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Couverture du livre Témoignage, mémoire et histoire Show/hide cover

Les dits du chêne et du saule : le « palais de mémoire » d’un professeur de contes cinématographiques

« Le seuil signale et prépare le franchissement. Le seuil est un lieu d’ouverture de la limite, la zone de son franchissement ; il est limité(“la limite du seuil”) et fait l’objet de dispositifs matériels et symboliques particuliers. Le seuil est souvent matérialisé par un emmarchement qui exprime,par différence de niveau, une hiérarchie qualitative des espaces. » (Paul-Levy et Segaud, 1983, p. 64)
« Choses rares ou bellesIci savamment assembléesInstruisent l’œil à regarderComme jamais encore vuesToutes choses qui sont au monde ». (Paul Valéry)

Toute démarche est un itinéraire. Pour se retrouver dans l’espace, il faut un sens de l’orientation. Pour orienter sa pensée, il faut lui donner du sens. Le propos ici sera de donner du sens à l’espace. L’espace de ma maison de recherche, celle qui m’a offert l’hospitalité il y a bien des années. Mais d’abord, il faut en franchir le seuil. Il faut monter des escaliers pour entrer dans le bâtiment. Le portail, par lequel on entre à l’intérieur, marque l’entrée dans un univers d’envergure, voué au culte de la Connaissance, un temple du savoir, atemporel et immanent. En s’y engageant, l’individu se différencie, se démarque, se distingue. Il faut encore et encore monter des escaliers, des escaliers qui matérialisent des dénivellements. Je me souviendrai toujours de ces volées d’escaliers à gravir la première fois pour accéder au ventre de ma maison de recherche et prendre de la hauteur par effraction. J’étais impressionné, ému, fébrile. Aujourd’hui, un tantinet plus savant et plus distancié, par rapport à cette forte déclivité, expression d’une asymétrie de l’espace, je citerai Paul-Levy et Segaud, cité par Francine Pouzargue (1998, p. 33-39) :

La prise en compte de la hauteur présente l’avantage d’associer le répertoire de la nature et celui de la culture, tout en montrant que le dernier mot appartient au symbolique. Un lieu peut ainsi être haut socialement et haut géographiquement, mais il peut être aussi haut socialement sans matérialisation d’une hauteur physique, et il peut être haut socialement tout en étant en bas (Paul-Levy et Segaud, 1983, p. 73).

Ces multiples franchissements qu’il m’a fallu effectuer ce jour premier d’entrée dans ma maison de recherche renvoyaient à un découpage heurté, hachuré, de l’espace. Il n’y avait pas de fluidité : le parcours est déjà soumis à l’épreuve du haut et du bas. Il se poursuivra tout au long des années suivantes :

Remarquons tout d’abord que tout morcellement, c’est-à-dire toute division de l’étendue en territoires ou en parcelles de quelque ordre que ce soit est accompagnée d’une séparation efficace. J’entends par là qu’il entraîne nécessairement la reconnaissance ou le tracement d’une limite, qu’on se représente être réelle, infranchissable en principe, et que dans la pratique on en peut franchir qu’en se conformant à des conditions précises. (Ibid., p. 46)

Ce lieu, cet espace, ont impressionné, au sens photographique du terme, le néophyte que j’étais lequel, tout au long d’une série d’épreuves qu’il ne soupçonnait guère, devra prouver de façon concomitante la dignité du savoir de la recherche et sa propre dignité. Et la première épreuve, et ma première incongruité dont la trace est toujours aussi vivace, celle de la présentation de mes approches de chercheur devant l’aréopage des collègues et du silence profond qu’elle suscita (à part une remarque acerbe et condescendante) me laissa confus et perplexe, ruminant mille interrogations lors de voyage des trois heures de mon voyage de retour. Comme si, dans ce rituel apparemment bien rodé, j’avais fauté avec une parole insensée, hors contexte ; failli à la disciplination collective tel que la conçoit Michel Foucault ; une sorte de sauvage incongru qui aurait envahi un territoire policé en apparence du moins. Donc, une sorte de fou brouillant les limites par sa seule présence, mettant en exergue la confrontation qu’il y a entre le discours et la réalité. Si les mots semblent être le miroir du monde, ils sont eux-mêmes un monde de miroirs et ce jeu offre une perspective à l’infini. Où est la réalité ? Et le discours qui a pour fonction de reconstruire la réalité, confronté à cette réalité, perd aussitôt de son efficacité, car il n’est valable que dans un certain contexte. Pour (re)trouver la réalité de ma maison de recherche dans ce travail de mémoire métissé (mélanges), il me fallait de toute évidence retrouver cette position première du fou sauvage incongru et introduire une diagonale là où règne verticalité et horizontalité, briser les cadres à l’instar du maniaque défini par E. Goffman (Ibid., p. 83-87), celui qui confond les signes, les pervertit, les change constamment de place, les décontextualise.

Le maniaque est quelqu’un qui ne s’empêche pas de pénétrer là où on ne veut pas de lui ou là où on ne l’accepte qu’aux dépens de ce que nous appelons sa valeur ou son statut. Il ne convient pas dans les sphères et les territoires qui lui sont alloués. Il dépasse, il ne reste pas à sa place (Goffman, 1974, p. 36)

C’est à ce prix – endosser le rôle du maniaque – en étant inspiré par certaines techniques d’expression dont parlait Max Ernst, ou par la « méthode spontanée de connaissance irrationnelle basée sur l’objectivation critique et systématique des associations et interprétations délirantes » de Salvador Dali que je pouvais rendre hommage à ma maison de recherche et à l’ancêtre fondateur. Il me fallait tenter une écriture jazzée, un engrenage de visons, d’apparitions et de nouvelles digressions qui semblent s’autoalimenter. Une stratégie de la digression permanente avec une écriture se développant en changeant de cap : un mot-clé déclenche fortuitement une nouvelle vision et portion de sens et la voilà qui déraille, déconcertant le lecteur en permanence. Au maniaque goffmanien, Ignace de Loyola trace un cheminement pour mon journal météorologique de l’esprit.

Exercices spirituels d’Ignace de Loyola

Afin que ses disciples puissent vivre pleinement les récits bibliques dans ses Exercices spirituels, Ignace de Loyola leur conseillait de mettre leurs cinq sens au service des passages des Écritures sur lesquels ils méditaient. Au premier niveau, ceux-ci devaient imaginer un cadre concret pour chaque événement donné. Ils appelaient cela « voir par l’imagination ». Si les cinq sens ressuscitent le passé dans sa diversité et le ramènent dans le présent, ce sont les trois facultés de mémoire, de raison et de volonté qui ont la charge d’approfondir la signification de ce sur quoi l’on se penche, surtout s’il s’agit d’une chose qui n’est pas visible au sens conventionnel. Selon Ignace, on pouvait recourir à ses trois facultés, l’une après l’autre, la mémoire servant de guide. Ces propos font écho aux Confessions de saint Augustin qui écrit : « Plus exactement dirait-on peut-être : il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent et le présent du futur. » Il s’agit donc de procéder du proche au lointain, du connu à l’inconnu, du présent au passé, en remontant la piste, en remontant le temps.

