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Cover of The Metaphysical Shudder of the Detective Novel  (E. Jardon, 2024) Show/hide cover

Thriller juif et pilpul : quand la Kabbale s’invite au sein du noir

Deux juifs discutent dans la rue. Un troisième arrive et leur lance : « Je ne sais pas de quoi vous parlez, mais il faut qu’on parte ». [Rabbin Abraham Wolff, d’Odessa]

Pas de kaddish pour Sylberstein ? s’interrogeait Guy Konopnicki (dit aussi : « Konop ») dans l’un de ses romans les plus célèbres1. C’est dire si les énigmes criminelles requièrent autre chose qu’un bon travail de police, même si c’est essentiel et parfois suffisant ! Mais lorsque le roman touche à l’être, surtout à l’être-pour-mourir, on a recours à plus grand que soi, ou plus sage. Pour Harry Kemelman, c’est un rabbin qui vient, armé de sa Thora et de son bon sens de père de famille, faire toute la lumière là où les noirceurs humaines ont déposé leur crasse. Ailleurs, ce seront les héroïnes de Shulamit Lapid ou de la regrettée Batya Gour qui traquent le Mal, quand Dror Mishani compte énigmatiquement Une, deux, trois… pour entrer dans l’esprit effroyable d’un tueur en série2. Pourtant subsiste toujours, comme le grain de levain cher à Diderot, l’indéracinable espoir en une parousie finale, anaphore résomptive des chutes et des échecs : « Pouvait-elle espérer plus juste épitaphe ? Après une légère hésitation, elle ajouta trois points de suspension : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier… » (Goupil, 2016, p. 119).

Est-ce à dire que les polars « juifs » ont plus que d’autres le sens et le goût de la disputatio métaphysique ? Ils n’hésitent pas, en tout cas, à se référer au Gaon de Vilna pour démêler un meurtre, ou relire le shir ha shirim pour imaginer un crime passionnel. Bien sûr, comme tout « créneau » (pour la série « le rabbin », on pourrait quasiment parler de FASP — fiction à support professionnel), il y a de grosses ficelles, des finesses un peu téléphonées et une solide rivalité classique entre le flic laïque, qui ne s’en laisse pas conter, et le docteur subtil, aux raisonnements métaphoriques et aux questionnements spirituels élaborés.

Et la première des questions reste quand même de définir ce qu’est un thriller « juif » : écrit par un auteur juif ? Qui parle de la vie juive ? Qui se déroule en Israël, ou dans un quartier observant ? Après tout, les apiculteurs ont leur propre FASP (en la personne de Valérie Valeix), et un prochain numéro de Belphégor va s’interroger sur l’euronoir et la glocalisation. Tout se passe comme si les sensibilités, les sagesses, les métiers, les localismes avaient tous besoin de leur propre idiosyncrasie policière. Le thriller juif à portée métaphysique repose ainsi sur le délicat équilibre entre humour décalé et dédramatisant, et profonde horreur du mal, et des ravages spirituels et physiques qu’il peut faire, même si l’appel à la guematria3, aux kabbalistes ou à la tradition rabbinique peut bien entendu être perçu comme un habillage de plus, un folklore déroutant ou familier, qui angle ses propres aficionados. Les enjeux et les « oukases » sont encore nombreux, autour de l’art en général et de la littérature en particulier, comme le détaille Alec Mishori : « Israeli orthodoxy appropriates the entirety of Jewish thought to itself and its disciples while boycotting any extraneous Jewish element that does not belong to their order (including Conservative and Reform Judaism) »4. C’est pourquoi il ajoute aussitôt : « Midrash is an act that expresses freedom. It is only a free person who is able to face a classical text, no matter which, whether it is the Bible, the writings of Marx or a familiar landscape and find in it new meanings » (Mishori, 2019, p. 373-375)5.

Le roman pense, dit Thomas Pavel ; mais dans la métaphysique juive, il panse aussi. On s’efforcera donc de montrer en quoi la mobilisation d’une philosophie juive transforme, ou non, un thriller en quelque chose de plus profond, qui donne à penser. Même si, pour Konop, le kaddish n’est pas une solution, le seul fait qu’il fasse partie du problème éclaire déjà la route. Et n’oublions pas ce que Joann Sfar fait dire au maître de son chat : « Être rabbin, c’est pas un métier pour un juif » !

Si je t’oublie, Jérusalem

Le Talmud a eu une influence prodigieuse sur nous. Nos grands érudits ont consacré leur vie à son étude, non pas à cause du rapport que pouvaient avoir une interprétation exacte de notre Loi et le monde dans lequel ils vivaient, car bien des stipulations sont devenues depuis lettre morte [...]. [Kemelman, 1972, p. 89]6

Il y a, si l’on y songe, une quasi-synonymie, ou au moins un riche liage intersémiotique, entre les mécanismes de la pensée juive et la dramaturgie du thriller : tout se passe un peu comme si les romans policiers, juifs ou non, servaient de gigantesques fan fiction au texte biblique premier7. Cependant, il faut tout de même noter que les romanciers israéliens contemporains n’aiment guère sortir d’une laïcité stricte, garante de liberté et de normalité mainstream8. La religiosité trop affirmée prend pour eux une forme d’ethnicité folklorique distrayante, mais non nécessaire. On pourrait presque dire, en boutade, qu’à partir du moment où tout le monde est juif, alors plus personne ne l’est.

