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Couverture de Éducation et formation aux pratiques inclusives (2024) Show/hide cover

L’enseignant inclusif : former un sujet interprète ?

Introduction

L’éducation inclusive est l’un des objectifs de développement durable inscrit à l’agenda 2030 de l’Unesco. Elle en constitue le quatrième objectif, sous l’intitulé « une éducation de qualité » :

L’inclusion est considérée comme un processus visant à tenir compte de la diversité des besoins de tous les apprenants et à y répondre par une participation croissante à l’apprentissage, aux cultures et aux collectivités, et à réduire l’exclusion qui se manifeste dans l’éducation. Elle suppose la transformation et la modification des contenus, des approches, des structures et des stratégies, avec une vision commune qui englobe tous les enfants de la tranche d’âge concernée, et la conviction qu’il est de la responsabilité du système éducatif général d’éduquer tous les enfants. [Unesco, 2015]

Invitant à une transformation globale des systèmes éducatifs à travers le monde, la mutation de l’éducation formelle scolaire n’en représente que l’un des axes au niveau mondial.

En France, la loi du 11 février 2005 avait pour ambition d’accueillir à l’école tous les élèves sans discrimination même si la notion d’inclusion n’était pas encore explicitement nommée. Plus récemment, les lois de 2013 et 20191 ont affiché clairement la volonté de transformer l’école de la République en une école pleinement inclusive.

La loi du 8 juillet 2013 fait apparaître le mot « inclusion ». L’article L. 111-1 du code de l’éducation est modifié, il s’augmente de la déclaration suivante :

Il [le système scolaire] reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement. Pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents (…) et se conforte par le dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative.

L’éducation se doit donc d’être de qualité inclusive — le prescrit est clair. Toutefois, comment évaluer la qualité inclusive de l’accueil scolaire et comment s’orienter dans les différentes possibilités d’organisation pédagogique, afin d’accueillir au mieux tous les élèves ?

Si un guide2 a bien été pensé à cet effet, il reste un outil méconnu des enseignants, et très marginalement utilisé, tout comme l’Index de l’inclusion, qui a pourtant été traduit en français (Booth et al, 2002). Nous pouvons nous étonner de la production si tardive — dans les documents du ministère de l’Éducation nationale — d’un outil de mise en œuvre et de réflexion de la démarche inclusive à l’échelle de l’école ou de l’établissement, outil tardivement mis en place au regard des lois de 2005, et de 2013. L’absence d’un outil de réflexion et d’élaboration largement accessible, portant sur la démarche inclusive, place les enseignants en position de simples exécuteurs d’orientations ministérielles prescriptives, souvent mal explicitées et peu accompagnées sur le terrain, ce qui a pour effet d’exacerber leur culpabilité et leur difficulté à s’approprier la démarche inclusive dans sa continuité. Pourtant, dans les situations pédagogiques et relationnelles complexes, vécues tout au cours du processus inclusif, la dimension réflexive ne saurait qu’y trouver toute sa place, une place cruciale : « L’ambition de l’école à devenir davantage inclusive conformément aux lois et circulaires, impliquerait de faire évoluer la capacité d’analyse des processus cognitifs et psychiques sollicités par les situations didactiques proposées » (Toullec-Théry, 2020, p 72).

Quelles sont les boussoles à disposition des enseignants, en matière inclusive ? Comment se repèrent-ils dans la mise en œuvre de cette démarche ? Comment s’orientent-ils entre la traditionnelle forme scolaire (Vincent, 2008) et les catégorisations neurobiologiques et médicales des difficultés scolaires, ceci les plaçant souvent dans une posture d’exécution des recommandations médicales ou paramédicales en ce qui concerne les élèves à besoins éducatifs particuliers (Kohout-Diaz, 2017) ?

Au vu des premiers résultats de notre recherche, nous faisons l’hypothèse que l’enjeu de la formation à la démarche inclusive, considérée comme continuum, passe par le soutien des questionnements de ces professionnels, plus particulièrement au sujet des objectifs de l’inclusion. Le positionnement des enseignants oscille d’un parti pris clinique officieux, à une aliénation mal vécue à la norme scolaire.

Nous présenterons dans un premier temps les soubassements de notre modèle théorique : les éléments concourant à la construction de la professionnalité enseignante et les façons dont la démarche inclusive peut se met en œuvre chez ces professionnels.

Nous soutenons que cette professionnalité se forge parfois de façon douloureuse, car elle doit prendre en compte plusieurs paramètres : la perception d’une forme de dévalorisation de la profession d’enseignant (Dubet, 2020 ; DEPP, 2021), l’injonction légale de l’inclusion scolaire dans laquelle les enseignants se sentent peu accompagnés, le pilotage disciplinaire centré sur la gestion d’un groupe classe, tel que cela est attendu par le supérieur hiérarchique immédiat des enseignants du premier degré, l’IEN3 (Marlot et Toullec-Théry, 2014).

