Les cités éducatives s’inscrivent dans un programme national (2019). Elles ont pour mission de mobiliser tous les acteurs de la communauté éducative : État, collectivités locales, parents, associations, intervenants du périscolaire, travailleurs sociaux, écoles et collèges…, en lien avec l’école, afin d’améliorer les conditions d’éducation dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) : « L’ambition des Cités éducatives n’est pas d’être un dispositif de plus, mais de mieux coordonner les dispositifs existants et d’innover pour aller plus loin »1.
Il s’agit de fédérer les acteurs de l’éducation scolaire, périscolaire et extrascolaire « dans les territoires qui en ont le plus besoin et où seront concentrés les moyens publics ». Les Cités éducatives se situent dans les grands quartiers d’habitat social qui présentent des dysfonctionnements urbains importants et des enjeux de mixité scolaire. Les territoires sélectionnés doivent pouvoir répondre à trois objectifs principaux : conforter le rôle de l’école, organiser la continuité éducative et élargir le champ des possibles « en multipliant les opportunités d’ouverture et de mobilité sur le monde extérieur ». Les actions menées et les moyens mis en œuvre visent les prises en charge éducatives des enfants depuis la petite enfance (3 ans) et des jeunes jusqu’à l’insertion professionnelle (25 ans). Les cités éducatives se situent au carrefour des politiques éducatives et des politiques de la ville en associant les questions scolaires aux questions territoriales.
La notion d’inclusion a su s’émanciper de sa définition première liée à la déficience et au trouble d’apprentissage en milieu ordinaire. Elle désigne pour Ebersold (2009) « l’exigence faite au système éducatif d’assurer la réussite scolaire et l’inscription sociale de tout élève indépendamment de ses caractéristiques individuelles et sociales » (p. 79). Pour ce chercheur, il y a là un glissement de perspective qui « associe l’éducation et la formation à un vecteur de protection sociale conférant aux élèves les formes de capital essentielles à la condition de sujet, au bien-être personnel ainsi qu’à la protection contre les vicissitudes de la vie » (p. 73).
La Cité éducative, en mobilisant l’ensemble de l’espace éducatif, s’adresse à tous les enfants et jeunes d’un même territoire ; elle vise à mettre en synergie les actions menées par les partenaires locaux (institutionnels et associatifs) de la communauté éducative. Elle est ainsi porteuse d’une dimension inclusive au sens d’Ebersold. Plusieurs questions peuvent alors se poser. Le programme Cité éducative et les dispositifs mis en place localement peuvent-ils être considérés comme des moyens de compensation et/ou d’accessibilité (à l’école, à l’éducation, aux savoirs, au travail) pour les enfants et les jeunes des quartiers défavorisés ? Comment les acteurs pensent-ils l’aide ? Comment accompagnent-ils les élèves dans leur travail personnel ? Quelles relations, quels liens existe-t-il entre les différents acteurs ?
Ces questions initiales de notre recherche-terrain ne concernent pas la formation aux pratiques inclusives. En effet, aucune demande de formation n’a été faite par les acteurs ou les institutions à ce propos. Or, malgré l’absence de demande et de dispositif de formation pensé en tant que tel, nous avons observé des effets de formation du travail conjoint entre acteurs de terrain et chercheuses. Aussi, dans le cadre de cet article, interrogerons-nous les méthodes de recherche faisant formation à partir de deux questions : quels sont les effets de formation de ce dispositif ? Quelles sont les conditions qui ont permis d’observer ces effets ?
Pour répondre à ces deux questions, nous décrirons le contexte lié à notre étude, les notions théoriques qui viendront étayer nos analyses. Nous présenterons ensuite le dispositif de recherche mis en place avec les intervenants dans l’aide aux devoirs des quatre centres sociaux (CS) de la ville ainsi que notre méthodologie basée sur des entretiens avec les différents acteurs et des enregistrements des séances de travail conjoint chercheuses-intervenants. L’analyse de ces données nous permettra de dégager, à partir de deux études de cas, différents effets de formation, notamment certains en lien avec les conceptions sur l’aide à apporter aux élèves et sur l’évolution de leurs pratiques d’aide. Nous mettrons ensuite en évidence des conditions pour que ces effets puissent apparaître.
C’est dans le cadre de la Cité éducative que nous avons été sollicitées en tant que chercheuses, en 2020, par la Mairie de Port de Bouc. Port de Bouc est une petite ville (16 500 habitants) qui fait partie de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Elle a été retenue en tant que territoire éligible au label « Cité éducative » en 2020. L’ensemble des établissements scolaires du premier et second degré est classé en REP2 et REP+. La population quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) représente 38 % de la population de la ville. Le taux de pauvreté dans ces quartiers est de 35,7 %3.
Notre projet de recherche s’appuie sur un sous-projet du programme « Port de Bouc Cité éducative ». Ce sous-projet, centré sur les dispositifs d’accompagnement à la scolarité dans les établissements scolaires et les centres sociaux de la ville, vise l’amélioration des pratiques de co-éducation école-famille à partir des attentes et des représentations réciproques des différents acteurs agissant dans le domaine de l’aide à la scolarisation.
