Le territoire transfrontalier franco-luxembourgeois est composé d’une multitude d’interactions (figure 2). Le Luxembourg, situé entre la France, l’Allemagne et la Belgique, joue un rôle fondamental dans l’économie et les formes d’aménagements de ses voisins. Ainsi, différentes structures et organismes (figure 3) sont nécessaires à la collaboration transfrontalière de façon à organiser et tirer partie de cette influence luxembourgeoise.
La Grande Région est un espace frontalier de coopération discutant à la fois de la gouvernance et du développement économique des régions proches du pôle influent majeur. Elle se compose de la Sarre, de la région Lorraine, du Luxembourg, de la Rhénanie-Palatinat ainsi que de la Wallonie en Belgique.
Le Luxembourg a récemment lancé la consultation internationale Luxembourg in Transition1 afin de parvenir, avec différentes équipes, à l’élaboration de scénarios en faveur de la transition écologique. Cet appel d’offres est mené par et pour le pays, ainsi que pour la région fonctionnelle luxembourgeoise.
L’Atelier de Préfiguration IBA Alzette-Belval+ est, quant à lui, un projet franco-luxembourgeois tentant la recontextualisation d’une pratique architecturale et d’une planification expérimentale. Celles-ci prennent place au sein d’un projet sociétal plus large, regroupant des problématiques sociales, économiques et écologiques.
Le Groupement européen de Coopération territoriale (GECT) se compose de quatre communes luxembourgeoises ainsi que de quatre collectivités locales françaises. L’ambition de cette structure est de trouver des réponses aux difficultés, tout autant que de faciliter et promouvoir la coopération transnationale et interrégionale en encourageant l’émergence de projets et services.
L’Opération d’intérêt national (OIN) Alzette-Belval fait aujourd’hui exception : elle ne dépend pas d’une métropole en particulier, mais s’introduit au sein d’une agglomération transfrontalière. Elle est créée par le biais d’un décret afin que l’État puisse maîtriser la politique d’urbanisation des différentes zones concernées.
Enfin, l’Établissement Public d’Aménagement (EPA) Alzette-Belval est né afin de pouvoir mettre en œuvre la politique d’aménagement de l’État sur le territoire de l’OIN. L’objectif est de conduire des actions en faveur de l’aménagement, du renouvellement urbain ainsi que du développement économique pour bénéficier d’un territoire attractif.
L’ensemble de ces organisations offre une coopération intéressante entre la France et le Luxembourg sans véritablement en définir les caractéristiques et enjeux. De ce fait, une analyse est menée, empruntant la méthodologie du SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities et Threats), afin de pouvoir appréhender cette région transfrontalière dans un cadre plus large.
Rythmés par un relief alternant plateaux et vallées (figures 4 et 5), ainsi que par un récent étalement urbain, les espaces forestiers du territoire transfrontalier ont évolué de manière disparate. Sur le versant français, ils se caractérisent par des massifs boisés qui se sont consolidés au fil des années. En revanche, sur le versant luxembourgeois, les forêts ont elles progressivement reculé jusqu’à se fragmenter face à l’expansion du nombre d’infrastructures.
La disparité présente entre les deux pays voisins n’empêche pas toutefois des problématiques environnementales articulées. En effet, ces boisements dessinent aujourd’hui des noyaux primaires pour la biodiversité et sont, par conséquent, des entités naturelles remarquables à préserver et à valoriser. Ils représentent également une ressource durable tant comme matière première que pour leur capacité à absorber le carbone.
Le potentiel du paysage franco-luxembourgeois ne s’arrête cependant pas aux massifs forestiers et s’amplifie au travers des larges plateaux agricoles. Ensemble, ils composent une armature paysagère remarquable, interrompue ponctuellement par les éléments urbains et infrastructurels.
