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Guy Mollet : les étapes d’une sortie progressive du jeu politique (1958-1975)

Pour beaucoup, la carrière politique de Guy Mollet s’arrête de manière brutale au soir du congrès d’Epinay le 13 juin 1971. La conquête du parti socialiste par François Mitterrand envoie dans les limbes de la gauche celui qui a été président du Conseil sous la Quatrième République et secrétaire général de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) de 1946 à 1969. Sa carrière politique ne s’arrête pourtant pas là. Guy Mollet reste maire et président du district urbain d’Arras ainsi que député du Pas-de-Calais jusqu’à sa mort en 1975.

Personnage qui a laissé une trace très controversée dans l’histoire socialiste1, nous nous proposons de revenir à la lumière des archives sur la fin de la carrière politique de l’ancien Président du Conseil. Il s’agira de comprendre les logiques qui ont poussé cet homme à se retirer de la scène publique. Cette prise de distance a été progressive.

Ainsi, notre analyse se développera en trois temps. Nous commencerons par sa dernière participation à un gouvernement entre juin et décembre 1958. Nous évoquerons ensuite son départ de la direction du Parti socialiste entre 1969 et 1971 et nous terminerons par sa fin de carrière partagée entre le Parti socialiste (PS), L’Office universitaire de recherche socialiste (OURS) et Arras.

Juin 1968-janvier 1969 : dernier passage au pouvoir

Le retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958 se fait dans un contexte difficile. Ce dernier a besoin du soutien des principaux partis de l’époque afin d’accéder à la présidence du Conseil. Même si la politique algérienne qu’il a menée lors de son passage à Matignon a altéré son image2, Guy Mollet reste le dirigeant d’un des principaux partis de la Quatrième République. À ce titre, il est consulté par le postulant à Matignon le 30 mai.

Après avoir assuré de son soutien le général de Gaulle, Guy Mollet doit affronter une réunion houleuse du groupe et du comité directeur. Il est décidé que les camarades qui souhaitent participer au gouvernement le feront à titre personnel. À la suite de l’entrée en fonction du gouvernement de Gaulle le 1er juin, le secrétaire général devient alors ministre d’État3. Il se met en retrait du parti4. L’écriture de la nouvelle constitution est un travail d’ampleur auquel contribue le socialiste durant l’été 19585. Parmi les rédacteurs, il défend un régime parlementaire fort et souhaite que le président de la République n’occupe qu’une position d’arbitre. Guy Mollet veut vaincre les réticences en matière de respect des libertés de ses camarades socialistes envers le projet constitutionnel initié par le président du Conseil.

Suite à l’adoption de la nouvelle constitution par référendum le 28 septembre 1958, Guy Mollet se montre très satisfait de ce résultat : « Je suis extrêmement heureux de ces excellents résultats, dont l’ampleur même exclut toute interprétation partisane : c’est le pays tout entier qui a marqué en ce jour sa volonté de participer à la rénovation de la République. Jusqu’à la dernière minute, les bolcheviks se sont flattés d’entraîner dans le refus des républicains authentiques »6. La SFIO se trouve à cette époque « à l’avant-garde de la Vème République »7, choix qui a provoqué le départ de la minorité pour fonder le Parti socialiste autonome (PSA). Ce positionnement ne porte pas bonheur à la « vieille maison » lors des élections législatives de novembre. Sa volonté de mettre en place une opposition constructive au général de Gaulle tout en soutenant sa politique algérienne n’a pas été comprise par les électeurs. Les socialistes n’obtiennent que 44 sièges contre 85 sous la précédente législature8. Les gaullistes disposent pour leur part de 188 élus et leurs soutiens du Centre national des indépendants (CNI) 120. La majorité de l’Assemblée penche à droite.

