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Couverture de Philosophie et religion. Nouvelles approches Show/hide cover

La religion, opium du peuple ?

Ludwig Feuerbach a introduit avec succès une conception alternative du phénomène religieux, en interprétant les croyances dans l’au-delà, l’éternité, la toute-puissance divine, etc., comme autant d’images inversées de la condition humaine. Karl Marx se propose d’infléchir cette conception en insistant, à la suite de Moses Hess, sur les déterminations socio-économiques de cette inversion. Mais cette interprétation économique et sociale de la généalogie feuerbachienne laisse intacte la question métaphysique du théisme, comme Marx le reconnaît avec une loyauté confondante. La question de la création est ainsi décrétée « pratiquement impossible », ce qui ne veut pas dire résolue. En pistant le slogan « elle [la religion] est l’opium du peuple », on propose de réfléchir sur quelques tenants et aboutissants de l’ajournement de la question métaphysique d’un être supra-humain.

De l’usage des slogans en philosophie

« Elle [la religion] est l’opium du peuple. » Peu de slogans philosophiques ont connu un tel succès. À quoi tient leur efficacité redoutable ? Bien entendu à leur concision, mais pas seulement. Car à ce compte, « je pense donc je suis » (Descartes), « être c’est être perçu » (Berkeley), « le monde est ma représentation » (Schopenhauer) ne sont pas moins concis. Cependant, ils sont plus facilement source de perplexité. Ils présupposent en effet une intuition particulière (Descartes) ou un argument complexe (Berkeley). Il en va de même pour « le monde est ma représentation » dont la justification (l’internalisme radical de la connaissance) est de celles qui demandent une réflexion approfondie, de l’aveu même de Schopenhauer. L’efficacité de « la religion est l’opium du peuple » tient moins à la thèse énoncée qu’au déplacement qu’il produit. Avec la métaphore de l’opium, il ne s’agit plus de l’essence de la religion, mais de son usage. On se place alors dans la perspective généalogique d’une histoire naturelle de la religion. On délaisse la discussion sur les raisons (de croire ou de ne pas croire, de confesser ou non telle religion) au profit d’une enquête sur les causes et les effets de la consommation de denrées religieuses chez les usagers. La formule vient donc court-circuiter une longue tradition de discussions métaphysiques et lui substitue une hypothèse presque immédiatement vérifiable : telle personne pieuse au destin peu enviable se berce d’une récompense dans le monde à venir, tel comportement fataliste se nourrit de la croyance dans la providence, telle résignation à la souffrance se réfugie dans l’asile de la volonté de Dieu, telle manifestation religieuse semble relever de l’hallucination, etc.

Dans une récente mise au point, précise et abondante, Joachim Eberhardt (2019) a exploré avec fruit le contexte littéraire, philosophique et culturel de ce slogan. Nous commencerons par tirer parti de cette recherche de sources, avant de procéder à la contextualisation du célèbre slogan. On revisitera à cette occasion une page méconnue mais fort explicite de Marx, qui montre que le primat accordé à la généalogie des idées religieuses et à leur usage ajourne, mais n’ignore pas, la question métaphysique du fondement du théisme.

Aux sources de la métaphore

La métaphore de la religion comme opium se trouve déjà dans La Nouvelle Héloïse (6e partie, lettre 8). Julie répond à Saint-Preux qui lui reproche sa dévotion excessive. Dénonçant « l’abus d’une dévotion mal entendue », elle emprunte à Wolmar (son mari) la comparaison et les considérations posologiques :

La dévotion, prétend-il, est un opium pour l’âme ; elle égaye, anime et soutient quand on en prend peu ; une trop forte dose endort, ou rend furieux, ou tue. J’espère ne pas aller jusque-là. (Rousseau, 2012, p. 1137)

Plusieurs auteurs insistent dans ce sens sur l’ambivalence de l’opium, qui combine vertu sédative et effet hallucinogène (Pedersen, 2015, p. 359). Dans une note désormais célèbre de La Religion dans les limites de la simple raison, Kant déplore que l’on fasse venir un ecclésiastique au chevet du mourant, pour consoler ses souffrances morales ou anesthésier les reproches de sa conscience. C’est, selon Kant, une faute (Verschuldigung) à l’encontre du moribond comme des survivants, que de « donner pour ainsi dire de l’opium à la conscience (gleichsam Opium fürs Gewissen zu geben). Le seul secours nécessaire en fin de vie sera d’exciter et d’aiguiser (aufregen, schärfen) la conscience (Ak 6, 78). C’est pourquoi Kant préfère parler d’assistance à la conscience (Gewissensbeistand) plutôt que de secours spirituel ou religieux. Imaginons Kant dans une unité de soins palliatifs...