L’ère industrielle, qui a marqué cette région, révèle un autre aspect du paysage local compte tenu du fait que les usines se sont installées dans les fonds de vallées (figure 6). Celles-ci ont exploité les ressources présentes dans les sous-sols, à l’instar des cours d’eau qu’elles ont canalisés, mais elles ont également créé un réseau ferroviaire afin de se rattacher aux autres sites métallurgiques. Aussi, les nombreuses cités minières et sidérurgiques installées dans la pente des vallées constituent une identité locale forte.
Le relief, donnant au versant français le nom de « Pays-Haut Lorrain », est, avec ses caractéristiques géologiques, l’élément majeur dans la structuration des couvertures de sol (figure 7). Sa composition en une succession de plateaux a en effet permis la généralisation de l’exploitation du sol par le biais de machines motorisées, aujourd’hui spécifiques à l’agriculture intensive. Cette pratique agricole soulève toutefois diverses problématiques tant du point de vue environnemental, socio-économique, que paysager. En premier lieu, l’application d’intrants chimiques pollue nettement les sols ainsi que les nappes phréatiques. Ensuite, le grand remembrement et l’expansion de la l’industrialisation agricole ont façonné un maillage composé de vastes parcelles en monoculture. Cette organisation donne alors lieu à un appauvrissement important des sols, de la biodiversité et des dynamiques naturelles.
L’ensemble de ces circonstances a un impact sur la capacité à produire localement une alimentation de subsistance dans la mesure où les cultures sont céréalières, et essentiellement destinées à l’alimentation des cheptels bovins. Ce principe de production est d’ailleurs visible dans la faible implantation de points de vente de produits locaux issus du maraîchage et de l’agriculture biologique, et significative du manque de filière courte. De cette manière, des questions peuvent être posées à la fois sur l’évolution du système agricole, mais aussi du paysage, des filières et des habitudes de consommation.
Pour repenser les méthodes de culture actuelles, ainsi que pour favoriser une coopération transfrontalière, il est essentiel d’en observer les caractéristiques propres. Les plateaux français se caractérisent principalement par un réseau de grandes cultures (orge, blé, colza…), tandis que la plaine luxembourgeoise se définit davantage par des prairies permanentes nécessaires à l’élevage bovin (lait et viandes). Cette disparité de la stratégie agricole entre les deux pays offre toutefois une possible complémentarité. Cette dernière est attrayante, et peut générer une interdépendance locale. En effet, le Luxembourg ne produit que 2 % des fruits et légumes qu’il consomme, tandis que la France possède les ressources nécessaires pour en développer la filière.
L’état des lieux du système agricole transfrontalier révèle la diversité de matières existantes de part et d’autre de la frontière ainsi que leur potentiel. Mieux organisée et équilibrée, elle peut en effet augmenter la capacité de subsistance du territoire et proposer une large diversité alimentaire à sa population. Néanmoins, les gestions administratives françaises et luxembourgeoises diffèrent et interrogent sur la limite de la coopération entre les filières, les élus et les gouvernances locales.
L’accessibilité aux équipements est une faiblesse caractéristique du territoire dont les disparités sont considérables. L’écart remarquable de walk-score2 entre les grandes villes, comme la commune d’Esch-sur-Alzette (figure 8), et les entités urbaines plus modestes des plateaux français (figures 9 à 12) traduit un accès aux équipements du quotidien inéquitable. En effet, la région s’organise sous forme de noyaux d’activités incarnés par les grandes villes autour desquelles se crée un système de dépendance en couronne pour les communes alentour. Cette situation étend considérablement les distances comme les temps de déplacements journaliers. Par conséquent, les bassins de vie se concentrent autour des aires urbaines majeures à la défaveur des villages moins dotés en services, commerces et équipements de la vie quotidienne.
Ce déséquilibre accentue alors la dépendance à l’automobile pour les habitants des petites communes souhaitant compenser leur manque d’offre de proximité par des déplacements intercommunaux. L’enjeu ici est de réduire cette dépendance : pour cela, il est nécessaire d’améliorer la répartition des équipements afin de permettre à l’ensemble de la population d’y avoir accès dans des distances courtes.
