Travailler la transition écologique à travers une conception collaborative
Les projets présentés ci-après1 consistent en une expérimentation agri-urbaine métropolitaine qui s’appuie sur l’identification des enjeux transfrontaliers franco-luxembourgeois et d’un scénario prospectif à l’horizon 2050.
Au cours de l’année universitaire 2020-2021, lors de leur deuxième année de Master, six étudiants2 ont travaillé sur le territoire franco-luxembourgeois dans le cadre de l’atelier de projet « d’Urbanisme prospectif ». Proposé par Alain Guez — professeur en Ville et Territoire, cet atelier de projet du domaine d’études « Architecture, Ville et Territoire » de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy aborde la thématique « habiter la frontière ». Alors que le premier semestre a permis aux six étudiants-architectes d’arpenter le territoire transfrontalier, de rencontrer les acteurs3, mais également de produire une analyse et un scénario prospectif, trois d’entre eux4 ont décidé de prolonger la réflexion et d’en faire l’objet d’étude de leur Projet de fin d’études (PFE) lors du second semestre. Ainsi, dans une dynamique collective, le trio propose d’une part une vision analytique et prospective du territoire transfrontalier, d’autre part trois projets situés spatialisant et concrétisant la stratégie territoriale commune. Bien qu’individuels, ces projets sont élaborés en concertation : chacune des réflexions alimente celles des autres, les complète, et contribue au test des hypothèses émises par l’équipe à l’échelle territoriale. De ce fait, un jeu d’itérations entre les échelles, les sujets, et les thématiques traités permet d’appréhender le détail et la complexité de ce territoire.
Le projet intitulé « Habiter la frontière franco - luxembourgeoise en 2050 — Pour une dynamique environnementale transfrontalière » esquisse les potentialités frontalières selon une approche multiple :
Approche multiscalaire
Le cadre de la réflexion s’étend le long de la frontière (figure 1), allant de la triple frontière franco-belgo-luxembourgeoise jusqu’à l’axe autoroutier A31 raccordant Thionville à Luxembourg–Ville (soit un linéaire d’environ 40 km). L’analyse le révèlera, mais cette limite administrative a des répercussions physiques sur l’aménagement du territoire et son espace habité, ainsi que sur la matérialisation de la frontière en lui donnant une épaisseur. Pour être en capacité d’appréhender le territoire, ses logiques paysagères, ses trames de mobilité, son bassin de vie, et ses systèmes de gouvernance, plusieurs échelles et cadrages sont nécessaires. Ces derniers ne suivent pas un emboîtement linéaire, croissant ou décroissant, mais sont suggérés par les phénomènes observés et leurs indicateurs. De cette manière, l’analyse emprunte l’approche « SWOT » (« Strengths » — Forces, « Weaknesses » — Faiblesses, « Opportunities » — Opportunités, « Threats » — Risques) permettant de faire dialoguer constat et hypothèses, de naviguer entre toutes les échelles définies par les thématiques prises en compte, et d’épaissir la frontière en suivant les flux qui la traverse.
Approche multi collaborative
Au-delà de l’exercice du Projet de Fin d’Études en architecture lié à l’enseignement de Master, la réflexion s’est enrichie en tissant des liens avec d’autres projets en cours.
La ville d’Esch-sur-Alzette sera la capitale européenne de la culture en 2022 et à cette occasion une IBA (Internationale Bauausstellung5) est organisée. Cet outil développé en Allemagne dès les années 1900, et déployé récemment en Suisse (IBA Basel), révèle des concepts créatifs et innovants dans les domaines de l’architecture, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. Le projet s’inscrit dans la préfiguration de cette IBA, en collaboration avec Daniel Siemsglüß (chargé d’étude au GECT) et le Groupement européen de Coopération territoriale (GECT) Alzette-Belval. David Peleman, architecte-ingénieur enseignant-chercheur à l’Université du Luxembourg, membre de l’atelier pré-IBA a également participé aux présentations intermédiaires et au jury de l’atelier d’urbanisme prospectif, contribuant à soulever des questions significatives pour le travail des étudiants. Suite aux jurys de PFE, les trois étudiants ont été invités à participer à l’Atelier des Territoires local coordonné par Gect Azette-Belval réunissant les acteurs de la région autour de diverses thématiques et mises en situation6.
Conscient de l’urgence climatique et du défi qui attend l’état luxembourgeois pour baisser drastiquement son bilan carbone, un appel d’offres international intitulé « Luxembourg in Transition » est lancé. Par le biais du LHAC7, l’école d’architecture de Nancy fait partie de l’équipe portée par l’agence parisienne TVK. Ainsi, David Malaud (architecte urbaniste, docteur en architecture, directeur de recherches TVK) et Sarah Sauton (architecte & urbaniste, directrice de projets TVK) ont accompagné les étudiants lors des séances collectives et les ont conviés aux sessions de travail de l’agence.
Enfin, les thématiques abordées par le projet entrent directement en résonance avec celles défendues par la Chaire nouvelle Ruralités portée par Gwenaëlle Zunino et Marc Verdier à l’ENSA Nancy, à savoir la recherche d’articulation entre architecture, milieux vivants et agronomie.