Reinhart Seeger, de son côté, a montré comment la guerre de l’opium (en 1839, la Chine tente de mettre fin au narcotrafic britannique qui détient alors le monopole de la vente de l’opium) a contribué à faire de cette substance un symbole d’oppression (Seeger, 1935, p. 38). Il est clair que la guerre de l’opium aura suggéré aux Européens deux idées : celle d’une consommation de masse et celle d’une instrumentalisation de la consommation. Les allusions répétées de Marx à la guerre de l’opium accréditent cette influence. Si on y ajoute l’idée de remède analgésique hallucinogène, l’analogie avec le phénomène religieux s’impose : c’est un phénomène de masse, ouvert aux visions consolatrices et susceptible d’instrumentalisation. Bien entendu, la métaphore n’est guère flatteuse. Elle peut même témoigner d’un complet mépris, comme c’est le cas chez Hegel qui, dans les Leçonssur la philosophie de l’histoire, amalgame généreusement l’hindouisme à une production hallucinatoire, à une fuite hors du monde qu’il compare au délire des opiomanes (Hegel, 1970, p. 208) (Pedersen, 2015, 360). Mais ce n’est pas parce que Marx critique la philosophie du droit politique de Hegel qu’il faut à tout prix lire cette métaphore comme un écho des considérations de Hegel sur la religion hindoue.

L’antécédent le plus convaincant, c’est la formule de Heinrich Heine, qui dans un texte consacré à Ludwig Börne, chef de file de la Jeune-Allemagne, ironise en 1840 sur « le ciel inventé pour les humains auxquels la Terre n’a rien plus rien à offrir ». « Gloire à cette invention ! Gloire à la religion qui a versé, dans la coupe amère de l’humanité souffrante, quelques gouttes douces et soporifiques, cet opium spirituel, ces quelques gouttes d’amour, d’espérance et de foi1 ». Marx rencontre Heine à Paris en 1843 ; il a lu ce texte et a même envisagé d’en faire une recension (Pedersen, 2015, p. 377). C’est donc ce texte qu’il a en tête, davantage que les Vorlesungen de Hegel.

De Ludwig Börne à Moses Hess

Une lecture plus suivie de l’hommage mitigé de Heine à Börne révèle que, dès le livre 1, l’opium soporifique producteur de phantasmes (einschläferndes phantastisches Opium) est mentionné au milieu d’autres poisons (l’arsenic, l’acqua tofana). Heine évoque alors l’enthousiasme des collégiens découvrant les guerres médiques et puniques, rêvant d’être Mithridate ou Hannibal défiant Rome, et donc devant se mithridatiser (Heine, 1978, p. 24). Il ne faut donc pas surdéterminer la métaphore comme ayant nécessairement un contenu religieux. Joseph Kruse a longuement exploré l’usage privé et la métaphore religieuse de l’opium chez Heine (Kruse, 2008, p. 181- 190). Marx ne sera pas le seul à reprendre la métaphore. En 1841, Bruno Bauer attribue au pouvoir théologique d’un État chrétien une influence comparable à l’opium provoquant le sommeil de la plupart et le délire de quelques-uns (1841, p. 9). Un an plus tard, Bauer réinvestit la métaphore opiacée qui cette fois suggère l’addiction du christianisme à une destruction de l’ici-bas (1842, p. 212-213).

L’année suivante, dans Die Eine und ganze Freiheit (qu’on peut traduire par « La liberté une et indivisible »), Moses Hess précise que la religion endort, comme l’opium, la souffrance de l’opprimé social, et détruit sa conscience du mal enduré (Pedersen, 2015, p. 369). Il vaut la peine d’explorer ce texte, qui plus que Heine ou Bauer, développe le parallèle entre misère matérielle et servitude spirituelle.

