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Dieu, idéal ou pathologie de l’homme ?

Au terme de L’Être et le néant, juste avant sa conclusion finale, Jean-Paul Sartre écrit :

[L’ontologie] nous a simplement permis de déterminer les fins dernières de la réalité humaine, ses possibles fondamentaux et les valeurs qui la hantent. […] Toute réalité humaine est une passion, en ce qu’elle projette de se perdre pour fonder l’être et pour constituer du même coup l’En-soi qui échappe à la contingence en étant son propre fondement, l’Ens causa sui que les religions nomment Dieu. Ainsi la passion de l’homme est-elle inverse de celle du Christ, car l’homme se perd en tant qu’homme pour que Dieu naisse. Mais l’idée de Dieu est contradictoire et nous nous perdons en vain ; l’homme est une passion inutile. (Sartre, 1943, p. 707-708)

Ces phrases finales forment un des résultats fondamentaux de L’Être et le néant sur lequel s’édifieront aussi bien les aperçus métaphysiques que les perspectives morales : l’idée de l’enscausa sui (empruntée à la philosophie classique, c’est-à-dire Descartes et Spinoza) sert notamment à définir un point de départ pour dessiner des perspectives morales dans la mesure où la recherche de l’être fait découvrir à l’homme qu’il est « l’être par qui les valeurs existent » (ibid., p. 722) et que l’ens causa sui comme « valeur et présence idéale de tous les possibles » fait « l’unité de tous les choix de possibles » (ibid.). Ce résultat est présenté comme issu de la psychanalyse existentielle et de l’ontologie, préalable à toute morale en tant qu’elle doit décider du rapport à cette valeur première.

Or cette thèse, selon Alain Flajoliet (2008), dépasse le cadre de ce que peut donner l’ontologie phénoménologique : elle renvoie à la fois à des convictions préthéoriques avec lesquelles Sartre s’est en quelque sorte expliqué toute sa vie – au moins jusqu’aux Mots –, lesquelles forment un « attracteur métaphysique », une orientation enracinée dans une expérience métaphysique « métaontologique » (p. 19), polarisant et orientant ses analyses phénoménologiques, notamment celles relatives à la liberté, au projet originel et à la psychanalyse existentielle.

Or ces analyses et leurs prolongements, notamment au travers des biographies existentielles de Baudelaire, Genet, Mallarmé et Flaubert apparaissent comme un des apports de l’ouvrage de 1943 en même temps qu’elles présentent, dans la manière même dont elles s’opposent à la psychanalyse freudienne, une certaine proximité avec les thèses développées par Alfred Adler (1870-1937), fondateur de la psychologie individuelle comparée. Cette proximité a été plusieurs fois notée (Sperber, 1972 ; Ellenberger, 1994, p. 667-668 ; Husson, 2010 ; Bouriau, 2021, p. 77-101). Certes, Sartre ne fait à Adler que peu de références (Sartre, p. 550-553, p. 659-660 notamment), souvent critiques. Il n’en reste pas moins que nombre de points de contact existent. Un de ceux-ci est l’identification à Dieu ou le lien à Dieu qu’Adler désigne clairement comme l’un des traits du comportement névrotique (Adler, 1955, p. 58, 64, 75, 109, 149, 163, 226-227, 246, 296, etc.).

Or, en raison même de l’impact de la thématique du désir d’être Dieu comme désir de l’ens causa sui dans l’ensemble de l’œuvre de Sartre, une confrontation avec les thèses d’Adler pourrait présenter un certain enjeu et soulever plusieurs questions :

  • Quelle est la proximité entre Sartre et Adler ?

  • Le désir d’être Dieu a-t-il le même sens ou les mêmes enjeux chez les deux auteurs ?

  • Quel est le statut de l’enracinement préphilosophique de cette thèse, tel qu’il se laisse notamment lire dans Les Mots ? Correspond-il aux analyses d’Adler et la prégnance de cette thèse ne peut-elle pas s’analyser en termes de psychologie individuelle ?

  • Qu’en est-il du changement existentiel visé par les deux auteurs ? Se débarrasse-t-on du désir d’être Dieu ou le retrouve-t-on sous d’autres formes ?