Après ces élections, la SFIO se réunit en conseil national. La vieille maison décide de soutenir Charles de Gaulle ou le cas échéant René Coty lors de l’élection présidentielle de décembre. En revanche, du fait du résultat des élections législatives, le parti se déclare « actuellement hostile à tout engagement de caractère permanent (participation ou soutien) à l’égard du gouvernement de demain ». Guy Mollet en profite pour préciser sa position sur le sujet : « Il y a fort peu de chances pour que le programme de cette majorité soit le nôtre […]. Il n’y a pas une chance sur cent ou sur mille pour que nous soyons associés sous quelque forme que ce soit à la future formation gouvernementale »9. Le 21 décembre, le général de Gaulle est élu président de la République avec 78,5 % des voix. Les institutions de la Cinquième République sont définitivement installées. La contribution de Guy Mollet et de la SFIO à cette mise en place est importante. Ce soutien n’est pas pour autant dénué de toute critique quant à la politique menée par le pouvoir.

Lors du congrès de décembre 1958, il est confirmé que la SFIO ne fait pas partie de la majorité élue lors des élections législatives. À ce titre, les ministres socialistes doivent quitter le gouvernement. Dans une lettre adressée au général de Gaulle le 17 décembre 1958, Guy Mollet expose son désaccord avec la politique économique et financière menée par le pouvoir. En réponse au président du Conseil qui assimile le retrait de la SFIO du gouvernement à une désertion, le secrétaire général fait remarquer que les socialistes ont « su assumer, en des circonstances graves, les plus lourdes responsabilités de la Nation, au-delà de toutes préoccupations électorales ». Il conclut sa missive en insistant sur le fait que son parti jouera son rôle de contrôle et amendera l’action du gouvernement.

Guy Mollet précise sa pensée dans une lettre du 27 décembre. Les orientations économiques, financières et sociales du gouvernement demeurent problématiques. Elles empêchent le maintien d’André Boulloche, Max Lejeune, Guy Mollet et Eugène Thomas dans l’exécutif.

Dans sa réponse, le général de Gaulle comprend l’opposition des socialistes sur le budget présenté par son gouvernement. C’est le jeu démocratique. En revanche, il demande à ces derniers de demeurer à ses côtés quelques jours de plus afin de terminer le travail laborieux de remise en place de la République. Les socialistes pourront retrouver leur pleine liberté après l’entrée en fonction du gouvernement Debré prévu le 8 janvier 1959. Ils acceptent cette requête et assistent au dernier conseil des ministres dirigé par le fondateur de la Cinquième République.

C’est dans un contexte politique difficile (installation de la nouvelle République, scission de la famille socialiste) que Guy Mollet accepte de participer au gouvernement de Gaulle en 1958. Il s’agit pour lui de participer à la défense du nouveau régime face à ses ennemis, notamment les bolchéviques. Une fois les institutions mises en place, Guy Mollet et ses camarades quittent l’exécutif du fait de leurs désaccords politiques. Pensait-il néanmoins que les ambiguïtés du texte constitutionnel étaient de nature à faire pencher le nouveau régime du côté du présidentialisme ? Selon Didier Mauss, rien n’est moins sûr10. En revanche, la pratique personnelle du pouvoir par le président de la République n’a pas été pour rien dans l’entrée dans l’opposition de la vieille maison.

1962—1971 : sortie progressive du socialisme français

La réforme constitutionnelle de 1962 met en place l’élection présidentielle au suffrage universel direct ainsi que la sélection pour le second tour des deux candidats arrivés en tête. Ces modifications profondes des pratiques électorales provoquent d’importants débats entre socialistes afin de savoir quel type de parti former afin d’exister dans cette compétition politique aux règles nouvelles et avec quelles organisations s’allier afin de constituer un bloc majoritaire. À partir de 1963, une rivalité se développe entre Gaston Defferre et Guy Mollet11. Le maire de Marseille souhaite renouveler la doctrine du parti afin de l’adapter à la société des années 1960. En février 1964, il est désigné candidat socialiste à l’élection présidentielle prévue fin 1965. Quant aux alliances, Gaston Defferre veut former une Fédération démocrate socialiste ouverte à la droite non-gaulliste. Face à la remise en cause directe de son hégémonie, Guy Mollet défend un parti dur sur la doctrine. S’il se montre disposé à désigner Gaston Defferre comme candidat à l’Élysée, c’est pour mieux le contrôler. Le secrétaire général compte garder la main sur l’organisation qu’il dirige depuis 1946. En dépit d’une campagne dynamique voulant s’appuyer sur les « forces vives » du pays, la candidature du maire de Marseille échoue en juin 1965 suite à l’échec des négociations préparatoires à la formation de la Fédération démocrate socialiste. Même s’il n’est pas le seul responsable de ce revers, les agissements du secrétaire général y ont contribué.