Le comité de pilotage4 souhaitait associer une équipe de chercheuses d’ADEF (équipe de recherche « Apprentissage-didactique-évaluation-formation » d’Aix-Marseille Université) à un travail d’accompagnement qui partait d’un constat concernant les devoirs donnés aux élèves par les enseignants : « travail non fait ou pas en adéquation avec ce qui est attendu, source de conflits à la maison, anxiogène pour les familles ». Après plusieurs rencontres, il a été décidé la mise en place d’un travail collaboratif avec les différents acteurs impliqués dans l’aide aux devoirs : les enseignants du premier et du second degré qui sont à l’origine des demandes de travail personnel des élèves, les animateurs des quatre centre sociaux qui sont fortement investis dans l’aide aux devoirs, les parents qui sont souvent démunis face aux injonctions et attendus de l’institution scolaire, les élèves inscrits dans les groupes d’aide aux devoirs. Différents types d’actions ont été envisagées : constitution de groupes de travail, observations de séances d’aide aux devoirs et analyses conjointes chercheuses-acteurs de terrain, entretiens.
Cette première contractualisation s’est concrétisée dans un projet articulé sur l’axe 2 du projet national des Cités éducatives « Promouvoir la continuité éducatrice ». À partir des attentes scolaires et des représentations réciproques des différents acteurs agissant dans le domaine de l’aide à la scolarité, le projet consiste pour les chercheuses à accompagner les intervenants des centres sociaux, les parents, les enseignants et les élèves en vue de faire évoluer les dispositifs existants et d’améliorer les pratiques de co-éducation. À la demande de la ville, les chercheuses ont centré leurs actions sur les pratiques d’aide aux devoirs développées dans les quatre centres sociaux.
Notre ancrage théorique est fondé sur des éléments théoriques issus de la théorie anthropologique du didactique (Chevallard, 1999) qui est une théorie des institutions, des personnes et des rapports des institutions et des personnes aux objets (de savoirs et plus largement aux œuvres). Cette théorie nous permet de penser les relations entre les différentes institutions dans le cadre de la cité éducative, et les différents rapports institutionnels et personnels existant autour de l’objet « devoirs » ou « travail personnel d’étude » de l’élève. L’un des objectifs majeurs du programme « cité éducative » est celui de la continuité éducative, qui peut être vue d’un point de vue diachronique (parcours scolaires des élèves tout au long de leur scolarité), ou d’un point de vue synchronique (relations entre les différentes institutions qui agissent auprès des élèves). Malgré son importance, cette continuité éducative n’est pas assez pensée par les acteurs, comme l’indique le rapport d’évaluation des cités éducatives de 2022 (Stromboni et Urbano, 2022) : « bien que la continuité́ éducative soit un des objectifs centraux du programme et des cités au niveau local, elle ne fait que peu l’objet d’une définition approfondie par les territoires5. Des écarts dans la conception de la notion persistent entre acteurs, notamment concernant la place à donner aux référentiels scolaires. » (p. 8). En ce qui concerne notre projet de mise en place de la continuité éducative synchronique, notre ancrage théorique nous permet de penser les relations inter-institutions et l’importance de se donner un objet commun qui puisse faire du lien entre l’institution scolaire (avec ses référentiels), l’institution sociale (centres sociaux de la ville) et l’institution parentale. Les objets des liens doivent être co-construits par les acteurs, et notre travail de chercheur a consisté à accompagner tout en participant aussi à cette co-construction. Par ailleurs, nous utilisons la notion de praxéologie (Chevallard, 1999) en tant qu’ensemble de pratiques déclinées en type de tâches et de techniques, et ensemble de discours explicatifs et justificatifs de ces pratiques (discours théoriques). Cette notion nous permettra d’identifier des effets de formation lorsque les acteurs développent de nouvelles praxéologies professionnelles (réelles ou potentielles).
L’objet de lien choisi est un dispositif proposé par les chercheuses nommé « mémoire-narration ». Nous le décrivons plus loin dans la version co-construite par les acteurs et chercheuses dans ce projet spécifique (partie méthodologique). La conception de ce dispositif prend appui sur le travail de Paul Ricoeur sur la mémoire, et sur le temps et le récit (Ricoeur, 1983). La question de l’importance de la narration et de l’identité narrative trouve un intérêt certain dans les recherches en sciences humaines et sociales. Un exemple de cet intérêt (mais il n’est pas le seul) est la publication d’un numéro de la revue Télémaque en 2017 (n° 51) consacré aux « Lectures et usages de Paul Ricoeur : L’identité narrative et la transmission ». Dans ce volume, Pirone (2017) présente sa recherche sur la fragilisation de la « fonction narrative » auprès de collégiens dits en difficulté scolaire. Or, malgré ces difficultés, le « besoin narratif », le besoin de « raconter » et de « se raconter » est toujours présent chez ces adolescents, même si les formes narratives peuvent changer (Pirone, 2017). Pour Ricoeur (1983), « l’identité narrative » semble être consubstantielle au processus d’acculturation. Pour lui « l’histoire d’une vie ne cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un sujet raconte sur lui-même. Et cette refiguration fait de la vie elle-même un tissu d’histoires racontées. » (ibid, p. 443).
