Le territoire de la deuxième couronne d’influence transfrontalière est caractérisé par des villages dortoirs, très dépendants des grandes villes comme Esch-sur-Alzette et Luxembourg-ville. Ces villages sont surtout dépendants de l’emploi, mais également de l’accès aux activités du quotidien, comme le loisir, la santé, l’espace public, etc. Cette dépendance se fait sentir tout le long de la frontière et structure les modes de vie des habitants transfrontaliers.
Les habitants de ces communes sont obligés de faire quotidiennement des déplacements pour des activités qui pourraient/devraient être faites, en partie, localement. Ces déplacements, dirigés généralement vers les grands pôles, sont souvent faits en voiture, et seul.
Ce projet s’intéresse à l’amélioration de ces modes de vie et à la réduction des dimensions du bassin de vie quotidien des habitants transfrontaliers. À partir de cet objectif, l’exercice consiste en la création d’une complémentarité intercommunale suivant les principes du kit de proximité. Ainsi les communes deviennent des espaces vivants et attractifs, non seulement pour leurs habitants, mais aussi pour l’ensemble du territoire, y compris les grandes villes.
Cette réflexion sur le mode de vie donne lieu, dans un premier temps, à un travail à l’échelle d’une des alliances de communes, afin de comprendre et organiser la complémentarité territoriale (figure 43). Dans un second temps, une réflexion à l’échelle du village de Bure, situé dans la commune de Tressange, servira comme site démonstrateur.
Parmi l’ensemble des alliances transfrontalières projetées, le projet propose de traiter celle du « plateau minier » composé des communes d’Errouville, Crusnes, Aumetz, Tressange, Ottange, Rochonvillers, Escherange et Volmerange-les-Mines. Il s’agit d’une alliance avec des particularités en termes de paysage, de typologies urbaines et de mode de vie symptomatique des communes françaises sous influence luxembourgeoise.
L’alliance du plateau minier se trouve entre Esch-sur-Alzette et Thionville, et couvre un rayon d’une dizaine de kilomètres (figure 44). Ces villes sont des pôles attractifs majeurs qui centralisent les équipements, l’emploi et les activités du territoire (accompagnées de Luxembourg-ville, pôle également important, mais beaucoup plus éloigné).
Cette alliance de communes s’inscrit dans un paysage diversifié (figure 45), marqué d’un côté par les vallées où sont situées les communes d’Ottange, Escherange et Volmerange-les-mines, et de l’autre côté, par le plateau, où les villages ressemblent à des archipels entourés de terres agricoles de grandes cultures. Des massifs boisés dessinent le fond d’un paysage périurbain et représentent des noyaux de biodiversité importants du territoire. Ce contraste entre espace agricole, forestier et urbanisé pose la question des continuités paysagères présentes et de leur qualité.
Les mobilités jouent un rôle majeur dans les pratiques quotidiennes. Le réseau de transport en commun permet de relier, même si avec une faible fréquence et amplitude, les ensembles habités. L’exception est la commune de Rochonvillers, qui malgré un arrêt de bus, se connecte uniquement vers le sud du territoire grâce à un réseau la reliant à la commune d’Hayange, mais qui ne lui permet pas de s’insérer dans la dynamique transfrontalière.
Généralement, les villages se trouvent à des distances les uns des autres, comprises entre 5 et 10 minutes en bus, et environ 20 minutes pour le parcours complet de l’alliance (figure 46). Cela signifie qu’une vraie proximité qualitative est possible si toutes les communes y participent et à condition que l’offre soit régulière. À vélo, les villages sont à 10-15 minutes les uns des autres. Cependant, les voies ne sont pas toujours adaptées à ce type de déplacement.