En effet, au sein d’une société massivement non-juive, l’affirmation d’un particularisme culturel peut marquer la différence et promouvoir la culture minorée, qui alors va se décliner en traits singularisants, certes folkloriques, mais plaisants car exotiques. Pour résumer, la diaspora revendique la profonde innutrition qui lie la spécificité juive à chacune de ses manifestations génériques alors que les polars israéliens, plus sociétaux et plus critiques, ont tendance à considérer le mysticisme de la Kabale comme une ornementation un peu clinquante, à la limite du kitsch et du mauvais goût. On va pourtant croiser nombre d’allusions, de références, de brusques accès citatifs qui, au sein de diégèses diverses et hétérodoxes, garantissent une forme d’isotopie résiduelle permanente, questionnant la validité du fil de l’énigme et de l’enquête. On peut même en trouver trace dans ce que les Américains appellent les true crime, les « vrais » récits d’exactions et de rédemption, comme celui que nous livre Sam Bernett :

– Pas sûr que votre Dieu me donne l’absolution […].
— Peut-être, justement, vous laisse-t-Il en vie afin de vous laisser le temps d’expier vos péchés !
— Il y en a trop, rabbin. Et pour certains je doute que votre Dieu ait prévu une quelconque grâce […].
— Je sais les termes de votre arrangement avec votre rabbin, mais n’oubliez pas : Dieu seul est juge. [Bernett, 2017, p. 150]

Chez Konop, l’opposition classique entre Sam Benamou, le flic pragmatique, laïcisé et agacé par les subtilités rabbiniques, et le sage et avisé Reb Ascher, structure en effet toute l’énigme de Pas de kaddish pour Sylberstein (1994). L’un ne veut qu’arrêter un coupable et démasquer un imposteur. L’autre entend le murmure d’une âme noire, mais sauvable :

— Vous avez prié, pendant toutes ces années, avec un nazi !
— Rien ne vous prouve, répondit le rabbin, qu’un nazi est venu prier ici.
— J’ai espéré, jusqu’à la dernière minute […]. J’ai cru que Von Karst mentait […]. Mais maintenant le corps a été identifié !
— Le corps […] bien sûr, dit le rabbin. Mais l’âme ? [Konop, 1994, p. 148]

Se pointe en sus l’éternelle rivalité ashkénaze/sépharade, chaque origine apportant son « gestus » (dirait Brecht) pour la plus grande jubilation des lecteurs, généralement bien informés des petits travers des uns et des autres. L’homogénéisation progressive du récit policier et du discours commentant — la paracha — finit par fonder un écosystème culturel où se brouillent les frontières entre exégèse religieuse et « idéologèmes » de l’investigation (mystère, enquête, erreurs, réévaluation, solution). C’est ce que veut faire entendre, à un flic gentiment borné, le « prince » des rabbins-détectives américains, l’illustre David Small :

— Connaissez-vous notre Talmud ?
— C’est votre livre des lois, n’est-ce pas ? Est-ce que cela aurait un rapport avec notre affaire ?
— On ne peut pas dire que c’est exactement un code. Le Code Juif, c’est le Pentateuque. Non, c’est un commentaire de la Loi, du Code. Je ne pense pas que notre affaire en relève, mais on ne peut être sûr du contraire car le Talmud contient à peu près tout. […]
On lisait un passage, une brève stipulation de la Loi. Puis suivaient les objections, les explications, les arguments des anciens rabbins qui se sont efforcés d’interpréter le texte. Et avant même de savoir ce que nous faisions, nous ajoutions les nôtres, oui, nos propres arguments, nos propres objections, des distinctions de coupeur de cheveu en quatre, des tours qu’on eût dit de passe-passe mais fondés sur une logique irréfutable, ce que nous appelons le « pilpoul ». [Kemelman, 1972, p. 188]

Sans doute faut-il remonter aux arcanes de l’éducation religieuse juive pour saisir en quoi, tout enfant, le garçon ou la fillette, est sensibilisé à la langue, aux grands textes, au plaisir du commentaire et de la ratiocination. En faisant sa bathmizvah ou sa barmizwah, l’enfant apprend l’hébreu, en tout cas assez pour déchiffrer, le jour de la cérémonie, un texte devant l’assemblée entière. Il est donc presque « obligé » d’être lettré, et lorsqu’il y a rupture de transmission, les romans sont là pour renouer le fil, en racontant des histoires de questions et de réponses, comme ici :

— Papa, Annah, qui d’ordinaire n’arrête pas de parler, voulait te poser des questions. Sur le Shabbat, sur Ha Chem […].
J’étais clouée sur place, muette. Le roi Saul a posé sur nous un regard amusé, patient et grave. Un regard supérieur.
— Rien que ça ? Annah, il paraît que tu es bavarde. Il y a un midrash qui raconte que dans le ventre de leur mère les bébés connaissent toute la Thora. [Darmon, 2019, p. 135]

Cette propension pour autrui agaçante à l’introspection, à l’examen critique et aux scrupules (Spinoza !), attire d’ailleurs sarcasmes jaloux et incompréhension dangereuse :

Mais les Juifs parmi nous ne tolèrent pas ce tranquille développement. Avec leur inquiétude, leur acuité d’esprit, leur sociabilité libérée de toute tradition, leur souplesse féline, leur intelligence fulgurante, leurs facultés aiguisées par des milliers d’années d’oppression, ils nous ont subjugués, ils sont devenus nos maîtres, ils se sont emparés de la totalité de la vie économique, spirituelle, culturelle. [Bettauer, 2017, p. 20]

L’envie mène à la haine, puis à la persécution. Air connu, hélas, et réarticulé dans une dimension universaliste par Sari Klein : « L’amour du prochain n’était pas une disposition aussi naturelle que le pensait Tolstoï […]. Dans le Pentateuque, constate Gordon, l’amour du prochain n’est commandé qu’à l’issu d’une série d’interdictions morales et sociales. Surtout l’amour de l’autre passe par celui de soi » (2018, p. 66).

Pour mieux saisir encore les raffinements d’une culture entièrement portée vers la résolution des mystères — du monde, du crime, de l’élection, etc. — on pourrait se pencher sur l’œuvre de Yitzkhok L. Peretz (1852-1915) et, plus particulièrement, sur sa nouvelle « Bontshe sans-parole », jusqu’à présent inédite en français (traduite par Batia Baum). À travers le récit post-mortem d’un personnage de Juif stéréotypé, Peretz développe une critique sociale chargée d’ironie, touchant la communauté et son rapport à la tradition : l’esprit de cette nouvelle emblématique de la modernité juive d’Europe de l’Est se retrouve jusque dans le Recueil Auschwitz, dernier témoignage rédigé clandestinement à Auschwitz en janvier 19459.