Grâce à la poursuite des discussions à l’initiative de la Cité Malesherbes entre les organisations de la gauche non-communiste souhaitant former un rassemblement (SFIO, Radicaux, l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), les clubs), la FGDS est fondée le 10 septembre 196512. La finalité de cette « petite » fédération est « la création d’une formation puissante des démocrates à vocation socialiste ». Cette formation constituerait le noyau d’une future alliance majoritaire à gauche. Le secrétaire général de la SFIO entend adapter sa formation aux temps politiques nouveaux. Néanmoins il n’envisage pas de se porter candidat à l’élection présidentielle. L’exercice solitaire du pouvoir n’appartient pas à son outillage mental13.

La donne politique va être profondément et durablement transformée à gauche par la candidature de François Mitterrand à la présidence de la République qu’il déclare le 9 septembre 1965. Fort du soutien de la SFIO malgré les déclarations ambiguës de son secrétaire général sur une éventuelle candidature Pinay, du Parti communiste français (PCF), du Parti radical et du Parti socialiste unifié (PSU), il mène une campagne virulente contre le général de Gaulle. Le président de la Convention des institutions républicaines (CIR) parvient lors du premier tour de l’élection présidentielle le 5 décembre 1965 à mettre en ballottage le fondateur de la Cinquième République. Il devient de facto le leader de la gauche non-communiste et est élu président de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) durant l’entre-deux-tours.

Suite à un long travail sur les structures et la doctrine entre les partenaires de la FGDS, la fusion des organisations dans une nouvelle force socialiste est actée début 1968. Le processus se retrouve ralenti par les évènements en France et dans le monde ainsi que leurs conséquences politiques (rupture avec le PCF, démission de François Mitterrand de la présidence de la FGDS). Il n’est cependant pas interrompu. La SFIO de Guy Mollet se saborde en décembre 1968 et les discussions continuent. Suite à la démission du général de Gaulle après le référendum du 27 avril 1969, le secrétaire général, de manière unilatérale, décide que le congrès constitutif de la nouvelle organisation socialiste se tiendra le 4 mai à Alfortville. Le nouveau Parti socialiste est né, mais aux forceps. Si l’Union des clubs pour le renouveau de la gauche (UCRG) d’Alain Savary, quelques radicaux et une minorité de conventionnels le rejoignent, la majorité de la CIR décide de ne pas se rendre à ce congrès suite à ce que les mitterrandiens jugent être un coup de force de la part de Guy Mollet.

Depuis que la perspective de la création d’une nouvelle organisation socialiste se rapproche, une question agite la gauche : qui succédera à Guy Mollet à sa tête ? C’est Pierre Mauroy qui doit, à ses yeux, prendre la tête de la direction du nouveau parti. La démission du général de Gaulle fait voler ce scénario en éclat.

À l’occasion du congrès d’Alfortville, les chemins du secrétaire général et de son successeur pressenti commencent à diverger. Guy Mollet voit les signes de trahison de son dauphin désigné se multiplier lors de ces assises. À la fin des discussions, Claude Fuzier propose un texte de temporisation qui autoriserait la prise de nouveaux contacts avant la désignation d’un candidat. Cette manœuvre échoue. Gaston Defferre est désigné candidat à l’élection présidentielle dans le brouhaha et un nouvel exécutif collégial est mis en place avec à sa tête Pierre Mauroy. Guy Mollet a perdu son premier congrès depuis 1946 ! Il n’est plus à la tête du socialisme français et n’est même pas membre du comité directeur du PS. Il parvient néanmoins à conserver de l’influence sur le Premier secrétaire Alain Savary, élu suite au congrès d’Issy-les-Moulineaux, du fait de la présence de fidèles mollétistes dans son équipe.