Projet originel et psychologie individuelle : points de rapprochements

En décrivant dans L’Être et le néant les structures ontologiques du pour-soi humain, à savoir « le rapport originel du pour-soi à l’en-soi » (p. 503), à soi et à l’autre, on a dévoilé des éléments fondamentaux : le monde, l’idéal d’être que constituent la valeur, la temporalité humaine, ainsi que son être pour autrui (qui inclut le corps)… tous ces aspects sont les structures de notre relation à l’être mais celle-ci n’existe qu’à partir de notre action concrète dans le monde. La démarche, régressive, consiste à dégager les conditions ontologiques pour que les changements internes au monde et à la situation aient effectivement le sens d’être le résultat d’actions. Pour qu’une situation apparaisse comme modifiable, elle doit être le corrélat d’une action intentionnelle et il est nécessaire que l’existant apparaisse à partir d’un non existant qui dévoile l’existant comme à changer. Le dévoilement de ce non-existant implique lui-même le fait qu’il résulte, non d’une série de causes, mais d’un choix libre qui ne se laisse définir que par lui-même et qui définira par lui-même sa propre fin en fonction de ce que Sartre déterminera comme « choix fondamental » (p. 545) ; choix en fonction duquel se comprennent l’ensemble des actes effectifs du sujet comme exprimant symboliquement ce choix fondamental en fonction des circonstances rencontrées, c’est-à-dire de la situation.

Deux aspects parmi d’autres rapprochent la psychanalyse de la pensée sartrienne. Tout d’abord, le refus du primat de la volonté : le choix qui n’est pas un choix se faisant sur le plan de la réflexion ou de la volonté, comme le montre ce qu’il appelle « le “paradoxe” de l’inefficacité des décisions volontaires » (p. 555). La volonté se place sur le plan de la réflexion et « la délibération volontaire est toujours truquée » (p. 527). Le deuxième aspect est la dimension symbolique des actions concrètes en tant qu’elles sont l’expression d’un projet qu’il faut retrouver par l’interprétation (p. 535-536). Cependant, pour Sartre comme pour Adler, la sexualité n’est pas – comme pour Freud – le symbolisé ultime, mais au contraire une expression symbolique parmi d’autres. D’une part, ce qui est à retrouver par l’interprétation ne peut être conçu sur le modèle d’un déterminisme où le passé conditionne le futur, en raison de la manière dont l’homme est d’abord projet, l’avenir donnant sens au passé et non l’inverse. Ce point renvoie lui-même à d’autres points de rapprochement : l’affirmation de l’unité de la personnalité, le refus de l’inconscient1, qui pour Adler est un « incompris » (Adler, 1961, p. 232), et qui pour Sartre relève d’un rapport à la couche préréflexive originelle de la vie consciente et à son masquage par la « mauvaise foi » (Sartre, 1943, p. 85-111) et la « réflexion impure » (ibid., p. 207). L’analyse par Sartre de l’inefficacité des décisions volontaires se rapproche de l’analyse par Adler de certaines stratégies névrotiques, où le névrosé essaie de vouloir quelque chose pour échouer en raison des obstacles qu’il pense insurmontables. Sartre évoque ce point en liaison avec le complexe d’infériorité (p. 550). Adler l’évoque sous le titre de contre-fictions (Adler, 1955, p. 94)2. C’est ici que prend place la possible confrontation entre Sartre et Adler autour du rapport entre désir de supériorité et désir d’être Dieu.

Le désir d’être Dieu : entre fondement et expression maximale d’un processus de compensation

