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Couverture de Les Terrains du cyberharcèlement et de la haine en ligne (Edul, 2025) Show/hide cover

Chapitre 7

Prolongement numérique et reconfiguration des violences au travail

Ce chapitre propose, à partir de témoignages de cyberharcèlement professionnel, de discuter la façon dont la communication à distance et les médias numériques peuvent prolonger, amplifier et reconfigurer les formes classiques de violences communicationnelles en contexte de travail. Les recherches sur les cyberviolences se concentrent depuis plusieurs années majoritairement sur les publics jeunes et l’espace public. Les travaux sur ces manifestations en contexte de travail sont plus récents et moins documentés.

Plusieurs autrices et auteurs se sont ainsi attachés depuis une dizaine d’années à répertorier les formes de cyberviolences en contexte scolaire (Blaya, 2013 ; 2018 ; Stassin, 2019c). Ces recherches suggèrent que les potentialités des réseaux sociaux en termes d’immédiateté, de viralité, de ralliement de témoins exacerbent et reconfigurent les actes de harcèlement traditionnels en milieu scolaire, d’une part, et d’autre part, peuvent facilement transformer des actes isolés de cyberviolence en cyberharcèlement (Blaya, 2016 ; Stassin, 2020 ; Stassin et Simonnot, 2018).

Dans l’espace public, plusieurs études, notamment en communication, montrent l’évolution des formes de violences liées aux médias numériques. Arnaud Mercier reprend ainsi les travaux de John Suler (Suler, 2005) et analyse « l’ensauvagement du Web » et les tweets injurieux et haineux (Mercier, 2018 ; Mercier et Amigo, 2021). Romain Badouard s’est intéressé à la « brutalisation » du débat public à travers le « double processus de banalisation et de légitimation de la violence » et aux discours de haine en ligne (Badouard, 2018 ; 2020). Christian Salmon montre comment, dans le contexte du développement des usages des médias sociaux, la communication politique est passée du « storytelling » à « l’ère du clash » (Salmon, 2008 ; 2020). Les travaux de Sarah Roberts documentent les coulisses du traitement de la violence et le travail des modérateurs du Web qui filtrent « les torrents de violence, de pornographie et de fiel déversés sur nos écrans » (Roberts, 2020).

Ce que montrent notamment ces recherches, c’est le déploiement de la violence en ligne et la tolérance inédite vis-à-vis de ces formes de violences. La fréquence, associée à la difficulté ou à l’absence de volonté de réguler, se traduit alors par une banalisation des différentes formes d’agressivité dans le débat public : des trolls (ne s’attaquant pas à un individu en particulier, mais à un espace de discussion) au cyberharcèlement, en passant par les propos haineux ciblant des individus ou des groupes en particulier.

Dans les recherches qui s’intéressent aux communications en contexte de travail, les travaux sur ces questions restent embryonnaires. Quand ils existent, ils s’attachent généralement aux échanges professionnels par courriels et très peu aux réseaux sociaux publics ou d’entreprise.

En 2020, la publication d’un handbook dédié au « work place cyberbullying and cyber harassement » regroupant 45 contributeurs et contributrices de plusieurs nationalités montre toutefois l’intérêt des chercheurs et chercheuses pour ce sujet (Ramos Salazar, 2020). Cet ouvrage permet par ailleurs de découvrir les points de vue divergents pour aborder cette question selon les disciplines et les postures. Les chercheurs et chercheuses s’attachent alors aux nouvelles formes de violences professionnelles dans la perspective de les dénoncer, de les corriger, de réparer ou de révéler les dysfonctionnements du travail dont elles seraient l’expression.

En sciences de l’information et de la communication, la question des conflits et de la violence en contexte de travail est très peu traitée en France, qu’ils soient médiatisés ou non par les technologies de l’information et de la communication (TIC). Ces phénomènes participent pourtant pleinement des communications au travail et de la production communicationnelle des organisations.