Malgré les efforts d’Alain Savary (ouverture du PS à l’UCRG de Poperen, au PSU et à la CIR, dialogue idéologique avec le PCF, rédaction d’un Plan d’action socialiste), le PS ne parvient pas à créer une dynamique auprès de l’opinion. Lors du congrès d’Epinay, François Mitterrand parvient à nouer une alliance majoritaire avec les anciens de la SFIO Gaston Defferre, Pierre Mauroy et le Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste (CERES). Tous porteurs d’un fort antimollétisme14, ils ont voulu définitivement éliminer l’ex-secrétaire général des arcanes dirigeants du socialisme français. Ce dernier n’en a pris pour autant sa retraite politique. Il reste membre du PS et détient les mandats qui lui ont permis d’accéder à sa carrière politique nationale : maire d’Arras et député du Pas-de-Calais, auxquels on peut rajouter la présidence du district urbain d’Arras créée en 1965.

Les dernières années à Arras ou comment transmettre sa baronnie ?

Sa passion pour Arras ne semble s’être jamais démentie, malgré des absences régulières du fait de ses responsabilités nationales15. Guy Mollet s’est toujours mis au service de sa ville afin de faire avancer les dossiers. Il a participé activement à la reconstruction d’Arras. La question sociale a été un de ses sujets de préoccupation majeurs. En revanche, la politique industrielle du maire d’Arras est plus sujette à caution. Il n’est pas parvenu ou n’a pas voulu attirer de grandes entreprises sur sa commune.

Guy Mollet profite de ses différents mandats afin de s’entourer de jeunes pousses socialistes prometteuses. Ainsi, Léon Fatous devient maire adjoint en 1965 à 29 ans. Il est également secrétaire de la section d’Arras et de la fédération du Pas-de-Calais. Né en 1924, Michel Darras accède au Sénat et à la mairie d’Arras en tant qu’adjoint au maire à 31 ans seulement.

À l’occasion des élections municipales de 1971, Guy Mollet décide de mener une stratégie unitaire avec les communistes en conformité avec les orientations du PS. Il s’agit d’un profond changement des pratiques locales du socialiste qui avait l’habitude de diriger la ville avec des alliances de type troisième force. Guy Mollet n’en est pas moins réélu dès le premier tour avec plus de 52 % des voix.

Député depuis la Libération, Guy Mollet se représente en 1973. Il profite de la campagne pour apporter un souffle nouveau par le choix de son suppléant. Il s’agit d’André Delehedde, âgé de 37 ans, maire adjoint d’Arras. Le socialiste est réélu facilement au deuxième tour. Établi solidement dans son fief, Guy Mollet conserve sans trop de difficultés ses deux mandats locaux.

Au sein du PS mitterrandien, les partisans de Guy Mollet mettent en place une tendance à La Bataille Socialiste en février 1972. Cette tendance s’organise sous la direction de l’ex-secrétaire général et du fidèle Claude Fuzier. Elle n’a que peu d’influence : lors du congrès de Grenoble, la motion défendue par ce courant ne recueille que 8,5 % des mandats. Figure honnie du socialisme, le déclin rapide de Guy Mollet dans l’après-Epinay se mesure aussi dans sa fédération du Pas-de-Calais16. Le texte qu’il défend recueille à peine 3404 voix, il est talonné par la motion de la majorité qui remporte 3207 suffrages. Suite à une âpre négociation avec le courant mitterrandien représenté par Daniel Percheron, la direction de la fédération est bicéphale : à Percheron les affaires politiques et à Léon Fatous les questions administratives. La défaite d’Epinay se prolongeait… La Bataille Socialiste disparaît définitivement suite à l’échec du congrès de Pau en 1975, elle ne dépasse le seuil des 5 % pour être représentée au comité directeur.

Ayant quitté la scène politique nationale, Guy Mollet souhaite poursuivre son travail de militant en contribuant au renouvellement du socialisme par la doctrine. À cet effet, il fonde L’OURS en juin 196917. L’Office signe un contrat d’association avec le PS. L’issue du congrès d’Epinay porte un coup fatal à ce contrat. Jean-Pierre Chevènement, secrétaire national chargé du programme et des structures associées, le résilie. La production intellectuelle de l’office qui porte sur l’histoire de la gauche (commémoration de la Commune en 1971, Léon Blum et la vieille maison » pour le cahier n° 4…) montre pourtant que l’objectif de l’ancien secrétaire général est de former une école socialiste et non un courant comme le craignaient ses opposants.