Le peuple, écrit Hess, qui doit travailler « à la sueur de son front » comme l’enseigne la Bible, pour mener sa misérable existence […] ce peuple a besoin de la religion […] elle est pour son cœur démoli (gebrochen) un besoin aussi indispensable que l’eau de vie pour son estomac languissant (wie der Branntwein seinem schmachtenden Magen) […] Tant que le peuple languira dans l’esclavage matériel et la misère, il ne pourra être spirituellement libre ; son malheur aura beau produire en dernière instance cette négation religieuse de soi (die religiöse Selbstverleugnung), il ne produira pas la conscience philosophique de soi (aber nicht das philosophische Selbstbewußtsein). Il est impossible à un peuple qui ne pense pas de façon autonome (selbstständig) d’agir de façon autonome. La religion aura beau rendre supportable la conscience malheureuse de la servitude (Knechtschaft), en l’amenant jusqu’à la contrition (Zerknirschtheit), qui fait cesser toute réaction contre le mal et par conséquent toute souffrance – tout comme l’opium qui procure ses bons offices dans la souffrance de la maladie (wie das Opium in schmerzlichen Krankheiten gute Dienste leistet), la croyance à la réalité de l’irréel (Wirklichkeit der Unwirklichkeit) et à l’irréalité du réel aura beau procurer à ceux qui souffrent une passive béatitude sentimentale (Gefühlsseligkeit), une inconscience animale, elle ne leur donnera pas l’énergie active, la force d’action virile (sic ! männliche Thatkraft) de réagir de façon consciente et autonome (bewußt und selbstständig) contre le malheur et de se libérer du mal. (Hess, 1843, p. 93-94)

Plus loin, Hess range l’opium avec la religion et l’eau de vie parmi les moyens de s’étourdir (betäubenden Mitteln) pour échapper à la conscience de sa misère (Hess 1843, p. 95). La métaphore se précise puisqu’elle entérine le diagnostic d’une passivité fondamentale de la réaction religieuse, et que l’opium est ainsi opposé à l’autonomie, la Selbstständigkeit qui, on le verra, est la revendication marxiste qui permet de substituer, à la métaphysique de la dépendance ontologique, les considérations pratiques d’une philosophie sociale. Hess refuse de distinguer liberté spirituelle et liberté sociale. C’est d’ailleurs le fin mot de son exhortation : « nous nous proposons […] de mettre au jour le rapport intime de la liberté spirituelle et sociale. (den innigen Zusammenhang der geistigen und socialen Freiheit aufdecken) » (Hess, 1843, p. 97).

Le contexte chez Marx

Sortie de son contexte, la déclaration de Marx perd évidemment beaucoup de sa portée. La formule laisse d’ailleurs planer une ambiguïté, puisqu’on peut la comprendre de deux façons :

  1. La religion est une drogue recherchée par le peuple pour sublimer ses souffrances.

  2. La religion est une drogue administrée au peuple pour qu’il souffre en silence.

On retient généralement la première version (celle de l’usager) alors que Marx développe clairement la deuxième version, celle d’une instrumentalisation de la religion par l’État, ce qu’il appelle ailleurs « l’industrie politique ». Mais Marx va explorer une troisième voie :

  1. La religion est le produit d’une conscience sociale inversée et du travail aliéné.

Avant de préciser la portée exacte du slogan, je propose trois brèves remarques contextuelles.

Cette introduction, rédigée aprèsla Critique du droit politique hégélien, affirme d’emblée que la critique de la religion (du moins en ce qui concerne l’Allemagne) est achevée (beendigt). Le slogan « opium du peuple » a donc la valeur d’un diagnostic confirmé, non d’une critique exploratoire.

Marx fait fond sur la critique feuerbachienne : « la quête humaine d’une surhumanité dans la réalité phantasmée du Ciel » (Der Mensch, der in der phantastischen Wirklichkeit des Himmels, wo er einen Uebermenschen suchte) est démasquée et réduite à un « simple reflet de soi » (nur den Wiederschein seiner selbst). C’est donc sans surprise que le diagnostic feuerbachien (la théologie comme anthropologie inversée) trouve un écho dans une formule journalistique de Marx : « DerMensch macht die Religion, die Religion macht nicht den Menschen » (Marx, 1844, p. 71).