Les dynamiques transfrontalières évoquées auparavant ont pour conséquence la multiplication de villages dortoirs, ainsi que l’apparition de formes urbaines déconnectées de leur milieu. Ces extensions sont le résultat d’un urbanisme non maîtrisé, au gré des opportunités foncières. En y regardant de plus près, différents types d’extensions peuvent être observées : aménagement continu/discontinu/en étoile.
Ces formes urbaines ne sont pas spécifiques à l’influence luxembourgeoise, mais plus largement à un phénomène courant qui peut être observé autour des métropoles. En outre, elles sont souvent les lieux de résidence des travailleurs frontaliers et révélatrices d’un certain mode de vie. Par conséquent, ces dynamiques d’extension urbaine sont à prendre en compte dans l’élaboration de la stratégie de conception et de projet.
Bien que les communes françaises bénéficient de retombées économiques importantes grâce au Luxembourg, un écart de salaire médian est considérable entre les deux pays (figure 13). Cette observation témoigne d’un déséquilibre territorial qui est aussi perceptible dans le prix au mètre carré des logements. Une disparité qui crée une distance supplémentaire entre les modes de vie des deux pays.
Tandis que la population française tire parti de la faible taxe luxembourgeoise sur le carburant (le « tourisme à la pompe »), l’alcool et le tabac, l’effet s’inverse pour les produits de consommation courante (figures 14 et 15). Cette corrélation entre fiscalité et géographies de la consommation, relève des politiques fiscales qui divergent entre les deux pays et génère des flux de personnes bilatéraux. Toutefois, ces dépenses transfrontalières sont inégales avec un apport étranger pour le Luxembourg équivalent à 1,42 milliard d’euros par an (soit 4,6 % du chiffre d’affaires total) contre 604 millions d’euros pour la France3. Passé ce constat économique, c’est également dans l’espace que ces habitudes de consommation se manifestent. Elles sont, en effet, facilement observables le long de la frontière par le biais de la concentration des stations-service ou l’essor des zones commerciales. C’est ce qui est couramment appelé le « paysage pétrolier »4.
L’économie de l’emploi offerte par le Luxembourg fait bénéficier la région transfrontalière d’une importante attractivité économique. Un des enjeux majeurs du territoire repose par conséquent sur la capacité des diverses aires urbaines à absorber les nouveaux habitants et leurs besoins en équipements. Sur le versant luxembourgeois, une intense pression foncière génère l’exploitation immédiate des parcelles ouvertes à l’urbanisation. Sur le Pays-Haut Lorrain, bien que la demande soit plus importante que l’offre, la gestion du gisement foncier est complexe. En effet, la plupart des parcelles disponibles se situent sur d’anciens sites industriels où la pollution, restant variable, est présente. L’expansion du nombre de ces opportunités foncières pose néanmoins sensiblement question.
Tandis que le gisement foncier à bâtir résulte du passé industriel du territoire franco-luxembourgeois, il n’est pas l’unique infrastructure qui nécessite d’être questionnée. Historiquement, l’ensemble des usines métallurgiques était effectivement relié par un important réseau ferroviaire dont l’emprise au sol est en partie visible de nos jours. Cette ancienne infrastructure pourrait être une opportunité pour redonner du liant au territoire. Toutefois, la transversalité qu’elle propose doit rivaliser avec celle apportée par les axes routiers existants et quotidiennement utilisés.
Les questionnements portés sur les opportunités foncières du territoire (figure 16) révèlent un net manque d’évolutivité et de résilience des anciennes constructions. L’élaboration des projets en cours ou futurs (figures 17 et 18) doit, de ce fait, nécessairement travailler ces possibilités, notamment en se servant de l’expérience de la crise sanitaire actuelle. Ainsi, les questions de l’aménagement des logements et des lieux de vie annexes se posent, en particulier, à travers les potentialités du télétravail. Des formes architecturales et urbaines inédites peuvent, dans cette perspective, être proposées et offrir de nouvelles qualités au territoire transfrontalier.