C’est pourquoi ce journal météorologique de l’esprit est organisé en plusieurs entrées, mes « théâtres de mémoire » ou « rushes  » en langage cinématographique, schémas concentriques et cités de mon imaginaire, empilés de telle façon que le lecteur puisse les consulter à sa convenance ou y puiser les éléments de son propre théâtre. Je reprends ici l’idée du « théâtre » créé dans les années 1540 du savant italien Camillo (Spence, 1986, p. 27-32) :

Au premier plan se trouvent des piles de petites caisses posées de façon complexe et bourrées de toutes les œuvres de Cicéron ; un peu plus loin, s’élève un assemblage d’images cosmiques destinées à montrer l’univers se développant depuis les causes premières, à travers tous les stades de la création, […] si bien que le maître de théâtre est pareil à un homme contemplant une forêt depuis une éminence, et qui peut aussi bien distinguer chacun des arbres que la forme de l’ensemble. Comme l’explique Camillo, « cette position élevée et incomparable permet non seulement de conserver pour nous les choses, les mots, et les actions que nous lui avons confiées, de manière à pouvoir les trouver dès que nous en avions besoin, mais elle nous confère aussi la vraie sagesse.

J’ai donc fait le choix d’une esthétique divergente. Au lieu de rechercher l’unité d’intérêt, j’ai recherché la multiplicité d’intérêt. De même qu’en histoire naturelle, on distingue la symétrie bilatérale et la symétrie rayonnée, on peut comparer l’agencement de ce journal météorologique à une ligne de fond à hameçons multiples. C’est le procédé du « la suite à la prochaine entrée » dont les origines sont fort anciennes, puisqu’il est renouvelé des conteurs orientaux ; comme Shéhérazade s’efforçait de faire désirer à Shahriar la suite de son conte pour ne pas avoir la tête tranchée.

Je m’inspire de la pratique de montage de Frederick Wiseman (1994, p. 13-20) qu’il définit comme « une conversation à quatre voix entre moi-même, la séquence sur laquelle je travaille, mes souvenirs et les valeurs générales alliées à l’expérience ». Ce journal météorologique de l’esprit est donc arbitraire, orienté, partial, condensé et subjectif pour éviter ce que Daniel Madelénat (1984, p. 131) appelle des

rationalisations systématiques a posteriori […] lorsque qu’on est « aux prises avec l’opacité du réel […] et lorsqu’on vise à une certitude théorique et pour ainsi dire, scientifique. Mais cette transformation de la doxa en épistémè, cette purgation de toute subjectivité semble incompatible avec les conditions initiales de son activité.

Il est le fruit de mes choix : choix du sujet, du lieu, des angles de prises de vue, des scènes à tourner ou à omettre, des éléments de transition et des plans de situation. Vous avez donc sous les yeux mes rushes , empilés en vrac, seize séquences comportant des plans que je vous propose de visionner. Seize séquences, un chiffre dont je m’aperçois à la relecture qu’il n’est pas innocent. Mes racines africaines ont surgi sans crier gare. Seize comme les seize signes fondamentaux qui sont à la base de la technique divinatoire par le Fa de la pensée yoruba. Leurs combinaisons donnent deux cent cinquante-six signes ou hiérogrammes, inscrits sur un plateau que l’on appelle faté. La divination yoruba s’appuie sur deux figures singulières : Fa et Legba.

Fa est un ordre mathématique, un agencement inéluctable. Fa est rigidité, univers sec et métallique où tout semble réglé d’avance. Secret et mystérieux, Fa est une divinité de l’ordre, de l’inexorable, du destin. […] Ce sont toujours des paroles qui communiquent avec l’ailleurs, qui font basculer la pensée dans un autre monde. Huenuxo, littéralement : « parole du temps indéterminé », autrement dit, « parole mythique ». Mais il existe aussi Legba, l’imprévisible, l’inassignable, le tragique quotidien au-delà du bien et du mal. Legba est à la fois antagoniste et porte-parole du Fa. Si celui-ci renvoie à une vision architecturale, celui-là représente la stratégie toujours mouvante des passions. Vitalité et désordre, feu, brindilles surgissant inopinément du foyer. […] Legba est la figure qui ne connaît aucune limitation, aucun tabou. […] C’est son action qui rend toute totalité constituée provisoire, toujours susceptible d’une remise en question, d’une réorganisation. […] Mais nul ne peut parvenir à la compréhension de Legba sans initiation.

Je crois comprendre que les huenuxo, ces paroles du temps indéterminé, agissent entre initiateur et initié, les contraignant l’un et l’autre, à accepter la transmission qui les transcende. C’est donc dans une telle atmosphère de solidarité fonctionnelle que se déposera le récit. Cette approche béninoise m’ouvre des pistes pour résoudre mon problème du jour, comment agencer les séquences retenues ? « Lorsque je monte, je converse avec moi-même, dit Wiseman (1994, p. 13-20) ; au sein de cette conversation confinée et limitée, je dois me forcer à être aussi conscient que possible des différents éléments en jeu : d’abord au sein de chaque plan, puis au sein de la séquence et enfin dans les rapports des différences séquences entre elles ». L’une des idées principales d’Eisenstein est qu’un cadre juxtaposé à un autre lors du montage fait naître une pensée, un sens, une conclusion. Mais c’est Artavazd Péléchian (1976, p. 90-105 ; 1989) qui m’inspire le plus ; il propose :

Non pas de rapprocher deux plans pour créer du sens ou de l’émotion, mais, au contraire, de les séparer grâce à l’insertion d’un ou plusieurs éléments. […] Pour moi, l’essence et l’accent principal du travail de montage consistaient moins à juxtaposer directement des cadres qu’à les éloigner, moins à pratiquer leur « jonction » que leur « disjonction ». […] En organisant mes films autour de telles agrégations d’éléments, j’ai visé à créer des œuvres semblables à un organisme vivant doté d’un système de liens internes et d’interactions complexes.