Cependant, là où l’humanisme feuerbachien n’a été qu’une interprétation du monde idéologique, Marx prône une transformation. Marx ne se contente pas d’une démystification des contenus théologiques, il met à jour leur mode de production. L’image inversée de l’homme (diagnostic théorique feuerbachien) est le résultat d’un monde social et politique à l’envers (diagnostic pratique de Marx) : « Dieser Staat, diese Societät produziren die Religion, ein verkehrtes Weltbewusstsein, weil sie eine verkehrte Welt sind ». Feuerbach n’a fait que « démasquer la figure sacrée de l’auto-aliénation humaine » (die Heiligengestalt der menschlichen Selbst­entfremdung entlarvt), il est temps de « démasquer cette autoaliénation dans ses formes profanes » (die Selbstentfremdung in ihren unheiligen Gestalten zu entlarven). « La critique du ciel se métamorphose ainsi en critique de la terre » et la critique de la religion et de la théologie deviennent celle du droit et de la politique. Il est temps de restituer le fameux slogan dans sa véritable portée.

Le slogan dans son jus

« Elle est l’opium du peuple » (Sie ist das Opium des Volkes) (Marx, 1844, p. 72) est le fin mot d’une énumération lyrique. La métaphore hallucinogène récapitule une série d’équivalences, de déterminations démasquant la religion, qu’il vaut la peine d’examiner de plus près. La critique de la religion (achevée) est présentée comme un préalable (Voraussetzung), puisque la réfutation du discours religieux aura servi de précédent à l’émancipation humaine. Grâce à elle, tout risque d’une répétition de l’erreur au plan profane est écartée. L’homme a été abusé une fois par sa quête du surhumain dans la réalité fantastique du Ciel (« in der phantastischen Wirklichkeit des Himmels, wo er einen Uebermenschen suchte ») : on ne l’y reprendra pas ! L’être humain serait donc désormais vacciné contre toute quête de son propre reflet (Wiederschein seiner selbst) qui n’aboutirait qu’à un semblant de soi-même (Schein seiner selbst), à savoir un non-humain (Unmenschen) : il lui faut la « réalité vraie » (wahre Wirklichkeit, véritable effectivité).

Marx récapitule alors la critique de la religion qu’il intitule « critique irréligieuse », qui repose sur un diagnostic d’inversion de la cause productrice et du produit : l’humain fait la religion, la religion ne fait pas l’humain. On peut noter que « Der Mensch macht die Religion » (souligné par Marx) signifie : la religion est une production de l’homme, alors que « die Religion macht nicht den Menschen » s’entend également : ce n’est pas la religion qui rend l’homme humain, qui construit son humanité, elle en a fait au contraire un Unmensch en lui procurant le reflet fantastique d’un Übermensch. Vient alors une définition très intéressante : « la religion est la conscience de soi et le sentiment de soi de l’être humain, qui ou bien n’est pas encore entré en possession de lui-même, ou bien s’est déjà reperdu » (Marx, 1844, p. 71).

Jusqu’ici, nous sommes dans Feuerbach. Marx fait un pas de plus. Le vocabulaire change : aux abstractions feuerbachiennes sur l’humain qui projettent son reflet inversé dans l’essence divine fantasmée, Marx entend substituer « le monde de l’homme, l’État et la Société » qui produisent (produziren et non plus seulement machen) la religion. L’explication du monde religieux comme « conscience inversée du monde » (verkehrtes Weltbewusstsein) (l’interprétation feuerbachienne) est désormais indexée sur l’activité productive de l’État et de la Société, décrits comme étant eux-mêmes « un monde à l’envers » (eine verkehrte Welt). Dans ce monde à l’envers, « l’essence humaine n’a aucune réalité véritable ».