Les recherches menées sur le terrain depuis 20151 témoignent d’un intérêt croissant des entreprises pour les différentes formes d’incivilités et de violences numériques émergentes en contexte de travail (Carayol et Laborde, 2021). La crise sanitaire que le monde vient de traverser, la période de télétravail « forcé » qui l’a accompagnée, et les nouvelles formes de travail hybride qui se mettent en œuvre dans son sillage nécessitent plus que jamais d’investiguer ce domaine et d’en faire un objet de recherche, source d’information et de compréhension pour les salariés et salariées comme les entreprises.

Dans ce chapitre, nous nous appuierons sur des exemples de situations de cyberharcèlement professionnel via les réseaux sociaux publics ou les plateformes collaboratives professionnelles, pour montrer, d’une part, les potentialités inédites de ces médias, d’autre part la façon dont ils reconfigurent et rendent inopérantes les catégories classiques de la violence en contexte de travail.

Les témoignages repris dans ce texte montrent que, contrairement au point de vue des premières recherches sur ces questions, notre écosystème numérique ne constitue pas seulement une « nouvelle scène » pour « prolonger » ou « dupliquer » en ligne les échanges hostiles en contexte de travail, mais que les médias numériques ont des potentialités qui à la fois exacerbent les phénomènes et renouvellent les formes classiques d’échanges hostiles en entraînant une confusion et une porosité entre les catégories. Ainsi, dans les entreprises, à la faveur d’une tolérance accrue, d’une absence de règles partagées sur la façon de communiquer avec les nouveaux médias, et des potentialités techniques, les phénomènes de cyberincivilités, de cyberagressions et de cyberharcèlement se développent, se brouillent et se confondent.

Associées aux transformations en cours dans les organisations, les technologies numériques participent alors aux bouleversements des normes relationnelles et éthiques en contexte de travail.

La première partie de ce chapitre sera consacrée à la description de situations de cyberharcèlement professionnel, la seconde discutera certains enseignements issus de ces témoignages, la dernière proposera quelques pistes et perspectives de recherche.

Témoignages de jeunes femmes qui ont vécu des situations de cyberharcèlement professionnel

Les témoignages cités ici ont été recueillis en 2022 par Maëllysse Ferreira dans le cadre de son mémoire de recherche de master en sciences de l’information et de la communication. Il s’agissait d’interroger des personnes qui pensaient avoir été victimes de cyberharcèlement professionnel. Les entretiens – semi-directifs – ont été réalisés afin de répondre à la question suivante : est-ce que les réseaux sociaux prolongent, renforcent ou redéfinissent les violences au travail ?

Dans le cadre de ce chapitre, nous avons conservé cinq entretiens. L’échantillon est constitué de jeunes femmes en situation de premier emploi, de stages, ou d’emplois précaires. Les histoires de ces jeunes femmes ont été reconstituées à partir des entretiens retranscrits pour le mémoire.

Ces situations ne sont pas représentatives de l’ensemble des formes de cyberharcèlement qui peuvent survenir en contexte de travail. Nous avons pu recueillir par ailleurs, sur d’autres terrains, des témoignages d’hommes, de personnes plus âgées et de formes de cyberharcèlement qui se manifestaient à travers d’autres médias. La jeunesse, la situation précaire des interviewées et le fait qu’elles soient des femmes amplifient leur probabilité de subir du harcèlement professionnel et leur difficulté à réagir, comme le montrent plusieurs études (notamment Dupré, 2018). Ce n’est pourtant pas cette dimension qui nous intéresse ici.

Ces cinq témoignages ont été sélectionnés parce qu’ils permettent de rendre compte, à travers des exemples concrets, de la façon dont les technologies numériques et la communication à distance à la fois prolongent et font évoluer les formes de violences en contexte professionnel.

Débuter par des témoignages et la description du vécu des jeunes professionnelles permet de donner « corps » et de rendre sensibles et compréhensibles ces situations qui sont souvent aujourd’hui, notamment dans le cadre professionnel, traitées avec beaucoup de détachement et d’indifférence par les entreprises, les salariés et salariées et les chercheurs et chercheuses. La complexité des histoires vécues dont rend compte l’approche qualitative montre bien la difficulté de faire tenir le réel dans des catégories et des nomenclatures prédéfinies et d’appliquer des points de vue généralisants. Observer, au-delà des manifestations factuelles, les histoires complexes vécues permet également d’envisager plus concrètement la souffrance et les difficultés rencontrées par les salariés et salariées.

