fines comme le niveau de résultats scolaires des élèves et le milieu social d’origine. Deuxièmement, du point de vue du niveau de résultats scolaires des collégiens entretenus comme de celui de leur origine sociale, notre échantillon de population pourrait ne pas être suffisamment contrasté. En effet, peut-être, aurions-nous dû, par exemple, choisir exclusivement des collégiens notés LSU 1 et LSU 4 et des élèves issus de milieux sociaux très favorisés et très défavorisés et, ainsi, ne pas choisir des élèves issus de milieux sociaux favorisés et moyens. Troisièmement, le nombre d’élèves de notre échantillon dans chacun des deux collèges est relativement faible (19 dans le collège de Montreux-Château versus 23 dans le collège de Vaubécourt) et ne permet donc pas de dépasser les deux hypothèses d’explication énoncées ci-avant. Quatrièmement, et enfin, les thèmes constitutifs du guide d’entretien co-construits, comme la consigne de l’arbre d’amitiés, abordent peu la composante intellectuelle et cognitive de l’expérience scolaire. Les questions d’apprentissage, de difficultés et facilités scolaires, de rapports à l’école, au savoir et aux enseignants ne sont pas, en effet, au cœur des entretiens. Or, il nous semble que c’est justement sur ces questions que le discours des collégiens serait le plus discriminant du point de vue de leur niveau de résultats scolaires. Les deux outils co-construits (le guide d’entretien et la consigne de l’arbre d’amitiés) témoignent tout de même des points d’intérêts des collégiens-commanditaires quant à la question des pairs au collège et il semble donc que, au regard du contenu de ces deux outils, cet intérêt ne soit pas tourné vers la composante intellectuelle et cognitive de l’expérience scolaire, mais vers celle affective et sociale de cette expérience.

Au-delà de ces analyses effectuées, une analyse complémentaire des données récoltées pourrait s’avérer nécessaire pour tenter de mieux saisir l’affectivité et les émotions en œuvre dans la scolarité au collège, en milieu rural, et dans les relations et amitiés qui s’y configurent et s’y construisent. Toutefois, il aurait été intéressant de recueillir, dans le cadre de cette recherche, des données permettant de saisir en quoi, selon les élèves eux-mêmes, les pairs et les relations entretenues avec eux interviennent dans la composante intellectuelle et cognitive de l’expérience scolaire des élèves lors de leur passage et de leur scolarité au collège. Ces données auraient ainsi pu nous permettre une meilleure compréhension de la place et du rôle des relations et des amitiés dans les activités cognitives d’apprentissage des élèves, relations et amitiés appréhendées en tant que force — ou non — pour apprendre.