Marx va court-circuiter l’interprétation feuerbachienne de la théologie comme anthropologie inversée. D’une certaine manière, la religion n’est pas une machine à inverser le fini en infini, le mortel en immortel, l’impuissant en toute-puissance, etc. La religion ne fait que réaliser cette inversion déjà produite, elle ne fait qu’exprimer l’essence humaine niée dans les rapports de production. Ce que développera Marx dans les travaux préparatoires au Capital. Mais dès la Critique du droit politique hégélien, c’est-à-dire quelques mois avant le texte introductif rédigé postérieurement, Marx discute les oppositions du droit politique et les médiations mises en place par Hegel. Dans les dernières pages de l’introduction, la « perte totale de l’homme » est imputée au mouvement industriel d’expropriation du prolétariat (Marx, 1844, p. 83), et la libération pratique de l’Allemagne est assimilée au programme théorique de la philosophie : « faire de l’humain l’être suprême de l’humain » (den Menschen für das höchste Wesen des Menschen [zu erklären]). L’annonce du jour de la résurrection allemande au son de la fanfare (Schmettern) du coq gaulois est le fin mot de cette Introduction (ibid., p. 85). Elle est formulée comme Aufhebung du prolétariat par la réalisation (Verwirklichung) de la philosophie. La négation de l’humain par l’expropriation du prolétariat (ibid., p. 84-85) donne donc un contenu économique et politique à l’avertissement du début de cette introduction, déclarant que l’État et la société ont produit un monde à l’envers, dans lequel « l’essence humaine n’a aucune réalité véritable ». Autrement dit, la « critique irréligieuse » révèle l’expropriation de l’essence humaine. C’est dans cette perspective que Marx entonne la longue litanie qui se conclut par le slogan « Opium du peuple ». L’écart avec Feuerbach est net : la religion n’est pas la théorie inversée du monde, mais la théorie assez fidèle du monde inversé par la perversion des rapports de production. C’est comme producteur de son existence sociale que l’humain est appelé à prendre la place de l’être suprême (et non comme créateur du ciel et de la terre !).

Alors que Feuerbach voyait dans la religion une fuite hors de ce monde, Marx y voit donc au contraire le reflet de ce monde, l’expression de la négation sociale de l’essence humaine. La litanie reprend donc : « Elle [la religion] est la réalisation fantastique de l’essence humaine, parce que l’essence humaine ne possède pas de véritable réalité » (Sie ist die phantastische Verwirklichung des menschlichen Wesens, weil das menschliche Wesen keine wahre Wirklichkeit besitzt). Marx en tire un corollaire qui rompt la litanie : « Le combat contre la religion est donc, indirectement (mittelbar) le combat contre ce monde (jene Welt) », et revient au style litanique « […] dont la religion est l’arôme spirituel ». Cette métaphore aromatique souligne que la religion exprime plutôt qu’elle ne transforme ou n’idéalise la société humaine.

La litanie se déplace alors et se centre un moment sur la « détresse religieuse », décrite « pour une part comme expression d’une détresse effective et pour une part comme protestation contre cette détresse effective » (in einem der Ausdruck des wirklichen Elendes und in einem die Protestation gegen das wirkliche Elend) » (ibid., p. 71). Marx ne voit plus dans la religion une évasion feuerbachienne qui inverse le fini en infini, la souffrance en béatitude, la mort en éternité. La religion n’est pas un pur et simple déni de réalité sociale. Elle est connectée avec l’état social de souffrance effectif et non fantastique : ce qui est fantastique c’est l’inversion des rapports entre forces productives et propriétaires de la production : « la religion est le soupir de la créature opprimée, la saveur (das Gemüth) d’un monde sans cœur, tout comme elle est l’esprit d’une condition sans esprit (der Geist geistloser Zustände) » (ibid., p. 71-72). D’un mot : « Elle est l’opium du peuple ».

Elle est donc réellement un moyen de produire un bonheur illusoire (et pas une simple illusion théorique comme le pense Feuerbach). « Ainsi, la critique de la religion est en germe la critique de la vallée de larmes, dont la religion est l’auréole (Heiligenschein) ». Cette auréole rappelle évidemment le Schein, le semblant de l’humain, identifié à la négation (sociale) de l’humain.