Je pense aussi à Harun Farocki, qui a présenté une expérience de médiation incarnée dans Immersion, un travail vidéo sur une séance de thérapie destinée à des soldats souffrant du syndrome de stress post-traumatique. Un instructeur chargé de faire la démonstration de cette technique porte un casque d’écoute et recrée une expérience de combat dans un environnement simulé qui ressemble à un jeu vidéo. Le soldat se déplace à travers une reconstitution virtuelle du terrain sur lequel il a été blessé et peut en percevoir l’espace sous différents angles. Je songe à Proust dans l’épisode célèbre des trois tours d’église dont les positions relatives changent alors que l’enfant assis à côté du rocher les observe au cours d’une promenade. Michel Butor, dans un essai sur Proust, suggère qu’il s’agit là du symbole spatial d’une libération par rapport à des distances temporelles figées qui permet au spectateur de jouer librement avec ses souvenirs : « Les trois clochers sont libérés de leur asservissement quotidien comme si elles étaient devenues des oiseaux. »

Je vais donc tenter de faire (re) vivre ma maison de recherche à travers ce qui me définit le plus : mes cycles « Cinéma et Anthropologie. Cinémas du réel et de l’invisible. Penser l’image et le monde », ces cycles pensés et construits pour répondre à Maurice Maeterlinck : « ce qui nous manque, c’est l’attention et le recueillement, et un peu d’ivresse d’âme ». Par fidélité à cette anthropologie visuelle initiée par Flaherty, Jean Rouch et sa lignée, celle qui propose des voyages de connaissance et de découverte, allant de flux en reflux, provoquant des rencontres stimulantes, engendrant de grandes exaltations mais aussi des moments de solitude tourmentée, qui exige du spectateur bien plus qu’une ouverture des sens, mais un « travail ». Par fidélité aussi à mes guides de toujours, Georges Devereux, fondateur de l’ethnopsychiatrie qui a construit ma pensée, et à son disciple Tobie Nathan (19981) dont les écrits enrichissent mes approches. Cette ethnopsychiatrie, qui se développe là où habituellement, on rencontre la guerre, la colonisation, la disqualification de l’un par l’autre ; qui se veut une alternative à cette attitude qui vient si facilement à l’occidental : celle de réduire l’autre à n’être qu’une copie de soi-même. Je vous propose de m’accompagner dans ce montage torrentiel à la première personne, utilisant la technique du feed-back que Jean Rouch (2008, p. 281) a inaugurée avec Bataille sur le grand fleuve : « Dans ce film, j’ai employé pour la première fois la technique de la “caméra participante” de Flaherty : montrer aux chasseurs d’hippopotame leurs propres images. Ce film m’a poussé dans la même voie quand j’ai réalisé en 1954, Jaguar et Les Maîtres Fous ».

Séquence 1 – Journal de Thoreau

L’écriture est une escale, un souffle. Elle seule réunit l’espace et le temps. Une parole d’encre et de patience comme le Journal de Thoreau (2018), mon livre de chevet depuis sa parution en français. En effet, depuis l’incitation de Ralph Waldo Emerson à tenir un journal (1837), Thoreau n’avait cessé de rédiger quotidiennement, soit plus de 7 000 pages publiées en 1906. Thoreau estimait qu’il devait conserver la trace de la vie de son esprit, la « sauver de l’oubli ». Je me souviens que Thoreau résumait son œuvre comme étant « un journal météorologique de l’esprit ». Penser à Emerson me remémore le temps où, jeune universitaire, j’avais lu ce passage d’un de ses essais : « Ne fais pas de longs discours, ne crie pas sur les toits les titres des ouvrages que tu as lus. Dis-moi avec les tripes ce que tu as vécu dans ta vie. ». Les idées d’Emerson reviennent me hanter aujourd’hui pour le choix de cette écriture. D’autant que mon regard ne peut être aujourd’hui celui d’un naïf estomaqué par l’ornementation réputée de cette maison de recherche, mais celle d’un supposé "savant" nourri aux mamelles de l’ethnographie selon Jean Bazin, « qui se refuse à dissocier ce que les gens font de ce qu’ils, suppose-t-on, sont, c’est-à-dire à séparer les actes extérieurs des pensées supposées "intérieures". Alors, puisque, dit Bazin, " on n’observe jamais que des situations", la tâche de ce type d’ethnographe consiste à les décrire, et avec elles "l’espace des possibles" à l’intérieur duquel les acteurs se meuvent d’une situation à l’autre, dans un contexte historique donné ».

Séquence 2 – L’étang isolé de Walden

Lorsque Henry D. Thoreau écrivait sur l’étang de Walden, c’était souvent depuis la perspective de son bateau. Un petit canoë. Au milieu de l’eau immobile, il penchait son regard vers le bas pour observer les perches jouer au fond de l’eau, tout en jouant de la flûte. Charmé par les poissons et sa propre musique. Côtoyer le sauvage, entrer en connivence avec l’esprit sylvestre et ses émanations rouvre en vous des artères longtemps bouchées par des caillots encombrants. Il est des lieux où l’on arrive comme dans un songe retrouvé. Non pas un rêve illuminé ou un eldorado ensoleillé, mais un décor, un vrai ; un cadre que l’on avait secrètement attendu, et qui devrait se révéler conforme à l’estampe mentale que l’esprit avait tissée en secret, avec le désir d’une profonde immersion. Ma maison de recherche est un de ces lieux. J’y avais reconnu certaines de mes fondations. Mon départ à la retraite en 2017 m’avait encore plus isolé de ma maison d’appartenance que je ne l’étais en raison de la distance géographique qui nous séparait. Toutefois, l’isolement est capable de lancer des ponts autant qu’il creuse des fossés. S’isoler, c’est s’éloigner. Toutefois, pour savoir si l’on a de fortes attaches, il faut avoir quitté le port. L’éloignement bouscule les perspectives. L’œil s’aiguise : il ajuste sa focale sur le monde. Pour juger le lieu d’où l’on vient, rien de tel qu’un pas de côté pour l’embrasser du dehors ? Une sorte de quête personnelle, in memoria, pour saisir la forme au-delà des apparences, pour aller à la rencontre du réel dissimulé dans la matérialité de l’image que je m’étais construite, pour saisir une part de l’imprévisible du temps qui va, pour affronter le je-ne-sais-quoi et le presque rien. Mais, au fond, cette quête est-elle vraiment différente de bien des enquêtes ethnologiques, et en particulier des pérégrinations héroïsées dans Tristes Tropiques ? Comme l’exprime si justement Gaston Bachelard (1961), dans La Poétique de l’espace : « Non seulement nos souvenirs, mais nos oublis sont « logés ». Notre inconscient est « logé ». Notre âme est une demeure. Et en nous souvenant des « maisons », « des chambres », nous apprenons à « demeurer » en nous-mêmes ».