Amandine2 a 22 ans ; elle était en stage de master l’année précédant l’entretien au service juridique d’une très grande entreprise. Son maître de stage, Jérôme, est un cadre très « stressé » et « surchargé de travail ». Il lui envoie des tâches et la sollicite via l’application Teams de l’entreprise toute la journée et jusque très tard le soir. Dans l’entreprise, les bureaux d’Amandine et de son manager sont séparés par une simple vitre, mais ils ne communiquent que par messagerie Teams.

L’entreprise a demandé à Amandine de télécharger Teams sur son téléphone portable personnel. Les journées et les soirées de travail d’Amandine sont rythmées par des messages qu’elle reçoit, selon ses dires, « toutes les 10 minutes et à toute heure ». Les messages ne sont jamais méchants ou abrupts ; d’ailleurs, quand ils se parlent de vive voix, son manager est « très sympa » avec elle, mais les demandes se multiplient et se succèdent.

Amandine perd du poids, dort mal ou très peu en pensant au travail qui s’amoncelle. Elle perd confiance en elle, mais n’identifie pas tout de suite la source du problème. Elle est en stage et pense que c’est le mode de fonctionnement de toutes les entreprises et que c’est à elle de « prendre le rythme ».

Amandine finit son stage épuisée, elle n’alerte ni son maître de stage ni les ressources humaines et ne qualifie la situation de cyberharcèlement que plus tard lorsqu’elle va finalement consulter un psychologue.

Chloé, 23 ans, a pris un « job en intérim » de travail à la chaîne dans une usine, l’été dernier, pour gagner un peu d’argent pendant ses études. Deux employés en CDI trouvent son compte et la suivent sur Instagram. Comme son compte était public, ils ont eu directement accès à ses photos. Alors qu’ils travaillent avec elle toute la journée « comme si de rien n’était », ses deux collègues lui envoient des messages à connotation sexuelle qu’elle qualifie d’« ultra déplacés » et « affreux » sur Instagram. Ce n’est pas la première fois qu’elle reçoit des messages inappropriés : pour elle, « c’est un peu monnaie courante aujourd’hui ». En revanche, c’est la première fois que cela provient de personnes qu’elle connaît et avec qui elle travaille.

Chloé est un peu perdue au début ; elle ne sait pas quoi faire. Elle met deux semaines avant de bloquer son compte. Chloé se dit « mal à l’aise, dégoûtée et anxieuse ». Elle est très angoissée quand elle part travailler, ne sait plus comment s’habiller, pense à ce qu’elle devrait leur dire s’ils l’abordent. Elle n’ose plus regarder son téléphone en sortant du travail de peur d’y découvrir de nouveaux commentaires.

Chloé n’ose pas se confier à ses autres collègues ou à sa hiérarchie. De plus, cela se passe en dehors du travail sur des réseaux personnels et elle pense que dans ce cas l’entreprise n’est pas concernée. Chloé finit son contrat et s’empresse d’oublier en espérant que cette expérience ne se renouvellera jamais.

Léa, 22 ans, est alternante dans une agence de communication parisienne. Elle a officiellement une manager, mais en réalité elles sont deux à la superviser et à lui donner des missions. Ses deux managers sont le plus souvent en télétravail et communiquent essentiellement viaTeams. Elles lui assignent des tâches sans prendre en compte ou avoir conscience de la charge de travail demandée par l’autre. Léa raconte : « Les notifications n’arrêtaient pas, sur l’ordinateur la journée puis sur le portable personnel, le soir et le week-end ». Léa est très vite « surchargée » et ne sait pas « comment prioriser ». Ses managers lui écrivent constamment. Elles-mêmes sont surchargées et « répercutent leur travail comme leur stress » sur Léa. Les messages « commencent à 7 h 30 et continuent jusqu’à 21 h ». Compte tenu de la charge de travail, Léa peut travailler jusqu’à quatre heures du matin. Elle fait l’effort de venir dans les bureaux pour rencontrer ses responsables et échanger, mais celles-ci sont en télétravail toute la semaine. Léa se dit « à la fois très seule et constamment sollicitée ».