Ce n’est pas seulement la dialectique hégélienne que Marx remet la tête à l’endroit, c’est aussi la critique feuerbachienne qu’il remet sur terre. « La tâche de la philosophie est, selon Marx, une fois démasquée la forme sacrée de l’auto-aliénation humaine, de démasquer l’auto-aliénation dans ses formes non sacrées [unheilig peut tout aussi bien signifier : qui ne respecte rien] ». La vérité de l’au-delà ne doit disparaître que pour révéler la vérité de l’ici-bas. C’est ainsi que « [l]a critique du ciel se transforme en critique de la terre, la critique de la religion en critique du droit, la critique de la théologie en critique de la politique » (Marx, 1844, p. 72). Plus loin, Marx reprendra son évaluation de la critique de la religion dont le fin mot est la doctrine selon laquelle « l’humain pour l’humain est l’être suprême » (derMensch das höchste Wesen für den Menschensei). Marx en tire un « impératif catégorique » révolutionnaire, l’appel à « renverser tous les rapports dans lesquels l’être humain est abaissé, asservi, abandonné, méprisé » (ibid., p. 79). Le contraste entre « das höchste Wesen » et « ein erniedrigtes, ein geknechtetes, ein verlassenes, ein verächtliches Wesen » est net. L’appropriation ou la reconquête de l’essence humaine sont désormais le programme de Marx, parce que la religion comme « forme sacrée de l’auto-aliénation humaine » a été produite en fin de compte par des forces économiques et sociales d’abaissement, d’asservissement, d’abandon et de mépris.

Athéisme théorique vs socialisme pratique

Les foisonnants manuscrits économico-philosophiques de Marx, exactement contemporains de la publication de cette Introduction à la contribution à la critique de la philosophie hégélienne du droit, comportent un important développement sur le travail aliéné (die entfremdete Arbeit) (premier manuscrit). Dans le second manuscrit, Marx se donne pour tâche de concevoir « le rapport essentiel entre [d’une part] la propriété privée, l’avidité (Habsucht), la séparation du travail, du capital et de la propriété foncière, la séparation de l’échange et de la concurrence, de la valeur et de la dévalorisation de l’humain, du monopole et de la concurrence, etc. [bref] de toute cette aliénation (von dieser ganzen Entfremdung), avec [d’autre part], le système de l’argent » (Marx, 1982, p. 511).

La réalisation du travail est la déréalisation du travailleur, via la transformation de la marchandise en capital. Le travail est extérieur au travailleur : il n’est plus la satisfaction d’un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins extérieurs au travail. Une comparaison fuse : « Il en va de même avec la religion. Plus l’être humain mise sur Dieu (in Gott setzt), moins il retient en lui-même (behält er in sich selbst) » (ibid., p. 512). Le travail humain est rendu étranger à lui-même, il est expulsé de lui-même (Entfremdung, Entaüsserung) c’est ce qui résulte du mouvement de la propriété privée selon Marx. Toutefois, en un renversement feuerbachien, Marx va affirmer que « la propriété privée est davantage une conséquence du travail aliéné, tout comme les dieux ne sont pas, originairement, la cause mais l’effet de l’aberration intellectuelle des hommes. C’est postérieurement que le rapport se met à marcher dans l’autre sens : « wie auch die Götter ursprünglich nicht die Ursache, sondern die Wirkung der menschlichen Verstandesverirrung sind. Später schlägt dies Verhältnis in Wechselwirkung um » (Marx, 1982, p. 520).

Une page du troisième manuscrit économico-politique de 1844 va nous permettre d’évaluer la réinterprétation marxienne de la généalogie feuerbachienne de la religion. Au terme d’un développement consacré à la propriété privée et au communisme (et à ses contrefaçons), Marx définit l’indépendance de l’être humain comme processus dynamique et réflexif : « un être ne s’estime indépendant que du jour où il tient sur ses propres jambes, et il ne tient sur ses propres jambes que du jour où il est à lui-même redevable de son Existence (Ein Wesen gilt sich erst als selbständiges, sobald es auf eignen Füßen steht, und es steht erst auf eignen Füßen, sobald es sein Dasein sich selbst verdankt) » (ibid., p. 544). Par contraste, Marx fait le constat d’une dépendance complète de notre vie née et entretenue par autrui, et dont le fondement (Grund) lui est nécessairement extérieur (« mein Leben hat nothwendig einen solchen Grund ausser sich, wenn es nicht meine eigne Schöpfung ist ») (ibid., p. 545) Les conditions de la vie pratique ont pour conséquence que « la création est une représentation très difficile à chasser de la conscience populaire » (ibid.). « La vie pratique rend inconcevable (unbegreiflich) l’existence par soi (das Durchsichselbstsein) de la nature et de l’être humain, parce que cela contredit toutes les voies de fait (Handgreiflichkeiten) de la vie pratique ». En jouant sur l’opposition entre unbegeriflich et handgreiflich (handgreiflich werden signifie littéralement « en venir aux mains »), Marx entend désormais indexer la métaphysique sur les rapports de force de la vie pratique (et non « sur les évidences de la vie pratique », comme le traduit un peu faiblement Maximilien Rubel ; c’est pourquoi nous proposons notre propre traduction).