Approche multidisciplinaire
Le Projet de fin d’études cristallise les nombreuses réflexions engagées au cours des séminaires de l’année de Master 2. Il se nourrit notamment du cours « Architecture Recyclage et Résilience » dispensé par Gwenaëlle Zunino, et du séminaire « Métropole européenne transfrontalière » mené par Pierre Colnat. Au cours de ces enseignements théoriques, les étudiants ont échangé avec des experts de la transition des territoires comme Christophe Aubertin (Architecte chez Studiolada, initiateur du groupe local de la Frugalité heureuse et créative en Lorraine), Panos Mantziaras (Architecte-ingénieur, Docteur en urbanisme et aménagement, directeur de la fondation Braillard Architecte), Aurélien Biscaut (Secrétaire général de la Mission opérationnelle transfrontalière et ancien directeur de l’Agence d’Urbanisme Lorraine Nord), Matthias Rollot (Architecte, maître de conférence à l’ENSA de Nancy, chercheur au LHAC, auteur et éditeur d’ouvrages notamment sur le bio régionalisme) et Florian Hertweck (Architecte, Docteur en histoire de l’art, professeur au master d’architecture à l’Université du Luxembourg, et membre d’une des équipes retenues pour les consultations internationales sur le Grand Genève et Luxembourg in Transition).
En plus de ces rencontres riches d’enseignement sur les disciplines de la transition, des entrevues régulières avec Gaëtan Haist, paysagiste-concepteur DPLG, urbaniste, paysagiste-conseil de l’État et maître de conférences à l’ENSA de Nancy, ont ouvert d’autres perspectives d’analyse et de réflexions sur le territoire.
Enfin, une collaboration avec les étudiants ingénieurs agronomes de l’Ensaia et leurs enseignants (Christophe Schwartz, Geoffroy Séré et Apolline Auclerc) et en particulier le Laboratoire Sol et Environnement de l’Ensaia ainsi que les échanges avec Anne Blanchart (Sol&co) ont contribué à renforcer l’approche paysagère, agricole et nourricière du projet.
L’ensemble de ces échanges a été rendu possible grâce aux encadrants Alain Guez, Agnès Hausermann et Gaëtan Haist, faisant prendre conscience aux apprentis architectes de l’importance de la pluridisciplinarité dans un projet de transition territoriale.
1 Ces projets ont été sélectionnés au Prix d’architecture de l’académie de Stanislas issus des diplômes de fin d’étude en architecture ainsi qu’aux conférences Transition Seeds de la Fondation Braillard (https://braillard.ch/) qui promeut l’architecture et l’urbanisme de qualité, en accord avec les principes du développement durable et de la transition écologique.
3 Notamment via des conventions avec le GECT Alzette/Belval et avec l’agence TVK
4 Aguilar Lopez Carlos, Lamoureux Marie-Aline et Royer Florian
5Une exposition internationale d’architecture.
6 L’Atelier des territoires est une démarche du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires qui vise à « accompagner les acteurs pour construire un projet d’aménagement en faveur de la transition écologique. L’Atelier des territoires propose aux acteurs locaux d’élaborer collectivement une vision d’avenir à partir des atouts et des ressources locales, des dynamiques et des coopérations interterritoriales ».
7. Laboratoire d’Histoire de l’Architecture contemporaine, de l’ENSA Nancy.
Research article
Travailler la transition écologique à travers une conception collaborative
Ecological transition through collaborative design
GUEZ Alain
ROYERFlorian
Une démarche de conception, entre pédagogie et recherche-action, a été engagée au cours de l’année universitaire 2020-2021, avec les étudiants de master 2 de l’atelier « d’Urbanisme prospectif » d’Alain Guez du domaine d’études « Architecture, Ville et Territoire » de l’Ensa de Nancy. Ces démarches de conception poursuivies dans des Projets de fin d’études s’appuient sur une approche multiscalaire, collaborative et multidisciplinaire. Les propositions des étudiants ont en effet été élaborées en interaction avec un ensemble d’acteurs et d’initiatives : le Gect Alzette Belval, l’atelier pré-IBA Alzette Belval, l’équipe de l'agence TVK, l’équipe coordinatrice de Luxembourg in Transition, la Chaire Nouvelles ruralités, des enseignants-chercheurs et des étudiants de l’Ensaia et les agronomes/urbanistes de Sol et Co.
During the 2020-2021 academic year, Alain Guez's Master 2 students from the 'Prospective Urban Planning' workshop in the 'Architecture, Town and Territory' field of study at Ensa Nancy will be involved in a design process that combines teaching and action research. These design processes, which are pursued as Final Year Projects, are based on a multi-scalar, collaborative and multi-disciplinary approach. The students' proposals were developed in interaction with a range of players and initiatives: the Alzette Belval Gect, the Alzette Belval pre-IBA workshop, the TVK agency team, the Luxembourg in Transition coordinating team, the Nouvelles ruralités Chair, teacher-researchers and students from Ensaia and the agronomists/urban planners from Sol et Co.
1 Ces projets ont été sélectionnés au Prix d’architecture de l’académie de Stanislas issus des diplômes de fin d’étude en architecture ainsi qu’aux conférences Transition Seeds de la Fondation Braillard (https://braillard.ch/) qui promeut l’architecture et l’urbanisme de qualité, en accord avec les principes du développement durable et de la transition écologique.
3 Notamment via des conventions avec le GECT Alzette/Belval et avec l’agence TVK
4 Aguilar Lopez Carlos, Lamoureux Marie-Aline et Royer Florian
5Une exposition internationale d’architecture.
6 L’Atelier des territoires est une démarche du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires qui vise à « accompagner les acteurs pour construire un projet d’aménagement en faveur de la transition écologique. L’Atelier des territoires propose aux acteurs locaux d’élaborer collectivement une vision d’avenir à partir des atouts et des ressources locales, des dynamiques et des coopérations interterritoriales ».
7. Laboratoire d’Histoire de l’Architecture contemporaine, de l’ENSA Nancy.