Elle ne mange plus, perd ses cheveux et s’amaigrit. Elle est très irritable, et c’est en parlant avec ses colocataires qu’elle se rend compte de la situation. Léa demande à sa responsable un échange téléphonique pour essayer de se comprendre, celui-ci est refusé (« pas le temps, pas nécessaire »). Pendant ce temps, sa deuxième responsable continue à lui envoyer des tâches à réaliser via Teams… Après ces échanges infructueux, elle décide de voir un médecin qui lui prescrit un arrêt maladie puis elle met fin à son contrat d’alternance. Elle n’a plus aucune nouvelle ensuite ni de ses collègues ni de l’entreprise (« sauf pour rendre le matériel informatique »).

Pauline a 22 ans, elle est caissière dans un fast food. Pour pouvoir échanger entre eux, les salariés et salariées, en contrats courts ou en CDI, tous plutôt jeunes, ont un groupe Facebook fermé où les managers ne sont pas invités. Le groupe est aussi le lieu d’échange de blagues et très vite, pour Pauline, ces blagues dérivent vers des propos discriminants et blessants sur son poids et son dévouement à l’entreprise. Au début, une ou deux blagues ne sont pas forcément gênantes, mais certains employés, majoritairement des hommes, ont commencé à publier des posts sur ce groupe en lui donnant des surnoms qu’elle qualifie de « très blessants » et en la faisant passer, dit-elle, pour « la lèche-bottes des managers ». Cinq ou six personnes publient et commentent, les autres restent silencieuses. Au travail, elle ne reçoit aucun commentaire déplacé de la part de ses collègues, mais Pauline se sent humiliée, et en rentrant chez elle, elle a peur d’ouvrir son compte Facebook et de trouver de nouvelles notifications et insultes.

Un salarié prévient le manager qui prend immédiatement position et échange avec le groupe. Ses collègues s’excusent. La situation n’a pas duré longtemps, mais Pauline en garde un souvenir « affreux ».

Hélène, 29 ans, est cadre dans une entreprise pharmaceutique. C’est un poste à responsabilités, et elle a environ 25 personnes à manager. Elle est essentiellement en télétravail, son entreprise étant basée en Suisse. Ses supérieurs ont une charge importante de travail et après des licenciements elle se retrouve à reprendre les missions de plusieurs personnes. Ses responsables ne la contactent que par WhatsApp et par Teams : « Jour et nuit, en dehors des heures de travail », dit-elle, « c’est du non-stop, aucun répit ».

Quand elle tombe enceinte, la charge reste constante et quand elle part en congé maternité elle assiste à toutes les réunions en visioconférence. Ses responsables lui demandent de laisser les notifications actives pendant son congé pour « garder un œil sur ce qui se passe ». Pendant sa grossesse, elle se dit très stressée. Dès qu’elle entend son « portable biper », elle a « la boule au ventre ». Ses supérieurs continuent de la joindre grâce à Teams, se sentant d’après elle moins coupables en la sollicitant indirectement. Les messages sont toujours très corrects, voire cordiaux, mais permanents y compris le soir et pendant son congé.

Hélène ne voit ni médecin ni psychologue et informe les RH en déposant sa démission. Elle vient d’accoucher et « ne veut pas infliger son anxiété à son enfant ».

Ces témoignages nous permettent d’envisager des situations concrètes de cyberharcèlement en contexte professionnel. Ils ne sont pas représentatifs de l’ensemble des situations de cyberharcèlement et concernent un public particulier, comme nous l’avons mentionné. Ces situations vécues nous permettent toutefois de dégager quelques enseignements sur la façon dont les outils et réseaux sociaux numériques prolongent, amplifient ou reconfigurent les formes de violences au travail.

Le numérique, une nouvelle scène pour prolonger les violences au travail ?