Nos décisions et nos entreprises relèvent en dernière instance, non d’une volonté, mais d’un choix fondamental qui constitue une « possibilité ultime […] synthèse unitaire de tous nos possibles actuels » (Sartre, 1943, p. 538). Ce « projet ultime et initial » (p. 540) qui se spécifie en fonction de la situation pose la question ultime de sa fin et par conséquent de la détermination de cette dernière comme « vérité humaine de la personne » (p. 655). Celle-ci n’est pas établie par une psychologie ou une psychanalyse empirique mais par une « phénoménologie ontologique » (ibid.) visant l’être de la personne et posant ainsi les premiers « principes de la psychanalyse existentielle » (p. 663). L’ontologie établit « ce qui appartient à la réalité humaine en général » (p. 655). La thèse sartrienne selon laquelle l’homme est « désir d’être Dieu » (p. 654) relève de cette discipline. Chacun de ces trois termes a une signification spécifique : « être », tout d’abord, parce que seul l’être est le véritable irréductible pour l’homme en tant qu’il est un être en question dans son être : « on ne peut remonter plus haut que l’être » (p. 652). « Désir » ensuite parce que, pour cet être qui est en question dans son être qu’est l’homme, cette mise en question se fait à partir d’un idéal d’être par quoi se définit l’être de l’homme comme manque. Il s’agit là pour Sartre d’une structure fondamentale dont l’idéal « hante » la personne et non un objectif, un état particulier empiriquement déterminable à atteindre par un acte de volonté. Enfin, ce désir d’être est désir d’être « Dieu » en raison de la manière dont l’idéal qui hante l’homme comme conscience, c’est-à-dire comme pour-soi, est d’être à la fois en-soi et pour-soi, et que « c’est cet idéal qu’on peut nommer Dieu » (p. 653), d’où le fait que « ce qui rend le mieux concevable le projet fondamental de la réalité humaine, c’est que l’homme est l’être qui projette d’être Dieu » (ibid.). Il vit et définit ses entreprises en fonction de cette valeur de manière quasi structurelle, comme le montre l’analyse faite par Sartre des deux attitudes fondamentales vis-à-vis d’autrui que sont l’amour (p. 433-445) et le masochisme (p. 445-447) d’un côté, le désir (p. 447-467) et le sadisme (p. 467-477) de l’autre. Dans le premier cas, il s’agit d’acquérir par autrui le statut d’un être nécessaire à partir de sa liberté, dans le second de saisir la liberté d’autrui. Dans les deux cas, c’est, symboliquement, une forme d’en-soi pour soi qui est visée. Cette formule nomme un « désir fondamental », une « structure abstraite et signifiante » (p. 654), un « véritable irréductible » (p. 651). En quoi ces considérations peuvent-elles se rapprocher de ce qui est désigné par Adler comme désir d’être Dieu ? Quel est le niveau de convergence entre les deux aspects et l’enjeu de cette convergence ?

Chez Adler, la manière de désigner ce projet apparaît en effet comme multiple : « être un homme complet »3 (1955, p. 14), « désir d’élever, d’exalter le sentiment de personnalité » (p. 41, 74, 79, etc.), « volonté de puissance » (p. 41, 49, etc.), protestation ou « affirmation virile » (p. 47), « être grand, fort, à être un homme » (p. 50), désir de « posséder tout » (p. 83) et le désir d’être Dieu (ou de s’unir à Dieu, ce qui rappelle la passion humaine sartrienne) apparaît ici comme sa forme la plus absolue empruntée par ailleurs aux paranoïas les plus graves (p. 142). Cette dynamique se caractérise par une pensée schématique qu’elle développe et qui guide sa manière d’appréhender le monde social selon des oppositions générales au lieu de les adapter à la singularité de la situation (p. 45) :

Le sujet atteint de névrose obsessionnelle tend vers la plus manifeste expression d’une ressemblance à Dieu qu’il ne peut évidemment pas atteindre dans la vie sociale, ne disposant pas de ce qui est essentiel dans ce cas, à savoir l’intérêt social. (Adler, 1958, p. 132)

Si l’on se reporte à la partie théorique du Tempérament nerveux (1955, p. 23-116) l’exposé s’organise de la manière suivante : origine et développement du sentiment d’infériorité – la compensation psychique (désir de supériorité) et sa préparation – la fiction renforcée considérée comme l’idée directrice de la névrose, soit un schéma ternaire où l’on peut à certains égards retrouver la structure sartrienne développée dans son analyse des structures immédiates du pour-soi. Le « sentiment d’insécurité » (p. 60) et de faiblesse peut être compris comme ayant une fonction analogue à celle du sentiment par l’enfant de sa propre contingence sous ses différentes formes, notamment l’objectivité qui lui advient par le regard d’autrui. Le projet du dépassement de cette contingence sous le signe d’une valeur qui lui est reconnue, mais aussi la recherche de sécurité, se développent dans un désir de ressemblance à Dieu. Dans ce cadre, les tactiques névrotiques avec leurs différents aspects étudiés en détail par Adler dans la deuxième partie du Tempérament nerveux s’apparentent aux différents développements du projet originel selon Sartre ; ils forment les composantes de son entreprise, y compris dans son ambivalence. Nous pourrions ajouter que ces convergences concernent également la position même du désir d’être Dieu et de la position de la figure de Dieu dans l’avenir, et non dans le passé, comme ce serait le cas pour Freud et que le lien de la personne à cette position concerne essentiellement un avoir à être orientant une entreprise et non l’introjection d’une figure externe source de refoulement et de construction de résistance.