Dans un deuxième temps, nous présenterons la recherche menée au sujet du positionnement des enseignants vis-à-vis du processus inclusif : comment s’approprient-ils cette notion, quelles sont leurs repères dans cette démarche ? Enfin, nous aborderons les enjeux du soutien à la réflexivité des enseignants face à la démarche inclusive, que ce soit en formation initiale, ou dans leur carrière professionnelle.

L’enseignant, un sujet interprète : quels enjeux ?

Subjectivités enseignantes et gestes professionnels

Les enseignants ont régulièrement le sentiment d’être peu pris en compte dans les décisions de gouvernement concernant les politiques éducatives, d’être peu valorisés dans les médias et dans la société, la majorité d’entre eux estime être assez mal payée, et n’envisage pas de faire ce métier jusqu’à la retraite. Nous observons une « dégradation généralisée du sentiment d’efficacité des enseignants » (DEPP, 2021, p. 14). Malgré cela, les enseignants du premier degré sont une majorité à aimer travailler dans leur établissement, à estimer faire des choses qui leur plaisent dans leur métier, et à se sentir utiles dans leurs missions (ibid). Ils sont en première ligne pour mettre en place les politiques éducatives aux multiples enjeux, tels que l’impact des inégalités sociales sur le parcours scolaire, le décrochage scolaire, l’égalité filles — garçons, le vivre ensemble, l’école inclusive, etc.

Dans leur classe, ils sont comptables de leur mise en œuvre pédagogique, mais celle-ci ne se fait pas simplement à partir de leur expérience de terrain, elle obéit à de nombreuses recommandations et prescriptions : les programmes, les instructions officielles, les lois et règlements de la fonction publique, les évaluations de leur travail par les IEN, les évaluations des acquisitions des élèves, mais également la diffusion dans la sphère éducative de certaines théories de la connaissance et de l’apprentissage. (Marlot et Toullec-Théry, 2014).

C’est dans cet environnement réglementaire et institutionnel que l’enseignant actuel doit faire face à des situations parfois difficiles — ce qui est le cas plus particulièrement dans la démarche inclusive, comme nous le verrons dans la présentation de la recherche.

Quel est le jugement porté par les enseignants sur leurs savoir-faire professionnels concernant le processus inclusif, leurs objectifs, leurs choix pédagogiques et leur façon de s’orienter dans cette démarche ? S’ils affirment se sentir solides dans le champ du maintien de la discipline (faire respecter les règles, énoncer les comportements attendus en classe), en revanche, ils sont nettement moins sûrs de leurs compétences lorsqu’il s’agit d’amener les élèves à s’investir dans le travail scolaire (gérer les comportements perturbateurs, motiver les élèves), ou de trouver des modalités d’enseignement alternatives (utiliser les ressources numériques, modifier les modalités d’évaluation, appliquer des méthodes pédagogiques différentes dans la classe) (DEPP, 2021).

Ce sont donc des professionnels très impliqués dans leur métier, mais peu assurés de leurs compétences qui ont en charge la mission délicate de la démarche inclusive, qui implique des réflexions au sujet de plusieurs éléments : la forme scolaire, le principe d’éducabilité (Suau, 2020) ou l’arrêt de la médicalisation systématique des difficultés scolaires. Ces professionnels sont en proie aux doutes et finalement désorientés dans leurs choix pédagogiques : ils « se sentent stressés, jamais vraiment à la hauteur, et le sentiment de crise professionnelle fait désormais partie de l’identité enseignante. » (Dubet, 2020, p. 16). La démarche inclusive reste dès lors une source de grandes difficultés pour la majorité des enseignants : « Force est toutefois d’observer que les enseignants disent éprouver des difficultés à adapter leurs pratiques aux particularités des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers » (Ebersold et Detraux, 2013, p. 103). Comment savoir si la demande scolaire, la distance relationnelle, le dispositif pédagogique qu’ils ont paramétré pour certains de leurs élèves et le groupe classe sont adaptés ? Comment se positionner face aux évaluations nationales dans le cas d’un élève bénéficiant d’un Projet personnalisé de Réussite éducative (PPRE) ? Plus largement, quel peut être leur rapport à la norme et à la normativité, lorsqu’ils accueillent des enfants qui, avant la loi de 2005, étaient pour partie scolarisés dans des structures en dehors de l’école ordinaire ?

Les enseignants actuels sont pris entre deux dynamiques antagonistes : entre, d’une part, la forte normalisation du système scolaire, et d’autre part, l’injonction légale que constitue l’inclusion scolaire. Entre, d’un côté, l’attente d’une standardisation des conduites des élèves (que ce soit au niveau de leur posture corporelle dans la classe, ou de la recherche d’une homogénéité dans les démarches d’apprentissages), et de l’autre côté, la souplesse nécessaire à l’accueil d’élèves qui s’accommodent parfois mal de la rigidité de la forme scolaire (Vincent, 2008). D’un côté, l’histoire et la culture d’une école qui privilégie la passivité et l’écoute du maître par les élèves comme canal d’apprentissage majoritaire, qui a la volonté de contrôler le mouvement des élèves par la mise en place de commandements codifiés, où le cadre scolaire est standardisé avec une organisation spatio-temporelle rigide, où le langage spontané est interdit et où la règle du silence est majoritaire ; une école où la codification de la tenue corporelle pour tous les moments de la journée est en vigueur (Perrenoud, 2017 ; Vincent, 2008 ; Gasparini, 1998)… Et d’un autre côté, des enseignants qui doivent mettre en œuvre l’école inclusive, ouverte à la plus grande diversification des publics scolaires, à l’accueil de tous les élèves, y compris ceux qui, avant la loi de 2005, étaient scolarisés dans des dispositifs qui ne relevaient pas du droit commun.