Beaucoup de travaux s’inspirent de Ricoeur. Par exemple, l’une d’entre nous a participé à des recherches sur les souvenirs mathématiques en tant que récits (Assude et Paquelier, 2005) qui permettent la refiguration de l’expérience des sujets (élèves ou stagiaires en formation) relative au rapport au savoir mathématique. Par ailleurs, nous avons aussi identifié ce type de pratique lors d’observations et d’entretiens d’intervenants dans le dispositif « devoirs faits » au collège (Gobert et al., 2022). Ces recherches antérieures nous ont poussés à présenter ce travail aux acteurs (intervenants dans les CS et enseignants) pour qu’ils puissent s’en emparer et surtout le reconstruire en l’adaptant à leurs besoins et à ceux des élèves.
Nous ne décrivons ici qu’une partie du dispositif de recherche « Port de Bouc Cité éducative » qui résulte d’un construit entre les chercheuses, les animateurs des quatre centres sociaux de la ville et les deux coordonnateurs REP et REP+ qui, par leur connaissance des acteurs et des institutions, ont grandement facilité l’ancrage de l’équipe de recherche sur le terrain.
Ce dispositif de recherche s’est construit en plusieurs étapes. Il s’est agi dans une première étape de contractualiser avec les directeurs des centres sociaux. Cela a permis, entre autres, de planifier les séances avec les animateurs et de les inscrire dans leurs emplois du temps. Les séances (que nous avons aussi appelées « ateliers ») ont été ainsi prises sur le temps de travail des animateurs et rémunérées par le projet Cité éducative. Cette phase a été décisive pour légitimer et conforter le travail qui se fera dans les ateliers.
Dans une deuxième étape, un groupe s’est constitué avec des animateurs issus de chaque centre social. Les ateliers se sont tenus à raison d’une séance de deux heures tous les quinze jours avec la collecte des questions vives du terrain et à partir de questionnaires écrits, la description par chaque centre social de l’ensemble des activités déployées autour de l’accompagnement à la scolarité et autour de l’organisation de l’aide aux devoirs. Ces questionnaires ont servi de document de base aux animateurs pour présenter oralement à l’ensemble du groupe la structure dans laquelle ils travaillaient et les activités qu’ils y menaient. Lors de ces communications, les échanges entre les participants ont permis à chacun de commenter, de questionner et de préciser les pratiques mises en place.
Un ensemble de questions issues de la mise en récit des questionnaires a émergé : avec d’une part la question de la multiplicité des aides proposées par différentes institutions (mairie, centres sociaux, école) entrainant parfois une certaine confusion pour les familles et pour les enfants bénéficiant de multiples prises en charge, révélant un « mille-feuille » de structures aidantes ; et d’autre part, la question du lien centre social — famille — école. Les animateurs ont pu échanger autour des outils construits par chaque centre social à ce sujet (carnet de lien, documents d’information aux familles…). Des besoins ont été identifiés, parmi lesquels le fait, pour les animateurs, de pouvoir échanger avec les enseignants au sujet de ce qui se fait en classe afin de mieux connaître quelles sont les attentes des professeurs au sujet des devoirs qu’ils donnent à leurs élèves. L’absence de lien entre ce qui est fait dans les dispositifs d’aide aux devoirs et ce qui est fait en classe a été déjà mis en évidence par d’autres chercheurs (Kakpo et Netter, 2013). Nous l’avons nous-mêmes mis en évidence dans le cadre de l’étude de la mise en place du dispositif « devoirs faits » au collège. (Assude et al., 2021). Cette seconde étape du dispositif a permis aux chercheuses de repérer les besoins en savoirs pour pouvoir accompagner les professionnels dans une troisième étape.
Dans une troisième étape, il s’est agi de répondre aux besoins exprimés dans les ateliers autour de la question du lien. Comment faire le lien entre les différentes institutions (École-centres sociaux-famille) et les acteurs (animateurs, enseignants, parents, élèves) ? Comment faire le lien entre l’école et le dispositif d’aide aux devoirs dispensé dans les centres sociaux ? Comment aider les élèves « quand on n’est pas forcément enseignant et/ou spécialiste de la matière » ?
Pour tenter de répondre à la question du lien, les chercheuses ont proposé aux animateurs de se donner un objet commun qui pourrait être travaillé avec les animateurs et avec l’ensemble des institutions impliquées dans l’aide aux devoirs : le dispositif « Mémoire-Narration ». Ce dispositif qui avait été travaillé, dans d’autres cas (Gobert et al., 2022), pour pallier deux difficultés rencontrées dans les interventions dans le cadre de l’aide aux devoirs : celle du lien de l’aide avec la classe, et celle du fait que les intervenants dans l’aide aux devoirs ne sont pas forcément des enseignants, et en particulier des enseignants de la discipline.