Sartre ne reconnaît pas ce niveau de convergence entre lui et Adler. Discutant le projet originel, il renvoie implicitement à la pensée adlérienne sous la formule de la « volonté de puissance4 » (p. 659, 660, 662, 693) et lui reproche d’être un faux irréductible. De manière plus globale, une tension peut se faire jour entre l’approche sartrienne et celle d’Adler, tension qui amène aussi à s’interroger sur une tension à l’intérieur même de l’œuvre de Sartre. D’une part, le désir d’être Dieu n’a pas le même degré de radicalité chez l’un et l’autre auteur, y compris quant à leur relation à la condition humaine. D’où un conflit possible d’interprétation. En effet, si dans les deux cas, il y a bien un effet de contexte et le fruit d’une manière de s’exprimer, chez Sartre celui-ci apparait comme lié à la structure même de la conscience, logeant en quelque sorte l’imaginaire de manière très profonde au sein des structures premières du pour-soi, c’est-à-dire de tout acte de conscience, ce qui le différencie malgré tout de la fiction chez Adler. Pour Sartre, l’analyse de l’idéal d’être Dieu est corrélée à un athéisme fort et clairement revendiqué (ce qui le rapproche plus de Freud et de Nietzsche que d’Adler) alors qu’Adler admet que Dieu comme idéal peut avoir une valeur positive (Adler, 1954, 1958) dès lors qu’il est corrélé à ce qu’il appelle sentiment social : « du point de vue religieux, l’homme se sait devant la face de Dieu afin de s’incorporer, dans le sens le plus profond de ce mot, à la société » (Adler, 1958, p. 87-88).

Mais la lecture des Mots, parus en 1964 (Sartre, 2010, p.1-139)ne pourrait-elle pas conduire à inverser la tendance, notamment dans la manière dont les thèses philosophiques se réinscrivent dans un contexte social et familial, apparaissant comme une réaction à ce contexte et s’inscrivant bien dans un désir de supériorité ?

Le désir d’être Dieu, fiction de l’enfant gâté ?

En effet, on peut lire cette reconstruction par Sartre de son enfance et de la comédie familiale, en même temps que de la genèse du fantasme de l’écrivain-héros-saint, comme l’analyse de la genèse et de la métamorphose d’une fiction directrice au sens d’Adler, analyse dont l’enjeu est précisément de se débarrasser de ladite fiction (celle de l’écrivain héros de la vérité dévoilant le monde et faisant son salut) débouchant sur une névrose. Et c’est justement comme composante de cette fiction qu’apparaît le fait de se créer soi-même, d’être fils de ses œuvres, dont la formule de l’ens causa sui peut être considérée comme l’expression théologique. De fait, Adler n’aurait pas déparé l’analyse faite par Sartre de la comédie et des mystifications enfantines aiguillonnées par le désir de se soumettre autrui, de le dominer en se faisant l’incarnation du fantasme de ce dernier. Il fait ainsi de la parole d’autrui (celle de son grand-père) la voix de son destin d’écrivain. On a pu lire ces rapports entre le petit Sartre et son grand-père Charles Schweitzer, comme « la matrice existentielle d’une certaine compréhension ‘’métaphysique’’ de la conscience humaine ». Celle-ci se définirait par son « impuissance radicale et par le désir incoercible de renverser cette impuissance en radicale toute-puissance » (Flajoliet, 2008, p. 114, note 12)5.