De ces deux logiques — l’une valorisant l’aspect disciplinaire et standardisé de l’enseignement, l’autre portant la valeur inclusive et l’accueil de tous et de chacun — issues de deux paradigmes différents, vont naître paradoxes et malentendus dans la démarche inclusive, ce qui ne va pas dans le sens d’une clarification de leurs objectifs pour les enseignants (Benoit, 2013).

Par ailleurs, un rapport de l’Inspection générale de 2013 portant sur l’évaluation des enseignants (Marlot et Toullec-Théry, 2014) mentionne qu’il existe cinq « attitudes stables » qui contribueraient à l’efficacité des enseignants. Les trois premiers critères, la gestion rigoureuse du temps de classe, la bonne alternance des activités, l’organisation structurée des groupes de travail mettent l’accent sur l’aspect organisationnel de la gestion d’un groupe classe. Viennent ensuite : l’absence de dogmatisme et de rigidité dans la représentation que l’enseignant se fait de ses élèves, et le fait qu’il construise son jugement sur des réalités plus que sur des stéréotypes, ces deux derniers critères mettant en jeu le rapport à la norme scolaire, enjoignant l’enseignant à prendre de la distance analytique et critique par rapport au risque de représentations stéréotypées des élèves. Notons l’absence étonnante de questionnement au sujet d’une adéquation entre les profils d’élèves et les dispositifs pédagogiques mis en place, et plus largement l’absence de questionnement au sujet de l’orientation de la démarche pédagogique. Les critères d’évaluation des IEN sont pourtant parmi les facteurs les plus importants influençant la démarche professionnelle des enseignants ; au vu de ces critères, nous pouvons donc nous interroger ici sur le fait qu’ils pourraient valoriser un pilotage par la tâche, passant sous silence les enjeux de l’enseignement, le risque étant qu’avec les élèves en difficulté, les transactions didactiques attendues ne soient remplacées par des simulacres — la finalité des interactions étant la production d’un format stéréotypé, et non la mise en réflexion de l’élève (Marlot et Toullec-Théry, 2014).

Les enseignants, en tant que fonctionnaires d’État, sont tenus d’appliquer les directives ministérielles, mais c’est in fine au travers de leur propre subjectivité qu’ils interprètent et mettent en place, dans leur classe, les dispositifs pédagogiques, la dynamique relationnelle et la forme disciplinaire. Cette façon très singulière d’habiter sa fonction se traduit dans les différentes postures pédagogiques : posture de contrôle, de contre-étayage, d’accompagnement, d’enseignement, de lâcher-prise, de magicien (Bucheton et Soulé, 2009). Et si l’organisation de leur travail d’enseignement et des situations d’apprentissage se fait en théorie à partir d’une analyse épistémique de la dynamique du groupe classe et de la singularité des élèves qui le composent, les réalités ne sont pas aussi simples. Les enseignants ont-ils en face d’eux des sujets épistémiques, évoluant de façon homogène dans leurs processus de développement, sans qu’aucune part singulière ne soit à prendre en compte ? Sont-ils dégagés de toute conceptualisation d’arrière-plan, concernant le métier d’enseignant, la représentation qu’ils se font des mécanismes d’apprentissage, de leurs buts et objectifs professionnels (Bucheton et Soulé, 2009) ? Ont-ils toute latitude pour interpréter les besoins et les nécessités de leurs élèves, et mettre en œuvre le principe d’accessibilité pédagogique ? En effet, l’enseignant prenant en charge la dimension inclusive de l’enseignement, ne se doit-il pas de pouvoir non seulement gérer un groupe classe, être garant de la transmission du programme, mais également d’agir en praticien réflexif ? :

C’est ainsi que pour analyser ce qui se joue dans une pratique pédagogique, il n’est jamais inutile, par exemple, d’avoir certaines notions à propos : du transfert, du narcissisme, des mécanismes de défense, de l’inconscient psychanalytique, de l’inconscient pratique, des routines qui nous font agir sans y penser, du travail et de l’intelligence au travail, du pouvoir dans les organisations, de la dimension stratégique de l’action, des paradigmes familiaux, de la socialisation qui en découle…[Perrenoud, 2004, p. 49 dans Schneuwly, 2015, p. 33]

Interpréter, vraiment ?