Pourquoi est-ce important ? C’est sans doute les deux cheminements parallèles, l’élucidation d’un crime « profane » et le mystère d’une élection « divine », qui permettent le mieux la migration d’un imaginaire à l’autre, par la corrélation des trajectoires heuristiques spiritualistes et des méthodes hypothético-déductives. D’où la fréquente insistance sur les « grands noms » de l’intelligentsia juive, comme des doudous communautaires qui rassurent : « Et Alberto Einsteino, alors… Tu crois que c’était un Marocain ? Quant à Sigmundo Freudo… ? Si tu veux que j’en rajoute… » (Nathan, 1999, p. 69).

Après tout, l’un des fondateurs du roman criminel n’est-il pas l’Anglais israélite Israël Zangwill, dont Le Grand Mystère du Bow (1892) est considéré comme le premier roman policier en chambre close10 ? C’est pourquoi il semble nécessaire de rappeler ici la remarque de Orhan Pamuk, qui voit dans la floraison du polar l’exact contraire de la tyrannie et de l’oppression : « Le fait que la Turquie ne soit pas capable de produire de bons romans policiers a fait l’objet d’une controverse dans les années 70. Un chroniqueur a dit alors : si vous résolvez l’intrigue en torturant des gens, vous n’avez pas besoin d’un détective. Les romans policiers qui recherchent des indices de manière pacifique ne fonctionne que dans une société ouverte » (Pamuk, 2022, p. 34-35).

Toujours obtus, le Sam Benamou de Konop ne conçoit pas, lui, que l’on puisse prier pour une ordure et il s’attire toujours autant de « leçons d’éthique » par ses interlocuteurs au didactisme vigilant :

Puis le meurtrier fit résonner les accents de l’araméen, Yis-ga-dal v’yis-ka-dash sh’may rabo.
— Quoi, dit Benamou, le kaddish ! Pour ce salaud que vous venez de tuer ?
— Ne blasphémez pas, inspecteur ! Je dis le kaddish pour tous ceux qui en furent privés, là-bas. [1994, p. 11]

Sois sans Dieu, Israël

Je m’appelle Samuel Katzman. On dit que les chats ont sept vies et je suis bien mort six fois… Tout ce qui est arrivé… Absolument tout… ça a commencé un vendredi, je me souviens, un vendredi de printemps… [Nathan, 1999, p. 11]

Si l’humour léger, la bonne humeur et l’harmonie finissent toujours par l’emporter autour de David Small, c’est parce que Kemelman entend s’inscrire dans la ligne du Père Brown de G. K. Chesterton :

— Et je désirerais vous aider. Mais vous n’êtes pas venu chez moi pour me demander d’apporter à votre ami une consolation spirituelle. […]
— Et après ? Est-ce que cela signifie que vous ne pouvez pas ou ne devez pas l’aider ? Il est juif, n’est-ce pas ? Il est quand même membre de la communauté juive de Barnard’s Crossing, et vous êtes le seul rabbin sur place. Vous pouvez au moins aller le voir, voyons ! [Kemelman, 1972, p. 173]

L’âpreté des conflits entre les observants rigoureux et le reste de la communauté11 se tempère d’ironie et d’auto-parodie, tant l’influence du pilpul est forte, et déjoue toute conflictualité aiguë, même dans les petits détails quotidiens :

— Je m’en fous. La communauté féminine n’achète pas de voitures !
— Oui, mais elles ont des maris qui en achètent.
— Mais nom de Dieu, Mel, comment vais-je expliquer à la société qu’elle doit remplacer un moteur parce que le rabbin l’a décidé ? [Kemelman, 1972, p. 33]

Mais en Israël, on l’aura compris, la sourde querelle qui sépare les ultra-religieux (les « haredim » de la série Les Shitsel : une famille à Jérusalem) du reste de la population, laïque et moderniste, se répercute aussi dans les romans policiers, traversés, eux, par l’héritage légendaire des grands maîtres du conte yiddish (en particulier Sholem Aleikhem, le « Mark Twain » d’Odessa)12 qui, eux, ne se gênent pas pour être crus, moqueurs, jouisseurs, sans trop d’illusion sur la nature humaine, mais pleins de foi dans les puissances de l’imaginaire comme l’était Bialik, si présent dans le tissu référentiel : « Comme les paroles de Bialik : je te façonnerai des cieux nouveaux ; je t’entourerai d’un bleu, et d’un éclat nouveaux ; de nos prières, je tendrai des couronnes sur ta tête » (Govrin, 2008, p. 370). Leurs héritiers sont parfois épris de fantaisie macabre, et même adeptes d’une déconstruction des tabous qui peut sidérer un lecteur européen « politiquement correct ». On pense particulièrement au thriller La Nuit des Juifs vivants (2016), qui emprunte à la veine fantastique zombifiante une incongruité et une alacrité que l’écrivain polonais Igor Ostachowicz, assume au nom de la provocation salutaire et des interdits trop longtemps ménagés : « À Varsovie, des cadavres juifs menacent des Polonais vivants » (2016, p. 236).

