Cette dernière partie synthétise l’ensemble de la réflexion et tire parti des développements individuels afin de spécifier l’infrastructure écosystémique annoncée plus tôt.
En effet, chaque expérimentation située a pu spatialiser localement les leviers de projets (figure 162), dont la valeur d’exemple permet d’extrapoler les réponses sur l’ensemble du territoire transfrontalier.
De plus, le trio d’étudiant s’est appuyé sur un outil de calcul intitulé Aldo1 : celui-ci mesure l’impact carbone (positif ou négatif) des changements des pratiques (agricoles, mobilités, construction).
L’infrastructure écosystémique illustre non moins la force que la plasticité de l’armature territoriale dont la gestion est vectrice de coopération transfrontalière. Son organisation se concrétise à travers une superposition de couches, elle-même révélatrice de diverses stratégies reliées à des dispositifs paysagers, programmatiques et architecturaux (figure 163).
L’armature de la biodiversité constitue un maillage au sein du territoire et résulte de la planification bocagère, de la transition agricole allant vers l’agroécologie, et de la gestion des eaux pluviales par les noues agricoles (figures 164 à 167 et 169 et 171). Appliquée à l’ensemble de la région franco-luxembourgeoise, la considération du vivant et des cycles naturels permettrait de stocker 4,19 millions de Tonnes d’équivalent CO2 par an dans le sol et les végétaux. En comptant 60 ml par hectares de haies bocagères sur 4 760 hectares de cultures, 2 618 Tonnes d’équivalentCO2 par an sont stockées, quand l’agroforesterie s’étend sur 23 800 hectares de prairies, elle en stocke 4,18 millions. La mutation des pratiques agricoles allant de l’intensif vers l’agroécologie séquestre 5 610 Tonnes d’équivalent CO2 par an de plus chaque année. Lors de l’affectation de 60 hectares de culture en zone à humidité variable, le sol retiendrait lui 528 Tonnes d’équivalentCO2 par an. La généralisation de l’armature compense le bilan carbone actuel en le réduisant à 6,1 Tonnes d’équivalent CO2/ par habitant par an contre 17,5 Tonnes d’équivalent CO2 par habitant par an actuellement. Bien que notre proposition soit davantage illustrative qu’applicable telle quelle, elle a le mérite de révéler l’importance des services écosystémiques et d’une agriculture durable.
Vecteur de solidarité et de coopération intercommunales, le système d’alliances (figure 168) offre de nouvelles dynamiques au territoire transfrontalier. Sa planification résulte de la considération des aires géographiques, paysagères, d’influence et de bassins de vie soutenables. En premier lieu, et par le biais d’une stratégie de mobilités propre à ce fonctionnement, les déplacements pendulaires diminuent drastiquement. En comptant deux jours de télétravail par semaine, et en incitant les reports modaux (trains, navettes, alliances, covoiturage) l’empreinte carbone par frontalier est divisée par deux (soit un total pour les mobilités dues au travail de 0,57 Tonnes d’équivalent.CO2 par an).
Démonstration : Un frontalier résidant dans la commune de Morfontaine et se rendant en voiture à Luxembourg-ville quotidiennement émet 2,40 Tonnes d’équivalentCO2 par an. Dans le cas où celui-ci passe à 2 jours de télétravail par semaine, son émission est réduite de moitié avec 1,34 Tonnes d’équivalentCO2 par an. S’il passe à 3 jours de travail à distance, son empreinte carbone n’est que de 0,8 Tonnes d’équivalent. CO2 par an. Enfin, dans l’hypothèse où l’habitant de Morfontaine décide de prendre le train, son émission carbone liée à la mobilité de l’emploi est une nouvelle fois divisée par deux pour atteindre 0,57 Tonnes d’équivalentCO2 par an (2 jours télétravaillés) et 0,34 Tonnes d’équivalent CO2 par an (3 jours télétravaillés).2
L’armature programmatique se forme à partir de la complémentarité territoriale en termes de services et d’activités, le tout modéré par le kit de proximité (figure 170). Ce dernier, et afin de garantir un bassin de vie qualitatif, se développe le long du territoire transfrontalier et s’affirme au sein des alliances territoriales. La transposition de la stratégie programmatique, répondant aux besoins intercommunaux, se manifeste au moyen de nouveaux aménagements dits « capables » et/ou par la valorisation d’équipements existants. À travers l’activation des communes dortoirs devenant des espaces actifs de la dynamique territoriale, cette armature favorise l’évolution des modes de vie transfrontaliers. Enfin, cette répartition offre un niveau d’autonomie à chacune des communes, ainsi qu’une complémentarité, constituant un ensemble équilibré.
En moyenne, les communes ayant très peu de services disposent d’un gisement foncier de l’ordre de trois hectares pour accueillir la stratégie du kit de proximité. La valorisation de ces espaces potentiels permet d’inclure les équipements au sein de l’étendue urbaine actuelle et de contenir l’étalement sur les espaces agricoles. Enfin, l’instauration des volumes dits « capables » motivera la mutation des communes ainsi que l’activation du territoire par la production de proximité.
L’écosystème transfrontalier projeté tend à un développement à l’échelle locale en s’appuyant sur des singularités territoriales particulières qui, lors de leur mise en réseau, affirment une complémentarité transfrontalière. Cette armature confère une capacité de subsistance nécessaire au vu des exigences qu’impose l’urgence climatique.
Cette infrastructure écosystémique aspire à façonner un territoire capable. Capable de s’adapter aux épidémies et aux dérèglements climatiques. Capable de faire fructifier ses ressources et de les valoriser. Capable de générer une économie équitable qui profite à tous. Capable de tisser du lien entre les acteurs pour une coopération transfrontalière davantage efficace. Capable d’innover. Capable d’évoluer avec malléabilité. Et surtout capable de concilier le développement humain et les dynamiques de biodiversité selon les cycles propres aux milieux habités.
Dès lors que la stratégie d’intégration se met en place, l’apparence et les dynamiques du territoire transfrontalier vont changer de manière considérable. Tandis que les pôles attractifs maintiennent leur positionnement stratégique, ils ne sont plus les seules sources d’activité et d’attrait (figure 172). La répartition nouvelle de l’influence fonctionne selon un système de complémentarité offrant à chaque commune son réseau de fonctionnement et ses dynamiques transfrontalières.
La vision prospective projetée produit in fine une attractivité équilibrée de la région franco-luxembourgeoise par le biais de modes de vie soutenables et qualitatifs pour tous. Le territoire aux dynamiques unilatérales vers les pôles métropolitains, se transforme en un territoire aux dynamiques multidirectionnelles évoluant conjointement.