Cette capacité à produire un diagnostic pédagogique et à mettre en place les dispositifs pédagogiques adaptés est constitutive de l’identité professionnelle de l’enseignant (Benoit, 2013), mais elle est entravée par l’importance du discours médical dans le champ pédagogique : les difficultés des élèves sont perçues comme relevant de réponses techniques et fondées scientifiquement, ceci renvoyant aux professeurs des écoles leur incompétence à traiter cette difficulté, qui serait indépendante de tout ce qui pourrait se passer dans la classe (Savournin, 2016 ; Kohout-Diaz, 2017).

Et si les réponses à l’accompagnement et l’accessibilisation des savoirs sont pressenties comme techniques par les professeurs, cela provient de la présence de deux éléments clefs dans le discours de l’école : la notion de trouble et celle de besoins éducatifs particuliers. Depuis la déclaration de Salamanque (Unesco, 1994), la détermination des Besoins éducatifs particuliers (BEP) est considérée comme le levier principal de la mise en œuvre de l’éducation inclusive. Or, trahissant l’intention première du concept, l’évaluation des besoins relève toujours de la compétence neuro-médicale, et assez peu l’affaire du pédagogue : des préconisations standard sont faites en fonction de la catégorie du trouble, qui vont s’appliquer à tous les élèves portant le même handicap et/ou trouble. Dans le trouble, ce sont les invariants qui le caractérisent qui auraient vocation à déterminer la nature des besoins et le choix des mesures adaptées (Benoit, 2013), la singularité de chaque élève est peu prise en compte a priori.

Dans la mise en place d’un Plan d’accompagnement personnalisé (PAP), qui concerne les élèves ayant des « troubles spécifiques des apprentissages » (TSA), nous voyons combien cette agrégation des BEP et du trouble est manifeste : c’est bien le médecin scolaire qui est garant de ce PAP, et non le pédagogue, et un certain nombre de mesures standardisées sont préconisées au pédagogue par le champ médical. Dans tout ce processus, il est attendu que les pédagogues subordonnent leurs pratiques au discours médical.

Nombreux sont les chercheurs qui remettent en question la pertinence de l’étayage neuro- médical de l’évaluation BEP dans la mise en œuvre de la démarche inclusive. En effet, la focalisation des besoins sur la question du trouble renvoie à la notion de déficience et d’incapacité, qui sont loin du paradigme inclusif. L’évaluation des besoins contribuerait au « dualisme scolaire », qui aurait pour conséquence l’attribution aux élèves d’identités relatives à leur scolarisabilité (Benoit, 2013).

Il est légitime de s’interroger dès lors sur la démarche qui consiste à désigner au préalable des groupes comme vulnérables et donc candidats a priori à l’inclusion, pour articuler cette louable démarche préventive à la fin de toute discrimination, dans un double mouvement tout à fait paradoxal. Cette catégorisation à forte valeur prédictive a pour effet de réduire le sujet à un objet à rééduquer, à aider, à compenser, sans lui donner la possibilité d’une parole le constituant en tant que sujet. La catégorisation implique en soi la discrimination, car il s’agit d’une activité de tri et de différenciation. Là encore, nous sommes loin de l’accueil de tous (Kohout-Diaz, 2018). Être catégorisé élève « à BEP » n’est pas sans effet sur les sujets : appartenir à cette catégorie identifie les personnes en situation de handicap à leur handicap ou à leur différence, leur stigmate. Inclure implique aussi de permettre d’exister aux personnes en situation de handicap, et cela demande de reconnaître leurs désirs, l’existence d’une personne ne pouvant se résumer à combler des besoins (Gardou, 2012). N’y a-t-il pas un paradoxe à ce que le principe de l’inclusion, c’est-à-dire l’inscription de tous dans le lien social, conduise à renforcer l’isolement des individus du fait de leurs particularités (Savournin, 2016) ?Les enseignants sont de fait très fortement contraints dans leur façon d’accueillir les élèves, et ils sont pris entre deux discours qui traversent l’école : celui de l’institution scolaire, porteur historiquement d’une forte normalisation des fonctionnements pédagogiques au service de la forme scolaire classique (Vincent, 2008) et également d’une très forte normalisation des conduites, et celui du discours médical, qui viendrait dire la vérité sur le fonctionnement subjectif des élèves, qui tend à déposséder les enseignants de toute réflexion analytique, les inhibant dans les initiatives qu’ils pourraient prendre dans leur propre champ de compétence. Quelle est donc la possibilité d’interprétation des enseignants lorsqu’ils sont pris entre ces deux discours ? L’articulation des catégories nosographiques médicales au travail pédagogique des enseignants ne va pas de soi pour les pédagogues sans qu’ils osent (se) l’avouer : la définition concrète de BEP étant indexée sur des troubles, et les professeurs des écoles maîtrisant mal la nosographie de ces troubles, ils ne voient pas comment utiliser ces catégories pour adapter et différencier leurs approches pédagogiques. Ils se sentent bien souvent dépossédés de tout savoir, se percevant comme de simples exécutants d’un programme éducatif externalisé et qui consiste en la mise en place d’une adaptation en fonction du trouble (Kohout-Diaz, 2017). Ainsi :

Le véritable enjeu de la médicalisation actuelle des difficultés d’apprentissage n’est pas tant la mise au point d’un traitement efficace de l’échec scolaire qu’un double transfert de la légitimité pédagogique. Tout d’abord des sciences humaines et sociales vers les sciences expérimentales. Ensuite, des métiers de l’enseignement vers les professionnels du soin. [Morel, 2014, p 201]

Dès lors, qui oriente les enseignants, en matière inclusive ? L’enquête de terrain réalisée va permettre d’avancer sur cette question.