Des violences uniquement en ligne

Ces témoignages ont en commun de décrire des situations de harcèlement uniquement en ligne. Soit pendant le temps de travail parce que les salariés et salariées, en télétravail ou non, ne communiquent plus que par les outils numériques, soit en dehors du temps de travail. Le cyberharcèlement ne figure donc pas ici comme le prolongement d’un harcèlement existant par ailleurs en co-présence, mais se manifeste uniquement via les réseaux sociaux publics ou d’entreprise, comme le montrent ces verbatim :

On a eu l’occasion de prendre un verre entre collègues et Jérôme était quelqu’un de très sympa et agréable. [Amandine à propos de son maître de stage]

La journée, c’était comme si ça n’était jamais arrivé ! Ils faisaient leur job et moi le mien, c’est aussi pour ça que je n’ai rien dit à personne. Je me disais qu’à partir du moment où je me sentais plus ou moins en sécurité au travail alors tant pis pour ce que je recevais sur Instagram. [Chloé à propos de ses collègues qui lui envoient des messages à connotation sexuelle sur Instagram]

Au travail, je me sentais humiliée, mais personne n’a dit un mot ou fait une réflexion. [Pauline à propos des échanges inappropriés sur le groupe Facebook professionnel]

Les travaux de J. Suler, largement repris par ailleurs, s’intéressent à la « barrière » que constitue l’écran et établissent que l’absence de contact visuel, l’invisibilité de l’autre, l’asynchronisme et l’anonymat favorisent la désinhibition et le développement de comportements violents en ligne (Suler, 2005). L’écran mais aussi l’absence de regard de l’autre réduisent alors l’empathie et en même temps protègent les auteurs du cyberharcèlement.

Les situations évoquées font écho à ces travaux sur la désinhibition numérique. Les collègues de ces jeunes femmes se permettent certaines pratiques « à l’abri de l’écran » (« blagues » discriminantes, harcèlement sexuel, excès de pression) qu’ils ne se permettent pas en co-présence. En contexte professionnel, ces médias permettent également des pratiques cachées du regard des managers et des entreprises.

Cette dissociation entre pratiques en ligne et comportements dans l’entreprise est particulièrement troublante et difficile à gérer pour les victimes. Elle est finalement assez peu traitée dans la littérature qui envisage le plus souvent les pratiques en ligne, notamment chez les jeunes, comme le prolongement de pratiques de harcèlement classique au-delà et en dehors de la relation en présentiel, comme en témoigne l’usage de l’expression (cyber)harcèlement qui montre combien les deux phénomènes sont indissociables (Stassin, 2019a).

Ces situations sont également permises par des contextes professionnels de télétravail et de travail hybride pratiqués depuis la pandémie, où l’essentiel des échanges se fait à distance (c’est le cas pour Amandine, Léa et Hélène). Dans ce cadre, les outils non seulement déshumanisent la relation, mais également favorisent l’urgence et réduisent l’empathie (Carayol et Laborde, 2019 ; 2021).

Isolement et sentiment de solitude

Contrairement à la majorité des violences professionnelles en face-à-face et en public, dans le cadre du cyberharcèlement, le récepteur est isolé devant son écran, sans étayage social pour partager ses émotions (Suler et Allouche, 2012). Les témoignages rendent compte de ce phénomène qui semble s’être largement accentué depuis la pandémie. En ce sens, ils rejoignent et prolongent plusieurs constats des spécialistes des organisations et du travail sur les « pathologies de la solitude » (Dejours, 2007 ; Linhart, 2015), comme le montrent les verbatim suivants :

Dans les bureaux, on ne se parlait même pas, tout se passait par messagerie Teams. [Amandine]

Tout se passait en dehors du travail, je pense que personne n’aurait pris position. [Chloé]

Mes responsables étaient pratiquement toujours en télétravail, ce qui rendait le travail très impersonnel. Je me sentais seule et pourtant j’étais constamment sollicitée. [Léa]

Ils n’arrêtaient pas avec Teams, je pense qu’ils se disaient que, comme ils ne m’appelaient pas directement, c’était OK, que je pouvais traiter leur demande, ils se sentaient moins coupables en me sollicitant indirectement, sans me demander de vive voix. [Hélène]

Ce sentiment de solitude est accentué, dans le cadre des échanges à distance, par une sur-responsabilisation des individus et un désengagement de l’entreprise, soit parce qu’elle n’est pas informée, soit parce qu’elle ne souhaite pas prendre parti ou ne sait pas dans quelle mesure elle peut le faire.