Marx fait alors intervenir la géognosie, qui étudie « la formation terrestre, le devenir de la terre comme processus, comme auto-production » (die Erdbildung, das Werden der Erde, als einen Prozeß, als Selbsterzeugung). Il semble que Marx suive ici l’enseignement de Feuerbach : « je ne peux jamais déduire le monde que de lui-même. Le monde a son fondement en lui-même » (Feuerbach, 1960, p. 103). Mais ce point de vue épistémologique qui repose sur un principe de clôture explicative du monde n’est pas celui de Marx. Pourtant, la formation de la Terre comparée à une generatio aequivoca (génération spontanée) va être qualifiée de « seule réfutation pratique de la théorie de la création » (einzige praktische Widerlegung der Schöpfungstheorie). Pourquoi pratique ? On l’a suggéré plus haut : pour Marx, la thèse de la création exprimait avant tout la dépendance ontologique et économique de l’être humain. La religion, loin d’être l’inversion de l’anthropologie, était le reflet fidèle d’une anthropologie inversée.

Objections et réponses

Mais Marx ne s’arrête pas là. Il reprend à son compte le motto aristotélicien (l’homme engendre l’homme) en suggérant de ne pas s’arrêter au seul progrès infini (la série des générations antécédentes) ; il faut également considérer le mouvement circulaire selon lequel « l’humain dans la génération se répète lui-même, et reste donc toujours sujet ». Marx se fait alors une objection :

Mais tu vas me répondre : pour que je t’accorde ce mouvement circulaire, il faut que tu m’accordes cette régression, qui recule toujours mon interrogation, jusqu’à ce que je demande qui a engendré le premier humain et la nature en général. (Allein du wirst antworten: Diese Kreisbewegung dir zugestanden, so gestehe du mir den Progreß zu, der mich immer weitertreibt, bis ich frage, wer hat den ersten Menschen und die Natur überhaupt gezeugt ?)

Une première réponse à l’objection consiste à dénoncer la question de l’origine première comme un pur produit de l’abstraction. Le point de vue de cette question est jugé mauvais, à l’envers (verkehrt). Nous retrouvons la conception feuerbachienne de la création comme inversion de l’ordre naturel des choses : « Par cette conception Dieu est le premier ; l’homme le second. Elle inverse donc l’ordre naturel des choses » (Gott ist ihr das Erste ; der Mensch das zweite. So kehrt sie die natürliche Ordnung der Dinge um!) (Feuerbach, 1960, p. 141).

La régression des causes, suggère Marx, n’a pas d’existence pour un être raisonnable. Car « si tu t’interroges sur la création de la nature et de l’homme, tu fais abstraction de l’homme et de la nature. Tu les poses comme non-existants et cependant tu réclames que je te donne une démonstration de leur existence » (Du setzest sie als nichtseiend und willst doch, daß sie ich als seiend dir beweise). D’après Marx, la question de la création implique donc « l’aveu de l’irréalité de la nature et de l’homme ». C’est encore un écho à L’Essence du christianisme : « la création du monde à partir de rien ne signifie rien de plus que le néant (Nichtigkeit) du monde » (ibid., p. 121). La notion de création exprime selon Feuerbach une vision égoïste, pratique, pour laquelle « la Nature en elle-même et pour elle-même est néant parce qu’elle serait faite, créée, produite par un commandement » (die Natur an und für sich selbst Nichts ist [...] die Natur oder Welt ist gemacht, geschaffen, ein Produkt des Befehls) (ibid., p. 135). Et Marx d’inviter l’objecteur à renoncer à son abstraction, sauf à déclarer également l’homme et la nature inexistants (Marx, 1982, p. 545).