Esch-sur-Alzette et Thionville, qui représentent les pôles attractifs pour les communes de l’alliance, se trouvent en théorie à des distances de 20 ou 30 minutes en transport en commun, soit à des distances raisonnables au quotidien. Ceci étant, cette proximité relative se réduit dans la mesure où les différents trajets et leurs correspondances transforment les 20 minutes de transport théoriques en 45 minutes, voire plus (figure 47). De la même manière, malgré les courtes distances entre les communes de l’alliance, le transport public ne passe que deux ou trois fois par jour, encourageant ainsi l’utilisation de la voiture individuelle pour se déplacer dans le territoire, indépendamment de la distance ou de la destination.
En outre, les alternatives à la mobilité telles que la ligne de train entre Fontoy et Audun qui desservait Tressange et Aumetz pour le fret et les passagers n’est plus active. L’emprise foncière des voies étant conservée, le projet identifie cette ancienne ligne comme un potentiel de connexion en mobilités douces et en site propre.
Afin de comprendre les besoins programmatiques de l’alliance, un repérage des équipements et des espaces pour la vie quotidienne a été élaboré (figures 48 et 49). Il permet d’évaluer, à travers l’outil du kit de proximité, les qualités des communes en tenant compte de leur complémentarité, de leur proximité et des offres de services proposées aux habitants.
La commune d’Aumetz ressort comme étant le principal village avec une zone commerciale et des espaces de culture tels que son musée et sa médiathèque. Ce sont les communes qui se trouvent à la frontière comme Ottange et Volmerange-les-mines qui sont les mieux équipées. Elles sont à proximité des communes luxembourgeoises, partageant ainsi l’accès aux équipements de proximité.
Les communes moins peuplées comme Errouville et surtout Rochonvillers sont celles qui présentent les qualités de proximité et d’accès aux équipements les plus faibles de l’alliance. Cette dernière, Rochonvillers, est la plus affectée justement à cause de la déconnexion du réseau de transport public qui traverse pourtant les autres communes.
De manière générale, comme on peut l’observer dans la plupart des communes de la couronne périurbaine, on identifie une faible présence d’équipements ou d’activités vectrices d’emplois. Ceci est principalement dû au haut pourcentage de travailleurs transfrontaliers. Une autre carence majeure est le manque d’espace public, pourtant indispensable au lien social et à la vie individuelle et collective villageoise. Dans les communes du territoire, les espaces publics sont souvent utilisés comme parkings !
Ce manque d’équipements, d’espace public, accompagné du manque de dessertes en transport public, produisent un territoire peu pratiqué à l’échelle de la proximité. Le peu d’activité encourage les déplacements centrifuges vers les grandes villes et augmente de ce fait les flux transfrontaliers.
À partir de ce repérage et de l’identification des besoins du secteur, un travail d’acupuncture territorial est mis en place pour introduire les équipements et autres espaces mutualisés. Il s’agit d’un ensemble d’interventions ponctuelles, programmatiques, physiques, d’aménagement (figure 50). Elles ont pour vocation d’engager de nouvelles dynamiques transfrontalières. L’objectif de ce travail est de pallier aux carences d’équipements et de renforcer le kit de proximité afin que tous les villages puissent avoir un bassin de vie quotidien qualitatif, travaillant en complémentarité les uns avec les autres et ainsi trouver un équilibre en termes d’attractivité et d’activité au sein de chaque commune.
Parmi les interventions stratégiques, le télétravail apparaît comme l’une des plus importantes dans l’optique de réduire les déplacements transfrontaliers. En effet, propulsé par la pandémie de COVID-19 et les confinements successifs, il s’agit d’étendre les possibilités du télétravail en allant au-delà des 29 jours annuels aujourd’hui permis par l’état luxembourgeois aux travailleurs résidant en France (contre 34 pour ceux résidant en Belgique.).
En plus de nouveaux équipements, un réseau de mobilité est proposé à l’échelle transfrontalière, propre à chaque alliance, pour connecter le territoire dans la direction est-ouest, favorisant ainsi les déplacements intercommunaux. Différents types de propositions sont formulées pour construire une nouvelle armature de mobilité (figure 51). Dans cet esprit, la commune de Rochonvillers est intégrée aux dynamiques locales. Ses habitants pourront profiter des services qui s’installent dans la commune, et aussi de ceux offerts par les communes proches.