Les problématiques foncières de la région analysée sont fondamentales dans la pérennisation de l’attractivité locale et la qualité de ses modes de vie. De cette manière, les opportunités foncières peuvent être mises en réseau pour en faire des ressources capables de valoriser les qualités du territoire. D’ailleurs, c’est dans ce cadre qu’interviennent des structures telles que l’EPA Alzette-Belval en conduisant les missions d’aménagement de la Communauté de communes du Pays-Haut Val d’Alzette (CCPHVA). Cette envie de valorisation de la région transfrontalière s’effectue également au moyen de la Préfiguration IBA ainsi que par l’événement « Esch 2022, Capitale européenne de la Culture ». L’ambition de ce projet, dont le maître mot est « donner accès », travaille sur une programmation s’installant sur dix communes du Sud-luxembourgeois et 8 communes françaises.
À l’heure de la pandémie mondiale et du confinement généralisé, le télétravail est apparu comme une opportunité vers de nouvelles pratiques professionnelles changeant le paradigme du mode de vie transfrontalier. La réglementation du télétravail (des Français travaillant au Luxembourg) normalement fixée à un maximum de 29 jours par an a d’ailleurs été suspendue provisoirement pendant les confinements. Précisons également que les frontaliers peuvent bénéficier jusqu’à 50 jours de « home office ». Au-delà des 50 jours, l’employé est imposé selon les taux de son pays de résidence et l’employeur doit prendre en charge la différence avec le taux luxembourgeois.
Augmenter le nombre de jours télétravaillés permettrait premièrement de désengorger les flux de mobilités, d’augmenter le confort des employés et in fine de réduire l’impact carbone des navetteurs. Ensuite, ce changement de paradigme permettrait aux entreprises de s’alléger du foncier inoccupé dans les pôles tels que Luxembourg-ville et Esch sur Alzette. Celui-ci incarne donc une potentielle réserve foncière non négligeable et très recherchée aujourd’hui. Enfin, en réorganisant la temporalité et la géographie des frontaliers, le télétravail est une opportunité de revitaliser les communes dortoirs et de répartir les impôts et les dépenses de ces derniers sur le territoire.
La pratique du télétravail comporte néanmoins divers inconvénients : la cohabitation avec les autres occupants d’un même logement, une bonne connexion à internet, la surcharge mentale et les limites floues avec la sphère privée sont autant de contraintes qui nécessitent des réponses architecturales et programmatiques.
Ces réponses peuvent se matérialiser par une pièce en plus dans le logement (figures 20 et 21), augmentant le confort du travailleur, mais nécessitant toujours plus de place, de réseau et favorisant l’étalement urbain et périurbain. Pour le logement collectif, la perspective d’un appartement réversible semble intéressante. Et puis, les centres de télétravail (figure 19), comme mise en commun d’infrastructures, de réseaux, semblent être une opportunité privilégiée pour revitaliser les centres, bourgs et communes périurbaines.
Notons que l’effort diplomatique de l’état français et luxembourgeois est d’ailleurs la preuve qu’en vue d’enjeux communs et imminents, une coopération transfrontalière peut porter ses fruits. Il s’agirait maintenant de considérer l’urgence climatique comme un de ces enjeux primordiaux.
L’apparence actuelle des aires urbaines résulte en grande partie de l’économie du territoire franco-luxembourgeois reposant autrefois sur l’industrie (figure 22). En effet, jusqu’à la première moitié du 20e siècle, la région n’avait connu que de très faibles évolutions composant ce qui est nommé le « noyau historique ». Le début du 20e siècle se distingue par l’implantation d’usines dans les fonds de vallées, l’exploitation des cours d’eau, et le développement des axes nord-sud accentués par l’émergence des cités ouvrières. La croissance industrielle continue de progresser durant la seconde moitié du 20e siècle par le biais de l’extension remarquable des sites métallurgiques. Même constat concernant l’étalement urbain ouvrier qui se développe autour des noyaux historiques.