Une enquête de terrain : les mots du processus inclusif

La première partie de la recherche encore en cours s’est déroulée dans une école de la métropole bordelaise, accueillant une population socialement mixte, avec des familles migrantes et d’autres en situation de décrochage social. Cette zone n’est pas classée en Réseau d’éducation prioritaire (REP) à cause de la présence dans le secteur d’une école très favorisée. Nous disposons de réponses à un questionnaire, de verbatim d’un focus group et de données recueillies au cours d’une observation participante, conservées dans un cahier de terrain. Au cours de cette enquête de terrain, il a été recherché le niveau de familiarité des professeurs des écoles avec le terme inclusion, et la façon dont ils perçoivent, en ce qui concerne leurs pratiques, cette nouvelle orientation du système scolaire français. Que recouvre le mot, quels élèves sont concernés par cette catégorie, comment les enseignants organisent-ils leurs pratiques professionnelles à partir de la démarche inclusive ?

Cette recherche a été mise en œuvre par périodes successives, avec un recours à différents outils de recherche. Un questionnaire d’une vingtaine d’items a été proposé aux enseignants de décembre 2020 à mars 2021, un focus group a été organisé en mai 2021 autour de la familiarité des professeurs du premier degré avec le terme inclusion. Des observations dans les classes ont été menées depuis le début de la recherche en décembre 2020. Ces observations portent sur plusieurs éléments : l’aménagement spatial de la classe, la possibilité de circulation laissée aux élèves, leur possibilité d’expression verbale, les éléments du discours des enseignants relevant d’un rappel à la norme (tenue corporelle, comportement attendu, méthodologie de travail, etc.). De plus, toujours sur le même terrain, une observation participante longitudinale est également en cours, avec une focalisation sur le lien fait par les enseignants entre les difficultés scolaires et les manifestations corporelles des élèves. Un cahier de terrain rassemble les matériaux recueillis lors des moments de la vie institutionnelle (équipes éducatives, conseils de cycles, concertations), mais également des moments plus informels que constituent les repas pris en commun et les moments de pause comme la récréation. Le terrain d’enquête étant l’un des lieux de travail de l’un des chercheurs, l’enjeu d’une objectivation méthodologique est important. Il s’agit de rendre « étranger à nous-même » (Filiod, 2007) le quotidien d’un établissement scolaire pour en faire une étude et une analyse distanciées. La proximité du chercheur avec son terrain et sa fonction peut en effet induire des mouvements projectifs, et générer un certain type de discours chez l’enseignant enquêté, car il peut percevoir le chercheur comme ayant un savoir supplémentaire, et cela peut orienter ses actions ou discours pour se rapprocher au plus près de cette connaissance supposée : « Dès qu’il y a quelque part le sujet supposé savoir […], il y a transfert4 » (Lacan, 1973, p 210). Transposé dans le cadre d’une recherche, le transfert peut constituer l’un des biais de recherche en orientant les attitudes et le discours des enquêtés. Il ne faut pas perdre de vue que le chercheur est lui aussi un parlant parmi d’autres, et il faut qu’il prenne en compte la façon dont il a été « pris » dans le discours des enquêtés. Il va en faire une « reprise » théorique qui devra tenir compte de cette « prise » initiale (Favret-Saada, 1977). Ainsi, tout le matériel recueilli auprès des enseignants et des divers interlocuteurs fréquentant le milieu scolaire devra être analysé en tenant compte de ce paramètre. L’usage de questionnaires, protocoles d’observation et tenue d’un cahier de recherche vise à faire tiers, et à faire surgir nouveauté et étonnement chez le chercheur, l’enjeu de la recherche étant de découvrir les mécanismes à l’œuvre dans le processus inclusif.

Résultats et discussion : comment les enseignants font-ils avec l’incertitude du processus inclusif ?