Puis, avec l’objectif d’augmenter la proximité via des mobilités soutenables, de nouvelles pistes cyclables sont tracées. Ces pistes traversent le territoire, connectent les communes et encouragent ce type de déplacement plutôt que l’utilisation de la voiture individuelle pour les courtes et moyennes distances. À certains endroits, des pistes cyclables existent déjà, des nouvelles pourront alors s’y attacher pour créer une armature de mobilité douce à l’échelle de l’alliance et du territoire.
Les pistes cyclables infiltrent les trames vertes prenant alors plusieurs formes selon les opportunités et les caractéristiques de chaque situation. Dans l’idéal, il s’agit d’une bande qui remplace une voie automobile sous-utilisée pour devenir un parcours hybride : une partie est destinée à la mobilité douce, soit à vélo ou à pied, et l’autre partie pour la production alimentaire locale. Ensuite, dans le cas où les distances entre communes sont importantes, cette voie peut être beaucoup moins épaisse pour accueillir simplement la piste cyclable et une bande végétale. Enfin, les anciennes voies ferrées qui traversent le territoire depuis Fontoy vers Audun-le-Tiche, en passant par Tressange et Aumetz, deviennent aussi des parcours doux, affirmant la mobilité soutenable comme priorité des nouveaux moyens de déplacement.
Dès lors et en fonction de la stratégie programmatique et de la stratégie de mobilité appliquée à l’ensemble de l’alliance du plateau minier, le village de Bure (figure 52) est choisi pour concrétiser ces dernières à l’échelle des pratiques habitantes.
La commune de Tressange est composée de plusieurs villages, dont Bure. Si ce village est choisi, c’est parce qu’il se situe au centre des dynamiques de l’alliance et partage les enjeux des autres communes du plateau. Aussi, son passé minier et sa forme urbaine sont significatifs d’enjeux récurrents à l’échelle du territoire. Pour ces raisons, Bure devient un des trois sites démonstrateurs utilisés pour esquisser de nouvelles dynamiques territoriales.
Lorsque le village de Bure est rattaché à la commune de Tressange en 1811, une modeste rue centrale dessert une dizaine de fermes et mène à une église, lieu de rencontres quotidiennes. Autour, des vergers et potagers assurent l’alimentation du bourg jusqu’aux années 1920. Cette ceinture vivrière historique est un indicateur de la qualité de ses sols.
Puis, dès les années 1930, le village s’est fortement dédié à l’activité minière. L’emploi à la mine est une source d’attractivité majeure qui occasionne une accélération très importante en termes d’urbanisation pour accueillir les mineurs et leurs familles.
En 1973, la fermeture de la mine et la démolition des chevalements dans les années 80 ont marqué la fin de l’activité minière. Depuis, une lente transformation du bourg actif et attractif en village dortoir a lieu : le foncier libéré par la mine est vu par la commune comme une opportunité d’accueillir des logements pour les travailleurs frontaliers. Ainsi, des extensions pavillonnaires apparaissent, comblant le vide laissé par l’usine démantelée.
Depuis les années 2000, les extensions pavillonnaires ont continué et se sont accélérées, s’étalant sur les terres agricoles vers Tressange au Sud et Boulange au Nord. Aujourd’hui, le village de Bure est principalement composé de maisons individuelles, avec un développement pavillonnaire qui s’étale toujours, représentatif des pratiques périurbaines de la région. Ce développement se fait au fur et à mesure de l’apparition d’opportunités foncières, souvent de façon impromptue afin de satisfaire une demande constante de logements. Il en résulte un paysage et une forme urbaine fragmentaire.