La co-construction d’un « canevas » à partir du dispositif « mémoire-narration » a constitué la quatrième étape de notre dispositif de recherche. Cette étape sera détaillée dans le point suivant. Nous pouvons schématiser le dispositif de recherche de la manière suivante, la première ligne correspond aux ateliers (réunion de travail conjoint entre acteurs et chercheuses) et la deuxième ligne correspond à la co-construction du canevas :
Toutes les séances ont fait l’objet d’enregistrements audios qui ont été transcrits et ont servi de support à nos analyses.
Ce que les acteurs ont appelé « le canevas » correspond aux différentes étapes du dispositif qui a été co-construit à partir de la proposition faite par les chercheuses et précisé ci-dessous. Un groupe de travail s’est constitué avec une des chercheuses et des animateurs des quatre CS de la ville. Dans ce groupe, un animateur, Enzo, s’est particulièrement impliqué dans l’élaboration du canevas. Lors de la présentation du dispositif « mémoire-narration », il a été le seul animateur à s’emparer du dispositif pour le mettre en œuvre avec un groupe de cinq élèves dequatrième issus de la même classe. La construction du canevas est le fruit d’un travail où chaque étape élaborée par les acteurs a été ensuite éprouvée sur le terrain et redéfinie le cas échéant. En effet les différentes étapes du canevas ont été co-construites au fur et à mesure entre la chercheuse et Enzo par des allers-retours entre les mises en œuvre, les observations et les analyses de ce qui a été réalisé. Enzo a ainsi participé activement à définir les différentes étapes qui constituent ce canevas et les différentes conditions nécessaires à sa mise en place.
Les contraintes liées à ce dispositif concernent le lieu, le moment et la durée de la séance. Les séances consacrées à « mémoire-narration » ne doivent pas excéder les dix minutes pour que la dynamique du groupe puisse être maintenue. Ces séances ont lieu avant le moment consacré aux devoirs dans un local séparé des autres activités menées dans le centre social.
Ce canevas commence toujours avec la même question : « Aujourd’hui à l’école, de quoi est-ce que tu te rappelles ? » et comporte six étapes :
Étape 1 : la pêche aux mots — recueil des mots qui sont écrits au tableau.
Étape 2 : catégorisation de ces mots en deux colonnes (les savoirs ; les autres).
Étape 3 : début d’une mise en récit à partir d’un questionnement sur les objets de savoirs évoqués par les élèves.
Étape 4 : un élève raconte, les autres ajoutent d’autres éléments.
Étape 5 : passage à l’écrit.
Étape 6 : lien avec l’enseignant.
Chaque étape doit faire l’objet de plusieurs séances pour que l’ensemble des élèves du petit groupe s’approprie ces différents moments. Nous allons présenter deux études de cas qui correspondent à deux positionnements différents des acteurs Enzo et Mireille.
La première étude de cas est relative à Enzo, qui a voulu tout de suite mettre en place le dispositif « mémoire-narration ». Dans les réunions de travail conjoint animateurs-chercheuse, Enzo a parlé plusieurs fois de ce qu’il faisait avec les élèves en présentant les différentes étapes du canevas. Nous allons étudier ici plusieurs épisodes qui tiennent compte de la manière dont il raconte ce qui se passe, et ce qu’il a construit comme praxéologies professionnelles.
Dans l’une des séances de travail conjoint chercheuse-animateurs, Enzo raconte la mise en œuvre du dispositif « mémoire-narration » reconstruit et intitulé « canevas ». L’épisode 1 est extrait de cette séance et correspond à la première étape du canevas, celle de la pêche aux mots. Ainsi Enzo raconte ce qu’il fait et ce que disent les élèves.
Enzo raconte ce qu’il fait et ce que les élèves disent | Observations et analyses |
« à chaque fois je leur demande “de quoi vous vous rappelez aujourd’hui ?”, j’en choisis un et à chaque fois j’en choisis un différend donc il me dit : “ce matin j’ai commencé par ça après on a fait ça, on a fait ça, on a fait ça”,» | Commencer toujours par la même question Faire advenir tout ce qui vient Prise de notes des mots dits par les élèves à partir de leurs souvenirs |
Un élève dit : « on a eu deux heures… une pause de 5 min, on est allé boire, on a fait ci, j’ai mangé du blé à la cantine ». | Il n’écarte rien |
La demande faite aux élèves est inhabituelle, et les élèves ne savent pas au départ ce que l’animateur attend d’eux. Ces attentes sont définies au fur et à mesure des séances. D’abord il laisse advenir tout ce qui vient à la mémoire des élèves sans faire de commentaires. C’est ensuite qu’il va catégoriser les mots dits par les élèves.