Dans les résultats du questionnaire — auquel ont répondu 45 professeurs des écoles du premier degré — les raisons qui conduisent les enseignants à parler d’inclusion à propos de certains élèves sont très variées : pour 20 %, l’élève en situation d’inclusion est un élève handicapé, pour 20 %, il a un diagnostic de « dys », pour 16 %, il souffre de problématiques sociales, pour 12 %, il est en retard par rapport aux apprentissages, pour 12 %, il est un élève perturbateur, pour 8 %, il travaille lentement. 80 % des professeurs estiment que les démarches qu’ils ont mises en œuvre dans la classe pour l’inclusion d’un ou plusieurs élèves ont abouti à une inclusion « réussie » ; 20 % estiment que leurs démarches ont échoué. Les enseignants souhaitent être soutenus et aidés au quotidien dans la démarche inclusive, et ces demandes d’aide vont essentiellement dans 3 directions : la dimension psychologique, la dimension pédagogique, la dimension familiale, avec le recours aux parents pour mieux cerner l’élève. Enfin, le mot inclusion n’est jamais utilisé spontanément par les enseignants, ils utilisent plus volontiers l’expression « en difficulté scolaire ». Lors du focus group, les questions suivantes sont apparues : qu’est-ce qu’inclure ? Qui est concerné par l’inclusion ? Quels outils professionnels peut-on utiliser pour faire vivre cette démarche ?

Quelles observations peut-on faire au sujet des données de terrain, en particulier au sujet de ce qui va orienter les enseignants dans la démarche inclusive ? Remarquons tout d’abord que le profil de l’élève dit « en inclusion » est hétérogène, flou — cela nous semble esquisser en creux le profil de l’élève-type qui ne serait pas scolarisé au titre de l’inclusion, l’élève correspondant à la norme scolaire, qui peut soutenir la posture du métier d’élève (Perrenoud, 2017) : il n’a pas de décalage dans son niveau scolaire, il ne travaille pas lentement, il ne perturbe pas la classe, et il ne vit pas de difficulté sociale, économique ou culturelle. Nous voyons là la traduction d’une norme scolaire qui porte tant sur les résultats scolaires que sur l’attitude de l’élève dans la classe ; la situation inclusive en est l’envers.

Les enseignants satisfaits de leurs démarches au service de l’inclusion font valoir : la bonne affiliation à la classe des élèves inclus, leur sentiment de non-exclusion, leur bien-être dans la classe, leur évolution positive par rapport à eux-mêmes, et non en référence à une norme d’apprentissage. Ces arguments sont en lien avec le bien-être de l’élève et non la seule focalisation sur ses performances scolaires, c’est donc à partir d’éléments du registre clinique, à mettre en lien avec la prise en compte de la subjectivité et du bien-être de l’élève à l’école, que ces enseignants s’orientent dans la démarche inclusive. Cette donnée est une donnée très significative de notre travail de recherche. La dimensionclinique dans la démarche de l’enseignant peut se définir comme suit : « Être clinicien, c’est être un praticien qui mène une réflexion sur son action, qui rencontre l’autre, construit sa décision et sa connaissance en interaction avec cet autre, ne se défend pas de sa souffrance, mais l’entend » (Cifali, 2002, p. 7). A contrario, ceux ayant le sentiment d’avoir échoué dans cette démarche font valoir d’autres arguments : en ce qui les concerne en tant qu’enseignant, un manque de temps, un sentiment d’impuissance, un déficit de formation ; et concernant la conduite de la classe, l’impression que l’inclusion de certains va pénaliser le reste du groupe classe. Ces arguments sont avancés en référence à une norme tant du point de vue du comportement que des résultats de l’élève. Nous voyons que dans cette recherche, les élèves susceptibles d’être perçus comme « en situation d’inclusion » par les enseignants viennent d’horizons très variés, et n’appartiennent pas tous à la catégorie du handicap, ni ne souffrent d’un trouble quelconque.

Majoritairement, la boussole souhaitée par les enseignants n’appartient pas au champ médical, c’est plus vers une dimension interprétative et analytique de type clinique qu’ils se tournent pour orienter leur démarche pédagogique. Cette dimension que nous appelons clinique se situe dans le registre del’appréciation de la situation par l’enseignant, loin des protocoles et desprocédures standardisées, en tentant de se situer au plus près des enjeux de sa rencontre subjective avec l’élève.

Un clinicien est celui qui accepte d’œuvrer dans l’incertitude, de prendre ses décisions dans des situations souvent paradoxales en tenant compte de l’ensemble des partenaires concernés. Que faire des sentiments dans un métier ? Comment œuvrer avec les passions négatives ? Comment agir humainement dans des milieux qui tendent à se déshumaniser ? Comment maintenir un souci de l’autre aux prises avec des normes qui risquent de l’exclure ? [Cifali, 2002, p. 8]

Les enseignants « déboussolés » par l’inclusion scolaire (ceux ayant l’impression d’avoir échoué à inclure) font référence au niveau scolaire supposé que devrait atteindre la classe, avec l’impression que des élèves qui se conforment moins aux attentes de l’école feraient perdre du temps au groupe classe. Se confondent ici plusieurs représentations qu’il est nécessaire d’interroger : le métier d’enseignant, les mécanismes d’apprentissage, l’élève idéal, la démarche inclusive.