Les trois grandes étapes de développement sont clairement identifiables dans le tissu urbain (figure 53). Au centre, l’ancienne rue centrale mène toujours à l’église desservant les fermes qui ne sont plus en fonction. Ensuite, l’habitat minier se caractérise par des habitations peu denses avec de grands jardins au Nord et par un îlot de maisons jumelées au cœur du village. Enfin, les extensions pavillonnaires (figure 54) étendent le village de manière centrifuge. Finalement, si l’habitat est le témoin de l’évolution du village, la forme urbaine répond à l’évolution du mode de vie des habitants : de l’exploitation agricole in situ à l’activité transfrontalière en passant par l’exploitation minière.
Le village de Bure compte une série d’équipements donnant aux habitants un accès à quelques services essentiels comme une école, un terrain de sport et une salle des fêtes située dans un point stratégique au cœur du village. Ces équipements complètent dans le centre du village d’autres services de proximité tels qu’un bar/restaurant et un coiffeur. L’église est également un élément important dans le tissu urbain et représente une partie du patrimoine historique du village. Par contre, il s’agit d’un espace de moins en moins fréquenté et utilisé dans les petites communes, ce qui interroge sur sa participation aux dynamiques du village.
Le mode de vie transfrontalier affecte fortement l’utilisation de ces espaces et leur fréquentation : c’est pour cette raison qu’il faut les valoriser et les lier à d’autres usages (figure 55). L’objectif est de créer un lieu de vie agréable pour les habitants et qui leur donnera envie de s’y investir au-delà des activités transfrontalières. À partir du kit de proximité, certains programmes ont été identifiés pour valoriser les pratiques quotidiennes locales, mais aussi pour renforcer la complémentarité de l’alliance.
À Bure comme dans une grande partie du territoire, l’espace public se limite principalement aux voies et à leur fonction circulatoire. Ces voies ont habituellement des trottoirs de petite taille dévaluant les pratiques piétonnes, le parcours dans le village et même l’accès aux équipements de proximité.
Au sein du tissu villageois, certains espaces exceptionnels se distinguent comme la place publique du village ou encore un espace minéral à l’intersection de plusieurs voies de circulation. Aussi, on remarque l’ancienne ceinture vivrière aujourd’hui intégrée comme jardin privé au sein d’un îlot. Cet îlot se connecte avec la place publique, l’espace public végétal, et en même temps il interagit avec les équipements et services du village tels que la salle des fêtes, le bar et le coiffeur à l’Ouest, et l’église et l’école à l’Est. En outre, les logements jumelés de l’époque minière possèdent de profondes parcelles facilement densifiables. Enfin, l’entrée du village est aujourd’hui occupée par le boulodrome et un terrain de football. Dans le Plan local d’urbanisme de Tressange, l’espace du terrain sportif est considéré comme une zone « à urbaniser » puisque la commune possède déjà un complexe sportif avec son propre terrain.
Si ces lieux ont un grand potentiel dans les dynamiques du village, ils demeurent isolés en l’absence de liaisons de qualité, ce qui décourage l’activité piétonne de proximité et encourage les déplacements motorisés.
Au cœur du village, le projet propose de créer un espace public d’un hectare en cœur d’îlot (figures 56 et 57) qui connecte les activités du village et met en valeur les équipements environnants. L’aménagement esquissé conserve les arbres existants et les complète d’arbres fruitiers pour disposer d’un verger public sur l’emplacement historique de l’ancienne ceinture vivrière (figures 58 et 59). Un espace central polyvalent et ludique offre des activités sportives pour les habitants (figure 60). Cependant, le projet se situe sur des parcelles privées. Ainsi le projet intègre le scénario où certains habitants ne voudraient pas rétrocéder une partie de leur terrain à la commune et assurer une maniabilité certaine des aménagements prévus (figure 61).