La place prise par la communication à distance et les outils qui la portent (Teams, Zoom, WhatsApp), en contexte de télétravail, mais aussi dans le cadre d’un travail classique en présentiel, accentue ici la solitude, ainsi que les possibilités de dérives et d’absence de prise en compte de la situation de « l’autre », comme nous le verrons plus tard.

« Pas de répit »

L’usage des technologies numériques abolit les frontières spatiales et temporelles et prolonge les interactions inciviles ou violentes en dehors des temps et des lieux professionnels, sans temps de répit possible. Le harcèlement peut ainsi se poursuivre en dehors des temps et de l’espace de travail, il peut également, comme on l’a vu, se produire exclusivement dans un contexte « hors travail ».

Les témoignages rendent compte de ce phénomène :

Normalement quand on débauche, on ferme son ordinateur et la journée est terminée. Mais pour moi, la journée n’était pas finie. Comme beaucoup de jeunes de mon âge, je reste tout le temps connectée sur mon portable, et je recevais des notifications de travail jour et nuit sur mon téléphone. […] Ça ne se terminait jamais puisque quand je rentrais le soir, je recevais des messages avec des choses à faire. [Amandine]

Je finissais ma journée, je n’osais même pas regarder mon téléphone, je savais que j’allais recevoir des messages, ça me rappelait constamment le travail. [Chloé]

J’étais stressée même après mes heures de travail, quand je me couchais dans mon lit, parce que ma journée n’était pas forcément terminée. […] C’était non-stop, sans répit. [Hélène]

Le télétravail a renforcé ce phénomène en brouillant encore les frontières entre espace privé et espace professionnel. L’usage de terminaux personnels (comme le téléphone portable) et de réseaux sociaux privés (Facebook, Instagram, WhatsApp) à des fins professionnelles contribue également à entretenir la confusion et à empêcher la déconnexion.

Dans les témoignages recueillis, certaines personnes disent avoir développé une « phobie » des notifications sur leur téléphone personnel.

Une mise à distance et une médiation qui diluent l’intentionnalité

Dans les deux cas de harcèlement sexiste et sexuel (remarques discriminantes dans le groupe Facebook de Pauline, harcèlement sexuel sur le compte Instagram de Chloé), les instigateurs sont tout à fait conscients de ce qu’ils font même s’ils voient cela comme des « blagues », des « gamineries de cour de récré » pour reprendre les arguments et la ligne de défense des journalistes de la « ligue du LOL »3 (Stassin, 2019b).

Au-delà du sentiment de désinhibition que nous avons déjà évoqué, qui peut favoriser l’inconscience de la portée des actes, les témoignages recueillis incitent à quelques remarques.

Les réseaux sociaux se présentent comme de nouvelles scènes pour le harcèlement entre collègues avec leurs codes propres et un registre informel très éloigné des codes traditionnels des échanges en entreprise. Ces modes de communication, faits de familiarités, de blagues d’excès, se diffusent dans la sphère du travail par l’intermédiaire des outils. Ces pratiques langagières, issues de la vie privée, souvent marquées d’un point de vue générationnel, appartenant au registre du spontané, de l’informel, à la culture du « LOL », et du « name and shame »4, migrent alors dans les échanges professionnels sans que les entreprises aient vraiment pris la mesure de ces changements de registre et des éventuelles fractures générationnelles associées.