Séquence 3 – Le dit du chêne

Thoreau laissait la beauté sauvage de nos origines lointaines le guider sur le chemin de sa vie et dans le monde qui l’entourait. M’inspirant de son journal, je me suis laisser porter par mes soliloques. En pleine nature, on se parle tout le temps à soi-même. Et on parle aux aussi aux arbres, aux oiseaux, au vent et au ciel, aux marées qui montent et reculent inlassablement. Et mon propre soliloque m’a amené en écho à me rappeler cette vérité fondamentale : tout ce dont a besoin et désire savoir se trouve, à portée de main, au sein de la nature. Toute forme d’association, toute compétence peuvent être apprises par l’observation. Tout ce que l’on a besoin de savoir se trouve juste là, prêt à être assimilé, dans cette salle de classe naturelle, à condition de se montrer suffisamment curieux et patient, de regarder et d’écouter. Si on reste au même endroit, en toute quiétude et pendant assez longtemps, ce qui nous est inconnu vient à nous au moment où on est prêt à le recevoir. Par exemple, ce chêne qui se dresse majestueux devant moi, il est à sa place, il est dans l’instant, un instant long et lent certes qui lui permet d’écrire son autobiographie, année après année, à son rythme dans des cercles concentriques. Et pour qui sait l’observer, l’architecture du fût et des branches est tout aussi parlante. Chaque branche doit plus à la nécessité qu’au hasard. Elle est à la fois autonome et solidaire de l’ensemble. Plus troublant et poétique : les branches font preuve de « timidité », évitent de se toucher entre elles, comme de peur d’infliger une blessure. De même, le chêne respecte une légère distance avec ses voisins. De ces derniers, hêtres, bouleaux, charmes, pins, le chêne n’est pas indépendant : en rivalité pour accéder à la lumière, les arbres forment cependant un réseau solidaire, capable de partager des ressources, d’échanger des informations ou de se défendre en commun face à des agresseurs. Aucune incertitude possible. Aucune hésitation possible. Voilà ce qui est. Le chêne me donnait un cadre à investir, un cadre fonctionnant comme un opérateur textuel et mental, un schème de création de récits-cadres et un jeu de recadrage, permettant de visualiser ma maison de recherche à travers mes cinématographies. En fait, comme le chêne, cette maison de recherche est à sa place, dans l’instant, et un instant long et lent qui lui permet d’écrire son autobiographie.

Séquence 4 – De l’hospitalité et de « l’inconditionnalité conditionnelle »

J’ai été accueilli à bras ouverts lorsque j’ai frappé à la porte de cette maison de recherche. Elle avait le sens de l’hospitalité. La notion derridienne de l’hospitalité m’est revenue en mémoire (Derrida et Dufourmantelle, 1997, p. 29). Ce terme est une contraction des deux signifiés du mot latin hostis, à la fois hôte et ennemi. Il désigne l’ambivalence caractéristique et inhérente à la rencontre avec l’étranger, avec l’Autre, qui est à la fois hospitalier et hostile. Le geste hospitalier serait en fait « inconditionnalité conditionnelle ». Cette définition m’a amené à penser à certains rituels de possession où ces deux formes sont inextricablement liées. D’une part, il s’agit d’une hospitalité absolue, inconditionnelle, qui est symbole d’une ouverture sur l’autre, l’étranger indéfini et insaisissable, et qui prend lieu en moi-même, prend possession de moi ; d’autre part, il s’agit d’une hospitalité conditionnelle, car le rituel, en général, commence avec un interrogatoire, une identification, une nomination et se termine par un pacte ou une alliance. Le geste hospitalier fonderait en quelque sorte un ordre de communication, dont les éléments permettent aux membres accueillis de communiquer, tout en conditionnant cependant leurs échanges et leurs modes de pensée ; un jeu de construction dont les briques sont les unes matérielles et les ordres symboliques, avec un mode d’emploi réglementaire, explicite certes mais aussi implicite qu’il faut décrypter. Ses membres ont ainsi, chacun à leur niveau, des champs d’action normalisés et surtout de vastes potentialités de bricolages matériels et symboliques. On retrouve ici la distinction posée par Claude Lévi-Strauss (1958, p. 347) entre « ordres conçus » et « ordres vécus » ; mais aussi et surtout « ordres bricolés ». Qu’ai-je donc vécu voire bricolé sous le toit de cette maison ?

Séquence 5 – De la maison de réunion maori

La maison de recherche est construite en quelque sorte comme les maisons de réunion maori, un type particulier de production artistique, qui s’est développé à une certaine période de l’histoire des Maori (Thomas, 1993 : 103) :

Les maisons n’étaient pas des symboles mais des véhicules de la puissance de la collectivité. Elles étaient tout à la fois l’indice de la vitalité du groupe et de l’impuissance des autres, réelle ou non. Les distinctions que nous faisons entre fonction et signification, usage et expression, instrumentalisation et symbolisme se fondent dans ces démonstrations collectives d’efficacité tribale.

Comme ces maisons maori, ma maison de recherche est une œuvre collective, réunissant sous l’impulsion du (des) fondateur(s) de nombreux collègues actifs ou non à différentes périodes, chacun cherchant à apporter une contribution originale ; mais tous sont l’expression d’une histoire, d’un système culturel, d’objectifs communs voire contribuant à une visée finale commune : la réalisation concrète de la « maison de recherche » comme expérience collective.

Entrer dans une maison maori, c’est pénétrer à l’intérieur d’un esprit, d’une sensibilité. Les Maori situaient l’esprit et la volonté dans les viscères. Entrer dans une maison, c’est donc entrer dans le ventre de l’ancêtre et se laisser envelopper par sa présence ; au plafond, ses côtes sont figurées par des chevrons richement sculptés qui convergent vers la colonne vertébrale de l’ancêtre, la poutre de faîte qui relie tous les ancêtres. La maison était délibérément conçue comme un corps de l’ancêtre de la communauté éponyme. On ne garde pas le souvenir de l’ancêtre dans la maison, c’est l’ancêtre qui se réincarne en elle. La poutre de faîte est l’objectivation de la lignée du chef alors que les chevrons sont des indices de la multiplication des lignées des cadets. (Gell, 2009 : pp. 300-3003)

Dans quelle mesure cette maison peut-elle être comprise comme un objet unique, cohérent et disséminé, qui, en un certain sens, résumerait des processus de cognition ou une conscience historique et collective, une action collective et intentionnelle fondée sur une tradition et tournée vers l’avenir ? En fait, comment expliciter ou raconter une maison à la fois rétrospective et prospective ?

Séquence 6 – Le fil rouge et le professeur de contes

Je me suis donc posé la question du fil rouge pouvant tisser les bandes multicolores de mes années d’enseignant-chercheur dans ma maison. Qui dit tissu, dit tissage ; et le mot tissage me renvoie toujours aux Dogon. Geneviève Calame-Griaule (2002 : 25-26) explique que selon les Dogon :

La bouche est un métier à tisser […] c’est dans la bouche que la parole se tisse, devient une bande de coton qui rend forme, couleur et dessin et qui en sort pour aller dans le monde. On comprend maintenant pourquoi les Dogon interprètent le mot « étoffe » comme signifiant « c’est la parole ». Plus loin (Ibid. : 34-35), elle précise que « L’ensemble des paroles que dit un groupe social forme une espèce de grande bande de tissu qui contient toutes les connaissances, toutes les valeurs, tous les modèles culturels du groupe, exprimés en paroles, qui se transmettent d’une génération à une autre. Couper cette bande, couper la tradition, c’est provoquer la mort du groupe).