Or Marx ne va pas se contenter de cette critique de la création comme abstraction néantisante : il n’est pas dupe de cette répartie feurbachienne. Renonçant aux acrobaties de l’hégélianisme de gauche, il remet en selle l’objecteur : « Tu peux me rétorquer : je ne veux nullement poser le Néant de la nature, etc. ; je t’interroge sur son acte de naissance (Entstehungsakt), tout comme j’interroge l’anatomiste sur les formations osseuses » (ibid., p. 546). Marx amorce alors un tournant décisif. Son argument ne sera plus l’argument feuerbachien de l’inversion spéculative de l’anthropologie en une théologie. Marx assume le point de vue socialiste « pratique », entendu comme celui dans lequel « toute la prétendue histoire mondiale n’est rien d’autre que la production de l’être humain par le travail humain, que le devenir de la nature pour l’être humain » (die ganze sogenannte Weltgeschichte nichts anders ist als die Erzeugung des Menschen durch die menschliche Arbeit, als das Werden der Natur für den Menschen) et c’est ce qui aux yeux de Marx donne « la preuve tangible et irréfragable de sa naissance par lui-même, de son processus de naissance » (den anschaulichen, unwiderstehlichen Beweis von seiner Geburt durch sich selbst, von seinem Entstehungsprozeß). Désormais, les réfutations théoriques sont inutiles : le point de vue socialiste ne connaît que l’être humain et la nature, et « la question d’un être étranger, un être au-dessus de la nature et de l’être humain – question qui implique de poser la nature et l’être humain comme inessentiels – cette question est devenue pratiquement impossible » (die Frage nach einem fremden Wesen, nach einem Wesen über der Natur und dem Menschen – eine Frage, welche das Geständnis von der Unwesentlichkeit der Natur und des Menschen einschließt – [ist] praktisch unmöglich geworden). Marx va donc reprocher à l’athéisme feuerbachien de ne poser l’existence de l’homme que comme négation de Dieu (l’anthropologie comme théologie renversée) (« der Atheismus ist die Negation des Gottes und setzt durch diese Negation das Dasein des Menschen »). Le socialisme se passe d’une telle médiation : c’est « une conscience de soi positive de l’être humain, qui n’est plus médiatisée par le dépassement de la religion » (Er ist positives, nicht mehr durch die Aufhebung der Religion vermitteltes Selbstbewußtsein des Menschen.) L’abolition de la religion par l’athéisme, l’abolition de la propriété privée par le communisme ne sont que des médiations. Ce que propose Marx, c’est de reconquérir pratiquement la nature de l’être humain comme auto-production, et non de procéder par renversement spéculatif de la religion.

Conclusion

En réinterprétant économiquement et socialement la généalogie feuerbachienne de la religion, Marx assume délibérément l’ajournement de la question métaphysique dont il n’ignore pas la pertinence. Là où Feuerbach voit dans la théologie une anthropologie inversée, Marx discerne au contraire le reflet fidèle des rapports sociaux d’aliénation et d’expropriation de l’individu. Marx a inventé la catégorie d’athéisme pratique, car il a vu que l’explication génétique de la religion par Feuerbach ne suffisait pas à écarter l’hypothèse théiste. Marx substitue au naturalisme théorique de Feuerbach un naturalisme social. Il estime pouvoir couper court au débat métaphysique sur le théisme. Telle question dont il reconnaît qu’elle se pose (qu’est-ce qui fait qu’il y a une nature et des êtres humains ?) perd toute priorité. Sur la question religieuse, Marx a délibérément relégué la question prioritaire de la métaphysique théiste au nom d’un économisme intégral.

Bibliographie

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Seeger Reinhart, 1935, « Herkunft und Bedeutung des Schlagwortes: “Die Religion ist Opium für das Volk” », Theologische Arbeiten zur Bibel-, Kirchen- und Geistesgeschichte, vol. 3, Halle Akademischer Verlag.

  • 1 « Heil dieser Erfindung! Heil einer Religion, die dem leidenden Menschengeschlecht in den bittern Kelch einige süße, einschläfernde Tropfen goß, geistiges Opium, einige Tropfen Liebe, Hoffnung und Glauben! » (Heine, 1978, p. 102-103).
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