Ce thriller parodique et « gore » met en scène des zombies juifs, ressortis d’une cave à Varsovie en 2009, sous les yeux incrédules et effrayés de quelques jeunes Polonais. D’abord épouvantés et sceptiques, ils sont vite persuadés qu’il faut aider ces revenants à trouver justice, en particulier contre « l’Affreux-absolu », sorte de Satan qui symbolise sinon le nazisme, du moins la collaboration et l’antisémitisme des Polonais. De nombreuses scènes drolatiques opposent les « cadavres » réanimés aux trouvailles de la vie moderne, en particulier les machines à expresso et les ordinateurs, qui les fascinent immédiatement ; Arkadia, gigantesque supermarché rutilant, devient leur lieu préféré de déambulation. Mais bientôt des « skins » néo-nazis viennent les combattre, tandis que le narrateur, grâce à un cœur d’argent magique, organise la bataille de la résistance. Les 300 000 morts du ghetto de Varsovie surgissent, non pour reprendre leurs biens, mais pour capter un peu de cette modernité qu’on leur a tragiquement volée. Par exemple, tous veulent que l’on prononce leurs prénoms « à l’américaine », pour faire chic : Rachel devient ainsi « Raytchel », et David « Dayvid » ; comme cadeau, ils demandent bien sûr des « aillepodes ». Les doutes du narrateur, ses déboires et sa paranoïa se retrouveront d’ailleurs dans de nombreuses autres fictions, y compris la sépulcrale Maison de ruines (2013), chef-d’œuvre slipstream sur lequel nous reviendrons (« Il n’était pas américain, c’était un étranger. Voilà qui expliquait tout. Un Israélien — il parlait hébreu ! L’homme de la 110e Rue avec ses deux chiens fous, le blanc et le marron. Que fabriquait-il ici, à Brooklyn ? Était-il professeur d’hébreu ou… ? » [Namdar, 2018, p. 197]). La plupart du temps, c’est violent, choquant, parfois obscène ; le titre lui-même, rappel de la trilogie des Morts-vivants de George A. Romero, donne le ton. La fin, chaotique, renvoie chacun à ses contradictions, sa culpabilité, ou sa bonne conscience : le narrateur meurt et va au Paradis, ou ce qui en tient lieu, c’est-à-dire un supermarché… vide.

L’Américaine Tova Reich va plus loin encore dans la dérision et le baroque, convoquant le plus ultime des tabous dans son polar : la marchandisation et la banalisation du souvenir des camps de la mort. Dans Mon Holocauste (2007), elle écrit : « C’était une belle journée à Auschwitz — une douce brise de printemps charriant le parfum prometteur de l’herbe jeune et abondante […]. Les carmélites ne logeaient même plus dans ce vieil entrepôt où avait été conservé le Zyklon B dans l’enceinte du camp » (2014, p. 122-123). Ce roman peut surprendre, choquer ou donner à réfléchir, car il amplifie jusqu’à l’absurde, jusqu’à l’apocalypse, la marchandisation de toute chose, dans l’art comme dans le mémoriel. Ici, on nous raconte l’histoire de la famille Messer, qui a « privatisé » et « franchisé » tout ce qui concerne, commercialement surtout, les produits dérivés autour de la Shoah, et qui mène donc son entreprise avec toute la rigueur, la ruse et les « coups » publicitaires d’un manager qui se respecte : « Ils mangeraient des cheeseburgers et des frites au fast-food et après ça, ils élimineraient tous ces trucs sinistres de leur système à Disco Auschwitz en dansant jusqu’au petit matin pour défier leur mortalité » (p. 81).

Tout y passe, y compris la conversion au catholicisme de la jeune « fille et petite-fille », Nechama, qui se fait carmélite au couvent d’Auschwitz, à la grande rage de Maurice, son grand-père, et de Norman, son père. Il est très difficile de rendre compte des histoires multiples, parfois narrées sous forme de sketch, qui viennent fourmiller autour de cette famille. Le monde n’est d’ailleurs pas « notre » monde, mais une sorte de version paranoïaque, hyperlibérale, délirante et grotesque. Tout n’est que mécénat détraqué, sexualité déviante, scènes paroxystiques ou bêtise crasse, comme lorsque la toute nouvelle employée du Musée de l’Holocauste se lance dans une litanie des victimes « politiquement correcte » qui donne ceci : « Prisonniers politiques, autrefois appelés Soviétiques. […] Nos bons amis et hôtes, les Polonais, autrefois appelés Polacks. Et finalement les gays, nous ne devons jamais oublier les gays — autrefois appelés pédés, tapettes et tantes, homos et gouines, pédales et folles » (Reich, 2014, p. 212-213).

Satire policière de la bonne conscience exacerbée alliée au « commerce » effréné des symboles et des souvenirs, ce livre, bien sûr très caustique, dénonce, à tour de bras et sans nuance aucune, la nécessaire obscénité liée à la récupération, à des fins mercantiles, de la plus grande tragédie que le Monde ait connue. Pour corser l’histoire, d’autres peuples, groupes, communautés se mettent à revendiquer « leur » holocauste, furieux que les Juifs aient une sorte de monopole — payant — d’enrichissement et de commisération générale par rapport à la seule Shoah. La fin voit donc un changement d’appellation du Musée, qui devra dorénavant s’intituler : « Musée du Mémorial des Holocaustes des États-Unis ».

L’humour noir baigne l’ensemble du roman, transformant le moindre des personnages en pantin ridicule et souvent malfaisant : « Pour ne donner qu’un seul exemple, même quand il témoignait lors du jour du Souvenir de l’Holocauste devant des groupes de lycéens morts d’ennui qui se tortillaient sur leur chaise, il avait toujours le culot incompréhensible de se déclarer athée » (Reich, 2014, p. 289). Même les enfants ne sont guère épargnés, surtout ceux qui jouent avec un « lego-Lager », un camp de concentration miniature où toute l’extermination est reproduite fidèlement ! Faut-il se scandaliser, se détourner, ou accepter d’être confronté à cette vision dantesque d’un « biseness » frénétique, écœurant bien sûr, mais parfois très drôle dans ses détails incongrus (les « Bagels de l’Holocauste » servis au musée, par exemple) ? N’oublions pas que même dans des thrillers aussi euphémisés que ceux de Harry Kemelman, quelque chose de l’ancienne violence subie dans les shtetels subsiste aussi : « En se retournant, elle vit sur leur porte une croix gammée rouge d’où la peinture dégouttait comme du sang. Elle éclata en sanglots […] — J’ai peur, j’ai peur, David » (Kemelman, 1972, p. 228).