On pourrait alors considérer l’œuvre et la posture sartriennes comme une psychanalyse inachevée et indéfinie d’une situation d’enfant gâté et mystifié par la culture bourgeoise. La figure de l’enfant gâté est, de fait, récurrente dans son œuvre, que ce soit sous les traits de Charles Baudelaire (Sartre, 1946) ou de Jean Genet (Sartre, 1952). En effet, la problématique existentielle de ces deux enfants initialement choyés vient de la rupture apportée par le regard d’autrui : dans le cas de Baudelaire, le remariage de sa mère avec un militaire, dans le cas de Genet, sa prise de conscience du statut de « voleur » (ibid., p. 27). Le moment symbolique où Genet est dénommé voleur (alors que, abandonné par sa mère, il est accueilli dans une famille qui le traite bien et où il connaît une certaine sorte de bonheur) est décrit par Sartre comme la sortie d’une forme d’extase. Ce bonheur s’accomplissait dans un rapport d’appropriation magique. Genet considérait les objets de la maison comme siens, les accaparait, sans reconnaître qu’il s’agit d’un vol. La signification sociale du vol ne lui vient que par le regard d’autrui qui le constitue comme voleur.

Dans les deux cas, ces enfants sont mis en situation d’insécurité dans un contact avec le social et c’est en réaction à ce sentiment d’insécurité que se développe une réaction par une asocialité profonde, vécue dans le malheur ou dans l’horreur, dans un sentiment profond d’isolement mais aussi d’orgueil, constitutif de l’intuition vide de sa propre personne. Sartre rapproche cette révélation du passage d’un roman, Cyclone à la Jamaïque (1946, p. V), où l’héroïne, se découvrant comme personne, découvre l’étrangeté du monde et d’autrui et en même temps se pose la question : « Mais c’était peut-être elle qui était Dieu ? » (Hugues, cité par Sartre, ibid.). Pour tous les trois (Sartre, Baudelaire, Genet), il y a une situation première décrite en termes de rapports spécifiques avec Dieu, que l’imaginaire compense en essayant de recréer de telles figures d’orgueil et de sainteté, et cela dans une position alliant une forme de sainteté – ou de souffrance extrême – et de comédie : c’est la manière dont Sartre envisage le dandysme de Baudelaire, l’assomption par Genet de son rôle de voleur, la mystification de l’écriture chez Sartre lui-même, avec cependant des regards différents qui rendent peut-être Sartre plus proche de Baudelaire qu’il le voudrait, plutôt que de Genet qu’il admire. Chez Genet et Sartre, la chose est particulièrement sensible dans la mesure où le projet même d’écrivain – que ce soit celui de Sartre ou de Genet tel que Sartre l’analyse dans sa « Prière pour le bon usage de Genet » (Sartre, 1952, p. 644-642) – intègre de manière constitutive la provocation et l’agressivité, l’œuvre d’art ayant ici quelque chose d’un piège pour prendre le bourgeois dans l’horrible. Ces différents exemples semblent pouvoir se justifier de l’analyse qu’Adler fait de l’enfant gâté qui veut retrouver une situation originelle et par là même réaliser sur le mode imaginaire une supériorité première, une domination sur autrui.

On se retrouve ici dans une circularité exprimable ainsi : la situation sociale est-elle saisie à partir de l’expérience d’une contingence première et le désir de domination comme l’expression première d’un désir de justification ou, au contraire, ce désir de justification n’est-il lui-même que la menue monnaie d’un désir de puissance qui en formerait le fond ? Il nous semble que le propre de l’œuvre sartrienne et son opposition à Adler tient à ce que la première interprétation est ouverte sur la singularité alors que la seconde rebat l’universel singulier sur une généralité. Pour mettre en évidence ce point, trois aspects doivent être considérés. Le premier aspect est celui de la nature exacte de la réplique sartrienne au sentiment d’injustifiabilité et au dévoilement par la psychanalyse existentielle du désir d’être Dieu : la réflexion morale, en tant qu’elle ressortit à la liberté et au projet authentique ; le second concerne la dimension d’aliénation, qui est au cœur à la fois de Saint Genet comédien et martyr et des Mots ; la troisième enfin, peut-être plus évanescente, concerne le rapport à soi et le caractère inachevable de l’analyse, tel qu’il transparaît à la fin des Mots : « on se défait d’une névrose, on ne guérit pas de soi » (Sartre, 2010, p. 138) cette névrose étant la réponse initiale à l’injustifiabilité de Sartre qui, malgré les métamorphoses de l’engagement, est demeurée comme un caractère mais un caractère qui le fait homme parmi les hommes.