Poursuivant ma flânerie en pays Dogon, je retrouvais l’apport essentiel, dans l’éducation des enfants, du conte qui appartient à ce que l’on appelle chez eux la parole huilée, la belle parole, un ensemble d’énigmes. S’il n’y a pas de conteurs professionnels chez les Dogon, il y a en revanche des « professeurs de contes », chez les Touaregs et plus particulièrement chez les Isawaghen, un groupe touareg dont la littérature orale est d’une très grande richesse. « Professeur de contes », n’est-ce pas ce que j’ai essayé d’être avec mes cycles d’Anthropologie et Cinéma, me disais-je ? Je tenais mon fil d’Ariane, qu’il s’agissait maintenant de rembobiner patiemment sans jamais le lâcher, jusqu’aux origines les plus éloignées. Mais comment dérouler le conte « Anthropologie et Cinéma » aux ramifications plus complexes, qui fait émerger la vision du monde, la « parole du monde » d’un « professeur de contes en images » et l’inscrire comme une énigme à déchiffrer de mon rapport à ma maison de recherche ? Par association avec les actes de mémorisation des professeurs de contes touareg, j’ai pensé à Matteo Ricci et à son système de mémorisation : le palais de mémoire. L’idée était séduisante : d’une part la maison maori pour décrire ma maison de recherche et sa figure tutélaire et la construction de mon palais de mémoire, celui de mes cinématographies itinérantes.

Séquence 7 – Le palais de mémoire de Matteo Ricci

C’est en 1596 que Matteo Ricci (Spence, 1986 : pp.15-16) apprend aux Chinois comment on doit construire un palais de mémoire. Les dimensions de ce palais dépendront du nombre de choses dont on souhaite se souvenir, l’ensemble le plus ambitieux allant jusqu’à regrouper plusieurs centaines de bâtiments, de toutes formes et de toutes tailles. Il y a, selon lui, trois façons de créer ces lieux de mémoire : la première consiste à s’inspirer de la réalité, c’est-à-dire d’édifices ou de choses connues que le souvenir a conservés ; la deuxième à les inventer de toutes pièces, en leur attribuant n’importe quelle forme et n’importe quelle dimension ; enfin ces lieux peuvent être à moitié fictifs et à moitié réels. Le véritable but de toutes ces constructions mentales est de fournir des emplacements pour loger la multitude des concepts constituant la somme des connaissances humaines. Il faut attribuer une image à tout ce dont nous souhaitant nous souvenir, écrit Ricci, et chacune de ces images doit avoir une place où elle attendra en toute quiétude, jusqu’au moment où nous serons prêts à la faire resurgir par un acte de mémoire.

Séquence 8 – Contexte et marques de contexte de mon palais de mémoire

J’ai créé et développé à partir de 2009 un portefeuille de compétences artistiques, option enseignement d’anthropologie visuelle et sonore dans l’ensemble des filières de ma composante. Cet enseignement réparti sur trois ans proposait d’autres manières de penser le monde et décryptait les tentatives d’élaboration des instruments d’échanges et de conversations entre personnes issues de cultures différentes. Les cinématographies montrées dans les différents cycles se devaient d’être des lieux de liberté où les points de vue se croisent, s’interrogent et se répondent. Parce que les peuples pensent, parce ce qu’ils sont les véritables acteurs de l’histoire. Les appartenances culturelles, loin de mener au repli sur soi identitaire, s’ouvraient vers la générosité et la tolérance. À partir de la rentrée 2016, j’ai choisi de délocaliser ces cycles (1 cycle de 5 séances par semestre) dans un cinéma « Art et Essai » (Le Colisée) et de les ouvrir au public. Le cycle était en présentiel et à distance avec le relais d’un blog dédié afin de permettre une imprégnation progressive par recherches et découvertes progressives de l’anthropologie visuelle et sonore. Le présentiel privilégiait la projection des films et les débats construits sur la philosophie de la disputatio ou dit autrement sur la contradiction dans sa relation avec l’altérité et le différent – contradiction considérée comme un principe artistique – et le concept d’interrelation des contraires comme dépassement productif de la contradiction. De 2009 à 2019, deux cents films ont été diffusés. La boucle de ma carrière s’est refermée le 31 août 2017 à ma mise à la retraite, comme un clin d’œil à la propre histoire de Jean Rouch et à la manière dont il a construit nombre de ses films lorsque le premier et le dernier plan se rejoignent. Mais ma composante m’a demandé de poursuivre l’aventure et continuer comme Jean Rouch tout au long de sa vie, de partager avec le monde « ces mystères qui nous dépassent » [Cocteau]. L’aventure se termine en 2020 avec la pandémie Covid-19.

Séquence 9 –Mon Assemblage d’images pour une promenade imaginaire, un jeu de l’oie en 40 cases

Quel est ce principe de base du jeu de l’oie ?Tous les auteurs semblent d’accord, ils’agit toujours d’une sorte de parcours initiatique. Et dans le Symbolisme des jeux, J.-M. Lhôte (1976) propose cette interprétation :

Le joueur qui s’engage dans la spirale du labyrinthe doit déjouer un certain nombre de pièges avant de parvenir au terme de sa quête, refaisant ainsi sous une forme dégradée le voyage de Thésée au cœur de l’antre où se terre le Minotaure… Le Minotaure est, dans le jeu, remplacé par une oie….

Les quarante films, diffusés par cycle de cinq, de 2016 à 2019, reflètent une vision du monde : mon interprétation personnelle de mon environnement, de tous les éléments qui l’entourent. À l’image des Dogon et des sociétés traditionnelles qui influencent profondément mon travail, le monde n’est pas un chaos, il a un sens. Les choses parlent, mais il faut savoir les écouter, les comprendre. Il faut s’ouvrir à toutes sortes de métamorphoses, montrant ainsi que rien n’est immuable, constant, indépassable. Il existe des possibilités d’ouverture vers un futur qui ne soit pas une vision désenchantée dès lors que l’on opère un déplacement, que l’on porte un autre regard sur le présent, que l’on déplace les récits d’un registre à l’autre, que l’on creuse plusieurs sillons.

Figure.1 Les Cycles de cinéma et anthropologie. Jeu de l’oie en quarante cases (source : Claude Nosal)

L’idée de fond, sur le principe du montage distancié, c’est en créant des jonctions entre des films éloignés par cycles et entre les cycles (un étudiant bénéficiait de deux cycles complets au moins), on arrime si solidement les films que cela abolit de facto la distance entre eux.