Cet épisode est extrait d’une des séances de travail conjoint animateurs-chercheuse, et correspond à la deuxième étape du canevas. Enzo indique que des mots sur les disciplines reviennent aussi, « on a fait des maths, de l’espagnol », etc., et précise ensuite qu’il écrit ces mots au tableau, et les partage en deux catégories : les mots qui ont un lien avec les savoirs et les autres. Il ne dit pas explicitement au départ ce qu’il attend des récits des élèves, mais en faisant cette catégorisation, il pose la question aux élèves.
Enzo raconte ce qu’il fait et dit aux élèves | Observations et analyse |
« Vous avez vu que je fais deux colonnes, à gauche et à droite, et je leur ai dit “à votre avis, pourquoi est-ce que j’ai fait deux colonnes”, et ils m’ont dit “ben à gauche c’est les matières et tout ça, et à droite c’est ce qui ne concerne pas les matières”. Et du coup j’ai dit “c’est pas que ça m’intéresse pas” (colonne à droite), mais ce qui m’intéresse c’est ça (colonne de gauche) » | Partage des mots en deux catégories : les mots qui ont un lien avec les savoirs et les autres Contrat explicite : souvenirs en lien avec les savoirs Laisser le temps de comprendre les attentes de cette demande inhabituelle qui va devenir un rituel |
La catégorisation en deux colonnes des mots a comme but d’expliciter le contrat : on s’intéresse juste aux souvenirs des élèves relatifs aux savoirs rencontrés dans les différentes disciplines. Le groupe d’élèves commence à comprendre le type d’informations attendues dans ces séances, et par la suite ils racontent des souvenirs en lien avec les disciplines scolaires et les savoirs.
Cet épisode 3 est extrait d’un temps de travail conjoint où le groupe animateurs-chercheuse écoute l’enregistrement audio d’une séance avec les élèves. L’épisode correspond à la troisième étape du canevas.
Le groupe écoute l’enregistrement de la séance 9 d’Enzo avec les élèves | Observations et analyses |
Enzo : « Vous m’avez dit “on a vu la leçon”, qui c’est qui veut me parler de sa leçon d’espagnol ? Élève : y’avait sur le futur, euh futur plus infinitif Élève : je sais c’était la conjugaison Enzo : alors vas-y c’est quoi ? Élève j’ai fait la conjugaison du futur, c’est…… ah non c’est trop dur Élève : va, vamos vais… Enzo : donc c’était sur le futur et y’en a qui sait comment on fait pour conjuguer les mots en espagnol au futur ? Élève : non Enzo : tu sais ou pas ? Élève : non Enzo : non ? Pas encore Élève : inaudible Enzo : d’accord donc y’a plus rien à dire sur l’espagnol ? Vous vous rappelez de rien d’autre en espagnol ? » | Les élèves s’autorisent à dire qu’ils ne savent pas Prendre conscience de ce qu’on ignore encore Bienveillance de la part de l’animateur (« Pas encore ») Pas de jugement, mais mettre les élèves dans une posture d’évocation Intérêt des élèves par ces moments brefs de remémorisation et de récit |
Dans cet épisode, les élèves réussissent à dire qu’il s’agit d’une leçon en espagnol sur la conjugaison de verbes au futur (verbe « ir »), mais qu’ils ne savent pas comment le faire. L’animateur ne pose aucun jugement sur ce qu’ils savent ou ne savent pas encore faire, mais les met dans une posture d’évocation tout en les encourageant (tu ne sais « pas encore »).
Cet épisode est extrait d’un temps de travail conjoint où les acteurs et chercheuse écoutent l’enregistrement d’une séance pour la commenter et l’analyser. L’épisode 4 correspond à la quatrième étape du canevas.
Le groupe écoute l’enregistrement de la séance n° 16 avec les élèves | Observations et analyses |
Enzo — Mathis dis-moi ce qui t’a le plus marqué aujourd’hui ? Mathis — l’espagnol, on a fait un contrôle sur les verbes au futur simple c’était sur les verbes irréguliers et réguliers et… […] Enzo — tu sais comment on fait pour faire le futur simple en espagnol ? Mathis — euh… Enzo — Marvel? Marvel – on prend le verbe, le radical et on rajoute les terminaisons Enzo — qui sont ? Marvel — é avec l’accent às avec l’accent sur le a, après y’a à avec l’accent, emos sans accent, éis avec un accent sur le e et on a àn avec un accent sur le a Enzo — le r on le change de place… donc si je devais écrire une sorte de mini leçon sur le futur en espagnol donc là vous m’avez donné pas mal d’infos… qui c’est qui se lance dans une définition du futur en espagnol comment le faire ? … c’est ce qu’on a fait à l’oral et que je vais écrire… Enzo — donc « on rajoute… (Enzo écrit sous la dictée des élèves) Marvel – on rajoute les terminaisons au radical Enzo — « on rajoute les terminaisons au radical du verbe Marvel — les terminaisons sont… éis — àn Enzo — on rajoute quelque chose ou pas ? | Montrer ce qu’on sait et le raconter : ça se construit Le collectif « élèves » arrive à dire ce qui est essentiel Enzo ne donne aucune indication Il répète ce que l’élève lui dicte Il demande si on doit faire des ajouts A aucun moment, il dit ce qu’il faut écrire Une forme de réticence didactique |
Dans cet épisode, les élèves reviennent sur la discipline « espagnol » et sur un objet de savoir « conjugaison des verbes au futur ». Ils montrent qu’ils savent maintenant ce qu’il faut faire, peuvent le raconter et arrivent à produire un récit de savoir en dictant à l’animateur l’essentiel de la leçon. Ce récit de savoir est produit conjointement par les élèves, et Enzo montre une certaine forme de réticence didactique : il ne donne aucune indication, ne corrige pas, mais répète et écrit ce que les élèves dictent.