Former et informer : clarifier les enjeux de l’inclusion auprès des enseignants

À travers ces réponses, nous pouvons toucher du doigt les paradoxes entourant la notion d’inclusion scolaire, telle qu’elle est perçue par les enseignants. D’un côté, la démarche inclusive est entendue par la majorité dans sa dimension clinique d’accueil du sujet dans sa singularité, même si cette démarche ne peut être explicitée, mais d’un autre côté, une partie d’entre eux font toujours référence à une norme de comportement et de résultats scolaires attendus à l’école, la difficulté professionnelle confinant parfois à la douleur de devoir affronter des situations pour lesquelles ils déplorent n’avoir aucune clef.

En effet, la perspective inclusive peut être associée à deux évolutions professionnelles qui repositionnent l’analyse sur un plan clinique : la question de la bien portance des apprenants, et la fonction de contenance de l’école (Barry, 2014). La démarche inclusive peut également se rapprocher d’une démarche de « prévenance » (Afgoustidis et Fernandez, 2007) c’est-à-dire d’une démarche qui ne serait pas en lien avec une norme de comportement ou de compétence attendue — ce qui serait du côté d’une « attente anxieuse » (Barry, 2014) — mais d’une démarche allant vers une ouverture aux possibles et appelant la créativité. La « prévenance » serait caractérisée par le fait de « rendre possible de », et non pas seulement d’éviter, ce qui pourrait distinguer la « prévenance » de la « prévention » au sens classique (OMS, 19485).

Prendre en compte la parole des enseignants pour les aider à inventer une démarche inclusive créative

L’abord technique de la démarche inclusive, telle qu’elle apparaît dans l’agrégation des besoins particuliers au trouble, permet difficilement aux professionnels de l’enseignement d’exprimer leur interprétation de la situation et leur créativité professionnelle. Cette approche vient mettre à mal l’identité professionnelle des enseignants, en subordonnant leurs pratiques à des prescriptions médicales.

De même, cet abord technique aura un impact important auprès des élèves porteurs d’une notification de la Maison départementale de la personne handicapée (MDPH), ou d’un PAP. S’ils ne sont appréhendés qu’en tant que porteurs de besoins, les réponses pédagogiques seront plus volontiers techniques, car elles ne s’appuieront pas sur la singularité6 de l’élève. Les invariants nosographiques du trouble donneront le plus souvent lieu à des réponses standardisées définies en fonction d’une catégorie exogène que sur la situation propre et spécifique de l’élève. C’est donc la part singulière, celle de l’enseignant, comme celle de l’élève qui sont ici mises à mal. Le risque étant du côté de l’élève, une disparition symbolique de sa place de sujet dans la classe, cette subjectivité étant ravalée à ses particularités, auxquelles des réponses techniques (répondant à des recommandations médicales standards) seraient apportées :

Le risque d’exil à l’intérieur est réel […] la prévention des exclusions scolaires concerne ici le risque d’un effacement symbolique du sujet, au sein du lieu scolaire, ou le risque de sa contraposée, à savoir une visibilité́ marginalisant de l’élève porteur de stigmates. En d’autres termes, être inclus ne se résume pas à ne pas être exclu. L’exclusion est une notion qui ne peut suffire à caractériser l’antonyme de l’inclusion. [Barry, 2014, p. 60]

Pour les enseignants, être placés face à des élèves dont l’accueil passerait par l’application de protocoles standardisés, les appellerait à des réponses « techno-didactiques » (Imbert, 2000, p. 35). Or, dans ces réponses, la place de leur implication, de leur désir d’enseigner, de leur savoir-faire n’est pour le moins pas portée au premier plan. Les aléas et l’incertitude de la rencontre avec des enfants dans le collectif de la classe, de leur accueil, sont mal pris en charge par l’institution scolaire, et bien souvent les difficultés dans la démarche inclusive sont vécues comme des échecs irrémédiables, alors qu’au contraire l’enseignant « doit apprendre à faire avec l’imprévisible » (Weber et Voynova, 2021, p. 11). La démarche inclusive vient bousculer, voire déboussoler nombre d’enseignants dans leurs savoir-faire professionnels, sans soutien de l’institution, la possibilité de l’installation d’un profond malaise étant dès lors importante : « Malgré les valeurs humanistes auxquelles on peut l’associer, l’école inclusive accroit les risques de fragilisation des enfants et adultes qui la fréquentent, de par la complexité des relations pédagogiques qu’elle introduit. » (Barry, 2014, p. 65). Des lieux d’écoute, de parole et de verbalisation de la difficulté, de l’insupportable, de l’angoissant, etc., sont nécessaires aux enseignants : « Un métier privé des ressources vitales du travail collectif interpersonnel sans répondant trans-personnel peut dégénérer en un face-à-face ravageur entre un exercice personnel solitaire et des injonctions impersonnelles factices » (Clot, 2008, p. 260, cité dans Guirimand et Mazereau, 2016, p. 56).