En fait, s’il y a vraiment une œuvre — énigmatique et non policière — à laquelle on pense constamment en lisant ces thrillers sombres et torturés, c’est bien celle de Franz Kafka, qui utilise et més-utilise à la fois tous les ressorts du pilpul, mais en les absurdisant, en les dévitalisant, ainsi que le signale Christian Michel, à propos du Procès :

Notons enfin la prolifération extraordinaire, dans le roman, des figures ternaires : trois hommes se présentent chez K. un matin ; trois femmes sont séduites par K., trois grandes fenêtres éclairent la cuisine de la maison de Huld, etc. […] Enfin, la multiplication des figures ternaires ne produit guère d’effets de sens, puisqu’elles sont tellement nombreuses que leur éventuelle signification symbolique est diluée par leur prolifération. [Michel, 2009, p. 91]

On peut ajouter que dans la Guematria (interprétation cabalistique des textes), chaque lettre est associée à un chiffre, et que les combinaisons possibles sont toutes l’objet de gloses savantes et sophistiquées. Il n’est pas interdit de penser que Kafka s’amuse aussi à semer des indices « voyants », comme autant de petits cailloux intrigants. Tobie Nathan, en nommant l’un de ses récits policiers 613, saura s’en souvenir, lui aussi :

Un séminaire de philosophie morale, donc, d’éthique juive où il passait son temps à démontrer que la déontologie était juive, la morale aussi, bien sûr, la sagesse, pareil, le droit, n’en parlons pas, la souffrance, normal, la joie, on ne connaissait que ça, la psychanalyse, aussi, l’anti-psychanalyse, encore, la logique, ben voyons… Mais qu’est-ce qu’il restait de juif aux Juifs alors ? Ben… il restait le séminaire de Cohen ! [1999, p. 156-157]

Pour résumer, les constantes références à la métaphysique, au symbolisme de la Kabbale ou à la magie des nombres ne sont pas immédiatement symétrisables avec un investissement spiritualiste plus accentué dans les polars juifs qu’ailleurs, mais elles sont une marque de fabrique, un appel aux dieux tutélaires du genre que sont Israël Zangwill, Franz Kafka et Isaac Bashevis Singer. Par conséquent, on comprend mieux le pessimisme roboratif des sentences kafkaïennes qui illustrent l’état d’esprit d’à peu près tous les flics de fiction : « Qu’est-ce qui te trouble ? Qu’est-ce qui rend ton cœur aussi incertain ? Qu’est-ce qui cherche à tâtons la poignée de ta porte ? Qu’est-ce qui t’appelle depuis la rue et pourtant ne franchit pas le portail grand ouvert ? » (Kafka, 2018, p. 942-943).

Je renaîtrai de vos cendres

Le plus téméraire osa poser la question :
— Ça veut dire quoi, « des juifs » ?
Il fut soulagé de constater que Ferri, loin de se vexer, semblait ravi de leur en apprendre davantage.
— Ben, au départ je ne savais pas non plus. Alors j’ai demandé à mon père et il m’a expliqué que les Juifs, c’est le peuple qui a tué Jésus Christ.
Les camarades de Ferri n’étaient pas totalement convaincus.
— Moi, je ne crois pas que les parents d’Andris aient tué Jésus, c’était il y a trop longtemps… risqua l’un d’eux. [Szück, 2020, p. 41]

Le « pilpul », on l’a déjà précisé, est plus ou moins l’équivalent talmudique de la disputatio médiévale. Le but n’est pas de triompher de l’adversaire (encore qu’il n’y ait pas non plus de désagrément à ce que cela arrive13), mais de parvenir ensemble, par une confrontation courtoise et savante, à éclairer la raison des hommes un peu au-delà de ce que l’on estimait possible. Or, la parole est reine dans les polars « intellectuels », précisément parce que nous sommes dans un genre catalyseur et redistributeur. Les actes se passent essentiellement en amont ou en aval, mais ils se subsument en langage lorsqu’ils parviennent à la conscience de l’enquêteur, qui ne laisse jamais s’effacer la pointe d’autodérision sans laquelle il n’y a pas d’esprit du « Witz »14 possible : « Remarque, en hébreu, beit el ‘haim, littéralement ‘la maison des vivants’, ça veut dire le cimetière. Donc en hébreu, on dit ‘vivant’ pour signifier ‘mort’ » (Nathan, 1999, p. 96).

Certes, certains thrillers y vont avec de gros sabots dialectiques : « Dieu, toutes ces confessions, je les ai écrites et consignées dans ce manuscrit sur ta demande […]. Bien sûr, il me faudra changer les noms de toutes les personnes, mais aussi le nom des lieux, peut-être même des pays, pour ne pas avoir d’ennuis avec le Mossad ou les services secrets français » (Nathan, 1999, p. 257). D’autres tentent de se substituer à une morale considérée comme défaillante : « L’amour n’était rien de plus qu’un camouflage de la sexualité ; la religion, une invention conçue pour consoler l’humanité menacée par la nature ; la peur, un mécanisme de survie ; la cupidité, une convention sociale sans laquelle l’humanité aurait succombé à la passivité existentielle ; la quête de sens, le prix de la conscience de soi vouée à l’échec » (Blum, 2018, p. 107). Mais la façon dont toute parole va être proférée, la matrice configurante des échanges et des joutes verbales, devient le double spectral du livre même, une koinéia d’influences et de contre-influences, un « kosmos koïnos » où les flux subtils de la conviction, du probable et du pensable s’échangent et s’électrisent en permanence15.

C’est là que la judaïté affirmée ou lointaine de plusieurs personnages joue, semble-t-il, un rôle majeur ; pas tellement pour la reconnaissance d’une « minorité » (il y a beau temps que les romans européens déclinent un monde multiculturel et métissé), mais pour le cadre intellectuel que l’exercice conscient ou inconscient de la « paracha »16 a contribué à modeler. Cependant, il ne faut jamais prendre le lecteur lambda de haut, en lui infligeant des sophismes compliqués, que seule une connaissance poussée des Lebensformen talmudiques pourrait éclairer. Comme le dit un personnage à l’épouse du rabbin David Small : « N’essayez jamais de cacher quelque chose à votre mari. Il découvrira la vérité en moins d’une minute » (Kemelman, 1972, p. 59).

Pourtant, on a souvent l’impression que dans certains thrillers l’ésotérisme est un décor, une clé de lecture un peu pataude pour pimenter ou anoblir l’intrigue, comme dans le sympathique mais clinquant Filles de Lilith de Sarah Blau17, dans lequel des trentenaires sans enfant sont assassinées sauvagement dans des mises en scène macabres à Tel-Aviv — à coups de poupons, de rouge à lèvres et d’images de sorcières. Ce thriller, mêlant références bibliques hébraïques et problématiques féministes, interroge les tabous de la société israélienne.