  1. Autour des amitiés : où l’on se côtoie, ce que l’on partage, ou non
    1. Les centres d’intérêt (pendant le temps libre)
      1. Au sein du collège
      2. En dehors du collège
        1. Les activités de loisirs
          1. Les pratiques numériques
          2. Jouer, passer du temps avec les amis, la famille
          3. Les pratiques ludiques ou de détente
          4. Les pratiques de repos
        2. Les activités sportives
        3. Les activités de loisirs marquées de la ruralité
        4. Les activités culturelles et artistiques
        5. Les activités scolaires
      3. Conclusion sur le thème « Les centres d’intérêt (pendant les temps libres) » : éléments de résultats
    2. Les activités extrascolaires
    3. Se vêtir, se coiffer
      1. Le choix des vêtements
        1. Le choix et l’achat des vêtements en magasin
      2. Les critères de choix en magasin pour acheter
        1. Les critères de choix le matin pour s’habiller
        2. La question des marques de vêtement
      3. Le choix de sa coiffure
      4. Se vêtir et se coiffer pareillement ou différemment de ses amis
      5. Se faire, ou non, des remarques sur la façon dont on est habillé, coiffé
      6. Conclusion sur le thème « Se vêtir, se coiffer » : éléments de résultats
    4. L’image de l’établissement
      1. Conclusion sur le thème « L’image de l’établissement » : éléments de résultats
  2. Se lier, ou la façon dont les relations amicales se construisent
    1. La solitude, le fait d’être seul
      1. Les collégiens entretenus et leur solitude scolaire
        1. Les raisons et conditions de la solitude scolaire des collégiens entretenus
        2. Apprécier ou non la solitude scolaire
        3. Des solitudes scolaires passées
      2. La solitude d’autres élèves au collège
        1. Ce qu’un élève seul au collège doit ressentir
        2. Ce que les collégiens entretenus ressentent à propos d’un élève seul au collège
        3. Le premier pas… et les suivants : qui doit le(s) faire ?
          1. Aller parler aux élèves seuls au collège
          2. Aux élèves seuls d’aller vers les autres et de s’intégrer
        4. Les raisons de l’isolement et de la solitude d’élèves au collège
          1. La mise à l’écart, voire le rejet
          2. Un élève seul peut vouloir s’intégrer, mais ne pas oser
          3. Un élève seul peut aimer l’être
      3. Conclusion sur le thème « La solitude, le fait d’être seul » : éléments de résultats
    2. Les amitiés, leurs maintien et temporalité
      1. Les lieux et endroits où l’on se rencontre et fait connaissance
      2. Les fondements temporels et environnementaux des amitiés
        1. La scolarisation
        2. Le village
        3. Où voit-on le plus ses amis ? Quelles conséquences sur les liens d’amitié ?
      3. La façon dont les amitiés s’ébauchent puis se développent
      4. Les raisons humaines, relationnelles et affectives des amitiés
        1. Les points communs… ou non
          1. Deux réponses inattendues… et implacables
          2. Des centres d’intérêt, goûts et passions communs
          3. Des traits de personnalité communs
          4. Des vies similaires, des visions et valeurs de la vie et de ses évènements communes
          5. Mais, en commun, le fait de s’apprécier malgré les différences
        2. La qualité des liens d’amitié et l’affection mutuelle
      5. Les usages des outils de communication (et des réseaux sociaux) dans les amitiés
      6. Les devoirs au cœur de la composante intellectuelle et cognitive de l’expérience scolaire
      7. Conclusion sur le thème « Les amitiés, leurs maintien et temporalité » : éléments de résultats
  3. Conclusion et limites
    1. Des éléments saillants en fonction du lieu de scolarisation des collégiens entretenus, de leur âge et de leur sexe
    2. Une absence d’éléments en fonction du niveau de résultats scolaires des collégiens entretenus et de leur milieu social d’origine
  • 1Cette pratique est encore permise aux moments où se déroule la passation des entretiens auprès des collégiens de notre échantillon de population. Elle ne sera interdite que quelques mois plus tard, à l’été 2018, par la loi du 3 août 2018 portant sur l’interdiction des téléphones mobiles dans l’enceinte de l’école ou de l’établissement (Loi n° 2018-698 du 3 août 2018 relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037284333)
  • 2Rappelons que cette pratique, encore permise aux moments où se déroule la passation des entretiens auprès des collégiens de notre échantillon de population, sera interdite quelques mois plus tard, à l’été 2018, par la loi du 3 août 2018.
  • 3Notamment, consulter l’artice « Les enquêtes nationales de climat scolaire et de victimation » sur le site de l’Education nationale. Disponible sur : https://www.education.gouv.fr/les-enquetes-nationales-de-climat-scolaire-et-de-victimation-323459 [consulté le 18 avril 2024].
  • 4Pour rappel, au crayon papier, en petit, l’écriture est celle de Gaëlle. Il s’agit de notes de sa part (issues de la transcription de l’entretien de l’élève) effectuées lors de l’analyse des dessins.
  • 5Par exemple, consulter le rapport d’information n°43 de la Comission de la culture, de l’éducation et de la communication [9 oct. 2019], « Les nouveaux territoires de l’éducation ». Disponible sur : http://www.senat.fr/rap/r19-043/r19-0431.html [consulté le 18 avril 2024].
  • 6Niveaux 1 et 2 du livret scolaire unique (LSU).
  • 7Niveaux 3 et 4 du livret scolaire unique (LSU).