Contrairement à d’autres animateurs, Enzo a tout de suite compris l’intérêt du dispositif « mémoire-narration », l’importance de raconter et de se raconter pour les collégiens qui viennent au CS et à l’aide aux devoirs, et aussi le fait qu’il pouvait être un objet de lien entre le CS, l’établissement scolaire et les parents. Il a voulu le mettre en place rapidement et voir les effets que cela produisait auprès des élèves. Pour cela, il a co-construit le canevas avec la chercheuse en le mettant en place et en l’analysant au fur et à mesure dans des réunions de travail avec d’autres acteurs, mais aussi dans des entretiens avec les chercheuses. Il a pu prendre ainsi les rôles d’acteur, de concepteur et d’analyseur du canevas. Ces différents rôles lui ont permis de développer des praxéologies professionnelles par la mise en œuvre de techniques nouvelles face à ces tâches nouvelles. Les gestes techniques mis en œuvre sont divers, et nous indiquons ici les principaux. Il décide de mettre en œuvre le canevas dans un temps court (maximum 10 minutes) pour pouvoir le faire régulièrement et le ritualiser. Ainsi, l’aide aux devoirs (faire en sorte que les élèves fassent leurs devoirs) et le canevas ne sont pas en concurrence. La contractualisation a été un moment important pour que les élèves puissent savoir ce qu’on attendait d’eux dans ce dispositif inhabituel. Enzo n’a pas dit explicitement que c’étaient les souvenirs en lien avec les savoirs qui étaient attendus : c’est la technique de catégorisation qui a permis aux élèves de comprendre ces attentes. Les élèves ont adhéré à ce dispositif, car ils venaient un quart d’heure avant l’heure des devoirs pour pouvoir y être présents. D’ailleurs, lorsque Enzo ne mettait pas en place le canevas, les élèves lui rappelaient de le faire, comme il l’a indiqué dans l’un des entretiens.
Enzo a aussi développé des gestes techniques pour gérer le canevas tels que :
Poser la même question au départ.
Poser des questions pour que les élèves puissent aller dans le détail de ce qu’il y a à savoir. Par exemple, à la réponse des élèves « j’ai fait des maths », poser une nouvelle question du type « t’as fait quoi en maths ? ».
Créer un espace de confiance où les élèves peuvent dire leur ignorance.
Suspendre le jugement.
Mettre les élèves en évocation.
Intervenir le moins possible sur les contenus des récits des élèves.
Ces techniques ont été aussi associées au développement de discours justificatifs de ces techniques. Voici un type de discours qui montre une évolution de ce qu’il disait aux autres animateurs :
et là maintenant quand ils me disent par exemple « math » je leur dis « t’as fait quoi en math ? » ils me disent « le théorème de Pythagore » je leur dis « qu’est-ce que tu as compris dans le théorème de Pythagore ? … qu’est-ce que tu te rappelles ? » […] ben voilà maintenant je leur demande des points précis de leurs leçons.
Des praxéologies professionnelles ont pu être développées par Enzo en collaboration avec les chercheuses, lors des réunions de travail conjoint. Enzo a assuré un autre rôle auprès des autres animateurs des centres sociaux : le rôle de formateur. Il précise non seulement le canevas, mais les gestes techniques pour le mettre en œuvre. Et il montre, par son exemple de mise en œuvre, la faisabilité et la pertinence du canevas en ouvrant ainsi un univers de pratiques possibles pour les autres animateurs.
La deuxième étude de cas est relative à Mireille, une animatrice de longue date dans un centre social qui intervient dans l’aide à la scolarisation et l’aide aux devoirs.