L’irréductible sartrien

Que la question morale ait été au cœur de la pensée philosophique de Sartre est une évidence. Que cette pensée n’ait jamais trouvé une forme aboutie est un constat aujourd’hui clairement documenté, notamment par la découverte de nombreux inédits, tels les carnets de la drôle de guerre (2010, p. 143-651), les Cahiers pour une morale (1983) ou bien encore Les Racines de l’éthique (2015). Que cette pensée morale soit indissociable chez cet auteur d’une réflexion sur soi, laquelle se veut une permanente critique et contestation de soi, est un trait beaucoup plus spécifique et touche notre propos dans la mesure où la psychanalyse existentielle n’a pas de but directement thérapeutique, mais en fait un but moral comme le montrent les perspectives morales de L’Être et le néant, même si celle-ci ne peut, comme l’ontologie, ouvrir de perspectives morales. Sans entrer dans toute la complexité de la lecture des Cahierset en se portant directement à sa seconde partie, la première étant plutôt consacrée à des questionnements critiques et des analyses spécifiques, on s’aperçoit d’une complexité de ce rapport à la morale, qui renvoie à un des autres attracteurs métaphysiques (Flajoliet, p. 32-48) fondateur de la métaphysique de la liberté comme création de soi. Elle est partie prenante du désir d’être Dieu mais présente la différence d’avoir la dimension de création infinie et de liberté totale assumant sa contingence et non le recherche d’une justification de soi, fondement de toutes les dominations. Si Sartre, dans Les Mots fait aussi le procès de cette dimension, il n’en reste pas moins qu’il lui accorde le fait de lui avoir permis de sortir de la logique de l’autojustification par l’assomption de l’injustifiable. D’un point de vue adlérien, on pourrait estimer qu’il s’agit d’un reste de volonté de puissance, et bien d’une forme de ressemblance à Dieu, mais débarrassé du sentiment de domination. De ce point de vue, se poser comme orgueil métaphysique, conscience dévoilante assumant son injustifiabilité se veut comme dépassement de la domination.

Cependant, et c’est le second point que nous avons à considérer, une dimension a fait renoncer Sartre à écrire une morale et en même temps a mis au jour un facteur inaperçu par Adler, voire qui remet en question un des supports de sa théorie, c’est la dimension de l’aliénation. Cette dimension est au cœur de Saint Genet, comédien et martyr6(1952). L'aliénation apparaît comme la condition essentielle de l’enfant. En tant qu’il est encore objet, sa subjectivité demeure dans une translucidité où il ne peut se saisir. Il est pris dans une certaine situation de fascination à partir de son être-pour-autrui et de son objectivité. Cette aliénation, Sartre la spécifie comme ayant sa source dans une « mystification » (ibid., p. 14) relative à une conception du Bien à laquelle le petit Genet « bon sujet […] respectueux et tendre [...] bref sage comme une image » (p. 14) qui elle-même est à la source d’une métamorphose qui lui révèle son objectivité (sa découverte comme voleur). Par cet « être-pour-Autrui » auquel il s’identifie pleinement, il se fait – comme tous les enfants – complice d’une aliénation radicale. Le propre du futur Jean Genet sera d’assumer pleinement cette première aliénation de l’objectivation que constitue sa condamnation tout en essayant de trouver une issue à celle-ci, ce qui constitue son génie, si « le génie n’est pas un don, mais l’issue qu’on emprunte dans les cas désespérés » (p. 645). Pour Sartre, cette idée de s’identifier, de devenir le voleur, traître pédéraste, ne s’identifie pas à la « simple attitude de défi de l’enfant boudeur qui se vante des méfaits qu’on lui reproche » (p. 65). C’est l’engagement de « toute une liberté d’homme » (ibid.). Même s’il est vrai qu’au terme du parcours décrit par Sartre, certains aspects semblent annoncer un lien avec d’autres hommes, « la source de la générosité [dont il fait preuve] : c’est la liberté se saisissant elle-même dans sa gratuité absolue » (p. 643-644), l’on ne peut parler de lien social, mais bien du maintien d’une solitude ontologique irréductible que nulle compensation du sentiment d’insécurité ne saurait abolir. L’aboutissement de cette entreprise est irréductible à ce qui demeure chez Adler une forme de conformisme porté par le postulat du « sentiment social » ou « communautaire » (2006, p. 42). Selon Adler, ce sentiment communautaire soutient une évolution saine du désir de supériorité compensant le sentiment initial d’infériorité et s’orientant vers le côté utile de la vie. Il orienterait vers le côté utile de la vie, par opposition au côté inutile, c’est-à-dire le retrait de la situation et le choix de la névrose. Cette opposition – développée plus tardivement chez Adler (2001, 2006) – renvoie à un réinvestissement positif du désir de supériorité comme désir d’entreprendre soutenu par le sentiment social.