Par la suite, une parcelle non construite à l’angle de l’îlot est ciblée pour implanter le volume capable (un espace hybride pouvant accueillir différents types de pratiques alternées selon les périodes ou simultanées) de la commune, dont l’architecture fait référence à l’usine historique de la mine et de son chevalement (figures 62 et 63). Son parvis s’inscrit dans la continuité du verger public et englobe le carrefour de l’église et de l’école primaire (figures 64 et 65). La cour de l’école et son terrain de jeux s’ouvrent sur l’espace public qui glisse sous le volume capable rendant visible et accessible son jardin ainsi qu’une salle polyvalente.
Comme son nom l’indique, le volume capable s’adapte à la programmation nécessaire du village et peut héberger par exemple une garderie, un centre de télétravail, une salle d’exposition et une salle de sport. Une tour d’observation surplombe le village, marque un repère visuel et offre une vue panoramique sur ce dernier.
Dans un îlot peu dense de dix logements à l’hectare (figure 66), le projet densifie et crée de nouveaux espaces d’habitation (figure 67 à 70). Ainsi, sur la base d’une proposition de découpage parcellaire conservant des jardins de tailles raisonnables pour les maisons existantes et nouvelles, un espace central est dégagé. Accessible par des venelles piétonnes, cet espace dessert l’ensemble des parcelles et dispose d’espaces appropriables par les habitants tant pour le sport, que les loisirs et le jardinage. En proposant des espaces en partage, le projet souhaite favoriser l’esprit de convivialité et de communauté habituellement limité dans les communes dortoirs.
Existant : 22 maisons Parcelles d’environ 1 000 m² Projeté : 36 maisons - Maisons existantes sur des parcelles réduites d’environ 550 m². - Nouvelles maisons sur des parcelles d’environ 230 m² - 4 900 m² d’espace commun extérieur dont 2 000 m² d’espaces productifs (potagers partagés et vergers) - 250 m² d’espace commun « bâti » : stockage, coworking, buanderie, etc. |
Le projet s’intéresse à un terrain à l’entrée du village inscrit dans le PLU comme « à urbaniser » (figure 71). Si la commune a déjà prévu un lotissement pavillonnaire des plus classiques, l’objectif est de promouvoir de nouvelles manières d’habiter. Dans ce sens, un aménagement en séquence est projeté (figures 72 à 74) diversifiant l’offre et l’usage des différentes parcelles : une zone productive (maraîchage, serres, vergers) intègre la lisière projetée et marque la sortie du village. Puis, une zone urbanisée propose une quinzaine de logements intermédiaires et individuels. Enfin, la place existante et son boulodrome sont valorisés en accueillant le marché et divers événements extérieurs ponctuels.
Bure, comme une grande partie des communes du plateau, est entourée par des parcelles agricoles de grandes cultures telles que le blé tendre, le colza ou le maïs, et par des masses boisées représentant des noyaux de biodiversité certains. Ces entités paysagères contrastent de manière évidente avec le développement urbain du village qui provoque une rupture paysagère forte. Effectivement, en l’absence de lisière, et au vu de l’urbanisme opportuniste qui est pratiqué, la transition entre espace urbain et agricole n’est pas assurée.
Par ailleurs, les terres agricoles sont l’objet d’une exploitation intensive qui se traduit par de grandes parcelles en monoculture dont la plupart dépassent les huit hectares. Selon les agronomes de l’Ensaia avec lesquels nous avons collaboré, au-delà de huit hectares de monoculture, sans haies intermédiaires, la dynamique biologique des sols se réduit de manière significative et nécessite des intrants (engrais et pesticides) pour l’exploitation agricole. Actuellement, plusieurs parcelles productives dépassent les 30 hectares, voire même les 50 hectares. Ces étendues représentent un appauvrissement des sols et une rupture des continuités écologiques en l’absence de trames vertes, isolant de fait les différents noyaux de biodiversités.
Afin de répondre à ces enjeux, et pour s’insérer dans une armature paysagère territoriale, une structure bocagère est mise en place (figure 75). Nous le verrons par la suite avec la commune de Villers-la-Chèvre, cette structure sert à réduire la taille des parcelles, faciliter les dynamiques de biodiversité et augmenter la qualité des sols à travers des linéaires végétalisés. De plus, elle permet d’améliorer et de diversifier le paysage existant, tout en reliant les noyaux de biodiversité entre eux, mais également avec le village.