Lors de nos réunions, la plupart des intervenants des centres sociaux nous ont fait part de leur réticence concernant la mise en place du dispositif « mémoire-narration ». Ils ont insisté à plusieurs reprises sur les contraintes pratiques qui les empêchaient, selon eux, de recourir à de telles pratiques. C’est le cas de Mireille. À plusieurs reprises, elle explique avoir du mal à trouver une salle dans laquelle s’isoler avec le groupe d’élèves concernés (« nous, toutes les salles sont occupées je veux dire à part les toilettes »). Elle évoque également le fait qu’elle est régulièrement interrompue pour effectuer d’autres tâches alors que le dispositif nécessite de pouvoir rester focalisé pendant une dizaine de minutes sur le récit des élèves (« moi avec les interventions, la porte ouverte, “Mireille on t’appelle au téléphone“ » machin “Mireille il faut que tu ailles vite, Mireille y’a un parent“ »). Une autre difficulté vient du fait que la composition des groupes qui leur sont confiés n’est pas pérenne (« en ce moment avec l’histoire du Covid y’a beaucoup d’absents et du coup y’a des enfants en fait qui migrent d’un groupe à un autre »). Selon Mireille, ceci compromet la mise en place d’une sorte de rituel de début de séance qui amènerait les élèves à prendre peu à peu l’habitude de se remémorer le déroulement de leur journée. Une autre contrainte est celle du nombre d’élèves par groupe, car ils sont parfois trop nombreux pour faire ce type de travail. Enfin, même lorsque tous les groupes appartiennent à la même classe d’âge, ils proviennent généralement de classes différentes et ils auront par conséquent tous vécu des journées différentes, ce qui rend impossible l’élaboration d’un récit commun concernant les savoirs rencontrés (« pour faire ça il vaut mieux qu’ils soient tous de la même classe »).
Pour pallier ces difficultés, la chercheuse tente de proposer des pistes. À plusieurs reprises elle va insister sur le fait qu’il est possible de modifier le dispositif afin de l’adapter au contexte que chacun rencontre. Pourtant, les animateurs, et notamment Mireille, ont encore des réticences à se lancer dans la mise en œuvre du dispositif. Peut-être, parce que comme le dira à un moment une autre animatrice, certains pensent que les réflexions des chercheurs demeurent éloignées du vécu des praticiens au quotidien.
Pour Mireille, le but du dispositif « mémoire-narration » est de faire parler les élèves, et n’a pas forcément de lien avec les savoirs et les apprentissages. Elle dira pendant l’une des séances :
mais moi je commence en général par comment tu t’es senti aujourd’hui à l’école, moi je pense que c’est important parce que si on commence pas par cette phrase un peu bateau entre guillemets, parce que y’a des fois les petits, moi j’en connais ils vont à l’école la boule au ventre, ils veulent pas y aller donc déjà le fait d’en parler…
Cette dimension affective bien qu’importante n’est pas celle qui est visée dans ce dispositif, comme le dira la chercheuse : « c’est bien que tu en parles parce que c’est un autre registre, on peut le travailler en dehors des cinq minutes, là, ces cinq minutes-là c’est leur rapport aux apprentissages. »
Mireille pense que le rapport au savoir et aux apprentissages ne pourra pas être approfondi par les élèves, car ils diront « j’ai fait des maths », et ils n’iront pas au-delà. Ce sont les discours de la chercheuse, mais surtout l’expérience d’Enzo qui va faire changer Mireille.
Enzo s’est très tôt approprié le dispositif proposé et l’a mis en place dans l’un de ses groupes. Son enthousiasme lorsqu’il parle de cette expérience, mais également ses enregistrements qui vont être analysés lors des réunions, vont largement contribuer à changer le point de vue de ses collègues. Il va également prendre le temps de détailler ses pratiques, les rendant ainsi plus accessibles pour ceux qui voudraient les mettre en œuvre. Dans ces réunions d’analyse, Mireille commence à s’intéresser à l’expérience d’Enzo en posant d’abord des questions sur l’organisation pratique, telles que : « et tous ils sont dans la même classe ? », « et quand tu les interroges comme ça c’est dans la salle avec d’autres élèves autour ? », « à la base tu leur as expliqué, tu leur as demandé leur avis. ».