Un proverbe hante ce livre : « Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées » (Jérémie 31:29).C’est que tout le texte, à l’image de la Bible, est travaillé par la question de la génération et de la reproduction, dont Sarah Blau égrène les références et explore les mythes. Les femmes, surtout, offrent un matériau infini : il y a Lilith bien sûr, première femme d’Adam et succube en chef, mais aussi la sorcière d’Endor, qui possède des dons de divination et communique avec les morts. Elle fut sollicitée par Saül, le premier roi d’Israël, et un tableau la représentant trône dans le salon de Sheila, l’héroïne. La conférencière sera-t-elle la prochaine victime de cette série de meurtres vengeurs ? Ou bien tombera-t-elle enceinte ?

On le devine, le cocktail féminisme/folie criminelle/mysticisme de pacotille a de beaux jours devant lui, mais on peut lui préférer le fascinant et glauque Maison de ruines (2013), qui mêle mysticisme, étude de mœurs, mystère et critique sociale, en un rare combo : « Nul œil mortel ne fut témoin de cette scène ; personne ne prit la mesure de ce moment, de cet instant de grâce lors duquel toute prière aurait été exaucée — personne sauf un vieux clochard allongé sur un banc, crasseux et gonflé par la faim, enfoui sous un tas de haillons, un vieux clochard qui souhaitait la mort. Il s’éteignit instantanément, sans souffrir » (Namdar, 2018, p. 11). Un ange est en train de surgir, à la fois vengeur et rémunérateur, et il va poursuivre le héros jusqu’à ce que celui-ci retrouve le sens des valeurs. On pense plus d’une fois au Bûcher des vanités de Tom Wolfe, en plus étrange, plus inquiétant, plus féroce : « 8 juin 2001. Le 17 du mois de sivan 5761. L’ange est assis à mes côtés, sur le bord du lit. Il tend le bras et me frôle. Je me réveille. Je ne suis pas surpris ni effrayé de le voir ici » (Namdar, 2018, p. 369).

La « territorialisation » des figures célestes induit une transcendance que l’énigme première ne semble pas contenir. Pourtant, ce jeu avec l’invisible, ce lien avec le sacré de transgression s’actualise souvent là où nul ne songerait à le chercher. Reprenons, en dernier exemple, l’éprouvante Disparition inquiétante (2011) de Dror Mishani. C’est par un raisonnement paradoxal, fondé sur l’absence et le silence, que Avraham Avraham, le flic mal aimable de l’enquête, finit par comprendre la vérité. Persuadé que Zeev, un voisin bizarre, obsessionnel et peut-être secrètement pédophile, est mêlé à la disparition de l’adolescent, Avraham le piège pour le faire craquer ; le suspect lui avoue que depuis quelque temps il imite l’écriture d’Ofer Sharabi, et glisse les lettres ainsi rédigées dans la boîte aux lettres des parents ! Ceux-ci ont donc toutes les raisons du monde de courir à la police pour brandir les fameuses missives, qui semblent émaner de leur fils. Or, ils n’en font rien, comme si au fond d’eux-mêmes ils avaient bizarrement la certitude qu’on ne le retrouverait jamais, et qu’il ne pouvait donc pas être l’auteur des courriers en question. Avraham, malgré sa répugnance à envisager un infanticide, réfléchit à toutes les étrangetés de la famille et, en se fondant sur l’inertie du couple Sharabi devant ces messages, que l’auteur seul sait être des faux, il arrive à l’unique conclusion possible : les parents sont bel et bien les meurtriers de leur fils, et ils ont porté plainte pour ne pas être suspectés. Le « pilpul » a fonctionné : c’est par la démarche cruelle, torturante et perverse d’un semi-dément (le voisin prof d’anglais) que la vérité se fait jour, et que le mystère se résout ; le mal amène le bien (si l’on peut dire !).

Nos patriarches avaient dit au Christ : « tu n’es pas celui que tu prétends être » ; nos patriarches avaient affirmé : « tu n’es pas celui que nous attendons depuis toujours » ; nos patriarches avaient décidé : « nous te respectons mais ne nous demande pas de te suivre, nous ne pourrons que refuser ». Et depuis ce jour, pour ces paroles malheureuses, cette trahison, cet affront insensé, cette audace folle, nous n’avions plus jamais connu la paix. [Sagalovitsch, 2019, p. 191]

« C’est notre juif ! Si vous en voulez un, vous n’avez qu’à chercher ailleurs ! », lit-on dans Klezmer, de Joann Sfar (2014, p. 75). Se servir des exempla talmudiques pour résoudre des énigmes semble finalement aller de soi, tant les règles de déplacement, de symbolisation, de paradoxe créateur de sens fonctionnent dans les enquêtes et amènent à l’élucidation sans même violenter la « parresia » du raisonnement rabbinique. D’ailleurs, le « livre » (matériel, mémoriel, spirituel) est presque toujours au centre des histoires juives comme le rappel permanent de l’origine lettrée de toute pratique policière :

Il ramassa les balles en vitesse.
— Vous lisez quoi ?
Elle brandit le livre pour le lui montrer.
— Humanitéisme, d’un certain Eddie Levy.
— De quoi ça parle ?
— C’est de la poésie… Je viens de le commencer… Je vous observais. Je ne suis pas allée très loin. [Blum, 2018, p. 282]

L’ésotérique Fabrique des coïncidences (2015), la symbolique Maison de ruines (2013), l’imprécatrice Nuit des juifs-vivants (2012) sont autant de pièges où la raison se prend, où la direction se perd pour mieux, après mille détours dans l’obscur de l’esprit humain, s’éveiller à la lumière du Logos, un logos abrahamique. L’irrigation par l’enseignement du talmud-thora des figures obligées de l’enquête manifeste à la fois le brouillage des frontières sacré/profane, et l’homogénéisation des trajets heuristiques et eschatologiques. La circulation des imaginaires y est à son comble, car la figure du questionnement est première dans la structuration de la pensée juive. C’est par quatre questions (ma nichtana…)18 que le jeune enfant entre dans le mystère de Pessa’h, c’est par la recherche de l’afikomen19 que la soirée se poursuit, et c’est enfin par l’angoissante apostrophe (« Pourquoi m’as-tu abandonné ? ») que se conclut la légende chrétienne de la mort du messie. Cette dramaturgie de la question migre à l’évidence dans les thrillers comme l’archéologie de tout processus déductif, la persistance de modalités héritées du passé, et la résurgence d’une errance mentale, féconde en détours éveillants :