La question du silence des témoins interroge également la perception de l’intentionnalité. Comme le montre la littérature, les témoins de l’agression jouent un rôle primordial dans le surenchérissement de la violence, puisqu’« ils contribuent activement au malaise de la victime et constituent l’élément essentiel de l’agression » (Dilmaç et Kocadal, 2019). Pour Pauline, qui travaille dans un fast food, ses collègues qui restent silencieux participent tout autant, et en ne disant rien, cautionnent, voire soutiennent et se font complices :

Beaucoup de personnes voyaient ce qu’ils écrivaient sans pour autant dire quelque chose. Certes, ils ne prenaient pas parti, mais je l’ai un peu vécu comme s’ils cautionnaient ce qui était dit. [Pauline]

Dans le cas des relations managériales, la plupart des personnes interrogées pensent que leurs managers n’étaient pas conscients du harcèlement et de la surcharge. D’une part parce qu’ils étaient eux-mêmes tout à fait surchargés, d’autre part parce que les échanges à distance (et essentiellement descendants) ne leur permettaient pas « de voir » les effets de leurs demandes répétées sur leurs collaborateurs, comme le montrent ces verbatim d’Amandine et de Léa :

Je pense qu’il n’a jamais voulu me nuire. Il était très stressé lui-même et comme il ne voyait pas mon mal-être il continuait. [Amandine]

Elles m’envoyaient toutes les deux des choses à faire, en même temps, sans se concerter et sans même se rendre compte que ce serait impossible pour moi de tout faire. [Léa]

La situation doit également se comprendre ici à la lumière de la pression subie par les salariés et salariées. Au-delà des questions relationnelles et individuelles, la prise en compte du contexte dans lequel se développent ces formes d’échanges est alors essentielle. Certains facteurs organisationnels sont ainsi propices au développement d’environnements incivils et déshumanisés, comme nous avons pu le montrer dans d’autres recherches (Laborde et al., 2022).

Quelques pistes et perspectives de recherche

Au-delà des individus, un lien direct avec les facteurs organisationnels

Le travail interdisciplinaire que nous avons mené dans le cadre du projet Civilinum5 visait à analyser les phénomènes de cyberincivilités ou de cyberviolences professionnelles en nous focalisant, non pas sur les individus, mais sur les contextes et facteurs organisationnels et technologiques susceptibles de favoriser le développement de pratiques et d’environnements incivils ou hostiles.

Nous nous intéressons ainsi aux pratiques inciviles ou hostiles médiatisées par les technologies numériques, non pas pour les corriger ou les dénoncer, mais comme des symptômes d’évolutions technologiques et organisationnelles et de dysfonctionnements organisationnels plus larges.

Les témoignages que nous avons cités dans ce chapitre rendent compte de deux facteurs organisationnels qui agissent directement sur la production de violences et la déshumanisation des échanges.

D’une part, la surcharge de travail : Amandine, Léa et Hélène relient directement cette surcharge de leur manager aux pressions qu’ils leur ont fait subir.

D’autre part, la tolérance des organisations vis-à-vis de ces comportements en ligne. Soit parce qu’elles ne « voient » pas, soit parce qu’elles ne veulent pas voir, soit parce qu’elles ne savent pas comment les traiter. Des études anglo-saxonnes font directement le lien entre cultures organisationnelles permissives et développement de la violence au travail (Yarbrough, 2021). Ceci contribue à faire de ces violences rencontrées en milieu professionnel des violences banales et ordinaires dont on ne rend plus compte.

S’intéresser au cyberharcèlement ou aux cyberviolences en contexte professionnel nécessite donc de sortir des questions interindividuelles pour remettre l’entreprise et sa responsabilité au centre des investigations. Et rappeler par là même l’obligation de santé et de sécurité de l’entreprise envers ses salariés et salariées.

Des phénomènes cachés, invisibles et difficiles à documenter

Les témoignages que nous avons commentés dans ce chapitre ont en commun (sauf un) de ne pas avoir donné lieu à une plainte ou à une prise de conscience de l’entreprise.

Ces témoignages, qui relèvent pourtant clairement du harcèlement, n’ont pas été mis au jour dans le contexte de travail. Chaque personne a géré son histoire individuellement, sans soutien du collectif ou de la direction de l’entreprise.