Séquence 10 –Le dernier cycle en cinq lieux : Bologne, Téhéran, Suisse, Israël, Kurdistan

Figure 2. Le dernier cycle en cinq lieux (source : Claude Nosal)

L’agencement de ce cycle illustre parfaitement ma volonté de créer un espace dans lequel le public et mes étudiants pouvaient construire leurs propres liens avec chaque film, le sentir, le recevoir et l’éprouver chacun à leur manière. Je cherchais à ce que l’agencement des cinq films et chaque film provoquent la pensée, la mise en question de soi et du monde.

Séquence 11 –Un dispositif construit sur le principe du kolam

Le dispositif est pensé comme un mouvement itératif en circonvolution devant permettre de confronter et d’enrichir la compréhension du cycle. Les différents cycles sont chapitrés d’une manière qui se moque des effets de symétrie. Certains chapitres relèvent du documentaire, d’autres de la fiction (contemporaine ou historique, quand les deux ne sont pas mélangés) ; à d’autres moments, ce sont les tonalités qui prennent en charge l’hétérogénéité recherchée (farfelue, mélancolique, furieuse, etc.). D’où la tentative de faire comprendre à travers la construction de mes cycles que la charge artistique, romanesque, est aussi à trouver dans la forme, dans la façon qu’ont les différents films de s’écrire dans leur ordonnancement par cycle et dans la totalité des cycles, qui est la véritable intrigue, et non pas seulement dans ce qui arrive au personnage/narrateur/enquêteur de chaque film pris isolément. Cette tendance est comparable aux modes d’approches, adoptés par des peintres tels que Pierre Brueghel et Le Tintoret, lesquels dissimulent souvent le thème principal, dans le fond du tableau à l’écart du centre d’intérêt. Ils le représentent en tout petit alors que des éléments secondaires occupent l’avant-plan. De même, c’est de façon détournée que Shakespeare révèle au spectateur le thème de ses pièces. À chaque fois, la piste qui mène au cœur de la question est jonchée d’obstacles et la tension qui résulte entre ce qui doit être compris et ce qui est offert aux sens constitue une qualité essentielle du travail.

Figure 3. Cycle calqué sur le kolam (source : Claude Nosal)

Et cette ambition se retrouve dans la forme globale des quarante films qui fait apparaître la lame de fond qui les explique. Une forme calquée sur le principe du kolam. Les kolam sontles dessins de bienvenue des pas de porte en Inde du Sud.

Ce sont des figures sinueuses et symétriques qui sont difficiles à « lire » au sens où il est difficile de saisir le principe de construction du dessin. Ils inaugurent avec le spectateur une sorte de jeu topologique proche du labyrinthe. À première vue, le dessin se compose d’une simple ligne, décrivant un trajet complexe entre des lignes et des colonnes de point. Cette première impression est une illusion. En fait, ce kolam est composé de quatre boucles continues et asymétriques qui se superposent en s’étant déplacées d’un quart de tour. Il est pour ainsi dire l’équivalent visuel d’un canon à quatre voix, où chacune des voix chante la même mélodie mais en décalage. Ce qui m’intéressait dans le principe du kolam, c’est que même si l’on sait (en théorie) que ce motif est composé de quatre boucles distinctes, identiques et même orientées différemment, il est presque impossible d’isoler chacune de ces boucles du dessin global. Si l’on revient à la comparaison entre le dessin kolam et le canon musical à quatre voix, on peut remarquer que le canon à quatre voix révèle sa structure, mais la cache tout aussi bien, car il est quasi impossible d’entendre les quatre voix simultanément. (Gell, 2009, p. 105-107)

Cette analogie nous rappelle que l’andragogie universitaire consiste selon moi en des actes de virtuosité qui se font essentiellement en coulisses. Derrière ce choix d’un dispositif complexe calqué sur le principe du kolam se trouvent deux réflexions. L’une est de rappeler que, si j’ai décidé d’avoir recours à des formes éminemment complexes et difficiles à saisir de prime abord, je n’avais pas l’intention d’amener mes étudiants et mon public à se perdre dans le labyrinthe. Au contraire, mon dispositif est conçu de façon que sa structure de base puisse être repérée, mais doit être extraite d’un fouillis d’élaboration par un « travail ». L’autre est explicitée dans une communication ancienne où je postulais que la mise en œuvre d’une pratique réflexive combinant présentiel et distance relève d’une stratégie formative de type insurrectionnel à l’égard des individus et des organisations. C’est en ce sens que l’application du wei-ch’i ou jeu de go comme modèle analogique peut lui être appliquée avec profit et en particulier trois notions qui sont le temps, l’espace et les dimensions conflictuelles.

Séquence 12 – le wei–ch’i

Le wei-ch’i est une représentation de la cosmologie chinoise, une mise en œuvre d’énergies, une quête d’harmonie des principes complémentaires. C’est un jeu à deux partenaires, un jeu sur damier et un jeu de stratégie. La lutte entre les pions blancs et les noirs que l’on appelle indifféremment « pierres » ou « hommes », se joue sur une surface tracée de 19 lignes verticales et 19 lignes horizontales, dont les intersections forment autant de points (361) sur lesquels, chacun à leur tour, les deux adversaires viendront placer leurs pierres, afin de se saisir de territoires.

« C’est que le wei-ch’i est d’abord essentiellement une guerre prolongée. En effet, seule une stratégie tenant compte de l’issue à long terme de tous les combats tactiques menés sur le damier peut assurer la victoire, car une politique orientée vers les succès locaux aboutit souvent à une débâcle stratégique. […] C’est un facteur de discontinuité structurelle qui découle d’au moins deux éléments réglementaires : la règle du jeu et la règle de prise. […] De ces deux facteurs il résulte qu’un joueur de wei-ch’i ne peut tenir pour certaine l’existence d’un front sûr ou d’un arrière protégé (comme dans la relation duale classique où l’enseignant surplombe l’étudiant). […] Enfin, dans le wei-ch’i la victoire est relative. Le succès au wei-ch’i est donc une échelle continue dont les degrés se mesurent au score exprimé en termes de territoires et de prises obtenus par un camp déterminé à un moment de la partie. Sa logique n’est pas aristotélicienne mais à valeurs multiples » (Boorman, 1972, p. 30-35).

