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Couverture du livre Des cultures à l’interculturation (A. Frame) Show/hide cover

Les terrains et les méthodes de la sémiopragmatique, étudier la sémiogenèse entre cultures et identités

Les sociologues-praticiens auxquels nous nous sentons appartenir sont convaincus que l’on ne peut offrir aux autres d’algorithme permettant de rendre le monde social calculable et de recettes pour « bien travailler avec les Chinois » ou « avec les Italiens ». L’héritage culturel n’appartient pas seulement à l’espace propre des personnes en train de dialoguer. Il se remanie à la fois dans un contexte particulier, dans l’intention des discours des protagonistes et présente alors un caractère peu prévisible et profondément « situationnel ». [Cloet et Pierre, 2018, p. 308]

Prenant appui sur des travaux réalisés, ce deuxième volet de la recherche met en avant l’actualité et l’applicabilité de l’approche théorique présentée dans la première partie, en l’appliquant à différents champs de recherche, objets et terrains d’étude qui mobilisent directement la notion de culture. Elle illustre l’intérêt herméneutique de cette approche qui s’inscrit à l’encontre des dérives culturalistes, tout en contribuant à un renouvellement de la conception de la culture dans ces différents champs de recherche et à une focalisation nouvelle sur la performance intersubjective des repères de signification. À travers les terrains discutés, différentes méthodes d’analyse sont évoquées en parallèle, afin de voir à l’œuvre et mieux concevoir cette articulation entre les niveaux microsocial et macrosocial, appliquée à l’étude de différents objets sociaux. La partie 3 ciblera ensuite plus spécifiquement la question de l’interculturation, afin d’ouvrir sur d’autres perspectives de recherche et sur une question plus globale : la manière dont les repères culturels liés à différents groupes évoluent, les uns par rapport aux autres, à travers la multitude de micro-interactions quotidiennes, dans notre monde globalisé et médiatisé.

Dans cette logique, le chapitre 4 applique le paradigme sémiopragmatique, comme modèle et méthode, à la communication interculturelle au sens large : l’analyse interculturelle constitue un enjeu social capital, mais le champ disciplinaire, reconnu à l’international mais peu institutionnalisé en France, fait face à une crise, liée à la remise en cause du concept de culture (supra). Le chapitre a pour objectif de montrer en quoi une analyse sémiopragmatique dépasse l’écueil du déterminisme et nous aide à penser la dimension culturelle des interactions quelles qu’elles soient. Ceci est ensuite appliqué à des situations de communication entre étrangers, et porte notamment sur les logiques identitaires à l’œuvre dans des contextes de management d’équipes internationales et de migration.

Le chapitre 5 parcourt d’autres objets et terrains d’application prometteurs de l’approche sémiopragmatique en SHS, notamment lorsque celle-ci vient se substituer à une posture comparative nationale insuffisamment complexe pour permettre à elle seule une analyse fine des phénomènes sociaux étudiés. La communication des marques et la communication numérique, par exemple à travers ses problématiques de localisation de produits et de services multimédias, sont des terrains souvent caractérisés comme étant à l’interface de plusieurs logiques culturelles, où l’on s’interroge sur la pertinence des modèles théoriques utilisés pour penser l’international. En déplaçant le curseur des cultures nationales aux identités plurielles et aux interactions, ce chapitre prône l’adoption d’un nouveau regard, davantage opératoire à notre sens, sur ces phénomènes. Au fil de ces deux chapitres, la question des méthodes utilisées pour étudier concrètement ces terrains sera également abordée (cf. sections 4.2.3, 4.3.2 et 5.2.3).