Il est par ailleurs très difficile pour les chercheurs et chercheuses d’identifier les situations de cyberviolences professionnelles et de recueillir des témoignages, comme si ces phénomènes n’existaient pas. La législation limitée et son absence d’application contribuent également à la banalisation, la tolérance, et l’invisibilisation de ces phénomènes.

C’est dans ce sens qu’il est possible de parler de « violences numériques ordinaires au travail » (Laborde, 2023). Il s’agit de violences relationnelles, médiatisées par notre équipement numérique, qui ne font plus « événement », sont invisibles et largement tolérées dans les organisations. On peut les qualifier de « violences » dans la mesure où elles produisent de la souffrance, que celle-ci soit intentionnelle ou non, conscientisée ou non par les acteurs. Ces violences s’appuient à la fois sur des contextes organisationnels et sociaux qui euphémisent et rendent acceptables et banales ce type de pratiques, et sur des potentialités des technologies numériques qui facilitent l’ambiguïté, diluent l’intentionnalité et accentuent la souffrance.

L’enjeu pour la recherche est alors de documenter et de donner à voir des phénomènes émergents et largement invisibles pour sensibiliser les entreprises et les travailleurs et travailleuses à ces pratiques et à leurs effets délétères sur les individus et sur les organisations.

Conclusion : revisiter notre approche des formes de violences au travail

Les médias ne sont pas neutres. Ils ont des caractéristiques propres qui influencent la relation et l’interprétation des messages. En nous reliant, ils nous organisent, conditionnent et transforment les messages, et plus largement la communication.

Dans la littérature sur les actes hostiles au travail, on retrouve classiquement plusieurs catégories bien distinctes : les incivilités (de faible intensité et dont l’intentionnalité est ambiguë), le harcèlement (agressions répétées, de faible intensité, et qui reposent sur un déséquilibre des pouvoirs), l’intimidation (intensité moyenne à forte), les agressions (ponctuelles et intentionnelles) [Andersson et Pearson, 1999].

Les technologies numériques ne se contentent pas de dupliquer ou de prolonger en ligne les différentes formes de violences au travail, elles ont également des potentialités qui amplifient les phénomènes et qui font évoluer les catégories existantes et entraînent une porosité entre ces catégories en modifiant notamment les manifestations et notre conception de l’intention de nuire, de la répétition, et du déséquilibre des pouvoirs.

Les espaces numériques ne sont alors pas seulement de « nouvelles scènes » où se développent et se diffusent les interactions négatives. Pour beaucoup de chercheurs et de chercheuses, les cyberviolences doivent alors être reconnues comme des formes spécifiques. Associées aux transformations en cours dans les organisations, elles participent aux bouleversements des normes relationnelles et éthiques en contexte de travail.

Références
  • Andersson Lynne M. et Pearson Christine M., 1999, « Tit for Tat? The Spiraling Effect of Incivility in the Workplace » [en ligne], The Academy of Management Review, 24 (3), p. 452‑471. Disponible sur : https://doi.org/10.2307/259136.
  • Badouard Romain, 2018, « Internet et la brutalisation du débat public » [en ligne], La Vie des idées, 6. Disponible sur : https://web.archive.org/web/20240912032947/https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20181106_badouard.pdf [archivé le 12 sept. 2024, consulté le 3 mars 2025].
  • Badouard Romain, 2020, « Les discours de haine en ligne » [en ligne], Esprit, 5, p. 27‑31. Disponible sur : https://doi.org/10.3917/espri.2005.0027.
  • Blaya Catherine, 2013, Les Ados dans le cyberespace. Prises de risque et cyberviolence, Bruxelles, De Boeck Supérieur, collection « Pédagogies en développement ».
  • Blaya Catherine, 2016, « Cyberviolence : état de la question », dans Debarbieux Éric (dir.), L’École face à la violence. Décrire, expliquer, agir, Paris, Armand Colin, collection « U. Sciences humaines et sociales », p. 52‑64.
  • Blaya Catherine, 2018, « Le cyberharcèlement chez les jeunes » [en ligne], Enfances, 3, p. 421‑439. Disponible sur : https://doi.org/10.3917/enf2.183.0421.
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