— Qu’en pensez-vous ? Franchement, je ne sais si je dois réclamer et me battre, ou laisser tout tomber.
Le rabbin fit la moue et jeta un coup d’œil sur le gros livre ouvert devant lui. Puis, il eut un sourire :
— Voulez-vous que nous consultions le Talmud, commissaire ? [Kemelman, 1972, p. 249]

Références

Bernett Sam, 2017, Le Parrain et le rabbin, Paris, Le Cherche Midi.

Bettauer Hugo, 2017 [éd. orig. 1922], La Ville sans Juifs, un roman d’après-demain,trad. de l’allemand par D. Autrand, Paris, Belfond.

Blau Sarah, 2022, Filles de Lilith, trad. de l’hébreu par S. Cohen, Paris, Presses de la cité, collection « Sang d’encre ».

Blum Yoav, 2018 [éd. orig. 2015], La Fabrique des coïncidences, trad. de l’hébreu par S. Cohen, Paris, Delcourt.

Casta Isabelle Rachel, 2019, « ‘Rien où poser sa tête’. Être juif, être jeune, être juste : Les ‘amis retrouvés’ de l’Europe réconciliée en littérature jeunesse », dans Mongenot Christine (dir.), Frontières et circulations : une littérature de jeunesse européenne au XXIe siècle ?, collection « Cahiers Robinson », n° 46, p. 91-105.

Casta Isabelle Rachel, 2020, « Quand se sont tus les chiens d’Odessa : sérialité fantastique, aporie féconde ou recyclage permanent ? », dans Marot Patrick (dir.), Frontières et limites de la littérature fantastique, Classiques Garnier, collection « Rencontres », n° 441, p. 425-451.

Darmon Rachel, 2019, Le Gâteau de Varsovie, Montreuil, Éditions Folies D’encre.

Goupil Didier, 2016, Traverser la Seine, Paris, Le serpent à plumes.

Govrin Michal, 2008, Amour sur le rivage, trad. de l’hébreu par L. Cohen, Paris, Sabine Wespieser Éditeur.

Kafka Franz, 2018, Cahier bleu : « Dans l’obscurité… », Nouvelles et récits, Œuvres complètes, t. 1, Jean-Pierre Lefebvre (dir.), Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade.

Kemelman Harry, 1972 [éd. orig. 1964], On soupçonne le rabbin, trad. de l’anglais (États-Unis) par R. Albeck, Paris, Christian Bourgeois, collection « Les Grands Détective ».

Klein Sari, 2018, Génésareth, trad. de l’hébreu par S. Levine, Paris, Matanel Berg International.

Konop [Konopnicki Guy], 1994, Pas de kaddish pour Sylberstein, Paris, Gallimard, collection « Série noire ».

Michel Christian, 2009, « Sens et culpabilité dans Le Procès de Franz Kafka », dans Thau Norman David (dir.), Dix études sur le roman et la loi, Hommages à Norman David Thau (1959-2005), Paris, Le Manuscrit, p. 81-94.

Mishani Dror, 2014, Unedisparition inquiétante, trad. de l’hébreu par L. Sendrowicz, Paris, Éditions du Seuil.

Mishori Alec, 2019, Secularizing the Sacred: Aspects of Israeli Visual Culture, Leiden / Boston, Joshua Holo – Brill, collection « Brill’s series in Jewish Studies », vol. 65.

Namdar Ruby, 2018 [éd. orig. 2013], La Maison de ruines, trad. de l’anglais (États-Unis) par S. Tardy, Paris, Belfond.

Nathan Tobie, 1999, 613, Paris, Éditions Odile Jacob.

Ostachowicz Igor, 2016 [éd. orig. 2012], La Nuit des Juifs vivants, trad. du polonais par I. Jannès-Kalinowski, Paris, Éditions de l’Antilope.

Pamuk Orhan, 2022, « Un roman, c’est créer un arbre feuille après feuille », Libération [entretien], mené par F. Roussel, 19-20 mars, p. 34-35.

Reich Tova, 2014 [éd. orig. 2007], Mon Holocauste, trad. de l’anglais (États-Unis) par F. Pointeau, Paris, Le Cherche midi.

Sagalovitsch Laurent, 2019, Le Temps des orphelins, Paris, Buchet-Chastel.

Sfar Joann, 2014, Klezmer (V. Kishinev-des-fous), Paris, Gallimard Bande Dessinée.

Szück Anna, 2020, L’Anatomie d’une décision, Genève, Encre fraîche.