En avril 1975, Guy Mollet écrit à Léon Fatous, secrétaire de la section d’Arras et proche de l’ancien président du Conseil18. Il annonce qu’il ne sollicitera pas le renouvellement de ses mandats de maire, de président du district d’Arras et de député à leur expiration normale, c’est-à-dire en 1977 et 1978. « Il faut savoir s’en aller » écrit-il. Il s’impose la règle qu’il avait mise en place pour ses camarades : pas de nouvelle candidature au-delà de 70 ans. Les plus jeunes doivent assurer la relève.

Il paraît difficile de succéder à une personnalité d’envergure nationale et internationale comme Guy Mollet. Un partage des mandats est organisé au niveau local : à Michel Darras, actuel sénateur, la tête de liste aux prochaines élections municipales et la présidence du district d’Arras, à Léon Fatous la mairie et à Andre Delehedde la députation. Le « patron » d’Arras peut ainsi laisser son testament politique à travers le choix de ces trois jeunes successeurs qu’il a adoubés. Il s’agit de sa dernière contribution au renouvellement du socialisme. On ne peut cependant s’empêcher de penser que l’ancien « monarque féodal »19 du socialisme n’a pas voulu, même inconsciemment, qu’un de ses héritiers puisse prendre sa place dans son fief. Ce choix est avalisé par une large majorité des socialistes arrageois. Son décès soudain le 3 octobre 1975 ne remet nullement en cause cette répartition des tâches.

Si la sortie de carrière politique de Guy Mollet est progressive, c’est qu’elle répond à des logiques et à des contextes différents.

S’il accepte d’occuper un poste ministériel en 1958, c’est pour assurer l’installation d’une jeune République qui est fondée dans des circonstances mouvementées. Une fois le nouveau régime rétabli, le socialiste et ses camarades reprennent leur itinéraire politique qui les mènera progressivement vers l’opposition au gaullisme, qu’ils contribueront à faire tomber en avril 1969. Ils s’estiment à l’époque trahis par un pouvoir personnel qu’ils ont pourtant contribué à installer. La droite conservera néanmoins le pouvoir jusqu’en 1981.

Entre 1969 et 1971, Guy Mollet est bouté hors des cercles dirigeants du socialisme français. Dans les années 1960, il s’est montré, avec d’autres, incapable de renouveler en profondeur son parti afin de l’adapter à la nouvelle donne politique. C’est François Mitterrand et d’anciens camarades de la SFIO qui se chargent d’insuffler une nouvelle dynamique dans la gauche non-communiste à partir de 1971. Guy Mollet reste cependant un militant discipliné, mais échoue à installer une tendance dans le PS d’après Épinay. Il poursuit cependant son engagement en travaillant sur la doctrine socialiste.

À Arras, la retraite politique de Guy Mollet est plus sereine. Ce sont trois héritiers qui vont se partager les mandats que le « patron » détenait localement depuis la Libération. Il s’agit de renouveler le socialisme à la base par l’ascension de ces jeunes militants arrageois sans leur permettre toutefois d’occuper la globalité de la scène politique de la ville.

La sortie de la carrière politique de Guy Mollet est à la fois celle d’un homme d’État de la Quatrième République qui a été marginalisée dès le début de la Cinquième, d’un socialiste qui n’a pas su initier le renouvellement de son parti dans les années 1960, et d’un baron local qui a voulu assurer une transition sereine tout en veillant à ce qu’aucun de ses successeurs ne puisse réellement le remplacer.