Séquence 13 –Le Colisée, un cinéma et son public

Le choix que ces cycles se passent dans un cinéma d’Art et Essai et soient ouverts au public n’est pas innocent. Le nom du cinéma – Le Colisée – est symbolique. En effet, le Colisée a été utilisé pour les venationes (combats d’animaux sauvages), les munera (combats de gladiateurs)2 et autres spectacles publics, tels que des exécutions de condamnés à mort, des reconstitutions de batailles célèbres et des drames basés sur la mythologie romaine. Il s’agit aussi d’un pari sur le comportement du public de ce cinéma, a priori très diversifié. Ce public volontaire pouvait se comporter en révélateur pour des étudiants obligés d’assister au cours et participer ainsi par leur seule présence et leurs interventions lors des débats à l’émergence de nouvelles connaissances. Il était très important de créer les conditions d’un espace de parole par une inversion des savoirs conceptuels donnés exclusivement par l’enseignant, en donnant une place légitime au bagage commun – conceptuel et symbolique – du public. L’idée sous-jacente était que cette prise de parole par les personnes du public pouvait devenir un moyen puissant de validation et d’enrichissement du dispositif d’ensemble. C’est en fait ce qui s’est passé avec la constitution d’un noyau dur de participants de l’extérieur qui revenait à chaque film d’un cycle donné, se retrouvait lors du cycle suivant et devenait de plus en plus savant et exigeant. Ce noyau dur était multiforme, faisant cohabiter de milieux et des âges divers. Leurs interventions riches obligeaient les étudiants à se hisser à leur niveau de qualité. Il s’agissait pour moi, animateur des débats de raffiner, d’ajuster, d’orchestrer des voix changeantes, de relier de façon cohérente les différentes interventions des uns et des autres dans un ensemble recevable hic et nunc, et de les réintégrer lors du stammtisch de fin de cycle qui se concluait par un moment convivial.

Séquence 14 – Stammtisch et l’énigme d’un repas ritualisé

En effet, le stammtisch (ou la dernière séance) était construit pour être la synthèse d’intégration plus théorique de chaque cycle. Ce processus d’une durée d’une heure environ démarrait par une séquence animée de 20 à 25 minutes composée d’un montage de scènes clefs des films présentés, assorti de mon analyse décryptant mon choix des cinq films, leur ordre de passage et les objectifs recherchés. En expliquant qu’une théorie ne demeure qu’une approximation de la réalité, qu’elle ne propose qu’un angle de vue, un fragment d’un miroir brisé de la réalité ; l’assemblage de tous les fragments renvoyant une image altérée de la réalité. Le fait de manger nous rappelle concrètement à nos fonctions vitales, à la notion même d’« être en vie ». Regarder ou filmer quelqu’un en train de manger permet, selon la réalisatrice Naomi Kawase à propos de l’héroïne d’Hanezu, de dire énormément sur ses sentiments, en observant sa manière de se nourrir, ce qu’elle mange, ou avec qui elle partage cet instant. Il est vrai qu’un repas est une dramaturgie ritualisée avec ses langages parfois surprenants. Et les plats que nous mangeons sont une parole de la vie. Les Dogon disent que la parole est forgée dans les viscères, tissée dans la bouche puis acheminée dans l’air vers un auditeur sur lequel elle produit un effet et qui renvoie une réponse. Donc, une fois « cuisinée » ou « forgée » dans le corps, « tissée » dans la bouche, cette parole devient sociale. Autour des momos tibétains, des agapes africaines, turques, aveyronnaises, quelles sortes de dialogues ont bien pu se tisser lors de ces repas partagés ? J’ai la conviction que ce stammtisch avec son repas ritualisé permettait aux spectateurs de se mettre à fictionner et d’entrer en flagrant délit de légender comme le dit si bien Deleuze (1985) : « Ce que le cinéma doit saisir, ce n’est pas l’identité d’un personnage, réel ou fictif […]. C’est le devenir du personnage réel quand il se met lui-même à ‘fictionner’, quand il entre ‘en flagrant délit de légender’, et contribue ainsi à l’invention de son peuple » ?

Séquence 15 – L’école du crottin de cheval

Il m’a été donné d’écrire sur cette expérience dans ma maison de recherche. À ma manière certes. Cinématographique d’abord : la représentation à l’écran, parce qu’elle se fait image par image, ne peut pas être perçue dans son ensemble avant d’en avoir appréhendé tous les détails. Au contraire, perçue précisément par la vue, elle acquiert graduellement les contours d’ensemble, à partir des détails qi s’enchaînent dans notre esprit grâce à la participation de la mémoire, non pas dans l’espace, mais dans le temps. Ethnographique ensuite : la connaissance qu’on dit ethnographique doit toujours aller de pair avec une dimension plus profonde ; ces choses qu’on ne peut pas dire ou qui ne se disent pas, ou mal, dans des textes universitaires, mais qui sont indispensables aux contacts humains et à l’observation ethnographique. Comme l’écrit Giono : « Je me suis mis pour écrire à l’école du crottin de cheval ». Mais c’est aussi à l’école d’Assia Djebar qui définit ainsi son esthétique (Michel, 2004, p. 84) : « Écrire pour moi se joue entre le « devoir dire » et le « ne jamais pouvoir dire », ou disons, entre garder trace et affronter la loi de « l’impossibilité de dire », le « devoir taire », le « taire absolument ».

Dans Istruzioni par l’uso della repressione (1980), Luigi Di Ruscio, cité par Angelo Ferracuti dans sa préface « Un écrivain subversif », définit sa démarche solitaire de scribe absolu :

« J’ai lu quelque part qu’il y a deux catégories d’intellectuels : les taupes et les lièvres. La taupe creuse imperturbablement son trou, le lièvre court partout. La taupe dans son trou, qu’elle creuse patiemment, elle creuse toujours le même, elle cherche les conséquences ultimes, elle s’enfonce dans les profondeurs […] Moi, à vrai dire, je voudrais être encore plus taupe. Joyce est une taupe presque parfaite, le lièvre presque parfait c’est d’Annunzio ou Pétrarque, la taupe parfaite, c’est Dante. Les lièvres, je les ai toujours eus en horreur ». (Di Ruscio, 2010, p. 10-11)

Séquence 16 – Le profane n’est-il pas toujours un peu profanateur ? L’incongruité ou l’échange impossible

« Le profane n’est-il pas toujours un peu profanateur ? » écrit Pierre Perrault (1995), cinéaste-poète. Cette phrase d’après Yves Lever (1999) : « Dans le texte, elle n’est qu’affirmation d’humilité de l’auteur devant le scientifique Didier et le directeur-photo Martin. […] Humilité, comme si, malgré ses quarante ans de travail sur les mots et les images, le réalisateur ne se considérait pas encore comme un « professionnel » et avait encore un peu peur, tant de la science de l’un que de la technique cinématographique de l’autre ».