  • 1Le film qui en est tiré, K, d’Alexandre Arcady (1997) est honorable, mais ne rend pas compte de toutes les complexités du roman, ce qui est compréhensible.
  • 2À ce dernier opus, on peut préférer la nouvelle glaçante Une disparition inquiétante (2011), qui a d’ailleurs été adaptée au cinéma par Erick Zonca sous le titre Fleuve noir (2018).
  • 3La « guematria » ou « kabbale numérique » est une forme d’exégèse propre à la Bible hébraïque dans laquelle on additionne la valeur numérique des lettres et des phrases afin de les interpréter. Il s’agit d’une forme de numérologie, ou science numérologique, liée à l’étude et compréhension de textes sacrés. Gematria, Temura et Notarikon sont les trois procédés de la combinatoire des lettres (hokhmat ha-zeruf) pour déchiffrer la Thora. La littérature talmudique reconnaît l’intérêt de la guematria « classique », mais met en garde les profanes contre le risque de superstition.
  • 4Ma traduction : « L’orthodoxie israélienne s’approprie l’intégralité de la pensée juive pour elle-même et ses disciples tout en boycottant tout élément juif étranger qui n’appartient pas à leur ordre (y compris le judaïsme conservateur et réformé) ».
  • 5Ma traduction : « Midrash est un acte qui exprime la liberté. Seule une personne libre est capable d’affronter un texte classique, quel qu’il soit, qu’il s’agisse de la Bible, des écrits de Marx ou d’un paysage familier et d’y trouver de nouvelles significations ».
  • 6La série dite du « Rabbin David Small » comprendra 12 opus et s’achèvera avec la mort de son auteur, en 1996 ; en 1976, dans l’adaptation télévisuelle du premier roman de la série, Stuart Margolin et Art Carney incarnent respectivement David Small et l’inspecteur-chef Paul Lanigan dans ce film pilote qui devient ensuite la courte série Lanigan’s Rabbi, où Bruce Solomon remplace Margolin dans le rôle du rabbin.
  • 7Notre intertitre est emprunté au verset 5 du psaume 137, livre des Psaumes (en latin Super flumina Babylonis). Il est le seul des 150 psaumes à évoquer l’exil à Babylone qui a suivi la prise de Jérusalem en 586 avant l’ère commune ; selon la tradition rabbinique, il a été écrit par le prophète Jérémie lui-même.
  • 8On pense particulièrement au nouveau golden boy de l’édition, Dov Alfon. Son premier roman, un thriller politique, publié en français en 2019 sous le titre Unité 8200, a été traduit en treize langues ; best-seller en Israëlet en Grande-Bretagne où il a reçu le prix Dagger International (et le prix Marianne en France).
  • 9Lire Traces de vie à Auschwitz, édition commentée de l’« Introduction Recueil Auschwitz » (manuscrit clandestin 1945) dirigée par Philippe Mesnard, Lormont (Le Bord de l’eau, 2022).
  • 10L’ouvrage est adapté au cinéma sous le titre de Perfect Crime en 1928. Il s’agit de l’un des premiers films parlants.
  • 11On aura reconnu, dans l’intertitre, le début de la célèbre apostrophe d’Albert Cohen : « Sois sans Dieu, Israël, peuple de Dieu ! », rappelée par Philippe Zard dans son étude des Visages d’Albert Cohen (2003).
  • 12À ce sujet, se référer à l’article d’Isabelle Rachel Casta (2020). Le roman d’Aleikhem, Motl, fils du chantre, jusque-là non-traduit en français, a été publié en mars 2022 aux éditions de l’Antilope.
  • 13C’est d’ailleurs le cas avec le titre d’un roman d’Élizabeth Brami (2012), repris en intertitre.
  • 14Le Witz est l’état d’esprit qui préside à un jeu de mots généralement juif, analysé par Freud dans Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient (1905). Voici un exemple parmi d’autres : « Pourquoi tu me dis que tu vas à Pinsk, pour que je croie que tu vas à Minsk, alors que tu vas à Pinsk ? »
  • 15C’est sans doute ce qui a guidé le choix du titre L’Ami retrouvé, chef-d’œuvre d’ambiguïté et d’espoir… désespéré. À ce sujet, se référer à l’article d’Isabelle Rachel Casta (2019).
  • 16Le « commentaire » d’une page de la Thora, lue le soir du chabbat.
  • 17En voici le pitch : des meurtres en série chamboulent Tel-Aviv. Dans des mises en scène sanglantes, qui ont tout du crime rituel, des femmes, trentenaires émancipées, childfree et fières de l’être, sont « saignées ».Dina, par exemple : on a retrouvé cette flamboyante bibliste ligotée à une chaise dans son appartement, le mot « maman »inscrit sur le front, une poupée entre les mains. Même traitement pour la non moins flamboyante Ronit, retrouvée trois jours après sa mort dans son salon immaculé, ligotée, nue sur son fauteuil Ikea imbibé de sang, un poupon entre les mains. Et toujours ce « maman » au rouge à lèvres carmin inscrit sur le front. Mises en scène grotesques et épouvantables, ces crimes suintent la vengeance et la justice archaïque — comme lorsqu’on noyait les sorcières lors d’ordalies afin de déterminer leur culpabilité.
  • 18Ma nichtana halaïla hazeh mikol haleilot : 1) Chebekhol haleilot eïn anou matbiline afilou pa’am e’hat, halaïla hazeh chetei pe’amim? 2) Chebekhol haleilot anou okhlim ’hametz o matsa, halaïla hazeh koulo matsa? 3) Chebekhol haleilot anou okhlim che’ar yerakot, halaïla hazeh maror ? 4) Chebekhol haleilot anou khlim beïn yochvine oubeïn messoubine, halaïla hazeh koulanou messoubine? (les quatre questions posées par le plus jeune enfant le soir du premier séder de Pessa’h).
  • 19L’afikomane, en hébreu אֲפִיקוֹמָן (epikoman), du grec ἐπὶ κῶμον (epikomon) ou ἐπικώμιον (epikomion), également transcrit afikoman ou afikomen, signifiant « ce qui vient après » ou « dessert », est une part de matza (pain azyme) qui est coupée au début du séder de Pessa’h et mise à part afin d’être mangée comme dessert à la fin du repas.
  • Références

    Bernett Sam, 2017, Le Parrain et le rabbin, Paris, Le Cherche Midi.
    Bettauer Hugo, 2017 [éd. orig. 1922], La Ville sans Juifs, un roman d’après-demain,trad. de l’allemand par D. Autrand, Paris, Belfond.
    Blau Sarah, 2022, Filles de Lilith, trad. de l’hébreu par S. Cohen, Paris, Presses de la cité, collection « Sang d’encre ».
    Blum Yoav, 2018 [éd. orig. 2015], La Fabrique des coïncidences, trad. de l’hébreu par S. Cohen, Paris, Delcourt.
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    Pamuk Orhan, 2022, « Un roman, c’est créer un arbre feuille après feuille », Libération [entretien], mené par F. Roussel, 19-20 mars, p. 34-35.
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    Szück Anna, 2020, L’Anatomie d’une décision, Genève, Encre fraîche.