Petit à petit le discours des animateurs évolue. On constate à travers son discours que Mireille commence à cerner les finalités du dispositif : « et même ils sont contents, car en plus on montre enfin on leur montre qu’on s’intéresse à ce qu’ils font en classe, c’est pour ça, y’a la parole ».Elle propose aussi des interprétations,comme dans cet extrait où elle rappelle la nécessité de ne pas guider trop vite les élèves vers les objets de savoirs. En effet, Mireilledit« au début l’exercice c’était pas d’aller direct » et Enzo va répondre « justement c’est ça voilà ». Nous pouvons noter que dans cet échange, c’est Enzo et non pas la chercheuse qui valide la réponse de l’animatrice, ce qui montre le changement de rôle qu’il tend à adopter : celui de formateur. D’ailleurs, il va préciser des gestes techniques dans la gestion du dispositif : « ben voilà maintenant je leur demande des points précis de leurs leçons. »
Mais l’évolution des points de vue ne s’arrête pas là. Mireille s’imagine déjà en train de mettre en place le canevas, même si c’est encore de l’ordre de l’hypothétique : « j’aurais bien aimé le faire parce qu’avec les enfants, la tranche d’âge que j’ai, cela aurait été sympa à faire, pour les enfants pour parler et tout ça, je vois bien qui j’aurais choisi […] je peux le faire avec les CE1-CE2. »
La position de Mireille n’a pas été la même que celle d’Enzo. En effet, elle est d’abord réticente à la proposition des chercheuses en pensant (comme d’autres animateurs) que le dispositif « mémoire-narration » n’est pas réalisable, étant donné toutes les contraintes d’organisation de l’aide aux devoirs dans son CS. Elle n’envisage pas de le mettre en place avec ses groupes, et ne comprend pas les enjeux du canevas comme objet de lien avec la classe, les apprentissages et les savoirs. Les réunions d’analyse conjointe de l’expérience d’Enzo ont changé ce positionnement. Elle commence à s’intéresser à la dimension pratique et organisationnelle de ce qui a été fait par Enzo. Puis, elle comprend les enjeux et les interprète aussi. Enfin, elle se projette dans une future mise en œuvre de ce dispositif avec ses groupes. Cette évolution du positionnement de Mireille est un effet de formation du dispositif « recherche-terrain » où Enzo a eu une place importante. En effet, son expérience lui a permis de prendre un autre rôle, celui de formateur en complémentarité avec la chercheuse. Ce n’est pas un rôle prévu au départ, mais le groupe de travail conjoint lui a donné cette légitimité, car il montrait, par son exemple, que le dispositif pouvait avoir lieu dans le cadre de leur action dans les CS.
Le dispositif « recherche-terrain » a produit des effets de formation même si cela n’était pas prévu dans la double contractualisation indiquée plus haut. Nous considérons qu’il y a un effet de formation lorsqu’il y a un développement de nouvelles praxéologies professionnelles ou une évolution réelle ou potentielle dans les conceptions ou les pratiques existantes, dans notre cas par rapport à l’aide aux devoirs ou l’aide au travail personnel de l’élève. Nous avons observé ces effets de formation dans le cas des animateurs des CS qui ont participé d’une manière régulière aux réunions de travail conjoint. Ces effets de formation n’ont pas été les mêmes selon les animateurs et leurs positions. Enzo, par son implication dans la mise en place du canevas, en tant qu’acteur, concepteur et analyseur a pu développer de nouvelles praxéologies professionnelles comme nous l’avons vu auparavant. Mais il a eu aussi un rôle de formateur en précisant, auprès des autres animateurs, non seulement le canevas, mais les gestes techniques pour le mettre en œuvre. Enzo va jouer un rôle important dans l’évolution du positionnement d’autres animateurs, en particulier Mireille, par rapport au dispositif « mémoire-narration ». Les exemples concrets issus de sa propre expérience, les analyses des enregistrements de ses séances, les discours théoriques complémentaires d’Enzo (en tant que pair « expert ») et de la chercheuse ont facilité les évolutions des positions des autres animateurs en permettant qu’ils envisagent de futures implémentations. Ajoutons par ailleurs que le fait de se rendre compte qu’un pair a réussi à mettre en œuvre le dispositif proposé et qu’il partage les réflexions de la chercheuse atteste de la faisabilité de cette proposition et de l’intérêt des conseils proposés, ce qui a certainement largement contribué à l’adhésion de l’ensemble des animateurs.
Une autre condition qui nous semble favorable à l’observation de ces effets de formation est la participation dans une durée longue à différentes institutions, où les acteurs peuvent prendre des rôles différents (acteurs, concepteurs, analyseurs, formateurs) qui permettent d’avoir des points de vue différents sur une même réalité. Ces aspects rejoignent les conclusions portées lors d’un autre travail mené sur la participation d’enseignants dans un dispositif recherche-terrain à différentes institutions leur permettant d’avoir des rôles et positions différentes (Assude et al., 2018). En outre, il nous semble que le travail conjoint a permis de répondre à des besoins professionnels des animateurs (co-construire un objet de lien avec la classe et les parents) et à des besoins des élèves (aide au travail personnel en lien avec les savoirs scolaires).
Résumé : Nous avons été sollicitées, en tant que chercheuses en sciences de l’éducation, par la municipalité de Port de Bouc, ville éligible en 2020 au programme national des Cités éducatives pour suivre les différents acteurs agissant dans le domaine de l’aide à la scolarisation. Il s’agissait d’accompagner les intervenants des centres sociaux de la ville, les parents, les enseignants et les élèves en vue de connaître et de faire évoluer les dispositifs existants concernant l’aide au travail personnel de l’élève et en particulier celui de l’aide aux devoirs. Malgré l’absence de demande de formation dans le projet initial, nous avons observé des effets de formation dans le travail conjoint entre acteurs de terrain et chercheuses.
Abstract: As researchers in educational science, we were asked by the municipality of Port de Bouc, a town eligible for the national Cités éducatives programme in 2020, to monitor the various players working in the field of homework support. The aim was to support workers from the town's social centres, parents, teachers and pupils in learning about and developing existing schemes to help pupils with their personal work, particularly homework. Although there was no request for training in the initial project, we observed the effects of training in the joint work between field workers and researchers.