  • 1 Voir les deux biographies qui ont été rédigées sur Guy Mollet. L’une positive de Lefebvre Denis, Guy Mollet Le mal aimé, Plon 1992 et celle de Lafon François, Guy Mollet, Fayard, 2006, qui l’est nettement moins.
  • 2 Sur le sujet, voir Castagnez Noëlline., Quand les socialistes se souviennent de leurs guerres Mémoires et identités (1944-1995), Presses universitaires de Rennes, 2022, pp. 238-257.
  • 3 Max Lejeune, Eugène Thomas et André Boulloche sont les autres socialistes qui rentrent au gouvernement.
  • 4 Pierre Commin assure l’intérim à la direction de la SFIO.
  • 5 Sur le sujet voir Mauss Didier, « Guy Mollet et l’élaboration de la constitution de 1958 », dans Menager Bernard et al., Guy Mollet un camarade en République, Presses universitaires de Lyon, 1987, p. 349-364.
  • 6Idem., p. 348.
  • 7 Pour l’histoire de ce slogan et de l’affiche de Denis Colin, voir Cepede Frédéric, « Réforme ou révolution, quelles images pour le socialisme ? Regard sur un siècle d’affiches socialistes » [en ligne], Histoire@Politique. Politique, culture, société, n° 13, janvier-avril 2011. Disponible sur : https://doi.org/10.3917/hp.013.0008.
  • 8 Guy Mollet sauve le sien notamment par le fait que l’UNR n’a pas présenté de candidat contre lui.
  • 9 Cité par Lefebvre Denis, op. cit., p. 352.
  • 10Mauss Didier, op. cit., p. 361-362.
  • 11 Sur le sujet, voir Ollivier Anne-Laure, Gaston Defferre : un socialiste face au pouvoir, de Marseille à l’élection présidentielle de 1969, Thèse pour le doctorat d’histoire, ENS Cachan, 2011.
  • 12 Sur le sujet, voir Dupin Arnaud, La SFIO des années 1960 : Une réforme impossible ?, Thèse de doctorat en histoire contemporaine, Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2018, et Jalabert Laurent, La reconstruction de la gauche socialiste en France des lendemains de mai 1968 au congrès de Pau du Parti socialiste, Mémoire pour l’habilitation à diriger des recherches, IEP Paris/CHSP, 2008.
  • 13 Traditionnellement les socialistes récusent le titre de « président » et utilisent celui de « secrétaires » pour désigner les fonctions de coordination des groupes de travail. Candar Gilles, Pourquoi la Gauche ? De la Commune à nos jours, Presses universitaires de France, collection « Questions Républicaines », 2022, p. 84.
  • 14 Voir notamment la lettre de Jacques Piette à Guy Mollet du 21 juin 1971 cité par Lafon François, op. cit., p. 815.
  • 15 Sur le sujet, voir Laury Serge, « Le maire d’Arras », in Menager Bernard, Ratte Philippe, Thiebault Jean-Louis, Vanderbussche et Wallon-Leducq Christian-Maire (dirs), Guy Mollet un camarade en République, Lille, Presses universitaires de Lille., 1987, p. 235-252 et Lefebvre Denis, Guy Mollet socialiste dans le Pas-de-Calais (1925-1975), Bruno Leprince Éditeur, collection « Encyclopédie du socialisme », 2015.
  • 16Vasseur Jean-Pierre, « L’unité préservée, le tournant de 1973. Le congrès d’Epinay pour le Pas-de-Calais », dans Menager Bernard, Ratte Philippe, Thiebault Jean-Louis, Vanderbussche et Wallon-Leducq Christian-Maire (dirs), Guy Mollet un camarade…, op. cit., p. 127-142.
  • 17 Sur l’histoire de L’OURS, voir Cepede Frédéric, « L’Office universitaire de recherche socialiste (OURS), 45 ans d’histoire (et) d’archives socialistes » [en ligne], Histoire@Politique.Politique, culture, société, n° 24, septembre-décembre 2014. Disponible sur : https://doi.org/10.3917/hp.024.0163.
  • 18 Voir la reproduction de la lettre dans Lefebvre Denis, Guy Mollet…, op. cit., p. 538-539.
  • 19 Pour reprendre l’expression de François Lafon. Voir Lafon François, Guy Mollet secrétaire général du Parti socialiste SFIO (1946-1969) Recherche sur les principes du Mollétisme, p. 10.