Afin de valoriser les limites du village et d’avoir une transition plus progressive entre l’espace agricole et l’espace urbain, le projet propose la création d’une lisière agri-urbaine reliant le village aux noyaux de biodiversité à travers la nouvelle structure bocagère (figure 76). Cette lisière se dessine en suivant en grande partie la topographie du site afin de renforcer l’ancrage du village dans le paysager.
La lisière agri-urbaine est un espace vivant utilisé comme parcours cyclo-piétonnier périphérique au village, se connectant aux voies vertes cyclables à l’échelle de l’alliance. Il s’agit également d’un espace hybride dont l’épaisseur est variable et accueille des programmes de proximité pour les habitants, devenant un véritable lieu de vie partagé et appropriable. Aussi, des zones pour la production alimentaire locale et la diversification des cultures du plateau sont prévues via la disposition de jardins maraîchers, de vergers et de haies arbustives à baies.
À partir des carences identifiées au sein du village et en complément des autres communes de l’alliance, la stratégie programmatique du kit de proximité se met en place. Aussi, Bure confirme le besoin général du territoire de disposer d’espaces publics. Le projet fait de cet enjeu une priorité afin de créer une trame d’espace public qui valorise les activités du village, ses équipements, et encourage l’activité piétonne (figure 77). Au-delà du village, la stratégie programmatique vise une proximité qualitative pour l’ensemble de l’alliance, permettant une autonomie relative à l’égard des métropoles frontalières. Afin de réduire les déplacements des travailleurs transfrontaliers de la commune, qui représentent tout de même plus de 60 % des actifs, des espaces de télétravail sont proposés. Ceux-ci sont disposés au sein de volumes capables où les locaux sont mutualisés avec d’autres programmes (pédagogiques, sportifs, de loisir, de santé).
Par ailleurs, la piste cyclable existante est mise en réseau avec la trame cyclable territoriale via la traversée de la lisière agri-urbaine. La lisière devient une trame verte pour l’alliance du plateau minier. De la même manière, l’arrêt de bus est déplacé au niveau du parking de la salle des fêtes au cœur du village pour créer un point de mobilité soutenable rayonnant avec des services de covoiturage et des points de charge de voitures et vélos électriques. De fait, la mise en valeur des mobilités douces existantes renforce le mode de vie de proximité proposé (figure 78).
Au regard des autres communes du plateau, et malgré des contextes particuliers, des situations similaires à celles observées à Bure apparaissent le long de l’alliance et de la frontière (figure 79). Par exemple, des communes sont séparées en plusieurs polarités comme celles de Crusnes ou Errouville. D’autres possèdent de grands cœurs d’îlots surdimensionnés symptomatiques des typologies issues des cités minières comme à Aumetz et Crusnes. Aussi, et au vu des nombreux terrains identifiés dans les PLUs comme zones à urbaniser, il existe autant de projets alternatifs potentiellement démonstrateurs d’une meilleure manière d’habiter les couronnes périurbaines. Enfin, la plupart des communes de l’alliance et du territoire présentent également de fortes ruptures paysagères entre l’espace urbain et l’espace agricole. Dans ce sens, l’objectif du projet est alors de créer des dispositifs qui répondent aux enjeux particuliers du village de Bure, mais qui puissent aussi s’adapter et être reproduits pour répondre aux besoins programmatiques des autres points de l’alliance et du territoire, et ce afin de mettre en place la complémentarité et un réseau de proximité souhaitable.
CAUE du Calvados, 2020, Appel à idées #3 : Des sacrées églises.
Commune de Tressange, 2017, Plan Local d’Urbanisme.
Paris en commun, 2020, [dossier de presse] Le Paris du quart d’heure.