Ce qui s’annonce – et c’est notre troisième point – est donc la limite de toute conception du sentiment social comme nouvelle base pour une morale et une signification positive de Dieu. Il y a pour Sartre non une disjonction du Bien et du Mal, mais la nécessité d’une synthèse, qui n’est pas la découverte de Dieu par le sentiment social, mais au contraire le dévoilement du problème moral dans son impossibilité :

Ou la morale est une faribole ou c’est une totalité concrète qui réalise la synthèse du Bien et du Mal. [….] Reste que cette synthèse, dans la situation historique, n’est pas réalisable. Ainsi toute morale qui ne se donne pas comme strictement impossible aujourd’hui contribue à l’aliénation et à la mystification des hommes. (Sartre, 1952, p. 211-212, note)

On voit donc qu’on est au-delà du dualisme adlérien de ses dernières années et que l’opposition entre le côté utile et inutile de la vie (Adler, 2001, 2006) fait plutôt place à une dimension qu’on pourrait qualifier d’insociable sociabilité. L’analyse faite par Sartre de la vie et du parcours de Genet est vue comme la contestation du dualisme adlérien. Il faut également rappeler que Saint Genet est aussi pour Sartre un mouvement de contestation de sa propre pensée, notamment du projet d’une morale ontologique tel qu’il s’esquissait à la fin de L’Être et le néant. C’est également la reprise d’une critique de la littérature, tel qu’elle s’esquissait dans Qu’est-ce que la littérature ? Là ou Adler abandonne une perspective sociale pour une perspective certes intersubjective et humaniste, mais n’entrant plus dans les tensions socio-économiques, Sartre revendique une articulation de la psychanalyse et du marxisme, en contestant ou du moins en dialectisant l’un par l’autre, chacun se faisant à partir de ce qu’on a fait de lui. La manière dont il annonce son projet7 en 1953 comme « autobiographie, mais plutôt sociale et politique qu’individuelle, sur l’évolution des gens de ma génération » (Sartre, 2010, p. 1240) n’annule pas complètement toute portée à l’analyse ontologique du désir d’être Dieu comme désir d’autojustification, ni de l’engagement littéraire, mais le resitue aussi dans un contexte politique qui en modifie les formes. La renonciation à ce désir – qui pour Sartre est désir de salut et d’héroïsme par la littérature et l’engagement – est en fait un des sens de son athéisme et, en même temps, de ce qui reste de positif dans la seconde forme de ce désir, à savoir que, dans et par sa singularité, il devient « [t]out un homme, fait de tous les hommes, et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui » (ibid., p. 139). C’est aussi une manière de se désolidariser de tout désir de puissance8. On comprend donc pourquoi Sartre n’était pas injustifié de ne pas se retrouver dans l’œuvre d’Adler, mais pas tout à fait au sens où il le pensait : l’analyse ne s’achève pas dans la conformité du sentiment social retrouvé et développé, mais demeure interminable et prise dans une tension permanente entre existence authentique et retour de l’aliénation sociale (ou de l’esprit de sérieux).

Bibliographie

Adler Alfred, 1954, Le Sens de la vie. Étude de psychologie individuelle, Paris, Payot, collection « Bibliothèque scientifique ».

Adler Alfred,1955, Le Tempérament nerveuxÉléments d’une psychologie individuelle et applications à la psychothérapie, trad. de l’allemand par Dr. Roussel, éd. par P. Plottke, Paris, Payot, collection « Bibliothèque scientifique ».