Les années 1970-80 témoignent, quant à elles, de l’évolution des techniques avec la nette apparition des infrastructures routières et la progression de la dépendance à la voiture. Au même moment, les industries ferment progressivement leurs portes et engendrent un basculement du système économique, notamment pour le versant français. L’emploi perdu se retrouve proposé par les entreprises luxembourgeoises, nous sommes alors dans les prémices de la relation économique entretenue aujourd’hui entre les pays voisins.
Aujourd’hui, la région franco-luxembourgeoise est toujours marquée par son passé industriel, notamment à travers les projets qui visent à les valoriser. Néanmoins, la relation d’influence économique existant entre les deux versants autour de la frontière a occasionné un développement considérable de zones commerciales et de lotissements pavillonnaires.
Le développement urbain du territoire transfrontalier (figure 23) révèle l’impact des diverses et successives périodes économiques. Par conséquent, les aires urbaines s’étendent sous cette pression financière intense, et non en fonction de logiques environnementales localisées. La problématique qui reste à résoudre se situe, néanmoins, dans la capacité de cette région à absorber la croissance démographique projetée à 300 000 frontaliers supplémentaires à l’horizon 20505.
Le déséquilibre présent au sein du marché du travail transfrontalier (figure 24) fait de l’emploi un enjeu majeur pour l’attractivité du territoire, notamment pour le versant français. Les différences salariales et fiscales entre les deux pays provoquent, en effet, une nette concentration de l’emploi au Luxembourg, tandis que les communes françaises sont cantonnées à des fonctions résidentielles. Cette dépendance et concurrence engendrent également un impact direct sur les mobilités transfrontalières pendulaires.
Les déplacements domicile-travail constituent plus de 52 % des mobilités quotidiennes. Ces déplacements sont en grande partie effectués en voiture avec un taux d’occupation équivalent à 1,06 personne par véhicule : les frontaliers franco-luxembourgeois reflètent parfaitement la culture de l’auto-solisme. En outre, ce mode de vie génère une nette surcharge des réseaux autoroutiers qui accumulent des points de congestion aux heures de pointe (figure 25). Augmentant le risque d’accident, cette surfréquentation fait de l’A31, rattachant Metz à Luxembourg-Ville, le second axe le plus accidenté du pays et le plus meurtrier depuis 1999.
Au cours des vingt prochaines années, plus de 150 000 frontaliers supplémentaires pourraient, selon l’AGAPE (Agence d’urbanisme et de développement durable de la Lorraine Nord), se rendre quotidiennement au Luxembourg depuis la France. La nette croissance de ces flux constitue une véritable menace non négligeable pour le territoire Nord-Lorrain, compte tenu du fait qu’il pourrait en concentrer au moins la moitié. Par ailleurs, cette hausse va engendrer une pression importante sur les réseaux de transport en commun, sur les liaisons directes vers le Luxembourg ainsi que sur le réseau annexe.
Aux flux de frontaliers s’agrègent d’autres déplacements relatifs aux divers projets commerciaux d’envergure qui s’implantent le long des axes congestionnés. En somme, l’AGAPE a recensé à la fin 2018 une surface commerciale en projet de près de 350 000 mètres carrés, sur un total d’environ 1,3 million de mètres carrés (soit une augmentation de près de 27 %). Cette expansion est en outre accentuée par une imminente perspective de développement du secteur de la logistique avec divers projets. Entre le Terminal Container d’Athus, l’implantation d’un entrepôt Amazon, ou encore les multiples ports de Moselle (Thionville, Yutz…), le nombre de manipulations de conteneurs va être multiplié par 4 d’ici 2030.