Implications de recherche : le singulier de l’universel inclusif

La démarche inclusive appelle à accueillir tous les élèves dans le giron du système scolaire global et ouvert à la diversité, mais comment inclure sans mettre en place un chapelet de dispositifs spécifiques répondant à chacune des particularités des élèves ? Comment combiner singularité et inscription dans le collectif comme invite à le faire l’Unesco ? « Tous les enfants devraient apprendre dans le cadre d’un même programme d’études flexible, pertinent et accessible, qui reconnait la diversité et répond aux besoins des différents apprenants. » (Unesco, 2015, p 26). Les enjeux sont importants pour tous les élèves concernés, le défi étant de ne pas banaliser les altérations psychiques ou physiques de certains, ainsi que leurs conséquences dans la réalité, car cela reviendrait à créer des citoyens invisibles (Garel, 2010). Si les repères utilisés par les enseignants dans la démarche inclusive ne relèvent pas de la dimension médicale, mais davantage du registre clinique, le jugement qu’ils portent sur leurs actions renvoie à la question de l’incertitude. Le processus inclusif reste inconfortable, voire douloureux, pour ceux ayant l’impression d’échouer à le mettre en place. Deux grands registres de référence émergent pour les enseignants : l’un plutôt clinique, l’autre plutôt disciplinaire. Quelle est la valence de ces deux dimensions l’une par rapport à l’autre ? Ces deux axes gagneraient à être explorés de façon plus approfondie : d’un côté, quelles sont plus précisément ces préoccupations d’ordre clinique, quelles traductions pourraient-elles avoir dans les pratiques professionnelles si elles étaient soutenues, par des dispositifs d’analyse de pratique systématisés par exemple ? D’un autre côté, la dimension disciplinaire, à entendre à la fois comme la poursuite du programme, et comme maintien d’une discipline du corps et du comportement attendu à l’école : comment cet accrochage à l’universel peut-il se mettre en place avec la dimension d’accueil de la singularité qu’appelle la démarche inclusive ?

Remarques conclusives

Nous avons montré en quoi les enseignants, s’ils sont volontiers orientés par l’idéal d’accueil de tous les élèves, et donc concernés par le processus inclusif, sont en réalité largement en proie au doute quant aux démarches à mobiliser pour mener à bien leur mission inclusive. Le discours médical, associé à la démarche inclusive via les BEP, n’est pas une boussole efficace pour les enseignants (Kohout-Diaz, 2017), plus enclins à s’intéresser à l’accueil de chaque élève singulier, dans une démarche d’orientation plutôt clinique, analytique et interprétative.

Ce sont donc des professionnels certes impliqués, mais aussi désorientés dans leurs choix pédagogiques, doutant de leurs compétences (Dubet, 2020) et en difficulté pour mener à bien la démarche inclusive (Ebersold et Detraux, 2013) que notre enquête découvre à l’œuvre. Si l’incertitude est inhérente à la rencontre avec l’altérité surgissant de l’accueil de tous dans un esprit inclusif, cette incertitude fertile, qui permet la mise en œuvre d’une démarche réflexive (Guirimand et Mazereau, 2016), est ici recouverte par une incertitude confinant à une douloureuse insécurité professionnelle (Dubet, 2020).

Dans ces conditions, la tentation du rempli sur la normativité et le déni de la singularité peuvent être interrogés comme un mouvement défensif chez les enseignants. L’enjeu serait ici de passer d’une forme d’insécurité professionnelle, à une incertitude fertile, ouvrant sur un questionnement des pratiques. À quelle condition est-ce possible ? Dans l’enquête exposée dans cet article, il nous semblerait intéressant d’explorer ce passage de l’insécurité à une incertitude féconde qui ouvrirait sur un questionnement des pratiques pédagogiques. Quelles sont les préoccupations d’ordre clinique évoquées par les enseignants, quelles traductions pourraient-elles avoir dans les pratiques professionnelles si elles étaient soutenues par des dispositifs réflexifs systématisés ?

  • 1 Loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013 et Loi du 26 juillet 2019 pour une École de la confiance.
  • 2 Le guide « Qualinclus » (ministère de l’Éducation nationale, 2020).
  • 3 Inspecteur de l’Éducation nationale.
  • 4 La notion de transfert désigne dans la cure analytique « le processus par lequel les désirs inconscients s’actualisent sur certains objets dans le cadre d’un certain type de relation établi avec eux et éminemment dans le cadre de la relation analytique. Il s’agit là d’une répétition de prototypes infantiles vécue avec un sentiment d’actualité marqué. » (Laplanche Jean et Pontalis Jean-Bertrand, 1984, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF,p 492).
  • 5En 1948, l’OMS donne une définition de la prévention de la santé comme « l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps ». Elle distingue alors trois niveaux de prévention : primaire, secondaire et tertiaire, en rattachant chacun d’eux à des états successifs de la maladie.
  • 6Singularité : Le mot « singularité » est entendu ici comme ce qui va résister à toute catégorisation, ce qui est irréductiblement unique (Hayat Samuel, Lyon-Caen Judith et Tarragoni Federico, 2018, « La singularité », Tracés. Revue de Sciences humaines, [34], pp. 7-21).