Adler Alfred, 1956, La Compensation psychique de l'état d'infériorité des organes ; suivi de Le problème de l'homosexualité, trad. de l’allemand et préfacé par H. Schaffer, Paris, Payot, collection « Bibliothèque scientifique ».

Adler Alfred et Jahn Ernst, 1958, Religion et psychologie individuelle comparée suivi de La névrose obsessionnelle. Complément à l’étude de la névrose obsessionnelle et Les Enfants difficiles, trad. de l’allemand et préfacé par H. Schaffer, Paris, Payot, collection « Bibliothèque scientifique ».

Adler Alfred, 1961, Pratique et théorie de la psychologie individuelle comparée, trad. de l’allemand et préfacé par H. Schaffer, Paris, Payot, collection « Bibliothèque scientifique ».

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  • 1 De ce point de vue, Sartre, lorsqu’il critique Adler en disant qu’il refuse la notion d’inconscient (1943, p. 552), a une lecture trop freudienne de ce dernier, même s’il n’est pas faux que la notion d’inconscient n’est pas absente du Tempérament nerveux. Il ne nous est pas possible de commenter en détail la position sartrienne au regard du complexe d’infériorité adlérien. La confrontation la plus étendue des rapports entre Sartre et Adler se trouve chez C. Bouriau (2021). On s’y reportera avec profit même si certains aspects nous semblent pouvoir être discutés.
  • 2 On peut également rapprocher la notion adlérienne d’aperception tendancieuse et la notion sartrienne de situation comme mixte d’en-soi et de liberté avec cependant une distinction : la conception adlérienne est relative à la névrose, la conception sartrienne est valable pour toute liberté quel que soit le choix qu’elle opère, les différences entre homme sain et homme névrosé étant des choix d’un aspect de l’être qui reste un aspect de l’être.
  • 3 C. Bouriau (2021) insiste fortement sur cette détermination dans son étude des rapports entre Adler et les philosophes, notamment Nietzsche.
  • 4 On pourrait penser que Sartre vise plutôt Nietzsche par cette formule, ce qui est d’ailleurs le cas dans d’autres occurrences (12 dans l’ensemble de l’œuvre). Cependant, ce qui nous fait pencher pour Adler est la proximité de ces occurrences avec la libido. Or, l’association entre Freud et Adler est récurrente chez Sartre.
  • 5 On peut même prolonger l’analyse – on s’en tiendra ici à quelques indications – en pointant la manière dont, à plusieurs reprises, dans Les Mots, la dimension scolaire, son refus par le retrait par Charles Schweitzer du petit Sartre de l’école (2010, p. 41), puis son acceptation, apparaissent à peu près, à l’instar de ce qu’en pense Adler, comme une instance de socialisation, comme une sortie – du moins temporaire – de la fiction névrotique : « je perdis mon traitement de faveur mais je m’étais habitué à la démocratie » (ibid., p. 119-120) écrit Sartre à propos de son entrée et de ses premières armes à 10 ans au petit lycée Henri IV.
  • 6 Comme l’a montré Vincent de Coorebyter (2005).
  • 7 Voir les extraits d’entretiens recueillis dans Sartre, 2010, p. 1240-1267.
  • 8 Sartre semble implicitement se moquer d’Adler lorsqu’il évoque un sixième étage parisien avec vue sur les toits ainisi que son goût des pigeonniers et qu’il refuse cependant l’explication par la compensation de sa petite taille, mais plutôt un fantasme de liberté absolu dans l’éther du simulacre des choses (ibid., p. 32).
  • Bibliographie

    Adler Alfred, 1954, Le Sens de la vie. Étude de psychologie individuelle, Paris, Payot, collection « Bibliothèque scientifique ».
    Adler Alfred,1955, Le Tempérament nerveuxÉléments d’une psychologie individuelle et applications à la psychothérapie, trad. de l’allemand par Dr. Roussel, éd. par P. Plottke, Paris, Payot, collection « Bibliothèque scientifique ».
    Adler Alfred, 1956, La Compensation psychique de l'état d'infériorité des organes ; suivi de Le problème de l'homosexualité, trad. de l’allemand et préfacé par H. Schaffer, Paris, Payot, collection « Bibliothèque scientifique ».
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