Face à ce constat alarmant, un report modal semble s’imposer, néanmoins, le réseau ferroviaire est d’ores et déjà surchargé (figure 26). Si le volume global de voyageurs actuel peut être acheminé en train au Luxembourg, les flux en heures de pointe ne se répartissent pas de manière homogène. En effet, sur l’axe Thionville-Luxembourg, près d’un train sur quatre est en surcharge sur les trajets matinaux contre la moitié sur les trajets du soir.
Les déplacements pendulaires, et leurs difficultés, questionnent l’ensemble du système transfrontalier ainsi que sa politique d’intégration par polarisation. Il ne s’agit plus, en effet, d’améliorer les infrastructures qui amplifieraient le phénomène d’influence, mais de réfléchir à un nouvel équilibre entre emploi, équipements, loisirs et consommation sur le territoire6.
Le territoire transfrontalier franco-luxembourgeois, que nous définissons comme l’étendue définie par les pratiques spatiales autour de la frontière, est un environnement complexe et marqué par une forte empreinte écologique (figure 27). En effet, les multiples structures permettant la coopération réunissent les deux pays sur le plan économique et celui de l’aménagement, et omettent les caractéristiques écosystémiques du territoire.
Le relief, avec ses spécificités géologiques, constitue le socle de la région transfrontalière et affecte l’ensemble des composants du paysage en déterminant son potentiel d’exploitation. Sur le versant français, ces caractéristiques se manifestent par le biais de massifs boisés, de fonds de vallées industrialisés, et de plateaux agricoles. Pour le versant luxembourgeois, la faible topographie offre, quant à elle, des plaines de prairies permanentes favorables à l’élevage soutenu par les politiques locales. Malgré l’omniprésence de ces noyaux de biodiversité, la continuité écologique est perturbée par le développement urbain et l’agriculture intensive. D’abord engendré par l’économie industrielle, puis par celui du pôle métropolitain de Luxembourg-Ville, l’étalement urbain dévore progressivement les parcelles agricoles.
Autrefois, les espaces de vie économiques et attractifs se constituaient à partir de logiques de proximité. Celles-ci ont explosé lors de l’arrivée des moyens de mobilité rapide (voitures, trains, tramway…). Ainsi, les distances domicile-travail, mais aussi celles avec les équipements, les lieux de divertissement, s’allongent considérablement en générant de multiples inégalités.
Les déséquilibres économiques, salariaux et fiscaux existant entre les deux pays frontaliers révèlent la barrière que peut être la frontière. Simple limite administrative à l’origine, c’est finalement un véritable obstacle dans l’élaboration d’une stratégie multiscalaire et pluridisciplinaire pour cette région franco-luxembourgeoise. Les objectifs environnementaux internationaux, ainsi que les diverses collaborations dans lesquelles les propositions ci-après sont inscrites, motivent à imaginer le territoire à l’horizon 2050. Ces propositions participent d’une stratégie transfrontalière fondée sur les notions de modes et bassins de vie, de résilience et de subsistance.
Agence d’urbanisme et de développement durable Lorraine Nord (AGAPE). Disponible sur : https://www.agape-lorrainenord.eu/.
Data.Public.Lu : La plateforme de données luxembourgeoise. Disponible sur : https://data.public.lu/fr/.
Établissement public d’aménagement Alzette Belval. Disponible sur : https://www.epa-alzette-belval.fr/.
INSEE. Disponible sur : https://www.insee.fr/fr/accueil.
Ministère de la Culture, 2015, Vocabulaire du développement durable : Délégation générale à la langue française et aux langues de France. Disponible sur : https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/.
Mission opérationnelle transfrontalière. Disponible sur : http://www.espaces-transfrontaliers.org/la-mot/presentation-mot/.
Walkscore. Disponible sur : https://www.walkscore.com/.