Je crois légitime d’utiliser le sens de cette déclaration comme un paradigme qui expliquerait en partie que, malgré mon parcours universitaire je ne me considère toujours pas comme un professionnel de la recherche dans la science ou la cinématographie, plutôt comme un usurpateur. J’ai coutume en effet de me présenter comme un vieux-jeune-chercheurpar rapport à nombre de collègues plus précoces, nés chercheurs, à les entendre dès le berceau, qui écrivent déjà la science comme ils écriront toute leur vie, en possession d’un instrument achevé, qui transforme leurs textes en « saintes écritures » disciplinaires. Je suis conscient de cette incongruité. Comment l’incongruité peut-elle révéler, faire parler une situation qui paraît familière, c’est-à-dire naturelle, celle de la « grande famille universitaire », où il est d’usage de tracer des filiations, lesquelles sont traversées par des « affinités électives » dont il est bien difficile de dessiner la carte précise ? Je fais partie de cette catégorie d’enseignants-chercheurs, moins touché par les démonstrations de virtuosité disciplinaire que par ceux qui explorent une voie de fragilité, dont la formation, tout au long de leur vie, se parachève jusqu’au dernier souffle comme se termine à l’air libre et dans la poche ventrale la gestation des marsupiaux. Tout comme le poète dont parle Gaston Bachelard, je me sens « paléographe », celui qui contribue à ouvrir la voie à la connaissance et au rêve. En tout cas, je me plais à le penser. En attendant, il faut écrire, s’aventurer, tâtonner, s’inventer, se détourner, risquer, tomber, se relever, tomber encore, donner la parole, questionner, et surtout, « ne pas demander son chemin à quelqu’un qui le connaît, car nous ne pourrions pas nous égarer ». J’estime qu’il ne faut pas se priver du plaisir de savourer le jaillissement des mots qui poétisent le regard de l’ethnographe, ce profanateur nécessaire, qui pense que la poésie est toujours préférable au discours du théologien, même s’il faut passer à travers de longues années de « glaciation partielle et partisane de ma pensée » pour reprendre la formule décapante de Jorge Semprún(1994, p. 77). Je retrouve ici cette dualité familière entre les cheminements de la découverte et les raisonnements attendus de la preuve, cette science « froide » ignorante des moments ou mouvements de la pensée « chaude » (ou poétique) dont les plus tolérants de mes collègues ont pu qualifier mes écrits alors que d’autres, plus brutaux les rejetaient d’un catégorique « non scientifique » faisant de moi un sujet de moquerie et de récréation. À ces derniers, je propose ce récit de François Jacob (1987, p. 313-314) :

« Les trois ou quatre années passées à l’étude de la conjugaison bactérienne… [furent] une période de jubilation. Une période d’excitation et d’euphorie. Mais le souvenir s’est figé. Il a cristallisé dans les articles et les comptes-rendus, les résumés et les conférences. Il s’est dépouillé, desséché en une histoire devenue si logique, si raisonnable qu’elle a perdu toute chaleur. Qu’elle ne traduit plus le bruit et la fureur de la recherche quotidienne. Ce qui lui a donné vie a été avalé par le temps. Disparus les essais avortés, les expériences ratées, les bégaiements, les tentations stupides. Oubliés les raisonnements faux, les hésitations, les coups d’épée dans l’eau, les fausses joies, les accès de rage, contre soi ou contre les autres… Tout est devenu lisse et poli. Une belle histoire bien nette, avec un début, un milieu, et une fin. Des expériences bien huilées, bien articulées, bien rangées l’une derrière l’autre, menant sans faille, sans hésitation, au long d’une argumentation sans fissure, à une vérité bien établie. Celle que l’on trouve dans les traités de génétique ».

C’est vrai « que les « histoires vécues » ne sont pas les histoires pensées, qui ne sont pas nécessairement les histoires que l’on écrit.

Conclusion

Dans la philosophie taoïste, il y a cette idée que l’on n’explique pas du tout, que l’on ne force pas les choses, mais qu’on les laisse venir. On crée un mouvement. Il convient de rappeler que cinématographe vient des mots grecs qui signifient « qui écrit le mouvement ». Comme le dit François Jullien (1996) : « Il faut sortir d’une conception spectaculaire de l’effet pour comprendre qu’un effet est d’autant plus grand qu’il n’est pas visé, mais découle indirectement du processus engagé et qu’il est discret. » Ce qui voudrait dire que le processus et l’effet sont liés, et que la signification surgit de ce va-et-vient. À cet égard, l’œuvre de la réalisatrice québécoise Michèle Wacquant dans Le Dit du Saule (Mercier, 2018, p. 129)est révélatrice de ce que j’ai tenté de faire dans cet hommage distancié à ma maison de recherche et à son ancêtre. Le héros du film est un saule pleureur immense qui a subi une malencontreuse taille au moment même où ses bourgeons étaient en train d’éclore. Il n’y a pas plus localisé qu’un arbre. Il agit dans le lieu (enraciné) et pense le monde en produisant l’oxygène nécessaire à la vie de la planète. On assiste à une bataille sonore entre le chant éternel d’une pie réparant son nid dans un parc voisin et le bruit assourdissant de la tronçonneuse de l’élagueur ravageant les germes d’un futur fleuri. Cette bataille sonore me fait songer à Anne Baudry (1996, p. 99), « Je pense à Glenn Gould dont Michel Schneider écrit qu’il découvrit comment interpréter la Fugue de Mozart parce que la femme de ménage avait branché l’aspirateur à côté du piano : il n’arrivait plus à s’entendre jouer. Mais il découvrit les avantages de cette situation et sentit ce qu’il était en train de faire : il est bon qu’un processus mécanique vienne s’interposer entre moi et l’œuvre d’art ». Dans Le Dit du Saule, sur ce fond sonore, imperturbablement, une voix énumère des mots étranges, dont on sent qu’ils ont à voir avec ce qu’on voit. Ils sont en effet extraits des 111 noms inventés par l’écrivain Valère Novarina dans son Discours aux animaux, évoquant ainsi la persistance de l’imagination poétique pour que, malgré la mort annoncée de cet arbre, de nouvelles montées de rêve puissent aboutir (Mercier, 2018). On ajoutera deux noms à ces 111 noms : l’Ancêtre Jacques Walter et ma maison de recherche Crem, en reconnaissance d’une hospitalité qui n’a jamais failli, des fidélités premières, rares et irremplaçables. Enfin, je voudrais pouvoir dire en parlant de mes étudiants, du public fidèle du Colisée, et plus particulièrement de ma maison de recherche, de ses membres et de ses figures tutélaires, ce que J. Rouch disait, en parlant de la façon dont les Songhay chez qui il commençait à travailler, l’avaient perçu puis compris :

« Ils m’ont considéré comme un fou non dangereux naviguant en pirogue et participant, pour s’amuser, à une chasse à l’hippopotame. Ils ont été fort surpris quand je leur ai projeté plus tard ce premier film sur la chasse, et j’ai alors constaté que vingt minutes de film leur suffisaient pour tout comprendre enfin de moi […] Ce que je cherchais leur devenait accessible à travers un film de vingt minutes. Ce fut pareil par la suite avec les Dogon qui sont entrés de plain-pied dans mes films, et, inversement j’ai été admis par l’intermédiaire de ces films à partager leur propre univers, si bien que je peux espérer, grâce au cinéma, être intégré à leurs propres ancêtres quand je serai mort. » (Piault, 1996)

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  • 1Désormais appelé La Guérison Yoruba, l’édition originale de l’ouvrage date de 1996 sous le titre La Parole de la forêt initiale.
  • 2Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gladiateur [consulté le 12 oct. 2022].
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